Germain Amplecas
(Guillaume Appolinaire)

L’ŒUVRE LIBERTINE DES POÈTES DU XIXe SIÈCLE

1910

INTRODUCTION

Cette anthologie satyrique et gaillarde avait été réunie par M. Germain Amplecas, qui mourut inopinément au moment où il se disposait à la publier. Il s’était entendu avec son éditeur et avait choisi lui-même, pour cet ouvrage, le titre de Verger satyrique.

La mort de l’érudit M. Germain Amplecas laisse bien des regrets. On se souviendra longtemps de la dignité de sa vie. Personne n’eût osé penser que les rares instants qu’il dérobait à ses études historiques, il les consacrait à réunir des contes en vers, des épigrammes, des poèmes lyriques, des chansons qui, placés sous l’invocation d’Aphrodite et de son fils, vont avoir désormais pour patronne, grâce au savant M. Germain Amplecas, l’austère et chaste Pallas Athéné.

En effet, qu’on ne s’y trompe point, la matière de ce livre n’est point frivole. Tout ce qui touche à la sexualité a une importance de premier ordre. On sait avec quel soin les philologues de tous les pays recueillent les moindres contes obscènes, les vers orduriers les plus insignifiants que la muse, pariétaire se plaît à chanter, les dictons et les proverbes libres qui expriment le bon sens populaire.

Dans le Verger satyrique, l’attrait se trouve rehaussé par la perfection des pièces citées, qui sont dues le plus souvent à des poètes célèbres.

D’autre part, on est heureux, au moment où l’hypocrisie protestante paraît faire des progrès inquiétants, de constater qu’en France, au XIXe siècle et même au XXe siècle, des poètes, et non des moindres, ont pensé et pensent que l’on peut nommer les choses naturelles par leur nom, qu’il n’y a pas deux libertés, pas plus qu’il n’y a deux arts.

On est heureux de constater aussi que cette façon de voir, qui fut celle de Rabelais, de La Fontaine et de Voltaire, a été partagée par Béranger, Théophile Gautier, Baudelaire et Verlaine, sans citer les autres.

*

Quelques pseudonymes que l’on rencontrera au cours de cet ouvrage demandent des explications.

El licenciado Herlanez. — Peu de personnes hésitent encore à attribuer les vers de Femmes et de Hombres à Verlaine même. Et si l’on veut bien les lui attribuer, on avouera que le recueil intitulé Hombres contient des pièces qui doivent compter parmi les plus belles qu’ait composées l’auteur de Sagesse.

Le sire de Chambley. — L’auteur qui se cachait sous ce pseudonyme s’est plu lui-même à dévoiler son nom véritable. Les exemplaires de la première édition de la Légende des sexes portent tous une signature manuscrite qui ne laisse aucun doute sur la personnalité d’un poète dont l’Académie française fera bientôt, ce semble, un immortel, flagellant ainsi les hypocrites qui brûleraient volontiers Voltaire si, vivant aujourd’hui, il osait écrire La Pucelle.

Le sire de la Glotte. — On s’accorde généralement pour reconnaître que ce pseudonyme cache le nom d’Albert Glatigny, ce poète malheureux qui, dans l’ex-dono d’un exemplaire des Vignes folles donné aux frères Lyonnet, et que j’ai sur ma table, se qualifiait lui-même de « comédien méconnu ».

Le vidame Bonaventure de la Braguette. — On pense que c’était là un autre pseudonyme de Glatigny. On ne doit pas le confondre avec :

Monsieur de la Braguette. — D’après le Livre, ce pseudonyme appartient à Théodore Hannon, l’auteur baudelairien des Rimes de joie.

Les Sonnets du Docteur. — Ce recueil célèbre, illustré par Rops, fut composé, d’après le catalogue imprimé de la Bibliothèque nationale, par le docteur Georges Camuset.

L’abbé de Thélème. — On croit généralement que c’est là un pseudonyme de M. Germain Amplecas.

Épiphane Sidredoulx. — On sait maintenant que le savant M. Prosper Blanchemain écrivit Les Fanfreluches, contes et gauloiseries, par Épiphane Sidredoulx, président honoraire de l’Académie de Sotteville-lez-Rouen (1879). Plusieurs des pièces qu’il composa sont imitées du Moyen de parvenir.

Le Petit-Neveu de Baffo. — Ce pseudonyme cache, paraît-il, un poète normand fort délicat.

Jules Marry. — J’ai rencontré ce poète dont le véritable nom est Delisle ou Delille. Il a publié une plaquette satyrique, pleine de talent, Les Exploits de M. Dupanloup (Sansot, 1904).

Le Marin inconnu. — Cette dénomination cache la personnalité d’un capitaine de frégate… mettons dans la marine suisse, dont le nom commence par un M.

*

Puisse ce recueil plaire à tous ceux qui aiment la franche gaîté gauloise. Ils béniront la mémoire de M. Germain Amplecas, et nul doute que le Verger satyrique ne fasse plus de bien à sa gloire que les graves dissertations qu’il n’écrivit que pour un petit nombre de savants, ses confrères.





CONTES EN VERS

FLEUR DE CHÂTAIGNIER

La floraison du châtaignier

Offre une odeur particulière

Et difficile à désigner.

Essayons pourtant. — Maître Pierre,

Certain soir, avec sa fermière

Et son garçon, rentraient de loin,

Sur une charrette de foin.

Pierre dormait. Sa bonne femme

Dormait aussi près du garçon.

Le garçon tâtonnait la dame,

Qui, sans faire trop de façon,

Se laissait pousser à la gamme,

Si bien que, dans un doux frisson,

Jaillit la liqueur sans pareille

Qui fait les rois et les fermiers.

— Tiens ! dit le mari qui s’éveille,

En dressant le nez et l’oreille,

Nous passons sous les châtaigniers.

Épiphane SIDREDOULX.

LE BRÉVIAIRE

Midi sonnant, brossé, paré,

Maître Gribouille, le curé,

Chez une de ses paroissiennes

Arrivait à point pour dîner.

La dame, à travers ses persiennes,

Le regardait s’acheminer.

Lui guetta, devant et derrière,

Puis, droit devant elle, en un coin,

S’arrêta pour certain besoin.

Ayant rengainé son affaire,

Il entra, salua, s’assit.

Aussitôt la dame lui dit :

— Voudriez-vous pas de l’eau claire ?

— De l’eau ! grand Dieu, pourquoi donc faire ?

Pour laver vos mains. — À quoi bon ?

Je n’ai tenu que mon bréviaire.

Lors la fille de la maison

Dit, entendant cette raison :

— Le bréviaire de maître Gribouille

A le nez fait comme une andouille.

Épiphane SIDREDOULX.

LE GARÇON DE CAFÉ

Une belle petite éprise

D’un grand brun, garçon de café,

A cet amant bien étoffé

Livrait gratis la marchandise

Que deux banquiers payaient bien cher.

En commettant l’acte de chair :

— Ah ! disait-il, ah ! que je t’aime !

— Pas de bêtises ; sors à temps !

Boum ! mon ange aimé, je t’entends.

Versez terrasse ! pas de crème !…

Épiphane SIDREDOULX.

LE CANCRE DE MER

Un pauvre pêcheur marinier

Avait une affaire en justice ;

Or personne ne peut nier

Qu’à Thémis un bon sacrifice

Ne soit utile en pareil cas.

À son procureur savoir plaire,

Graisser la patte aux avocats,

Rien n’éclaircit mieux une affaire.

Donc notre marinier malin

Fut trouver maître Pathelin,

Lui portant une pannerée

De cancres de mer gros et vifs,

Tout frais péchés à la marée.

Or l’un de ces pauvres captifs

Tomba du panier, prit la fuite.

Et, tandis que ses compagnons

Allaient cuire aux petits oignons

Dans le fin fond de la marmite,

Il fut dextrement se glisser

Au pied du lit, sous la courtine ;

Puis, dans l’eau voulant se musser[1],

Il saillit au pot à pisser,

D’où sortait une odeur marine

Qui lui chatouillait la narine.

La nuit vient, on se met au lit.

Madame avec Monsieur se couche ;

Mais quand ce fut vers le minuit,

Elle éprouva certain prurit

D’épancher une large douche

Que ses reins avaient en dépôt.

Sous le lit elle prend le pot,

Puis, se délectant à l’avance,

Prête à décharger d’abondance

Cela qui lui pesait le plus,

Tout bellement s’assied dessus

Et lâcha d’un jet sa fusée.

Sous sa délectable rosée,

Le paillard cancre émoustillé

S’émeut, s’agite, se dilate,

Et vers le flot qui l’a mouillé

Il étend une longue patte,

Tenaille aux doigts durs et velus

Qui happe et qui ne lâche plus.

Il saisit… hé ! que put-il prendre ?

Je ne sais quoi si doux, si tendre,

Si délicat et si mignon

Que je n’ose en dire le nom.

Il saisit le bord frais et rose,

Le limbe, la lèvre, la chose

Ouverte en crête de fossé

Sous un petit buisson frisé ;

Il saisit la tendre babine

Rouge en dedans, noire au dehors,

Où d’amour la source divine

Cache ses enivrants trésors.

En se sentant pincer, Madame

Jeta des cris à fendre l’âme.

Si bien que monsieur son mari

Se réveilla tout ahuri :

— Qui te fait crier de la sorte ?

— Ah ! bonnes gens ! quelle rigueur !

Un monstre m’arrache le cœur…

Je pâme ! je meurs !… je suis morte !…

Elle ne cessait de pleurer

Et n’osait pourtant déclarer

D’où venait sa douleur cruelle.

Monsieur court chercher la chandelle

Et, voyant où tenait le cas :

— Paix ! dit-il, ne te trouble pas,

Je lui ferai bien lâcher prise ;

Il ne faut que souffler dessus.

Il souffle ; mais son entreprise

Et ses efforts sont superflus.

Bien mieux, à sa grande surprise,

Le cancre lève l’autre bras

Lentement, grave comme un pape,

Et par le bout du nez l’attrape.

Jugez un peu de l’embarras.

Étant aussi près de la chose,

Le bonhomme fut convaincu

Qu’il ne pouvait être cocu

Sans en connaître à fond la cause.

Il fallut trouver des ciseaux

Pour séparer ces deux vaisseaux

Accrochés par une même ancre,

Et si la bonne avec effort

N’eût coupé les pattes du cancre,

Je crois qu’il y serait encore.

Épiphane SIDREDOULX.

LE MALENTENDU

Guillaume un jour trouva madame

Qui dormait sur un gazon vert,

Et, brûlé d’une ardente flamme,

Il veut la servir à couvert.

Au baiser la belle s’éveille :

— Quoi, Guillaume, vous m’accolez ?

Votre impudence est sans pareille !

Qui vous rend si hardi ? — Personne ;

Et si madame me l’ordonne,

Je m’ôterai, dit l’étourdi.

— Vraiment l’impudence est trop grande !

Restez-y ; mais je vous demande

Qui vous a rendu si hardi !

Épiphane SIDREDOULX.

LA TERREUR PANIQUE OU LA CONFESSION

Dans cette froide et lugubre saison,

Triste portrait de la vieillesse,

Où le soleil, enclin à la paresse,

Paraît trop tard à l’horizon

Et trop tôt aussi nous délaisse,

Un certain soir, un certain capucin

Fut averti qu’une âme pénitente

Dans l’église attendait ce sacrement divin

Qui peut, nous soulageant du poids qui nous tourmente,

Du paradis nous rouvrir le chemin,

Invention céleste et vraiment consolante !

Je peux voler, tuer, violer mon prochain ;

Tout droit au ciel j’irai sans épouvante,

Pourvu qu’un jour je me repente

Et qu’un moine français me bénisse en latin.

Le père Ambroise, donc, à tâtons dans l’église,

Descend et s’établit au confessionnal.

— Quel motif vous conduit à ce saint tribunal ?

Eh ! qui que vous soyez, dit-il, avec franchise

Contez-moi vos péchés : surtout point de secret,

Car Dieu ne permet pas ici que l’on déguise

Ni le bien qu’on a pris, ni le mal qu’on a fait.

— Mon père, lui répond une voix jeune et tendre,

Dont le doux tremblement annonçait l’embarras,

J’ai commis un péché si grand, si grand, qu’hélas !

De trouble et de remords je ne puis me défendre ;

Je ne sais trop comment vous en faire l’aveu.

— Mon enfant, dans votre âme il faut me faire lire.

— Oui, mais, mon père, si j’ose ainsi vous le dire,

L’aveu coûte beaucoup et le péché si peu !

Un jeune homme charmant… ah ! par pitié, mon père,

Devinez mon forfait, ménagez ma pudeur.

Il était si pressant !… comment pouvais-je faire ?

Peignez-vous Adonis, et jugez mon erreur.

— Ah ! ciel ! qu’avez-vous fait ? lui dit d’un ton sévère

Le moine courroucé. Pensez-vous au malheur

Qui peut suivre l’instant d’un coupable délire ?

Si vous n’épousez pas l’insolent suborneur

Qui sut prendre sur vous ce détestable empire,

Vous perdrez le salut aussi bien que l’honneur,

Vous allez avilir vous et votre famille.

Quittant les bras de Dieu pour ceux de Lucifer,

Dans l’autre monde, hélas ! vous irez en enfer,

Et dans ce monde-ci vous serez toujours fille.

— Moi, qui moi ! rester fille, ô ciel ! que dites-vous ?

Mon père, en vérité, je suis bien loin de l’être.

— C’est plus grave cent fois, dit le moine en courroux.

Si vous avez trahi votre époux, votre maître,

Manquant à vos serments, à l’Église, à nos lois,

Pensez-vous que ce Dieu qui parle par ma voix

Me puisse vous punir comme il vous a fait naître ?

Des maux les plus affreux vos jours sont menacés,

Votre mari jaloux, vos enfants délaissés…

— Mon mari ! quelle erreur ! Mais, mon révérend père,

Je n’ai point de mari. — Bon, sur ce pied, ma chère,

Le cas est plus léger et le crime moins grand.

Épousez cet amant dont vous fîtes l’épreuve

Et que votre péché devienne un sacrement.

Qui peut vous arrêter ? vous êtes libre et veuve.

— Veuve, hélas ! mon Dieu, non. — Mais qui diable êtes-vous ?

N’étant fille, ni veuve, et n’ayant point d’époux ?

Parlez… — Je suis, mon père, un pauvre gentilhomme

Qui naquit à Paris et qui revient de Rome.

Attribué au Comte L. -Ph. DE SÉGUR.

LA FEMME D’ORDRE

Auprès de la coquette Lise,

Un soir Damis et Mondor soupiraient ;

Et voyant la belle indécise,

Tous les deux se désespéraient.

Lise se dit : Soyons prudente.

Damis a bien trente ans passés ;

Oui, mais Mondor en a soixante !

Faisons passer les plus pressés.

BRAZIER.

ENTENDONS-NOUS

Ah ! je vous trouve enfin, j’étouffe de colère,

Me dit la prude Ismène, en dévorant ses pleurs ;

C’est donc vous, libertin, c’est donc vous, téméraire,

Qui vous vantez partout d’avoir eu mes faveurs ?

Allez, allez, monsieur, pareil trait est infâme !

Vous devriez rougir de votre iniquité.

— Il est vrai, je l’ai dit, madame,

Mais je ne m’en suis pas vanté.

BRAZIER.

CURIEUSE

Un père et sa jeune fillette

Au restaurant entraient tous deux ;

Le garçon place devant eux

Une magnifique andouillette ;

— Petit père, dis-moi comment

Se nomme ce qu’on nous présente.

— Une andouillette, mon enfant.

— Une andouillette ?… Ah ! c’est charmant !

Pourrais-je en voir une vivante ?

Édouard VICQ.

COLIN-MAILLARD

« Je vous permets, mesdemoiselles,

De jouer à Colin-Maillard.

Disait un jeune abbé, robuste et frais gaillard ;

Mais je veux et j’entends que celles

Qui porteront le bandeau sur les yeux

Ne se servent jamais des mains pour reconnaître :

De tels attouchements, fort innocents peut-être,

Peuvent avoir des résultats fâcheux ;

Toutes en rond, apportez votre chaise ;

Colin-Maillard, assis sur les genoux,

Pourra chercher, deviner à son aise ;

Cela me permettra de jouer avec vous. »

Colin-Maillard était une jeune ingénue ;

Elle cherche au hasard et s’assied sur l’abbé,

Puis, pour bien deviner, tellement se remue

Que saint Antoine eût succombé :

« Ah ! c’est toi, Caroline, et je t’ai reconnue ;

C’est toi !… je ne me trompe pas ;

Je sens ton busc[2] ! tu le portes si bas ! »

Les plus innocentes sourirent,

Mais deux ou trois grandes rougirent.

Pourquoi ?… Ma foi, je n’en sais rien :

Demandez à l’abbé, peut-être il le sait bien.

Édouard VICQ.

UN PEINTRE D’HISTOIRE

« Cher monsieur Horace Vernet,

Dit une dame de la halle,

Chacun proclame et reconnaît

Votre peinture sans égale ;

Je veux donner à mon mari

Mon portrait en habit de fêtes ;

Ça flattera le vieux chéri,

Surtout si c’est vous qui le faites. »

— Impossible, à mon grand regret,

De vous satisfaire, madame,

Car je ne peins pas le portrait.

— Que peignez-vous donc ? fit la dame.

— Rien que l’Histoire, et sur l’honneur,

Pas de portraits, je vous l’atteste !

— Rien que l’histoire !… vieux farceur !…

Et qui donc me peindra le reste ? »

Édouard VICQ.

LE POT DE CHARLOTTE

Je ne sais si vous rirez

Au mot léger que vous allez entendre ;

Dans Boquillon j’ai pu le prendre

Pour mes deux sous ; je vous l’offre gratis.

En confessant ses doux péchés, Charlotte

Avec candeur racontait qu’un beau jour

Elle éprouva le vertige d’amour

En réparant une culotte.

Le prêtre, après avoir fait grand bruit du démon,

Refuse l’absolution.

« Donnez-la-moi, mon cher père, et sur l’heure

Je vous apporte un pot de beurre.

— Va d’abord le chercher et nous verrons après. »

La fillette revient avec un pot de grès

De papier recouvert. Le pasteur se décide

À donner son pardon. Un hasard singulier

Entre ses mains déchire le papier.

Il voit avec stupeur le pot tout à fait vide :

« Comment, rien dans ce pot ? dit-il d’un ton fâché.

— C’est l’image de mon péché,

Répond en souriant Charlotte,

Car rien non plus n’était dans la culotte. »

Édouard VICQ.

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.LE COUP TIRÉ

Un honnête homme était réprimandé

Pour ce qu’après avoir mis sa mouillette

Dans le coquetier mal gardé

De je ne sais quelle fillette

Troussant volontiers ses jupons,

Il avait dévoré ses fils, comme Saturne,

Et mis sa lèvre aux bords chauds de cette urne

D’où l’amour lance ses harpons.

« Pardon, fit un témoin de cette simple histoire,

La m.n.tte est chose, en ce cas,

Logique et qui ne froisse pas :

Quand le coup est tiré, monsieur, il faut le boire ! »

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

LA VASELINE

Chez un pharmacien, place de l’Opéra,

Un monsieur fort bien mis en coup de vent entra :

« Vite, dit-il, donnez-moi de la vaseline ! »

Le potard, empressé, demande à ce client

Impatient

À quel us il destine

Le gras ingrédient :

« Est-ce pour le visage ? Il en faut de la fine…

En voici

De si

Pure

Que sur votre figure

Sans danger vous pouvez l’étaler…

J’en ai de boriquée… et je la recommande… »

Le client, trépignant, répond : « Belle demande… !

Je m’en fous bougrement, car c’est pour enc.ler ! »

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

LA CATHÉDRALE DE PRAGUE

Une Pragoise dans Paris regrettait Prague.

« Ce n’est pas sérieux, dit quelqu’un, cette blague

Ne prend pas.

La Bohême n’a tant que la France d’appas.

Prague ne peut valoir notre Paris qui même

A sa bohème,

Et Tchèque vous mentez avec excès

En comparant les deux villes.

— Tout beau, répond la dame aux phrases inciviles

Du Français,

Tout beau, monsieur Chauvin. Prague a sa cathédrale

Que ne peut oublier la femme qui la vit.

Rien ne vaut à Paris cette monumentale

Merveille… — Notre-Dame… — Notre-Dame ravit,

C’est entendu, mais rien ne vaut la cathédrale

De Saint Vit. »

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

LE PÈLERIN, LE PEINTRE ET LE TABLEAU

Conte impromptu.

À Pastor Fydu, peintre et célibataire.

Un peintre, un jour, délaissa les Laïs

Qui causaient à son art et sa bourse dommage,

Et s’en fut vivre au fond d’un ermitage,

Seul avec son « génie », et sans nulle Thaïs.

Il peignit tant que ses pinceaux s’usèrent

Et qu’il fut forcé de rester

Tout le jour à dormir et la nuit à rien faire,

Si bien que de la chair il pensa retâter,

« Ah, chien ! dit-il à son chibre colère,

Puisque te voilà raide et veux tenter ma main,

Tu paîras ton plaisir en travaux mercenaires :

Je m’en vas te tremper dans l’ocre et le carmin ! »

Il dit, et, d’une dextre agile,

Transforme en un pinceau son dard,

Et, pour apaiser l’indocile,

Lui fait peindre des nénuphars.

Un chef-d’œuvre naquit de cette fougue extrême ;

Et, pour que cette fougue un beau jour ne tombât,

Le peintre du vivier délaissa les fleurs blêmes

Pour ne représenter que piments dans un plat.

Un pèlerin de Compostelle,

Qui retournait à Corentin,

Derrière le nouvel Apelle

S’arrêta tout un matin.

« Que saint Jacques te soit en aide,

Toi, tes couilles et ton scion ;

Que la Grâce te tienne raide,

Que Dieu te garde du morpion,

Ô toi qui rachètes la coulpe

D’ancien adultère et paillard !

Dieu t’a fait peintre : ne le coupe,

Comme jadis Pierre Esbaillard…

Je voudrais que tu me peignisses

Avec ma robe et mon baston,

Pour que mon passage en Galice

Enseigne tous les Bas-Bretons. »

Ils convinrent du prix, et la toile fut faite.

Le pèlerin rentra chez soi

Et fit voir à chacun cette œuvre de quéquette,

Et de quéquette ayant la foi.

Les rustres de Quimper, ignorant la peinture

Et les neuf Vertus des neuf Sœurs,

Bien que le pèlerin fût peint d’après nature

Ne reconnaissaient l’un des leurs.

« Moi, fait le plus malin, un peu cousin du sire,

Je reconnais fort bien et la gourde et l’habit,

Encor mieux le bâton, mais dire

Que la barbe est vôtre, nenni ! »

Notre homme alors, craignant que sa bourse d’apôtre

N’eût payé que des traits de gourde et de bâton,

Dit : « C’est avec le v.t… — Foutre ! lui répond l’autre,

Je ne m’étonne plus que vous ayez l’air c.n ! »

LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.

UNE FILLE RAISONNABLE

Équivoque populaire.

La blonde aussi bien que la brune,

Lorsque vient certain jour du mois,

De l’influence de la lune

Subit les rigoureuses lois.

Un amoureux pressait sa belle :

Il est arrêté tout à coup…

— « J’aime le plaisir, lui dit-elle,

Mais… les affaires avant tout. »

MAHIET DE LA CHESNERAYE.

L’AMOUR ET L’ANGLAISE

Une blonde enfant d’Albion

Pour les hommes portée, ainsi qu’il s’en rencontre,

Avait pris au premier, comme location,

Un bel appartement tout contre

Celui de trois officiers.

Ce fut dans Orléans, près de la Croix de Malte,

Que la belle insulaire avait ainsi fait halte.

Ses charmes aussitôt furent appréciés

De notre trio militaire

Et, sans passer chez le notaire,

Un contrat se stipule entr’eux tacitement

Fixant que, pour jouir des attraits de la belle,

Qui n’était point par trop rebelle,

Chacun à tour de rôle en son appartement

Monterait ; au surplus, ils furent mis à l’aise

Assez commodément sur ce point, par l’Anglaise.

Un exercice finissait

Qu’aussitôt, bien souvent, un autre commençait.

Il faut dire, pourtant, qu’aux tendres saturnales

On mit de légers intervalles :

Tantôt ces trois messieurs, chez la douce lady

Ensemble réunis, aux soupers du lundi,

S’amusaient à faire bombance ;

Et tantôt, variant à dessein leurs plaisirs,

On les voyait prendre vacance,

Cultiver d’autres fleurs, égayer leurs loisirs

Par quelque changement ; c’est assez leur usage

D’agrémenter le paysage.

Toute femme, à vingt ans, est un vrai diamant.

En amour, comme on sait, l’on suit beaucoup de routes ;

Quand jeune, il m’en souvient, je souriais à toutes,

De toutes j’eusse été l’amant.

Ainsi jeunesse est faite, elle aime à rigoler,

Il faut bien nous en consoler ;

Et nous qui la blâmons, dans notre barbe grise,

Rappelons-nous ces temps où notre ciel s’irise,

Où la femme en nos cœurs fait tant d’impression ;

Rien qu’à la regarder on sent la passion

Qui monte, qui fermente, et s’échauffe et s’enflamme !

On se sent pris, on aime ; on aura cette femme !

On veut frôler sa robe ; on rêve à ses appas,

On la suit à la piste, on baiserait ses pas…

Ah ! c’est toujours ainsi que l’amour nous exalte !

. . . . . . . . . . .

Après un temps d’arrêt d’une semaine ou deux

Nos soldats revenant, d’autant plus amoureux,

Pensaient à leur Anglaise et de la Croix de Malte

Ils prenaient le chemin, quand, ne sais par quel vent,

Ils surent ce fait décevant

Qu’on avait pénétré chez leur belle insulaire,

Que trois abbés musqués, séduits par sa beauté,

Étant parvenus à lui plaire,

Chez elle en ce moment goûtaient la volupté.

Cette nouvelle advint comme ferait la foudre

Et produisit l’effet du feu sur de la poudre.

« Comment ! par des abbés se laisser supplanter !

Il ne faut pas, morbleu ! qu’ils s’en puissent vanter !

Jurer n’est suffisant et de la noire engeance

Il s’agit de tirer vengeance. »

On ne sait pas assez la force des désirs

Qui chez le pauvre abbé couve pour ces plaisirs

De l’amour, dont il est étroitement privé

Par la chaîne des vœux où l’on le voit rivé.

Cette promesse, hélas ! est plus que téméraire ;

Le diable assez souvent essaye à l’y soustraire ;

Et s’il y parvint ce soir-là,

Je ne vois rien du tout d’étonnant à cela.

Nos trois abbés, déjà, par quelques escapades

Étaient assez connus parmi leurs camarades ;

De tout temps sur leur compte une faible rumeur

Mettait l’un en souci, cet autre en belle humeur…

Ils avaient ouï parler de la belle Bretonne ;

Et sans se soucier de leur maître qui tonne

Et qui punit, dit-on, les prévaricateurs,

De l’infante ils savaient le faible pour tout homme

Beau, jeune et surtout bien bâti.

J’en connais qui, comme eux, y eussent compâti.

Les abbés très dispos mordirent à la pomme,

Ils étaient assez bien, mâles et vigoureux,

Ce qui ne gâte rien quand on est amoureux.

Notre miss a trouvé plaisante cette affaire

Et les accueillant bien les voulut satisfaire…

Leur robe aussi donnait je ne sais quel cachet

À cet amour ardent dont le feu s’y cachait

Sous des apparences austères.

Les femmes sont toujours friandes de mystères.

En celle-ci germait la secrète raison

De juger elle-même, et par comparaison,

Qui peut être en amour meilleur chef de colonne

Des héros de l’Église ou de ceux de Bellone.

Leur secret, paraît-il, avait été vendu ;

Et pendant qu’ils goûtaient à ce fruit défendu,

Que d’un regard ardent, que d’une main bénite

Ils caressaient ainsi les charmes d’Aphrodite,

La vengeance se préparait ;

Elle exécuta son arrêt.

Le sabre aura, je crois, raison de la calotte ;

Et voici ce qui se complote :

Nos officiers supplantés

Devant la porte sont plantés.

Un morceau de bois se découvre

Qui, mis dans la poignée, empêche que l’on ouvre.

Alors ils crient : « Au feu !… (à pleins poumons), au feu ! »

Ce qui fit son effet, parbleu !

Nos abbés amoureux descendent quatre à quatre ;

Mais la porte est barrée ; il en fallut rabattre.

Que faire ? ils sont surpris ; ils se trouvent pincés ;

Demain, par l’interdit ils vont être évincés.

C’est un mal qu’à tout prix il faut que l’on évite :

On remonte en deux temps ; on attache deux draps,

On ouvre la fenêtre, on les fixe et, bien vite,

On détale au plus tôt… Des souris ou des rats

N’eussent pas été plus agiles ;

Mais les officiers, sans être moins habiles,

De nouveau crient : « Aux voleurs ! arrêtez !… »

Dans la gueule du loup ils se sont donc jetés,

Ces pauvres prêtres ; c’est dommage.

La foule s’amassait à cet affreux tapage ;

Elle les traque et les poursuit.

Heureusement qu’il faisait nuit

Et que nos ecclésiastiques

Eurent des jambes élastiques…

Du sort avaient-ils pu compter sur la rigueur ?

Sur ce point que chacun disserte ;

Le fait est qu’ils croyaient employer leur vigueur

Autrement que dans cette alerte !

C. CANDIDE.

RIBOTE

Je vais dîner à la gargotte

Le dimanche avec mon objet ;

Mais nous faisons sabbat complet

Toujours sur le même sujet ;

Car j’adore la gibelotte

Et le gigot saignant lui plaît.

Pendant un quart d’heure on jabote

On se dispute avec éclat ;

Enfin chacun choisit son plat.

Un coup de vin nous ravigote,

Lapin, gigot, tout s’escamote,

Je lui fais l’œil américain,

Elle m’appelle gros coquin.

Et, depuis, dans chaque ribote,

Quand je lapine, elle gigote.

Épiphane SIDREDOULX.

LE SYSTÈME MÉTRIQUE

Invités à passer la soirée

Dans l’Empyrée,

Adam avec son Ève enrageaient de n’avoir,

Elle, une robe à traîne et lui son habit noir.

Lors le serpent, rampant par là, dit d’un air digne :

« Prenez donc des feuilles de vigne. »

Et nos premiers parents transformés en tailleurs,

L’un et l’autre prenant mesure,

Se pelotaient des pieds jusques à la ceinture

Et même ailleurs ;

Mais ils ne savaient pas le système métrique

Et se trompaient toujours.

Le serpent qui, de rire, avait une colique,

Leur cria : « Mes amours !

Je veux vous suggérer encore un de mes tours :

Je suis la dix-millionnième

Part

Du quart

Du méridien terrestre lui-même,

Rigole, Adam ! Essuie, Ève, ton dernier pleur !

Je puis bien vous servir d’étalon mesureur. »

… Et le système qu’on dit être

Métrique n’ayant plus qu’à naître,

Adam voulut le mètre, Ève le centimètre !

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

LES JUMEAUX

Deux juifs baisaient la même dame

D’Amsterdam

Et sur le Damme

Aux beaux soirs arpentaient tous trois le macadam.

Ayant été souvent étreinte,

Cette dame devint enceinte.

Au bout d’un certain temps, l’un des juifs à Paris

S’en fut négocier des diamants de prix.

Il y resta, s’amusant ferme,

Tant qu’un beau jour la dame, accouchant avant terme

Mit au monde deux beaux jumeaux, dont l’un mourut.

L’autre juif aussitôt à la poste courut

Pour envoyer à son copain ce télégramme :

« La dame

A mis au monde deux jumeaux : le vôtre dort,

Le mien est mort. »

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

LE BOUT DE VIANDE

En ce temps-là prêchait un saint pasteur :

« Il est, chers paroissiens, un bout de viande infâme,

De mille maux cruel auteur.

Inventé par le Diable, il perd l’homme et la femme ;

Instrument de désordre et de damnation.

Ce bout de viande sème, en sa rage infernale,

L’abomination et la désolation !

Persécuteur de la morale,

C’est avec volupté qu’il produit le scandale ;

Il fait verser du sang, il fait couler des pleurs…

Ah ! que l’on voudrait bien l’arracher à plusieurs !

Mes frères, vous riez ; vous rougissez, mes sœurs…

Allons, plus d’équivoque ! il faut que je m’explique :

Chrétiens, cet objet malfaisant,

Ce morceau venimeux, ce bout diabolique…

C’est la langue du médisant. »

Attribué à Pierre LACHAMBAUDIE.

LA VÉROLE GUÉRIE

Un bon docteur, homme de quarante ans,

Avait pris femme, et depuis fort longtemps,

Las des margots où s’égarent nos queues,

Se reposait dans les calmes eaux bleues

D’un bon ménage et ne retroussait plus

Que des jupons légitimes. Sa femme,

Bien qu’il fût vert, alerte et non perclus,

Et la baisât avec une grande âme,

Prit un amant ; pour rien, pour le plaisir

D’avoir parfois deux p.nes à saisir

Tout allait bien. La dame était baisée

Autant et plus, et ne souhaitait rien.

Mais s’il est vrai que très souvent le bien

Vient en dormant, la vérole peut naître

Lorsque l’on fout, et la chose arriva.

Le mal, d’abord dissimulé, couva,

Puis mit le nez, un jour, à la fenêtre.

Sanglots et pleurs ! « Que dira mon époux !

Je suis perdue. Ô ciel ! je suis perdue !

Je n’ai plus qu’à mourir !

— Consolez-vous,

Dit un ami, du calme… L’étendue

De votre mal n’est pas si grande. Allez

Passer deux jours au plus à la campagne.

Ne craignez rien, et que la paix regagne

La place ancienne en vos esprits troublés. »

En soupirant, et sans trop bien comprendre,

À son époux la dame au cul gâté

Vint déclarer qu’elle désirait prendre

L’air pur des champs égayés par l’été.

Le bon docteur y consentit sans peine.

Quand il fut seul, son ami vint le voir :

« Te voilà veuf pendant une semaine,

Lui dit-il ; viens, nous dînerons ce soir

En devisant des heures envolées,

De ce beau temps où nous étions garçons,

Où nous laissions mille folles chansons

Jaillir sans fin de nos lèvres brûlées

Par les baisers de ces démons d’amour

Qu’on appelait en ce temps des grisettes ;

Viens ! nous ferons au passé des risettes ;

Soyons garçons et libres pour un jour ! »

Le médecin accepte. On boit, on dîne,

Et les propos d’aller leur train : « Blondine

Était jolie et je l’aimais.

— Ô temps

De nos amours le lendemain trompées !

Des rires fous, des claires, équipées !

Je crois encore entendre par instants

Les violons de la Grande-Chaumière[3].

Allons au bal !

— Y penses-tu vraiment ?

— Cette folie, hélas ! est la dernière

Que nous ferons avant l’enterrement.

— Allons au bal alors ; vive la joie ! »

Les deux amis, dont la raison se noie,

Vont à Bullier[4], battent des entrechats,

Prennent le cul aux différentes grues

Que l’on peut voir se livrer aux pourchas

Des p.nes d’homme en ces lieux apparues,

Et pour finir vont coucher au bordel…

Le lendemain, au réveil de l’aurore,

Quand le docteur se demandait encore

Si tout cela pouvait être réel

Ou s’il n’avait fait simplement qu’un songe,

Sa douce épouse arrive brusquement.

En bon mari, le pauvre cocu plonge

Dans ce cher c.n son v.t encor fumant,

Et s’envérole à plaisir.

La semaine

Se passe ainsi tranquillement. Voilà

Qu’un beau matin l’époux poivré promène

L’œil sur sa queue.

« Oh ! oh ! qu’est-ce cela ?

Foutre ! on dirait la vérole… et c’est elle ! »

En frémissant, le docteur se rappelle

Qu’il s’est grisé, puis qu’il a forniqué

Lorsque sa femme était à la campagne.

Le voilà triste et pâle, interloqué,

Car il a dû, sans doute, à sa compagne

Donner son mal, étant intoxiqué

Comme jamais nul ne le fut au monde.

C’est le cœur plein d’une angoisse profonde,

Le front baissé, l’air soumis et penaud,

Qu’il avança le cas à son épouse.

Elle bondit, furieuse, aussitôt :

« Quoi ! j’étais douce, aimable et point jalouse,

Rien n’altérait ma confiance en vous,

Je vous aimais : voilà ma récompense… »

En cent propos s’exhala son courroux.

« Pardonne-moi, grâce, ma chère Hortense,

Je me repens. Va, je te guérirai ! »

Après qu’il eut longtemps prié, pleuré,

Promis bijoux, toilette et cachemire,

Un généreux pardon lui fut offert.

Depuis ce temps, quand Madame désire

Quelque chiffon de prix, elle se sert

De ce moyen et rappelle au coupable

Et sa conduite et l’acte abominable

Par un oubli si gracieux couvert.

Ne méprisez jamais la moindre cause

Pour en venir, mesdames, à vos fins.

Ce récit prouve aux esprits superfins

Que la vérole est bonne à quelque chose.

LE SIRE DE LA GLOTTE.

L’HONNÊTE SCRUPULE

Et vous ne voyez plus Durand ?

— Oh ! plus du tout !

— Pour quelle cause ?

Il vous a donc fait quelque chose

D’effroyable, et son crime est grand ?

— Très grand.

— Vous étiez, ce me semble,

L’an dernier encor très amis ;

On vous voyait toujours ensemble.

— Autant qu’il peut être permis

D’être amis, nous l’étions. Quel être !

Toujours joueur, toujours dispos,

Tenant mille amusants propos.

Rien que son aspect faisait naître

La gaîté. Quel esprit charmant !

Des farces, des plaisanteries

Nouvelles à chaque moment !

Quelles inventions nourries

De malice et de bonne humeur !

Un jour, je faisais ma toilette,

Quand, à pas de loup, mon farceur

Vient, et sa main à l’aveuglette

Prend mon nœud. Je dis : « Finis donc,

Imbécile, ça me chatouille. »

Il secoue, et ding dong ! ding dong !

Je sens ma p.ne qui se mouille…

Avons-nous ri !!!

— Bah !

— Chaque jour

Amenait quelque nouveau tour.

Écoutez : j’étais en chemise

Dans ma chambre (il venait souvent

À l’heure du soleil levant,

Alors que notre âme se grise

Du parfum humide des fleurs) ;

Il entre comme d’habitude ;

Sur mon c.l je sens les rondeurs

De ses deux c…lles au poil rude ;

Puis, brusquement, criant : Coucou !

Il met sa p.ne dans ma f.sse.

Je riais, je vous le confesse,

Jusqu’aux larmes de voir ce fou

Pousser et repousser son m.mbre,

En se tortillant par la chambre.

Bref, il d.ch.rge dans mon cu.

— Mais ce qu’il a fait est donc grave ?

Car enfin lorsqu’on a vécu

De la sorte, on devient esclave

D’un ami pareil.

— En effet ;

Mais nous avons rompu. Nous sommes

Brouillés à mort.

— Qu’a-t-il donc fait ?

— On m’a dit qu’il était pour hommes !

LE SIRE DE LA GLOTTE.

DÉCOUVERTE

Un vieux rentier dans les Champs-Élysées

Se promenait au tomber de la nuit ;

Il regardait, dans les branches croisées,

Les reflets roux qu’a le jour qui s’enfuit,

Quand sur un banc il rencontre une gueuse :

« Ho ! ho ! fait-il, livrons-nous à l’amour ;

La nuit déjà s’étale ténébreuse,

Guiguite va prendre l’air à son tour… »

Sur le dossier du banc il se renverse

Et met son nœud dans une main que gerce

L’âpre travail du branlage en plein air.

Les yeux fermés, plein d’une molle ivresse,

Il laisse errer son esprit dans l’éther,

En savourant la mouvante caresse

De cette main aux doigts arachnéens :

Il était bien aux Champs-Élyséens !

Mais cependant qu’il se pâme et godille,

Il s’aperçoit que de son autre main

La garce fait érecter un voisin.

« Vous plairait-il, monsieur, que cette fille

Précipitât moins fort son mouvement,

Dit-il, et qu’elle allât plus doucement ?

— Avec plaisir, monsieur, » répond dans l’ombre

Une voix mâle.

Alors, nos deux michés,

Du même train se trouvant dépêchés,

En même temps déchargent sans encombre.

La fille étant payée, elle s’en va

Chercher ailleurs une nouvelle proie.

Lors le vieux : « Je crois que cette enfant-là,

Bien que notre esprit se fourvoie,

Était, monsieur, une fille de joie. »

LE SIRE DE LA GLOTTE.

LA CHASTE SUZANNE

Opéra-comique en un acte.

PERSONNAGES :

LES DEUX VIEILLARDS. — SUZANNE. — LE CHŒUR

LES DEUX VIEILLARDS, se branlant,

Pristi ! j’voudrais bien la baiser !

LA CHASTE SUZANNE

Ah ! ces deux vieillards me dégoûtent !

Je crois même qu’ils ont la goutte

Militaire.

LE CHŒUR

Bien qu’ils ne l’aient jamais été !

LE SIRE DE LA GLOTTE.

UTILITÉ DE LA POSTE

— Mon Dieu ! mon Dieu ! je ne me sens pas d’aise,

Disait Annette à Dumont, son parrain ;

Maman doit accoucher demain.

 Accoucher !… — Oui, ne vous déplaise.

— Mais ceci demande examen,

S’écrie alors le parrain, un bon drille ;

Votre père est absent depuis quatre ans, je crois.

— Oh ! cela n’y fait rien, répond la jeune fille :

Il nous écrit deux fois par mois.

BRAZIER.

UN ANODIN

Sœur Thérèse, une nonnette,

Par ma foi, fort gentillette,

Dans un couvent de Paris

Vivait en seize cent six.

À cette époque, ma chère,

Je vous le dis entre nous,

Pharmacien, apothicaire,

S’appelait un mousquetaire ;

Un mousquetaire à genoux ;

Bien trouvé…, qu’en pensez-vous ?

Il faut que je vous apprenne,

Car vous pourriez l’ignorer,

Que ce n’était pas sans peine

Qu’on le voyait opérer ;

À chacun selon sa guise

Il savait administrer

Sa drogue ou sa marchandise…

Afin de la débiter,

Il fallait, souple, docile,

À la cour comme à la ville,

À toute heure, à tout moment,

Braquer just’ son instrument…

Ici, vous raconterai-je,

Sans craindre un mauvais accueil,

Qu’un jour, en faisant un siège,

Tout à coup paraît un œil

À l’endroit où d’ordinaire

Jamais un corps si brillant

Ne se montre en regardant…

Aussi, cet apothicaire,

Qui croyait avoir affaire

En personne à Belzébuth,

Manqua nettement son but…

     

Eh bien ! ce sont là des choses

Fort graves, assurément,

Et qui ne sont que des roses

Auprès de l’événement

Que je narre incontinent…

Sœur Thérèse était malade,

On la voyait dépérir,

Elle était triste, maussade,

Et s’ennuyait à mourir ;

Elle, toujours si joyeuse,

Si pimpante, si rieuse,

Semblait en proie au chagrin,

Et ses fleurs les plus chéries,

Sur leurs corolles flétries,

Tombaient au vent du matin…

— Allez vite, dit l’abbesse,

Chercher notre bon docteur :

Il faut de ce jeune cœur

Qu’il déloge la tristesse.

Le médecin à l’instant

Tâte, interroge, examine,

Sourit, et pour médecine

Il prescrit… un lavement…

— Demain, un apothicaire

À la main leste et légère

Viendra vous l’administrer ;

Si prestement il opère,

Qu’il sera donné, j’espère,

Avant de vous en douter…

— Docteur, pouvez-vous me dire

Ce que c’est ?… Puis… je désire

Savoir aussi la façon

De le prendre…

— La leçon,

Sœur Thérèse, est bien facile :

Baissez-vous, restez tranquille…

Le porteur de l’instrument

Découvrira chastement,

Sans le voir, je vous le jure

(Car il est du meilleur ton),

L’opposé de la figure,

Et lâchera le piston…

— Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse,

Oh ! non, monsieur, c’est trop fort !

Un mortel verrait en face…

Non ! jamais ! plutôt la mort !…

— Il le faut pourtant, ma chère ;

Cela seul peut vous guérir.

Ordonnez, abbesse mère,

Ou cette enfant va périr…

— Puisqu’il le faut, ma mignonne…

— Oh ! non, jamais !…

— Je l’ordonne,

Et vous recevrez demain

Sans mot dire l’anodin…

Sœur Thérèse résignée,

Mais dans son âme indignée,

Cherche comment, par quel fait

Elle voilera l’objet…

Dieu d’une vive lumière

Sans doute l’illumina,

Car lorsque l’apothicaire

Au matin s’achemina,

Qu’il entra dans la cellule

Et qu’arrivé vers le lit

Tout doucement il l’ouvrit,

À ses yeux un monticule

Lui montra, dans ses replis,

Des saintes du paradis

Une si longue légende,

Que vraiment on se demande

Comment l’arme de sa main

Ne s’abaissa pas soudain…

Non, malgré cette insistance,

Il fit bonne contenance,

Cherchant partout de son mieux

Le point d’appui merveilleux ;

Mais il n’y pouvait atteindre…

Lorsque la sœur, sans se plaindre,

Devinant son embarras,

Soupira d’un ton bien bas :

— Pour opérer à votre aise,

Soulevez sainte Thérèse !…

Léon JAYBERT.

LA CONFESSION

Le dernier jeudi saint, Madame Marinée,

Qui vient d’entrer dans sa quatre-vingtième année,

Allait se confesser, de peur d’être damnée.

Elle parle d’abord, de ceci, de cela,

Puis ajoute : « Mon père, hélas ! que j’ai fait l’a

Mour ! — L’amour, est-ce possible ?

Demande le curé. Seriez-vous donc sensible

Malgré les ans si froids ?

Quand donc baisâtes-vous pour la dernière fois ?

— C’était, répond la vieille,

Lorsque j’avais vingt ans.

— Foutre, dit le curé, vous me contez merveille !

Ou ne vous confessâtes pas depuis longtemps !

— Je me confesse chaque année, ô mon père.

— Pourquoi parler alors

De ce péché sexagénaire ?

— J’ai l’âme jeune en un vieux corps,

J’aime me rappeler ce beau péché, mon père. »

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

LA CONFRONTATION

Lisette, un jour, passant la main

Sur un endroit qui la démange,

S’émut d’une surprise étrange

De rencontrer en son chemin

Certain gazon qui papillotte…

Or Lisette n’était pas sotte ;

À son front le rouge monta…

Le jour même elle confronta

Vite chez Rose, sa compagne

(Grosse fille de la campagne),

L’objet qui l’émotionnait.

Une riche toison d’ébène

Lui montra même phénomène.

Lisette la questionnait

Sur le bizarre de la chose :

« Sois tranquille », répartit Rose,

Ajoutant, en riant, plus bas :

« Quand ce gazon pousse, ma chère,

Le terrain n’est plus en jachère ;

L’amour veut prendre ses ébats. »

C. CANDIDE

L’INGÉNIEUX VOYAGEUR

Fable.

Un voyageur, dans le désert perdu,

Voulait à tout prix savoir l’heure.

Comme il n’avait pas de montre, bien entendu,

Son désir était un leurre.

Mais, lecteur, mon ami,

L’explorateur se mit

À bander comme un carme,

Voire comme un gendarme.

Ah ! qui donc nous dira la loi

Qui fait qu’on bande ainsi sans trop savoir pourquoi ?…

Pourquoi l’on bande ?…

Belle demande !

Toujours est-il que cette érection,

Qui semblait presque inutile,

Fut une révélation…

De quoi ? Je vous le donne en mille.

Ôtant son pantalon, qu’il déposa

Sous un mimosa,

Entre

Deux grands tas de fiente il s’étend sur le dos,

Puis, trempant son index dans le bran des chameaux,

Il se dessina sur le ventre

Tout un jaune faisceau de rayons divergents…

Le génie éclairait ses yeux intelligents…

Or, comme il avait l’habitude

Des calculs de précision

Suivant la latitude,

Il inclina sa belle érection

Et se tournant vers le soleil caniculaire,

De son ventre il se fit un beau cadran solaire.

MORALE

Il n’est besoin ni de montre ni de pendule

Tant que s’érige encore une fière mentule.

LE MARIN INCONNU.

LE MORPION ÉTRUSQUE

À Pistoie, en m’éveillant,

Un prurit soudain m’offusque !

Un insecte frétillant

S’était-il pas logé jusque

Où croît mon sexe brillant !…

Je le saisis d’un air brusque

Et je m’écrie, — en riant : —

C’est le morpion étrusque !

— Petit insecte rageur,

Je ne suis qu’un voyageur :

Cherche ailleurs une autre proie…

Je dis, et pose sans bruit,

Dessus la table de nuit,

Le morpion de Pistoie.

Charles MONSELET.

LE NOËL DE 1850

Chez M. Philoxène Boyer.

À l’heure même où dans l’étable

Vagit le divin nouveau-né,

Sous un boudin désordonné

Chevet faisait ployer la table.

Jamais plus friandes primeurs

N’ont embaumé la porcelaine.

Dans les salons de Philoxène :

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Des laquais grands comme des arbres,

Sur l’escalier du haut en bas,

Des convives guidaient les pas

Aux clartés de cent candélabres.

C’était la foule des auteurs

Du département de la Seine.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Par de fabuleux majordomes

À l’anglaise on était servi.

Leur extravagant appétit

Fit d’abord remarquer les hommes.

Les dames buvaient des liqueurs

Fortes de la forêt d’Ébène.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Mince fiole girondine,

Bouteilles des crus bourguignons,

Flacons germains, dont les bouchons

Sentent l’odeur de la résine,

Les plus hardis calculateurs

Vous totaliseraient à peine.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Pour vexer la comédienne

Qui porte des bijoux en toc,

Céleste qui dans le Maroc

Naguère a choisi sa marraine,

Derrière un gros bouquet de fleurs

S’avance en princesse hautaine.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Mogador rit quand on l’acclame

Et se dévêt royalement.

Je voudrais être son amant.

Son beau corps vaut mieux que son âme,

Ses tétons aux roses couleurs

Me mettent la braguette en peine.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Venu du quartier Tirechape[5],

Contre un feutre de tout poil veuf,

Échanger mon chapeau tout neuf,

Un monsieur dont le nom m’échappe

J’aurais moins répandu de pleurs

S’il m’avait pris mes bas de laine.

Dans les salons de Philoxène,

Nous étions quatre-vingts rimeurs.

Henry MURGER.

UN CHAPITRE DE PÉTRONE

Le Précepteur antique peint par lui-même.

Au temps de ma jeunesse, il me prit fantaisie

De quitter Rome un jour et d’aller en Asie ;

J’accomplis ce dessein, je hâtai mon départ.

Et sans choix arrêté, guidé par le hasard,

J’arrive dans Pergame, une cité fertile

En plaisirs, où la vie est heureuse et facile ;

Mais ce qui m’y retint, je le dis sans détour,

— À quoi bon s’en cacher ? — ce fut surtout l’amour.

Mon hôte avait un fils aussi beau que Narcisse,

Tendre fleur à cueillir, en usant d’artifice ;

Je cachai donc mes goûts sous un air réservé

Et sus passer bientôt pour un sage achevé.

Tous les parents, séduits par mon maintien sévère,

M’exaltaient à l’envi, de façon que le père,

Bonhomme sans malice et plus aveugle qu’eux,

Me confia son fils et combla tous mes vœux.

Je fus chargé par lui de mener aux écoles

Son rejeton chéri ; par d’austères paroles

J’eus grand soin d’écarter ceux qui de mon trésor

S’approchaient de trop près. L’avare sur son or

Ne veille pas avec plus de sollicitude,

Plus de souci, d’amour, et plus d’inquiétude

Que je ne veillais, moi, sur l’attrayant dépôt

Duquel je prétendais user seul et bientôt.

Un matin que, couché tout près de mon élève,

Je cherchais le moyen de donner à ce rêve

Si longtemps poursuivi quelque réalité,

L’amour illumina mon esprit agité ;

Cupidon m’inspira. Je sortis de ma couche

En veillant sur mes pas, assez pour qu’une mouche

Ne se pût envoler, puis je gagnai le lit

De mon petit voisin, n’ayant fait aucun bruit.

À certains mouvements qu’il fit, je pus comprendre

Qu’il ne sommeillait plus ; alors, sans plus attendre

M’adressant à Vénus, la reine des amours,

Je m’écrie en tremblant : « Je t’adorai toujours,

Protège-moi, déesse, exauce ma prière ;

Fais que ce bel enfant n’entr’ouvre la paupière

Qu’après m’avoir permis de lui prendre un baiser ;

S’il ne s’éveille pas, s’il me laisse poser

Une main sur son corps charmant, deux tourterelles

Seront sa récompense, et parmi les plus belles

Je m’engage à choisir. ».

Le bel adolescent

À mes vœux aussitôt se montre obéissant ;

Il ne bouge, et j’obtiens une faveur légère

Qui grandit mes désirs, loin de les satisfaire ;

Mais en homme prudent, je n’allai pas plus loin

Pour le moment, et quand je fus levé j’eus soin

De courir tout d’abord chercher la récompense

Qu’attendait mon disciple avec impatience.

Je fus encouragé par cet heureux début,

Et dès la nuit suivante, allant tout droit au but :

« Si tu permets, Vénus, qu’à mon aise je touche

Ce beau corps, m’écriai-je, et si dans cette couche

Je parviens à cueillir la palme de l’amour,

Je fais ici serment, dès que viendra le jour,

D’acheter un cheval à mon docile élève. »

L’enfant affriandé n’attend pas que j’achève,

Et de moi s’approchant, il semble m’inviter

À livrer le combat. Je cesse d’hésiter,

Je me jette sur lui : ma lèvre opiniâtre

En cent endroits s’attache et mord ce corps d’albâtre.

Il s’agite, bondit ; j’aiguise ses désirs,

Et rompant tout obstacle, au centre des plaisirs

Je pénètre à la fin… Ah ! je renonce à dire

Ce que je ressentis : en quels termes décrire

Un bonheur ardemment et longtemps désiré ?

Quand je tins dans mes bras cet enfant adoré,

Ce furent des transports, d’ineffables délices,

Comme les dieux parfois, quand ils nous sont propices,

Nous en laissent goûter. Ainsi passa la nuit,

Plus rapide qu’un songe, et l’aube nous surprit

Lassés mais non vaincus, luttant avec vaillance,

Quoiqu’en désespérés, contre la défaillance

Qui s’emparait de nous. Il fallut bien pourtant

Quitter mon cher disciple et le jour éclatant

De son lit me chassa.

J’avais une promesse

À tenir ; je sortis, comptant sur mon adresse

Pour m’en débarrasser, car outre qu’un cheval

Est plus cher qu’un pigeon, un pareil animal,

Cadeau trop important, risquait de compromettre

Ma réputation ; le père aurait pu mettre

Obstacle à mes plaisirs, m’éloigner de son fils.

Ces raisons agitant mon esprit indécis,

Quelques heures après, je rentrais les mains vides.

Mon disciple attendait, et ses regards avides,

Curieux, sur les miens obstinément fixés,

Semblaient m’interroger ; ils me disaient assez

Qu’il était mécontent. « Hé ! je comptais, mon maître,

Sur un joli cheval… je ne vois rien paraître,

Dit-il avec dépit. — Dès demain tu l’auras,

Lui dis-je, le serrant tendrement dans mes bras ;

Je n’en ai pas trouvé qui méritât la peine

D’être monté par toi. — C’est bon, la nuit prochaine

Je t’engage à venir déranger mon repos,

Et tu verras ! » dit-il, en me tournant le dos.

Je m’éloignai confus. Malgré cette menace,

Lorsque revint la nuit, rappelant mon audace,

Je gagnai doucement son lit ; là j’eus recours,

Espérant le fléchir, aux plus tendres discours

Assez bas murmurés, toutefois, car mon hôte

Tout près de là couchait. Je convins de ma faute,

Humblement, en pleurant ; mais j’eus beau lui jurer

Que je n’épargnerais rien pour la réparer,

Je ne pus parvenir à calmer sa colère :

« Dors, dors, répondit-il, ou j’éveille mon père ! »

Je ne cacherai point que grande était ma peur ;

Cependant le péril stimulant mon ardeur,

Je risquai la bataille, et ma persévérance

Aisément triompha de cette résistance,

Un peu molle, il est vrai ; l’enfant ne demandait

Qu’à se laisser ravir ce qu’il me refusait ;

Après avoir reçu mes premières caresses :

« Est-ce ainsi, me dit-il, que tu tiens tes promesses ?

Moi je te donne tout sans te promettre rien ;

C’est en paroles, toi, que tu manges ton bien.

Est-il cher, le cheval ? » J’eus peine à me défendre ;

Le railleur obstiné ne voulait pas se rendre

À mes raisons ; enfin nous signâmes la paix.

Accablé de sommeil, depuis peu je goûtais

Un repos bien gagné, quand je sens qu’on me pousse ;

Je m’éveille en sursaut, cherchant d’où la secousse

Pouvait venir : « Mon maître, eh quoi ! déjà tu dors !

Murmurait mon disciple ; au bout de tes efforts

Es-tu donc ? » Ce disant il jouait de l’épaule

Et se pressait sur moi. Je vis bien que le drôle

Se payait amplement lui-même des faveurs

Qu’il accordait. Je dus ranimer les lueurs

D’un foyer presque éteint, dans un monceau de cendre

Chercher une étincelle, en un mot entreprendre

Un travail difficile, ingrat et long surtout ;

Je l’entrepris pourtant, et si j’en vins à bout,

Si mon honneur fut sauf, ce ne fut pas sans peine :

Quand je touchai le but, j’étais tout hors d’haleine.

Après un tel exploit, je pouvais espérer

Une trêve, un répit ; j’avais droit d’aspirer

Au sommeil ; eh bien ! non cette tâche si rude

Que j’avais mise à fin, ce n’était qu’un prélude,

Au moins pour mon élève, et son large appétit,

Non calmé, refusait de me faire crédit.

« Comment ! me disait-il, tu veux dormir, cher maître,

Il n’est pas temps encor, je ne le puis permettre.

Quoi ! ce jeu si plaisant t’a-t-il déjà lassé ?

Nous commençons à peine ! ».

Oui, j’étais harassé ;

Rendu, moulu, fourbu, je tombais de fatigue ;

Il fallait à tout prix opposer une digue

Aux désirs effrontés du petit garnement ;

Je me retourne donc et lui dis brusquement :

« Assez ! pour cette nuit que ton feu se modère ;

Allons, dors, petit drôle, ou j’éveille ton père ! »

Le moyen était bon. L’enfant mot ne souffla,

Et jusqu’au lendemain paisiblement ronfla.

Attribué à G. DROZ.

UNE NUIT ORAGEUSE

C’était une nuit d’août : l’incertaine lumière

Que tamisait la lune à travers les rideaux

D’une chambre coquette éclairait le repos

De deux femmes ; brûlante et lourde, l’atmosphère

Pesait de tout son poids sur ce pauvre hémisphère,

On sentait dans sa chair se dissoudre ses os.

Vu le chaud qu’il faisait, légèrement couvertes,

Deux femmes sommeillaient, ainsi que je l’ai dit,

De crainte des voleurs usant du même lit ;

Leur pose était charmante ; aux fenêtres ouvertes

S’il se fût, en effet, montré quelque bandit,

Le scélérat eût fait d’étranges découvertes.

Puisque Phébé veut bien nous prêter ses rayons,

Soulevons le rideau d’une main indiscrète.

Je sais que de l’Albane il faudra la palette

Pour peindre dignement la nocturne toilette

De ces dames, et moi je n’ai que des crayons

Fort mal taillés encor… Bah ! tant pis ! essayons.

Du lit en désarroi tombait la couverture,

Le drap était en fuite et laissait voir deux corps

Dont la chair rebondie, arrachée aux efforts

Du corset, ce moderne instrument de torture,

Libre de toute entrave, à l’abri du remords,

Splendide, s’étalait, rendue à la nature.

De nos dormeuses, l’une aspirait le printemps

De la vie ; elle avait un peu plus de vingt ans,

Était mince, élancée, une adorable blonde ;

Des roses dans du lait ; en sourires féconde,

Sa bouche qui s’ouvrait montrait de fraîches dents ;

Et comme son bonnet, pris d’humeur vagabonde,

Voletait au hasard, l’or de ses beaux cheveux

Inondait l’oreiller ; sa cuisse ronde et ferme

Promettait au toucher un soyeux épiderme,

Mais la jambe était grêle, et c’est vraiment fâcheux.

Enfin, que voulez-vous ? rien n’est parfait : heureux

Celui qui prudemment à ses vœux met un terme.

En revanche, la gorge offrait dans son ampleur

Un roc inébranlable, un inflexible albâtre,

Que sillonnait de bleu mainte veine folâtre ;

Une gorge impossible, à rendre de l’ardeur

À Lazare défunt ; rien qu’à la voir, — horreur ! —

Saint Antoine tenté se fût fait idolâtre.

Notre infante, en un mot, était un vrai morceau

De prince. Maintenant que nous connaissons l’une,

À l’autre, voulez-vous ? L’autre était forte, brune,

Nature vigoureuse et même un peu commune ;

De ces chevaux lustrés le plantureux bandeau

Avait les noirs reflets de l’aile du corbeau ;

Bondissant au contact, tendue à n’y pas croire,

La chair de cette femme était un bloc d’ivoire.

Le matelas, creusé sous ses robustes flancs,

Gémissait par moments ; insensible à la gloire

De porter tant d’appas, le lit, de temps en temps,

Craquait et protestait par de plaintifs accents.

J’ai bonne envie ici, pour abréger ma peine,

De m’en remettre à vous du soin de mon portrait :

Mariez savamment le marbre avec l’ébène,

Faites de ce mélange une femme au complet,

Vous aurez ma dormeuse ; ajoutez-y ce trait :

L’été brûlait en elle, elle avait la trentaine.

J’entends qu’on m’interrompt au milieu du récit

Eh quoi ! vous étiez là ! Vous les avez donc vues,

Ces pauvres femmes, hein ! sur leur lit étendues ?

Vous vous étiez sans doute en cachette introduit

Et vous teniez, vaurien, dans un coin du réduit ?

— Moi ! pas le moins du monde ; elles m’étaient connues

Bien avant ce soir-là, s’il faut vous dire tout,

J’étais au mieux avec une de leurs amies

Qui les savait par cœur, ces belles endormies.

Vous voyez, mon esprit fait des économies,

Je n’imagine rien ; j’avais un avant-goût

De ce qui se passa pendant cette nuit d’août.

Pour m’assurer comment l’une ou l’autre était faite,

Je n’avais nul besoin de ruse, de cachette,

Car je les connaissais comme si, chaque soir,

J’eusse de leur épaule enlevé le peignoir ;

Je savais leur histoire, authentique, secrète,

Et, si vous y tenez, vous allez la savoir.

Je m’en vais vous transmettre, exempt de broderie,

Le récit primitif ; intègre historien,

Mon texte m’est sacré, je ne veux changer rien.

Donc, ces dames vivaient sans trop de pruderie,

Ne manquaient point d’amants, et la galanterie

Était, en résumé, le plus clair de leur bien.

Du reste, point d’éclat, d’excellentes bourgeoises

Tenant sur un bon pied une honnête maison,

Où l’on s’interdisait les paroles grivoises,

Où l’on était reçu d’agréable façon,

Les maîtresses étant femmes du meilleur ton,

Sachant au mieux leur monde, aimables et courtoises.

La plus jeune des deux se nommait Anaïs ;

Par l’autre tout enfant, elle fut recueillie,

Étudia sous elle, et la brune Eulalie

Rêvant pour son élève, alors grande et jolie,

Dans notre Sahara quelque riche oasis,

Lui délivra bientôt un brevet de Laïs.

Eulalie affichait un veuvage illusoire ;

On acceptait ce deuil mais plus d’un médisant,

Qui de l’obscur passé jugeait par le présent,

Fredonnait un couplet de Madame Grégoire,

Contestait feu l’époux et s’en allait glosant

Sur ce livre inédit d’une galante histoire.

Quoi qu’il en fût, d’ailleurs, ces deux femmes s’aimaient ;

Entre elles fort souvent de doux noms s’échangeaient ;

Éprouvant toutes deux disette de famille,

Elles s’en étaient fait une de pacotille ;

L’une disait : « Maman ! » l’autre disait : « Ma fille ! »

Et comme mère et fille ensemble elles vivaient.

De l’opposition de leurs deux caractères

L’union était née ; à la loi des contraires

Elles obéissaient ; de leur vie à vau-l’eau,

Où tout était commun, amours, bonheurs, misères,

Elles se partageaient par moitié le fardeau :

La blonde était le lierre et la brune l’ormeau.

. . . . . . . . . .

Ces dames avaient pris, — dégoût ou lassitude, —

Paris en grippe, étaient folles de solitude,

Et, récluses depuis quinze jours environ,

De l’existence aux champs goûtaient la quiétude.

Elles avaient choisi, tout en haut de Meudon,

Au milieu du feuillage, une blanche maison.

Dans cette Thébaïde où régnait l’innocence,

Le sexe masculin brillait par son absence,

Pas un être barbu, pas l’ombre d’un amant !

Nos anges bravement y vivaient d’abstinence,

Mais le jeûne, il le faut avouer franchement,

N’était pas sympathique à leur tempérament.

Trente degrés de chaud ! quinze jours de sagesse !

On peut avoir à moins le sommeil agité ;

Mise à si rude épreuve, assurément Lucrèce

Eût accueilli Tarquin avec moins de fierté.

Dans ces conditions, que fait la pécheresse

Depuis longtemps en brouille avec la chasteté ?

Elle sent dans un rêve une lèvre brûlante

Se coller à la sienne, avide de baisers ;

Ivre, folle, pareille à l’antique bacchante

Aux lascives ardeurs, aux ébats peu gazés,

L’ombre, qu’elle saisit d’une étreinte puissante,

Lui semble palpiter entre ses bras croisés.

C’est en proie à ce songe, — ô classique Athalie

Bien différent du tien, — que se tord Eulalie ;

C’est sous la pression de ce rêve excitant

Que des mêmes désirs Anaïs assaillie

Découvre les trésors de son sein haletant,

Murmure un nom tout bas, et s’agite et s’étend.

Cette fièvre d’amour se changeant en martyre,

Chacune glisse enfin vers l’aimant qui l’attire ;

Ce ne sont plus alors que soupirs, cris confus,

Efforts désespérés plus que ceux d’un satyre,

Pour souder en un seul leurs deux corps confondus,

Qui tremblent convulsifs par le plaisir tordus.

Après ce premier choc commença la mêlée,

Bizarre, impétueuse, ardente, échevelée ;

Ces femmes s’étreignaient, beaux serpents enlacés,

Sans trêve ni merci pour leurs muscles lassés,

Et la lutte dix fois s’était renouvelée

Avant qu’une des deux voulût crier « Assez ! »

. . . . . . . . . .

Pendant ce temps Phébé, de sa lueur sereine,

Dévoilait les secrets de cet accouplement ;

Son gros œil étonné se fixait sur l’arène,

En amateur charmé que le spectacle enchaîne,

Et qui ne s’en va pas s’il n’a son dénoûment ;

La déesse trop tard restait au firmament.

On se lasse de tout ; la lutte dut se clore

Quand le jour radieux apparut à son tour.

Épuisé, languissant, les yeux chargés d’amour,

Des baisers de la nuit la lèvre humide encore.

Le couple entrelacé put voir lever l’aurore

Et vertueusement saluer son retour.

Attribué à G. DROZ.





CHANSONS, CHANSONNETTES ET COUPLETS

MON PANTALON GRIS PERLE

Mettre un pantalon neuf

D’étoffe noire ou grise

De Sedan ou d’Elbeuf,

Mais de forme bien prise,

Cela pousse à l’amour

Et rend gai comme un merle :

Ainsi fut mis au jour

Mon pantalon gris perle.

J’ai connu, grâce à lui,

Plus d’une bonne histoire.

La meilleure aujourd’hui

Me revient en mémoire.

C’était la Saint-René,

Jour de fête à Montmerle.

Ainsi fut étrenné

Mon pantalon gris perle.

Au bal du Grand-Tilleul

J’arrivais avant l’heure,

Et je cherchais tout seul

La pose la meilleure,

Quand un flot embusqué

Dans la salle déferle.

Ainsi fut remarqué

Mon pantalon gris perle.

Près de moi vient s’asseoir

Une fière Andalouse ;

On eût dit, à la voir,

Le géant de Mulhouse

Ou quelque déité

De Sécham ou Diéterle.

Ainsi fut agité

Mon pantalon gris perle.

Mes yeux étaient fixés

Sur ses charmes énormes,

Les siens étaient baissés

Au niveau de mes formes.

Je lui dis, effaré :

« Tu l’as encor ? perds-le… »

Ainsi fut déchiré

Mon pantalon gris perle.

J’ai su, j’ai su depuis

Qu’elle était vivandière,

Versant à nos spahis

La goutte militaire.

J’ai d’elle conservé

Une larme qui perle :

Ainsi fut achevé

Mon pantalon gris perle.

(Chansons folles, Évreux, 1887.)

FLEUR ET FEMME

Vous avez la forme et le fond :

Vous êtes fleur, vous êtes femme ;

Les besoins du corps et de l’âme

Ont parfois un rapport profond :

Fleur a besoin d’être arrosée ;

Femme a besoin d’être baisée.

Que vous soyez Myosotis

Ou Marguerite ou Chrysanthème,

Votre sort n’est-il pas le même,

Lilas ou Muguet, Rose ou Lis ?

Fleur a besoin d’être : arrosée ;

Femme a besoin d’être baisée.

Un jour, je m’exprimais ainsi

Près d’une jeune Italienne ;

Sa langue n’étant pas la mienne,

Elle ne dit pas « Oui », mais « Si… »

Fleur a besoin d’être arrosée,

Femme a besoin d’être baisée.

(Chansons folles, Évreux, 1887.)

LE PETIT PINCHON

Le fils de notre voisin

Est un jeune homme timide.

Soit, mais il est le cousin

De mademoiselle Armide.

Or on peut apprendre en de certains cas

Des leçons d’amour qu’on n’oubliera pas,

Le faible et le fort, le sec et l’humide.

Ce jeune homme était le petit Pinchon.

Ce petit Pinchon

Est un grand cochon,

Et je le prenais pour un cornichon.

Ah ! pauvre petite,

Que l’esprit vient vite !

Un soir, il m’offre le bras

Pour faire une promenade :

Il allait à petits pas,

Se disant un peu malade :

Il prenait des airs tout pleins de langueur,

Me mettant parfois la main sur mon cœur ;

Puis soudain il dit à la cantonade :

« Regardez-moi ça, mam’selle Fanchon. »

Ce petit Pinchon

Est un grand cochon,

Et je le prenais pour un cornichon.

Ah ! pauvre petite,

Que l’esprit vient vite !

Dans ma chambre il me suivit :

J’étais légèrement mise.

Il me versa sur mon lit

Et m’enleva ma chemise.

Il me mit un doigt je ne sais plus où,

Fourra le second dans un second trou,

Et dans un étau je me sentais prise

Comme une bouteille ayant son bouchon.

Ce petit Pinchon

Est un grand cochon,

Et je le prenais pour un cornichon.

Ah ! pauvre petite,

Que l’esprit vient vite !

(Chansons folles, Évreux, 1887.)

LE PETIT CHAT

AIR : On s’y prend si poliment.

Enfin, dans ta chambre, chérie,

Ayant pénétré malgré toi,

Ta gentille ménagerie

Hier a paru devant moi.

Ton musée, aimable Rosine,

Sans doute n’est pas un éclat ;

Mais le plus joli, ma cousine,

C’est à coup sûr ton petit chat.

Tu te plains de ce que naguère,

Négligeant tes jeunes appas,

Avant mon départ pour la guerre,

De toi je ne m’occupais pas.

Sur le minet d’une voisine,

Si j’ai commis doux attentats,

C’est qu’en ce temps-là, ma cousine,

Tu n’avais pas de petit chat.

Pour nous charmer à l’improviste

En vain tu cachais tes trésors.

Moi, curieux naturaliste,

Pour les voir j’ai doublé d’efforts.

Mais voir est trop peu, j’imagine.

Voir n’amène aucun résultat.

Ah ! permets-moi, chère cousine,

De caresser ton petit chat.

Tu souffres que sur sa parure

Je promène un doigt empressé,

Mais tu veux que de sa fourrure

Le duvet ne soit pas froissé.

Va, ne crains rien pour son hermine,

Mon doigt est fort, mais délicat.

Vois, il fait faire, ma cousine,

Le gros dos à ton petit chat.

Toujours désireux de te plaire,

Ah ! sans lui vouloir aucun mal,

Que j’aimerais à satisfaire

Ce petit gourmand d’animal,

Si d’un coup de griffe assassine

Je n’avais peur qu’il me payât.

Sois franche et bonne, ma cousine,

Dis-moi, mord-il, ton petit chat ?

Dès qu’entre ses lèvres de rose

Minet sent mon doigt se glisser,

Vois le petit gueux comme il ose

Le serrer et l’emprisonner !

Je veux de son ardeur mutine

Punir le petit scélérat.

Dis-moi, sans peine, ma cousine,

Fait-on pleurer ton petit chat ?

Quelle délicatesse extrême !

À peine si je l’ai foulé,

Et pour deux coups, fort légers même,

Déjà ses larmes ont coulé.

Mais pour cela, chère Rosine,

Ne va pas me faire sabbat,

Car tu jouissais, ma cousine,

Lorsque pleurait ton petit chat.

E. DEBRAUX.

MONSIEUR ET MADAME

AIR : C’est un lan la, landerirette,

Auprès de sa jeune épouse,

Un mari peu complaisant,

Dans une fureur jalouse,

S’écria : Rien n’est si grand

Que ton lan la,

Landerirette,

Que ton lan la,

Landerira.

À ce reproche, la femme

De ce mari peu galant

Répondit : Vilain infâme,

Que n’en puis-je dire autant

De ton lan la,

Landerirette,

De ton lan la,

Landerira.

(Gaudriole de 1834.)

LA BADINGUETTE

AIR des Amours du diable,

Amis du pouvoir,

Voulez-vous savoir

Comment Badinguette,

D’un coup de baguette,

Devint par hasard

Madame César ?

La belle au fond de l’Espagne

Habitait :

Oh ! la buveuse de champagne

Que c’était !

Quoique Badinguette eut pour pères,

À c’qu’on dit,

Presque tous les célibataires

De Madrid,

Et que sur sa naissance on jase

À gogo,

On l’appelait par antiphrase

Montijo.

Amis, etc.

Un jour, sa vieille maugrabine

De maman

Lui dit : Nous v’là dans la débine

Bigrement.

Vrai ! ton visage se dégomme

Tous les jours :

Faudrait songer à faire un homme

Pour toujours.

Maintenant que tu d’viens plus âgée,

Nous mangeons

Beaucoup trop de vache enragée,

Voyageons !

Amis, etc.

Voilà Badinguett’ qui débarque

À Paris,

Et Badinguet qui la remarque

Se sent pris.

— Oh ! s’écrie-t-il, oui, sur mon âme !

Soyons franc,

Papa Jérôme, cette femme

Vaut dix francs !

— Bah ! dit Jérôme, elle en vaut douze.

Savez-vous

Qu’on ne vit jamais d’Andalouse

Au poil roux ?

Amis, etc.

Cependant il cherche une clause,

Un moyen

De l’avoir pour très peu de chose,

Ou pour rien.

Il s’en va trouver la duègne,

Pas honteux,

Et les emballe pour Compiègne

Toutes deux.

Enfin, ne pouvant plus attendre,

Le grossier,

Au fort du bal, ose lui prendre

Le fessier !

Amis, etc.

— Caracho ! s’écria la belle,

Saligaud !

Savez-vous bien que l’on m’appelle

Montijo ?

Quand on a deux ou trois cents pères

Andalous,

On vaut bien un Robert Macaire

Comme vous.

Ne croyez pas que je me donne

Pour six francs :

Je veux coiffer une couronne,

Ou… du flan !

Amis, etc.

À toi, Badinguette, mon ange,

Mes châteaux,

Quoique tu sois bien la plus franche

Des cataus.

Mais puisqu’après tout, tant je t’aime,

Entre nous,

Que mon peuple crie ou blasphème,

Je m’en fous !

Qui fut mouchard en Angleterre

Et bourreau

Peut bien ;, sans déroger, se faire

Maquereau.

Amis, etc.

Adieu, cancan, Maison Dorée

Bal Musard !

La voilà l’épouse adorée

De César.

Cependant on dit qu’ell’ regrette

Quelquefois

Les amants et sa cigarette

D’autrefois,

Et que l’Espagnole, trop fière

Pour plier,

De son mouton pourrait bien faire

Un bélier.

Amis du pouvoir, etc.

Attribué à Henri R… FORT.

L’ABBESSE ET LA NOVICE

AIR de Joconde.

Un vendredi saint, au matin,

Une jeune novice

Branlait en secret son conin

Avec une saucisse :

Mais, par malheur, l’abbesse entra :

« Ah ! quel désordre extrême !

Un navet ne suffit-il pas

Pour un jour de carême ? »

J’M’EN FOUS, JE FOUS

AIR : Gâtement je m’accommode.

Qu’on blâme ma méthode,

J’m’en fous ;

Les c.ns sont à la mode,

Je fous.

D’un cul, étroit passage,

J’m’en fous ;

Mais près d’un pucelage,

Je fous.

Du sopha de Céphise,

J’m’en fous ;

Sur le châlit de Lise

Je fous.

De la coquette altière,

J’m’en fous ;

Lorsque sa chambrière

Je fous.

Une fille est cruelle,

J’m’en fous ;

Maîtrisant la rebelle,

Je fous.

Le foutre l’intimide,

J’m’en fous ;

Le plaisir la décide,

Je fous.

COUPLET

AIR des Fraises.

Au bordel, un vieil abbé

Dit à une fillette :

— Je voudrais être br.nlé.

— Monsieur, votre volonté

Soit faite ! (ter.)

LA COMTESSE ET LE CALOTIN

Te souviens-tu, disait une comtesse

Au calotin qui la foutait jadis,

Te souviens-tu de ces beaux jours d’ivresse,

Où sans broncher nous allions jusqu’à dix ?

Fermes tous deux, tous deux pleins de courage.

Nous échangions de violents coups de c.l.

Dieux ! quels transports ! quel amour ! quel rage !

Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Te souviens-tu qu’au bout d’une quinzaine,

Perdant déjà du feu qui nous charmait,

Ton v.. musard ne levait qu’avec peine

Et d’un affront parfois me menaçait ?

Mais le secours d’une main potelée

Lui rend bientôt sa première vertu ;

Je te br.nlais pour mieux être enf.lée :

Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Te souviens-tu que l’ingrate nature,

Me refusant tous ses puissants attraits,

Tu me priais de changer de posture ?

Novice encor, moi je m’y refusais.

Pour t’obéir je me courbe en levrette,

Avec deux de tes doigts tu m’écartes le c.l :

D’avoir cédé que je fus satisfaite !

Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Te souviens-tu que posture et manière,

En peu de temps ayant tout épuisé,

À tes regards vainement mon derrière

Frais et dodu demeurait exposé ?

Lorsque ton v… trouvant un trou moins large,

Soudain reb.nde et s’adresse à mon c.l ;

Tu me pourfends, je pleure et tu d.ch.rges :

Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Te souviens-tu qu’un jour à tête-bêche,

D’abord rétive à ton brûlant désir,

Mais par degrés docile et moins revêche,

En te s..ant j’éprouvais du plaisir ?

Te souviens-tu qu’enfin mieux avisée,

Lass’ de ton v…, br.nlé, s.cé, mordu,

Ma bouche avide aspirait la rosée :

Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?

— Est-ce un défi, ma chère, est-ce un reproche ?

Moi t’oublier ! Ah ! tu ne le crois pas ;

Tu rajeunis et déjà je b.nd.che

Au souvenir de tes anciens appas ;

Respectant peu et soutane et calotte,

Dans mon ardeur pour toi j’ai tout foutu ;

Mais ce visag’, ces tétons, cette motte,

Dis-moi, comtess’, que sont-ils devenus ?

Anonyme.

LE MEUNIER DE CORBEIL

Ronde.

AIR : J’ai vu la Meunière.

Lucas le mettait par devant

À sa chambrière :

Comme il entrait, voilà qu’un vent

Sortit par derrière.

— Ah ! dit Lucas en déc.nnant,

Que ne puis-je en ce moment

Boucher le derrière

Comme le devant !

La chambrière, apercevant

Sa brette encore fière,

Lui dit : — Puisque tu crains le vent,

Fous-moi par derrière.

Il le fit, mais le mouvement

Fit sortir après un moment

Du vent par derrière,

De l’eau par devant !

— Comment faire ? dit le manant.

— Tiens, dit la commère,

Je crois découvrir maintenant

La bonne manière :

Si tu crains la pluie et le vent,

Il faut mettre dorénavant

Ton nez par derrière,

Et ton v.. par devant.

Attribué à Armand GOUFFÉ.

DOUTE DE L’ARÉTIN

AIR : Ah ! j’en rends grâce à la nature.

Un jour, une fillette vit

Un rustre endormi sur sa couche ;

Il était porteur d’un gros…

La friponne y porta la bouche :

On ne peut guère l’excuser ;

Pourtant, que faut-il qu’on en dise ?

Mes amis, doit-on l’accuser

De luxure ou de gourmandise ?

Attribué à Armand GOUFFÉ.

LA DÉLICATESSE BIEN RÉCOMPENSÉE

Romance historique.

AIR : Comme j’aime mon Hippolyte.

Damis, jeune homme intéressant,

Courtisait la tendre Glycère ;

Damis était vif et pressant,

Pour lui résister comment faire ?

— Ah ! dit Glycère, ah ! mon ami,

Ta souffrance fait mon supplice,

Tu voudrais… je voudrais aussi…

Mais j’ai… — Quoi donc ? — La chaude-pisse.

L’amour me fournit un moyen

De payer ton ardeur extrême :

Mon c., Damis, se porte bien,

Et tout plaît chez l’objet qu’on aime ;

Prends donc mon c. ! Damis le prit,

Ce qu’il fit… chacun le devine.

Depuis cet heureux jour on dit

Que Glycère a la cristalline.

Profitez de cette leçon,

Jeune fille simple et novice ;

Pour le v.. le ciel fit le c…,

En dépit de la chaude-pisse.

Ne souffrez donc pas qu’un amant

Dans votre c.loge sa p… ;

On peut vivre fort décemment

Sans attraper la cristalline.

Attribué à Armand GAUTIER.

DOUTE DE L’ARÉTIN

AIR du Vaudeville de Claudine.

Juché sur une novice,

Un vieux capucin en rut

Lui fracassa la matrice,

Et la pauvrette en mourut.

Faudra-t-il pour homicide

Faire punir le frappart ?

— Oui, vraiment, si l’on décide

Que la p..e est un poignard.

Attribué à Armand GOUFFÉ.

CONSEIL D’UN BOUGRE DE PÈRE À SON BOUGRE DE FILS

Air de la Piété filiale.

Mon cher enfant, en..lons-nous ;

Nous serons heureux, je l’espère ;

Un tendre fils peut enc.ler son père.

Des enc.leurs le plaisir est bien doux.

Si la tendresse conjugale

Dans un c.n place ses faveurs,

Tu goûteras dans mon c.l les douceurs

De la piété filiale.

Attribué à Armand GOUFFÉ.

MAM’ZELLE LISE

D’puis longtemps je vous guette en vain

Pour vous voir sortir du bain…

Quelle agréable surprise,

Mam’zelle Lise !

Mam’zelle Lise,

Qu’vous êtes bien sans chemise !

Quels jolis petits tétons !

Qu’ils sont blancs, fermes et ronds !

Vous n’avez pas la peau bise,

Mam’zelle Lise ! etc.

Vous v’là grand’ fille à présent…

Dieu ! qu’c’est noir et qu’c’est luisant !

Comm’ c’est touffu ! comm’ ça frise !

Mam’zelle Lise ! etc.

Fait’s pas semblant d’avoir peur…

Avec un’barb’ de sapeur,

Est-c’que la crainte est permise,

Mam’zelle Lise ? etc.

La parure ne va jamais

Qu’aux fill’s qui n’ont pas d’attraits :

Comm’ça, je vous trouve bien mise,

Mam’zelle Lise ! etc.

Mais tournez-vous donc un peu…

Quel superbe pot-au-feu !

C’est d’la fière marchandise,

Mam’zelle Lise ! etc.

Restez, restez comm’ vous v’là,

J’aime assez c’te postur’-là !

Permettez que j’m’introduise,

Mam’zelle Lise ! etc.

Comme c’est chaud, comm’ c’est étroit !

Tiens, j’me suis trompé d’endroit !

J’ai fait une fameuse bêtise,

Mam’zelle Lise ! etc.

À présent, vous voilà bien !

Restez et ne craignez rien…

J’vas réparer ma sottise,

Mam’zelle Lise ! etc.

V’là qu’ça part ! Et vite et tôt !

Faut qu’chacun pay’ son écot !

Allons, pas d’fainéantise,

Mam’zelle Lise ! etc.

J’vois que vous y prenez goût,

Mais je n’tir’ jamais qu’un coup.

J’suis fâché qu’ça vous défrise,

Mam’zelle Lise !

Mam’zelle Lise,

Qu’vous êt’s bien sans ch’mise.

VAN CLEEMPUTTE.

LE CURÉ DE SAINT-ÉTIENNE

AIR : L’aveugle de Bagnolet.

Le bon curé de Saint-Étienne

Parfois à son enfant de chœur

Gravement chantait une antienne

Que le drôle d’enfant sans cœur

Lui répétait d’un ton moqueur.

Le curé, voyant sa finesse,

Disait, pour tromper son adresse :

— Taisez-vous, petit polisson,

Riez moins, servez mieux la messe ;

Taisez-vous, petit polisson,

Et repassez votre leçon.

Riant de certaine aventure,

— Mon père, dit-il hardiment,

Hier, à travers la serrure,

Je vis avec étonnement

Annette en votre logement.

Est-ce là, je vous le demande,

Une visite de commande ?…

— Taisez-vous, petit polisson :

Elle venait payer l’offrande ;

Taisez-vous, etc.

— Annette encor tout étourdie,

Cédant à vos désirs pressants,

Montra sa face rebondie

Qui possède charmes puissants

Et bien dignes de votre encens ;

Car vous lui donnâtes sans peine

Dix baisers sans reprendre haleine…

— Taisez-vous, petit polisson :

Je n’embrassais que la patène ;

Taisez-vous, etc.

— Prenant certain livre en cachette,

De lire vous faisiez semblant ;

À genoux je vis mettre Annette

Devant un objet gros et blanc

Qui lui rendait le cœur tremblant

Apprenait-elle la pratique

D’une posture catholique !

— Taisez-vous, petit polisson :

Elle adorait une relique !…

Taisez-vous, etc.

— En priant pour la Sainte Vierge,

Vous prîtes votre goupillon,

Et, le tenant droit comme un cierge,

Il semblait que le cotillon

Vous donnât certain aiguillon,

En l’agitant vous alliez vite :

Que faisiez-vous à la petite ?

— Taisez-vous, petit polisson :

Je lui donnais de l’eau bénite ;

Taisez-vous, etc.

— Mais bientôt je la vis s’étendre

Saintement sur un canapé :

Dans sa bouche, sans plus attendre,

Vous fûtes à mettre occupé

Un objet qui m’est échappé.

Dans cette pieuse partie,

Que faisait donc la convertie ?

— Taisez-vous, petit polisson :

Elle avalait la sainte hostie !

Taisez-vous, etc.

— Votre regard était de flamme.

Pour vous donner ce mouvement,

De l’enfer sauviez-vous son âme

Ou bien cherchiez-vous seulement

À la gagner dévotement ?

J’entendis une douce plainte

Et vous disiez : « Allez sans crainte ! »

— Taisez-vous, petit polisson :

Le sacrement l’a rendue sainte !

Taisez-vous, etc.

— Mais, mon père, j’ignore encore

Le secret de ce sacrement,

Les mystères que l’on honore,

Du Christ l’étonnant changement,

Que l’homme adore aveuglément.

Pour que j’y croie, avec franchise,

Expliquez-moi cette surprise.

— Taisez-vous, petit polisson :

Ce sont les secrets de l’Église !

Taisez-vous, etc.

Anonyme.

LE DÉKIOUSKIOUTAGE

CHANSON-CHANSON

(Lamentations d’un looping the loop des Champs-Élysées)

Je me suis fait dékiouskiouter

Le rondibé du radada,

Le bout du frogn’ du rognognone

Du dig et bag m’en tire la bête

Et la rue Rochechouart.

REFRAIN

Ah ! Ah ! J’avais la pécole,

La gigite et la vesoul,

Avoir la peau du cou qui se décolle

Est un plaisir bien doux.

Je me suis fait dorer le af-naf,

Arrondir le sprouknic,

Pic et pic et colègramme

Et bourr’ et bourr’ et ratatame

Du petit phonogramme.

REFRAIN

Dag, dag ! Voilà Colibar,

La glougloute du placard,

Le rad, le zob, le figne du chien-chien

Sur le mont vénérien.

Alors étant dans le Flacdal,

J’ai planqué fourgué chez Pégal,

Mon ognard, mon dix, mon plombe,

Mon rade, mon figne tout harnaché

Pour un p’tit larantequé.

REFRAIN

Cal ! Cal ! Caltez mes légumes

Du rancart où nous nous plumes.

J’ai l’rofrognogne du rogne tout amoché

Et le dix décoloré.

Adieu af-naf, spitznartz, sprouknic

Et le Comice agricole,

Et la bibite et la téterre,

Et la cucu, la çao çao,

La bitter curaçao[6].

REFRAIN

Con ! Con ! Consultez l’Bottin

Dans le Métropolitain,

Et radinez dans le figne des zouzous

Qui arrivent de Tombouctou[7].

BÉRANGER

PROMENADE AUX TUILERIES

Que je suis donc ais’, ma payse,

De me promener avec toi.

Les Tuil’ri’s, faut que je te l’dise,

C’est un ancien jardin de roi.

Rappell’-toi surtout ce que j’t’narre.

T’apprendras toujours du nouveau,

Tu vois, ça qu’est comme une grand’mare,

C’est un bassin avec de l’eau.

REFRAIN PRESQUE ÉTERNEL

Promenons-nous encor, veux-tu,

Dedans ces vertes allé’s d’arbres ;

Mais faudrait pas, pour ta vertu,

Regarder trop les estatu’s

De marbre.

En voilà z’une qui représente

Un’ bell’ bourgeois’ qui sort du bain ;

Tu peux la r’garder si ça t’tente,

Mais cach’ tes yeux avec ta main.

Les estatu’s, c’est simple à faire,

Tu me comprendras subito,

L’artiste prend un morceau d’pierre,

Puis y retir’ tout c’qu’y a d’trop.

(Refrain.)

Ce guerrier qu’a un maintien digne,

C’est un nommé Espartacus.

Qui n’sortait pas sans feuill’ de vigne,

Et l’statuair’ la sculpta d’ssus.

Mais j’me d’mande pourquoi c’t’affaire,

Car si c’est par précaution,

Alors il aurait par derrière

Dû mettre aussi un p’tit bouchon.

(Refrain.)

Ce qu’on aperçoit près d’un chêne,

C’est un marin d’l’antiquité ;

Il est chauv’ comm’un dos d’baleine,

Mais faut pas en être épaté’.

Si sa chev’lure est éclaircie,

À ce que m’a dit mon sergent,

C’est que l’air de la cal’vicie

Les marins qui navigu’nt souvent.

(Refrain.)

De te sentir là, Véronique,

Et voir les oiseaux amoureux,

Tout cela me rend poétique,

Admir’ ce marronnier ombreux :

Cet oiseau qu’est d’sus, c’est un merle

Qui siffle dans la perfection.

Tu m’comprends bien, j’te dis merle,

Faudrait pas qu’tu fass’s confusion.

(Refrain.)

Ce qu’on voit dans cett’ encoignure,

C’est un chalet d’nécessité ;

Pour les besoins de la nature,

L’gouvernement l’a édifié.

Attends-moi là, près d’cette allée,

Je te quitte pour quelques instants,

Mais sois sûr’, ma bien-aimée,

J’y vas penser à toi tout l’temps.

REFRAIN

Nous r’tournerons après, veux-tu,

Dedans ces, etc.

MONSIEUR ET MADAME DENIS

MADAME DENIS

Quoi ! vous ne me dites rien ?

Mon ami, ce n’est pas bien ;

Jadis c’était différent,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

J’étais sourde à vos discours,

Et vous me parliez toujours.

MONSIEUR DENIS, se retournant.

Mais, m’amour, j’ai sur le corps

Cinquante ans de plus qu’alors ;

Car c’était en mil sept cent,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

An premier de mes amours,

Que ne durez-vous toujours !

MADAME DENIS, se ravisant.

C’est de vous qu’en sept cent un

Une anguille de Melun

M’arriva si galamment !

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Avec des pruneaux de Tours

Que je crois manger toujours.

MONSIEUR DENIS

En mil sept cent deux, mon cœur

Vous déclara son ardeur ;

J’étais un petit volcan !

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Feux des premières amours,

Que ne brûlez-vous toujours !

MADAME DENIS

On nous maria, je crois,

À Saint-Germain l’Auxerrois :

J’étais mise en satin blanc,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Du plaisir, charmants atours,

Je vous conserve toujours.

MONSIEUR DENIS, se mettant sur son séant.

Comme j’étais étoffé !

MADAME DENIS, s’asseyant de même.

Comme vous étiez coiffé !

MONSIEUR DENIS

Habit jaune en bouracan,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

MADAME DENIS

Et culotte de velours

Que je regrette toujours.

(Continuant.)

Comme en dansant le menuet

Vous tendîtes le jarret !

Ah ! vous alliez joliment !

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Aujourd’hui nous sommes lourds.

MONSIEUR DENIS

On ne danse pas toujours.

(S’animant.)

Comme votre joli sein

S’agitait sous le satin !

Il était mieux qu’à présent,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Belles formes, doux contours,

Que ne durez-vous toujours !

MADAME DENIS

La nuit, pour ne pas rougir,

Je fis semblant de dormir ;

Vous me pinciez doucement,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en.

Mais à présent, nuits et jours,

C’est moi qui vous pince toujours

MONSIEUR DENIS, lui passant la main sous le menton.

La nuit, lorsque votre époux

S’émancipait avec vous,

Comme vous faisiez l’enfant

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Mais on fait les premiers jours

Ce qu’on ne fait pas toujours.

MADAME DENIS, se rapprochant de son mari.

« Comment avez-vous dormi ? »

Nous demandait chaque ami ;

« Bien », répondais-je à l’instant,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Mais nos yeux et nos discours

Se contredisaient toujours.

MONSIEUR DENIS, lui offrant une prise de tabac.

Demain, songez, s’il vous plaît

À me donner mon bouquet.

MADAME DENIS, tenant la prise de tabac sous le nez.

Quoi ! c’est demain la Saint-Jean ?

MONSIEUR DENIS, rentrant dans son lit.

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Époque où j’ai des retours

Qui me surprennent toujours.

MADAME DENIS, se recouchant.

Oui, jolis retours, ma foi !

Votre éloquence avec moi

Éclate une fois par an,

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

Encor votre beau discours

Ne finit-il pas toujours.

(Ici M. Denis a une réminiscence,)

MADAME DENIS, minaudant.

Que faites-vous donc, mon cœur ?

MONSIEUR DENIS

Rien… je me pique d’honneur.

MADAME DENIS

Quel baiser !… il est brûlant…

MONSIEUR DENIS, toussant.

Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en…

MADAME DENIS, rajustant sa cornette.

Tendre objet de mes amours,

Pique-toi d’honneur toujours !

Ici le couple bâilla,

S’étendit et sommeilla,

L’un marmottait en ronflant :

« Souvenez-vous-en,

Souvenez-vous-en… »

L’autre : « Objet de mes amours,

Pique-toi d’honneur toujours ! »

DÉSAUGIERS.

COLIN ET COLINETTE

Colin et Colinette,

Au fond d’un jardinet,

Assis dessus l’herbette,

Se faisaient un bouquet…

Et autre chose itou

Que je n’ose vous dire ;

Et autre chose itou,

Je n’ose dire tout.

Il la prend, il la baise,

L’étend sur le gazon,

Et là, tout à son aise,

Lui saisit le menton…

Et autre chose itou, etc.

La bergère troublée,

Lui dit d’un air malin :

Ah ! que je suis aimée !

Retire donc ta main…

Et autre chose itou, etc.

Mais le berger, peu sage,

N’écoutant qu’son ardeur,

Lui fit voir qu’à son âge

On a toujours du cœur…

Et autre chose itou, etc.

Après mainte fleurette,

Notre couple badin

S’endormit sur l’herbette

En se tenant la main…

Et autre chose itou, etc.

Chanson populaire en 1822.

LE DOMPTEUR

Paysannerie.

Quel’ drôl’ de chose que la peur !

J’fus si poltron que dans l’village

On disait : « Qu’il est bêt’ pour s’n âge,

Bien sûr qu’ça lui portera malheur. »

Un’ fois Toinette, c’est ben cocasse,

M’fit voir un animal tout noir

Dont j’ons pas pu r’connaître la race,

Tant j’ons eu peur, vu qu’c’était le soir.

Ah ! sapristi ! qu’j’étions donc bête

D’avoir le trac comm’ça !

J’ons tremblé des pieds à la tête

Devant c’t animal-là.

C’était une manière d’lapin

Avec l’poil’ d’un’ chienne épagneule.

Il ouvrait une si grande gueule

Qu’j’osions point avancer la main.

« A pas peur, que m’dit Toinette,

Il est ben doux, y n’fait point d’mal ;

J’lons déjà fait voir en cachette,

Tout l’monde a flatté c’t animal. »

Ah ! sapristi, etc.

Alle avait beau dire « Il est doux ! »

Mais que voulez-vous que j’y fasse !

J’pouvions pas le regarder en face :

J’en étions tout pâle, entre nous.

« Allons, grand nigaud, dit Toinette,

T’es pas un homme, tu m’fais pitié.

— Attends un brin que je m’remette,

J’vas agir, puisque j’suis défié.

Ah ! sapristi, etc.

Tu dis qu’un homm’ doit avoir du cœur !

Alors il faut que dans l’village

On parle un peu de mon courage. »

Et j’pris c’te bête par la douceur.

La p’tit’ Toinette se laissait faire

En riant de mon air vainqueur !

Et d’puis c’jour-là, qué bonne affaire !

On n’m’appell’ plus que le dompteur.

Ah ! sapristi, etc.

Émile HÉMERY.

BONJOUR, MON AMI VINCENT OU LA CODAQUI

— Bonjour, mon ami Vincent,

Tu viens de notre village ;

Veux-tu me faire présent

De ton joli pucelage ?

— Oh ! nenni, mam’zell’, nenni, nennida !

Mon honneur, toujours, le voulis garda…

Que pens’rot maman, qui m’a dit : Sois sage,

Si la Codaqui m’y voyot manqua ?

Si la Codaqui, si la Codaqua,

Si la Codaqui m’y voyot manqua.

— Eh ! quoi, mon ami Vincent,

Toi que je croyais bon drille,

Tu fais près d’moi l’innocent…

Me trouves-tu vilaine fille ?

— Oh ! mam’zell’, mam’zell’ que me dit’s-vous-là ?

Mais mon tendre cœur le vouli garda ;

Je perdrais l’seul bien que je tiens d’famille,

Si la Codaqui m’y faisot manqua…

Si la Codaqui, si la Codaqua,

Si la Codaqui m’y faisot manqua !

— J’voudrais, mon ami Vincent,

Avec quelque différence,

Ce soir en nous embrassant,

Revoir nos amours d’enfance.

— De c’temps-là, mam’zelle, je m’souvenons, oui-dà ;

Mais j’n’avions point cor d’honneur à garda…

Et, su’l’point d’le perdr’, je frémis d’avance :

Si la Codaqui voulot m’y manqua !

Si la Codaqui, si la Codaqua,

Si la Codaqui voulot m’y manqua !

— J’saurai, mon ami Vincent,

Te montrer entr’ autres choses,

L’assemblage séduisant

De mille attraits blancs et roses…

— Oh ! nenni, mam’zell’, nenni, nennida ;

Mon honneur, toujours le voulis garda ;

J’n’avons qu’faire’ cheu vous de cueillir des roses,

Et la Codaqui m’y pourrot manqua ;

Et la Codaqui, et la Codaqua,

Et la Codaqui m’y pourrot manqua !

Malgré lui, l’ami Vincent

Suivit la charmante Lise

Jusqu’à sa chambre, et voyant

Le lit fait, la table mise,

Il prit son parti, gaîment s’attabla,

Tant but, tant mangea, que lorsqu’on l’coucha,

Il disait, allant d’surprise en surprise :

— Si la Codaqui pouvot mi manqua…

Si la Codaqui, si la Codaqua,

Si la Codaqui pouvot mi manqua.

— Bonjour, mon ami Vincent,

La santé comment va-t-elle ?

— Bien, dit-il en embrassant

Son amante heureuse et belle.

— Chaque soir, ici, j’veux r’venir, oui-dà ;

Car mon doux bonheur, le voulis garda ;

Devant tant d’attraits ma pein’ s’rait cruelle,

Si la Codaqui veniot mi manqua…

Si la Codaqui, si la Codaqua,

Si la Codaqui veniot mi manqua !

Jules CHOUX.

LA MORT, L’APPARITION ET LES OBSÈQUES DU CAPITAINE MORPION

I

Cent mille poux de forte taille

Sur la motte ont livré bataille

À nombre égal de morpions

Portant écus et morions.

Transpercé, malgré sa cuirasse

Faite d’une écaille de crasse,

Le capitaine Morpion

Est tombé mort au bord du c…

En vain la foule désolée,

Pour lui dresser un mausolée,

Pendant huit jours chercha son corps…

L’abîme ne rend pas les morts !

II

Un soir, au bord de la ravine,

Ruisselant de foutre et d’urine,

On vit un fantôme tout nu

À cheval sur un poil de cu.

C’était l’ombre du capitaine,

Dont la carcasse de vers pleine,

Par défaut d’inhumation,

Sentait la marolle et l’arpion.

Devant cette ombre qui murmure,

Triste, faute de sépulture,

Tous les morpions font serment

De lui dresser un monument.

III

On l’a recouvert d’une toile

Où de l’honneur brille l’étoile,

Comme au convoi d’un général

Ou d’un garde national.

Son cheval à pied l’accompagne :

Quatre morpions grands d’Espagne,

La larme à l’œil, l’écharpe au bras,

Tiennent les quatre coins du drap.

On lui bâtit un cénotaphe

Où l’on grava cette épitaphe :

« Ci-gît un morpion de cœur,

Mort vaillamment au champ d’honneur. »

Théophile GAUTIER.

Cette poésie héroïque se chante sur la musique d’une marche funèbre composée par M. Reyze pour le convoi du maréchal Gérard.

LE LAVEMENT

Chanson parade.

Je suis Gilles, garçon z’apothicaire chez M. Fleureau, qui demeure là z’au coin, vis-à-vis un cul-de-sac. On vint l’autre jour me demander un crystère pour mademoiselle Zirzabelle : moi qui ai des vues propres sur cette demoiselle, j’apprête mon affaire, je cours, je monte au sixième, j’arrive sur le derrière, et je dis : Me v’là !

AIR : En revenant de Nivelles.

Salut, mam’selle Zirzabelle,

J’vous apporte un p’tit lavement,

Ça vous r’f’ra l’tempérament ;

Allons, tournez-vous, mam’selle.

Elle m’répond avec dédain :

Fi ! Monsieur, pas tant d’raideur,

Car zamais apothicaire

Ne verra c’que par pudeur

Z’ne fais voir qu’à ma sèr’mère.

— C’que vous dit’-là n’prouve rien,

Vous mentiez drès étant p’tite ;

Drès étant p’tite.

Et puis, d’ailleurs, mam’zelle, c’est pour votre bien ce qu’on en fait : vous avez une inflammation de bas-ventre ; il faut laver ça, mam’zelle : regardez, j’l’ai dressé exprès pour vous. Allons, prenez, prenez.

Ça vous f’ra du bien tout d’suite,

Ça vous f’ra du bien.

— Z’il est par trop vrai qu’ça m’brûle

Qu’z’ai besoin d’rafraîchissans.

— D’vous coucher à contre-sens

D’vez-vous donc z’avoir scrupule ?

— Puisqu’il l’faut, allons ; me v’là.

Mais, Zilles, surtout point d’niche,

Z’ne puis le voir comm’ j’suis là.

— C’est vraiment ça qui me r’fiche,

Tout c’qu’on f’ra s’ra pour vot’bien.

J’sis tout prêt, r’troussez-vous vite,

R’troussez-vous vite.

Pas tant de façons. Encore cette demi-aune de toile. Oh ! quel beau visage, s’il avait z’un nez ! Cependant z’il y a de l’enflure. Il faut z’opérer un dégagement. Avalez-moi ça, mam’selle ; avalez-moi ça.

Ça vous f’ra du bien tout d’suite.

Ça vous f’ra du bien.

Polisson, qu’allez-vous m’faire ?

Un lav’ment ne s’met pas là.

— À la cour aujourd’hui v’là

Comm’ les dam’s prennent un crystère ;

— En c’cas au zenre d’la cour,

Z’il est zust’ que j’me conforme.

Dieu ! faudrait la bouche d’un four

Tant l’instrument est énorme !

— C’est trop d’honneur : mais l’moyen

Serait d’vous fair’ la bouch’ moins p’tite ;

La bouch’ moins p’tite.

Allons, mam’selle, élargissez les voies, et tandis que j’pousse donnez un coup de main. Si ça passe, vous êtes sauvée.

Ça vous f’ra du bien tout de suite,

Ça vous f’ra du bien.

Que vot’ s’ringue m’paraît douce ?

Mais z’redoute l’s accidents.

— Jusqu’au fond v’là que j’suis d’dans,

N’craignez rien : va comm’ j’te pousse.

N’vous tortillez pas si fort,

Ça dérang’rait mon affaire…

V’là qu’ça part. Ah ! sans m’fair’ tort,

C’que j’vous donn’ n’est pas d’l’eau claire,

— Tu m’inond’, oh ! sacré chien,

T’as poussé l’machin trop vite,

L’machin trop vite.

Oh ! mon ser Zilles ! ze n’y étais pas encore. C’pendant ça m’fait z’un peu d’effet. Pour que ma guérison soit complète, redouble la dose, mon ser Zilles, redouble la dose.

Ça me f’ra du bien tout d’suite ;

Ça me f’ra du bien.

J’la guéris, l’on peut bien l’croire,

Avec sept ou huit lav’mens ;

À cell’-là qui dit que j’mens.

Qu’ma s’ringue prouve c’t histoire,

Mettez la main sur vos yeux,

Puis entre vos doigts, mesdames,

R’luquez bien l’machin curieux

Qui rend la santé z’aux femmes.

La vôtre n’vaut-elle rien ?

Profitez d’mon grand mérite,

D’mon grand mérite,

Voyez, mesdames, décidez-vous, faites comme mam’selle Zirzabelle. Qu’est-ce qu’en veut ? huit, dix, douze ! Ne boudez pas contre vot’ ventre. J’suis tout prêt.

Ça vous f’ra du bien tout d’suite,

Ça vous f’ra du bien.

P. -J. de DERANGER.

LE TRALALA

Chanson traditionnelle.

Il est une vieil’ racaill’

Qui rest’ sur mon carré,

Qui dit que j’suis un’ canaille

Qu’il faut guillotiner ;

Tout ça pour la bêtise

Qu’un soir rentrant pochard,

En changeant de chemise

J’lui ai fait voir mon dard.

REFRAIN

Moquons-nous d’ça, tralala !

Foutons-nous d’ça, tralala !

Morbleu ! (bis) Moquons-nous d’ça.

Tralala !

Je suis dans la débine,

J’mets tout au mont-d’piété ;

J’y ai voulu mettre ma p…,

On n’m’en a rien donné.

Du cul de ma maîtresse

J’espérais trouver mieux,

Mais en voyant ses fesses,

On m’a dit : C’est trop vieux !

(Refrain.)

J’ai eu plus d’vingt chaud’-pisses,

Mais j’suis pas écœuré ;

J’ai eu des chancr’s aux cuisses,

Mais tout n’est pas rongé.

Quand j’rencontre une gourgande,

J’brave encore le péril

Et j’lui fais fair’, quand j’bande,

La pirouett’ sur l’nombril.

(Refrain.)

Ah ! çà, pas d’fariboles

Et surtout pas d’bêch’ment

Ou le roi des mariolles

Va vous enl’ver l’fondement.

Mais j’aim’ pas la critique,

Si j’suis galant, c’est qu’je l’veux.

Vive la République

Et à bas les merdeux[8].

(Refrain.)

Si jamais la fortune,

C’te n. de D. d’putain,

Voulait m’coller d’la tune

Seulement plein les deux mains,

J’voudrais, cré mill’ tonnerres !

Soul’ver les Iroquois,

Pocharder tout’ la terre

Et j’encul’rais les rois !

(Refrain.)

J’n’ai jamais fait fortune,

Mais j’ai souvent gouappé

L’ventre au clair de la lune

Et l’cu dans un fossé ;

Mais j’sens qu’ça m’gargouille,

C’est sal’ de faire un r’nard,

J’emmerde la patrouille

Et je repionc’ d’achar…

(Refrain.)

PAR PLUSIEURS ANONYMES DU QUARTIER LATIN.

LA PETITE OUVRIÈRE

AIR : À ma Margot, de bas en haut.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

Défunt’ maman m’disait sans cesse :

Au bout d’tes doigts est la richesse.

Fill’ qui travaille avec honneur

S’fait soi-même son p’tit bonheur.

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

L’cœur à l’ouvrage au mois d’décembre,

Sans feu j’m’enferme dans ma chambre

Quand il gèle à claquer des dents,

J’réchauff’ mes doigts sans souffler d’dans.

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

D’beaux messieurs proposent de m’faire

Des enfants qui mourraient de misère ;

Chers enfants, par le travail que v’là

Je vous épargne ce chagrin-là,

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

Pour m’amuser, d’abord j’m’occupe

D’not’ boulanger z’avec sa jupe ;

En jupe j’me r’présent’ toujours

C’garçon d’esprit v’lu comme un ours.

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

Je m’rappelle aussi l’grand Léandre,

Qui d’vant ma f’nêtre, d’un air tendre

S’déboutonne comme un impur,

Sans s’tourner du côté du mur.

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je le vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

L’ouvrièr’ qui craint la satire

Doit s’chatouiller pour se fair’rire ;

En travaillant ça rend l’cœur gai,

Et l’poignet seul est fatigué.

Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !

Ah ! je suis tout en nage.

Ma mère avait raison, je l’vois,

Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.

P. -J. de BÉRANGER.

MADAME BARBE-BLEUE OU L’OGRESSE

AIR : Voilà la petite Laitière.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

Tubleu ! damoiseaux étourdis,

Redoutez-moi : je suis ogresse.

Des ogresses du temps jadis

J’ai l’appétit et la tendresse,

Jurant, sacrant comme un démon,

À ma barbe je dois mon nom.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

Pour bien juger de quels morceaux

Il faut que ma faim se repaisse,

Galant, qui crains les longs assauts,

Contemple cette barbe épaisse ;

Sans trembler l’on ne peut la voir :

Elle défierait le rasoir.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

Voulant vous détruire en un jour,

Petits blondins, faibles espèces,

Que Vénus batte le tambour

Et lève un régiment d’ogresses ;

Pour vous faire de belles peurs

Je commanderai les sapeurs.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

Malgré mes appétits gloutons,

Jamais de jour qu’il ne me vienne

Des barbes de tous les cantons

Pour se mesurer à la mienne.

Barbe de prêtre, de robin.

Barbe de Turc et de rabbin.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

Mais, quoi qu’on fasse, je pâtis

Et tout m’est bon lorsque je souffre.

Deux mille amants grands et petits

N’ont encor pu combler ce gouffre ;

Bien d’autres, non moins échauffés,

De ma barbe mourront coiffés.

Je suis morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

J’avalerais sans les mâcher,

En un jour, deux abbés, trois carmes,

Les six gros garçons du boucher,

Huit portefaix et dix gendarmes ;

Quand tout un bataillon viendrait,

Par ma barbe, il y passerait.

Je suis, morbleu,

Madame Barbe-Bleu,

Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.

P. -J. de BÉRANGER.

LE SOUS-LIEUTENANT

Un sous-lieut’nant, accablé de besogne,

Laissa sa femme un jour emboîter l’pas.

Elle partit seul’ pour le bois d’Boulogne,

En emportant un dragon sous son bras…

Drinn, drinn, drinn, drinn, drinn, drinn.

Drinn, drinn, drinn, drinn, drinn, drinn.

D’un’ tell’ confianc’ le dragon était digne :

Pendant trois jours il fut très empressé ;

Y’en a qui dis’nt qu’ils pêchaient à la ligne,

Moi je soutiens qu’ils ont herborisé…

Drinn, drinn, drinn, etc.

Le sous-lieut’nant, le désespoir dans l’âme,

Au bois d’Boulogne accourut tout inquiet…

Mais l’malheureux, quand il r’trouva sa femme,

Fut parfaitement convaincu qu’il était…

Drinn, drinn, drinn, etc.

Léon GOZLAN.

LES CULOTTES

Chanson en manière d’ordures.

Faite par ce polisson de Gilles, dessus mam’selle Zirzabelle, qui aime à se mettre en homme, parce que ça lui fait plaisir.

AIR : Tout le long de la rivière.

Zirzabelle, est-c’ ben vous que j’vois ?

J’vous r’connaissons à vot’ minois ;

Est-ce encor mam’sell’ qu’on vous nomme ?

Vous voilà costumé z’en homme.

C’t habit raplatit vos appas,

C’qu’aujourd’hui vous n’étalez pas ?

Rien d’moins gênant z’avec vous qu’une cotte,

Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;

Ôtez donc, ôtez votre culotte.

Changer de sesque c’est fort mal

Quand on n’est plus dans l’carnaval ;

P’t-être aussi qu’vous changez d’manière,

Et qu’aux femmes vous voulez plaire ;

Ce s’rait deux bons goûts à la fois :

J’vous crois fait’ pour en avoir trois.

Mais d’quéq’ côté qu’on vous porte une botte

Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;

Ôtez donc, ôtez votre culotte.

Comme l’amour rend z’inconstant !

J’finis par trouver ça piquant.

Permettez que j’vous déboutonne…

Mais, jarni, ne vient-il personne ?

On peut nous voir de c’te façon

Et vous prendre pour un garçon ;

Pour qu’on n’dise pas qu’j’ai changé de marotte,

Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;

Ôtez donc, ôtez votre culotte.

Dépêchez, ou j’vais par-dessus

Vous faire un’ boutonnière de plus :

Mais v’là que j’vous tache, mam’selle ;

C’est la faute de vot’ bertelle ;

Plus que mon amour elle tenait ;

Bonsoir, j’ai remis mon bonnet.

Sans étrenner r’montez tout dans la hotte,

Mam’selle, r’montez, r’montez votre culotte ;

R’montez donc, r’montez votre culotte.

Mesdam’, la morale est mon fort.

Or donc, notre habit vous fait tort :

Ne prenez c’costume nuisible

Que pour tromper, si c’est possible,

Les homm’s impurs qui sont l’effroi

Des jolis garçons comme moi.

Autrement qu’ça, dit l’Saint-Père aux dévotes,

Mesdam’, ne mettez qu’la main dans la culotte ;

Ne mettez qu’la main dans la culotte.

P. -J. de BÉRANGER.

L’ORATOIRE D’UNE DÉVOTE

AIR du Roi d’Yvetot.

Bien malgré vous je suis entré,

Claire, et je ne puis croire

Que ce lieu si bien décoré

Soit un oratoire.

Vous y priez matin et soir :

Aussi je veux dans ce boudoir

Tout voir ;

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Le joli sopha que voilà,

La, la.

Quel est ce livre à filets d’or ?

Un paroissien fidèle.

Quoi ! c’est l’infâme !… Ah ! Claire, encor

Si c’était la Pucelle !

Ma dévote a choisi vraiment

Pour la mémoire un ornement

Charmant.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Priez-vous dans ce livre-là ?

La, la.

C’est en vain que vous vous fâchez,

Déroulons ces images.

Ce sont des saints que vous cachez ?

Peste ! les beaux visages !

Ce n’est pas le mot tout à fait,

Mais ces tableaux sont d’un effet

Parfait.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Tous les bienheureux que voilà !

La, la.

Que vois-je, orné d’une faveur,

Là dans votre corbeille ?

C’est un agnus ?… Ah ! doux Seigneur !

Sa taille est sans pareille.

C’est un… Ma foi, c’est ressemblant,

Bien ferme, bien gros, bien roulant,

Bien blanc.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quelle relique avez-vous là !

La, la.

Claire, on voulait nous marier,

Mais croyez-vous possible

Que mon cœur ose défier

Un rival si terrible ?

Il est taillé pour vos attraits ;

Combien mince je paraîtrais

Auprès !

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Rendez heureux ce monsieur-là !

La, la.

P. -J. de BÉRANGER.

L’HERMAPHRODITE

Air : Trop de pétulance gâte tout.

Admirez à la promenade

Ce petit être tant joli

Qui près des jeunes gens est fade,

Près des dames n’est que poli.

Son teint, reluisant de pommade,

Par le carmin est embelli.

Joli petit fils, petit mignon,

Mâle ou femelle, je sais ton nom.

On le devine quand il passe,

Autour de lui l’air est ambré,

Ses cheveux bouclent avec grâce,

Son habit presse un dos cambré :

Comme une coquette un peu grosse,

Dans un corset il est serré,

Joli petit fils, petit mignon,

Mâle ou femelle, je sais ton nom.

Bien qu’au rigide honneur des dames

Il n’ait fait tort d’un iota,

Plus d’une par ses épigrammes

Maintes fois le déconcerta.

Il met des épingles aux femmes

Et jamais ne leur en ôta.

Joli petit fils, petit mignon,

Mâle ou femelle, je sais ton nom.

Il est là-bas, à la poursuite

D’un blondin digne de son choix ;

Mais un vieil ami s’en irrite

Et l’entraîne au fond de ce bois.

L’Amour à notre hermaphrodite

A-t-il donné flèche ou carquois ?

Joli petit fils, petit mignon,

Mâle ou femelle, je sais ton nom.

Mais de savoir comme il se nomme,

Après tout il est un moyen :

Puisque l’un des siens eut à Rome

Les bonnes grâces d’Adrien,

Jadis échevins de Sodome,

Ses aïeux étaient gens de bien.

Joli petit fils, petit mignon,

Mâle ou femelle, je sais ton nom.

P. -J. de BÉRANGER.

NICETTE

AIR : Il était une fille.

L’innocente Nicette,

Un jour vit les doux jeux

De deux beaux pigeons amoureux.

Qu’est-ce, dit la pauvrette,

Et que font-ils donc là ?

Puis son cœur soupira,

Ah !

Le lendemain la belle

S’approcha de Colin,

Qui de baisers couvrit son sein.

Oh ! Colin, lui dit-elle,

Pourquoi baiser cela ?

Et Colin répéta :

Ah !

Doucement il la pousse,

Et grâce à la saison

Tous deux tombent sur le gazon.

Malgré le lit de mousse,

On dit qu’il la blessa ;

Que même elle cria :

Ah !

Depuis ce temps Nicette

Craint que l’écho jaloux

Ne répète des ah ! plus doux.

Mais plus d’une fillette

Comme elle rougira

Quand l’écho redira :

Ah !

P. -J de BÉRANGER

LA SOURIS

AIR : Dans les gardes françaises.

Lise, jeune et craintive,

Redoute les souris ;

Une souris bien vive

Vient exciter ses cris ;

Pour cause aussi légère,

Le bruit me paraît fou.

Lise, laissez-la faire :

Elle cherche son trou.

Dans sa peur qui redouble,

Lise fuit, mais en vain ;

La souris qui se trouble

Lui saute dans la main.

La belle, en criant, serre

Cet animal filou.

Lise, laissez-la faire :

Elle cherche son trou.

Mais l’effroi la domine :

Lise s’évanouit.

La souris libertine

Gagne alors son réduit.

Cette souris, ma chère,

Ne craint plus le matou.

Lise, laissez-la faire :

Elle a trouvé son trou.

J. -P. de BÉRANGER.

SERMON D’UN CARME

Seul manuscrit trouvé dans l’une des maisons de cet ordre, qu’on devrait s’empresser de rétablir. Ainsi soit-il.

AIR : Chantons lætamini.

Un Carme à ses ouailles,

Tous gens d’un goût suspect,

Disait : Corbleu ! canailles,

Vos péchés sont infects.

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Ô Bulgares ! vous êtes

Atteints et convaincus

De faire des cornettes

Et jamais des cocus !

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Vous tombez dans le schisme,

Et c’est, en vérité,

Prendre le paganisme

Par le vilain côté.

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Du ciel vos goûts étranges

Font votre exclusion ;

Vous perdriez les anges

De réputation.

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Avec vous fille sage,

Perdant ainsi son droit,

Fait de son pucelage

Une bague à son doigt.

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Qui ne juge, aux harangues

Des Saphos de nos jours,

Que ces mauvaises langues

Font la guerre aux amours.

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Quand vous fuyez ces dames,

Seul que ne puis-je, hélas !

Suffire à tant de femmes ?

Je ne vous dirais pas :

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

Si des feux de Gomorrhe

Rien ne peut vous sauver,

Qu’en moi Dieu voie encore

Un homme à conserver

Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !

Est-ce ainsi qu’on vous fit ?

P. -J. de BÉRANGER.

LES DEUX SŒURS OU LE CAS DE CONSCIENCE

AIR : de Laujon. Je vous prêterai mon manchon.

Zoé, de votre sœur cadette

Que voulez-vous entre deux draps ?

Que sans chemise je me mette ?

Fi ! ma sœur, vous n’y pensez pas.

Mais à vos fins vous voilà parvenue,

Et vous baisez ma gorge nue.

Vous me tiraillez,

Vous me chatouillez.

M’émoustillez ;

Mais au fond ce n’est rien,

Je le sens bien ;

Mais au fond ce n’est rien.

Pour vous en prendre à notre sexe,

Avez-vous mis l’autre aux abois ?

C’est peu que votre main me vexe,

Vous usez pour vous de mes doigts :

La tête aux pieds la voilà qui se couche,

Ciel ! où mettez-vous votre bouche ?

Ah ! pour une sœur,

Quelle noirceur !

Quelle douceur !

Mais au fond ce n’est rien,

Je le sens bien ;

Mais au fond ce n’est rien.

Rougirions-nous, je le demande,

Si nos amants pouvaient nous voir ?

Pourtant il faut que je vous rende

Le plaisir que je viens d’avoir.

Je m’enhardis : car jamais, je ne sache,

Je n’ai baisé d’homme à moustache.

Ah ! nous jouissons,

Et des garçons

Nous nous passons.

Mais au fond ce n’est rien,

Je le sens bien ;

Mais au fond ce n’est rien.

Ne croyez pas que je contracte

Ce goût déjà trop répandu :

C’est bon pour amuser l’entracte

Quand le grand acteur est rendu.

Ce que je crains, ô sœur trop immodeste !

C’est d’avoir commis un inceste :

Peut-être est-ce un cas

Dont nos prélats

Ne parlent pas :

Car au fond ce n’est rien,

Je le sens bien ;

Car au fond ce n’est rien.

P. -J. de BÉRANGER.

LES PRÉMICES DE JAVOTTE

AIR du Gros Thomas.

Tant que je vivrai,

De la jeune et fraîche Javotte

Je me souviendrai.

Son enseigne était la Galiotte.

Pour vendre mieux son vin,

Par un regard divin

Elle enivrait chaque pratique

Qui venait garnir sa boutique.

Ah ! comme on tirait

Chez ell’ du vin clairet !

Autant de buveurs,

Autant d’amants pour la marchande ;

Mais de ses faveurs

Aucun n’avait eu la plus grande.

On pouvait bien oser

Lui prendre un doux baiser

Et même redoubler la dose

En lui prenant… quelqu’autre chose…

Ah ! etc.

Quand j’eus remarqué

Que Javotte, par aventure,

Avait reluqué

Mon pied, ma taille et ma figure,

Je me dis : Sa vertu

C’est autant de… fichu.

Vous allez voir, par mon histoire,

Ce qu’un soir je fis, après boire…

Ah ! etc.

Or, un certain soir,

Et Javotte n’était pas brave,

Il faisait bien noir

Pour descendre seule à la cave.

— Tout seuls dans la maison,

Lui dis-je avec raison,

Je puis vous servir à merveille

Pour mettre une pièce en bouteille…

Ah ! etc.

Entrés au caveau,

Je presse sa taille élancée,

Et vers le tonneau

Tout doucement je l’ai poussée…

Mon cœur va soupirant…

Ma main va s’égarant…

Sur le tonneau je la renverse…

J’étais prêt à tout mettre en perce !

Ah ! etc.

Vin nouveau, vin vieux,

Ne jaillit pas sans qu’on y touche.

Du jus précieux

Déjà l’eau me vient à la bouche ;

Mon foret est placé,

Je pousse… j’ai percé…

Mais Javotte a perdu la boule

Et je sens que la liqueur coule…

Ah ! etc.

Quels moments charmants

J’ai passés avec ma Javotte !

En dépit du temps

Son souvenir me ravigote !

Souvent, entre deux draps,

Rêvant à ses appas,

Et d’une voix entrecoupée,

Je me dis, la main occupée :

Ah ! comme on tirait

Chez ell’ du vin clairet !

E. DE PRADEL.

L’ANGUILLE

Un jour le père Boniface

Sur le carême allait prêcher ;

Par hasard, auprès de lui passe

Guillot, qui venait de pêcher.

Le villageois offre au bon père

Une anguille, excellent morceau ;

Quoique près de monter en chaire,

Le moine accepte le cadeau.

Excité par la gourmandise,

Boniface n’a pas songé

Que tout le monde est à l’église ;

Du poisson il reste chargé :

— Où diable mettre cette anguille ?…

Mais je trouve un moyen fort bon !

Et sous son ample souquenille

Il l’attache avec un cordon.

Il se montre enfin dans la chaire,

Croyant le poisson bien caché ;

Il parle, il prend un ton sévère,

Dont tout l’auditoire est touché.

Bientôt l’anguille frétillante,

Qu’il n’avait pu bien enlacer,

Agite sa robe mouvante

Et donne beaucoup à penser.

D’abord les mamans sont surprises ;

Les fillettes baissent les yeux ;

On rit ; le moine est dans les crises,

Mais voyant l’objet scandaleux,

Il relève sa houppelande

Et leur fait ainsi la leçon :

— Vous croyez que c’est de la viande !

Non, mesdames, c’est du poisson.

E. DE PRADEL.

M’AIMEZ-VOUS ?

Vous êtes si jolie !

Laissez-moi

Vous regarder, Julie,

Sans effroi ;

Vos regards, que j’appelle,

Sont si doux !

Je vous aime, cruelle,

M’aimez-vous ?

Vos cheveux, que je presse,

Sont si longs !

Vos bras, que je caresse,

Sont si ronds !

Et vos petits doigts roses,

Entre nous,

Promettent tant de choses…

M’aimez-vous ?

Col blanc, taille mignonne,

Que d’appas !

Vous devez être bonne,

N’est-ce pas ?

Laissez tomber ces voiles

Si jaloux…

Ciel ! je vois les étoiles !

M’aimez-vous ?

Ce beau sein sur ma bouche,

Qu’il est pur !

Ce bouton que je touche,

Qu’il est dur !

Ah ! laissez-moi descendre

Au-dessous ;

Laissez-moi vous surprendre…

M’aimez-vous ?

Richesses inconnues,

Je vous vois !

Vos beautés toutes nues

Sont à moi !

Poussons, poussons, ma mie,

Les verrous ;

Je souffle la bougie.

M’aimez-vous ?

Aidez-moi, ma petite…

C’est cela…

Plus doucement… plus vite…

Halte-là !…

Au diable soit… courage…

La vertu !…

Ah ah ! déjà ! je nage…

M’aimes-tu ?

NADAUD.

C’EST DU NANAN

AIR : Ça va bon train.

Ma fille, avant d’céder ta rose,

Retiens bien ce précepte-là :

Les devoirs que l’on nous impose,

C’est du caca.

Pourtant il faut qu’on se soumette

Aux lois d’un monde impertinent ;

Mais l’plaisir qu’on goûte en cachette,

C’est du nanan.

En amour, si tu vas trop vite,

Rappelle-toi qu’il t’en cuira.

Un’ jouissanc ‘qui finit tout d’suite,

C’est du caca.

Fi des voluptés ordinaires

Qui ne durent qu’un p’tit instant ;

Mais les gentils préliminaires,

C’est du nanan.

Si plus d’un gringalet t’lutine,

Crois-en ta mèr’ qui l’éprouva,

Prendre un amant de maigre échine,

C’est du caca.

Pinc’-moi plutôt un d’ces grands drôles

Qui crèvent, de tempérament,

Larges des reins et des épaules

C’est du nanan.

Peut-être, échauffé de bourgogne,

Ton monsieur te maltraitera,

Car parfois un amant nous cogne ;

C’est du caca.

Se voir battre à propos de botte,

J’conviens qu’ça n’est guère amusant,

Mais aussi quand y vous mijotte,

C’est du nanan.

À des pouilleux si tu t’accroches,

Ma chère fille, il t’en cuira ;

Car l’amour sans vaissell’ de poches,

C’est du caca.

Arrang’-toi plutôt, vaill’ que vaille,

Avec un ân’ cousu d’argent,

Car les pièc’s blanch’s et la mitraille

C’est du nanan.

Un rimailleur qui vous dorlote

De chansonnette, et cætera,

Vous fait barboter dans la crotte,

C’est du caca.

Mais parlez-moi d’ces vieux bobosses

Qui, sans façon, vous font présent

D’une guimbarde et de deux rosses…

C’est du nanan.

Dis aux escroqueurs de Cythère,

Qui n’offriraient rien pour fair’ ça,

En donnant du balai, ma chère :

C’est du caca.

Mais avec ceux que la victoire

A trahis, fais-le gratuit’ment :

Rendre service aux fils de la gloire,

C’est du nanan.

Ne t’marie, afin d’paraître sage,

Que quand la vieilless’ te viendra ;

Car s’enchaîner dans son jeune âge,

C’est du caca.

Mais quand tu s’ras dans ton ménage,

Faut pas pour ça t’priver d’amant,

Car les accrocs faits au mariage,

C’est du nanan.

E. DEBRAUX.

MA LISA, TIENS BIEN TON BONNET

AIR du Passe-partout.

Ma pauvre enfant, aux discours de ton père

Prête l’oreille encor quelques instants.

Tu vas bientôt m’planter là, comm’ ta mère.

Puisque tu vas atteindre tes quinze ans.

Des gringalets déjà l’essaim s’prépare

À te pousser quelque botte en secret :

Pour conserver c’te fleur qui d’vient si rare.

Ma Lisa (bis), tiens bien ton bonnet !

Tu trouveras quelquefois sur ta route,

Un va-nu-pieds, bien rond et bien carré,

Qui pouss’ toujours, sans que rien le déroute,

Jusqu’à c’qu’au centr’ sa main ait pénétré.

Il est si gros, et toi t’es si mignonne,

Qu’son p’tit doigt seul, j’en suis sûr, t’effraierait :

Tout ce qu’il touch ‘s’élargit, se chiffonne…

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

Il en est un de plus mince encolure,

Petit mais fort et bien ferme des reins,

Qui, quoiqu’il n’ait ni talent ni figure,

Sur c’qui lui plaît aime à fourrer ses mains.

P’tit comme il est, c’est roide comme un cierge :

Dans l’plus p’tit trou ça gliss’ comme un furet :

Et près de lui si tu veux rester vierge,

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

J’en vois quéqu’z’uns qu’ont les manières gentilles,

De la jeunesse et de la vivacité :

Ces garçons-là ça tourn’ la tête aux filles,

Mais presque tous ils ont le cœur gâté.

Sur leur discours crois-moi, tir’ la ficelle :

Dans c’siècle-ci, plus d’un mauvais sujet

Change en gratt’-cul la rose la plus belle.

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

Ce grenadier de notre vieille garde,

Qui te poursuit de son œil plein de feu,

Est un malin, et si tu n’y prends garde

Il pourra bien t’effeuiller un p’tit peu,

Ce gaillard-là me paraît fort ingambe,

Et si tu l’laiss’s m’ner au cabaret,

Il te donn’ra quéqu’ jours un croc en jambe.

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

Ce p’tit auteur qui pinc’ la chansonnette

Voudrait aussi te faire les beaux bras :

Tout en chantant ta blanche collerette,

J’l’ai vu fourrer sa main un peu plus bas.

De l’écouter ne fais pas la bêtise :

Prends ça sur toi, vois-tu, ça t’maigrirait…

Ces auteurs-là, c’est gueux comm’ rat d’église !

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

Choisis un vieux qu’ait d’la vaissell’ de poche.

Tu vas r’clamer pour ton tempérament ;

Mais, vois-tu bien, sans trop fair’ de bamboche,

Tu peux avoir encore un autre amant.

Si celui-là fait danser ta mitraille,

Tâch’ d’amasser quelques sous en secret ;

Et si tu n’veux pas mourir sur la paille,

Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !

EM. DEBRAUX.

LE SACRIFICE INTERROMPU

OU LES AMANTS DANS LA MERDE

Écoutez l’étrange aventure

De deux amants infortunés,

Par l’impérieuse nature

À d’amers plaisirs entraînés.

Aussi, parents au front austère,

Pourquoi, pour ne rien empêcher,

Forcer tous les cœurs à se taire

Et les amours à se cacher ?

Il est, au fond d’un bois propice,

Un temple modeste et secret

Que le parfum du sacrifice

Révèle au pèlerin discret :

Là, sous des berceaux de lavande,

Vient chaque jour quelque mortel

Déposer une obscure offrande

Qui fume et se perd sous l’autel.

Là, déroulant avec mystère

Un papier qu’elle ne lit pas,

La beauté chaste et solitaire

Dévoile un moment ses appas ;

Elle en sort confuse et légère,

Elle en sort pour y revenir,

Et jamais, princesse ou bergère,

Sans y laisser un souvenir.

C’est là, par un beau soir d’automne,

Que la jeune et tendre Zila

Conduit son amant, qui s’étonne

Que l’amour les attende là.

— Ô ma Zila ! dit l’heureux Jule,

Il est donc arrivé ce jour,

Ce jour que la pudeur recule

Sans jamais fatiguer l’amour !

Il dit et, d’une main agile,

Dénouant rubans et lacets,

Sur le siège étroit et fragile

Jette Zila qui rougissait.

Quelque temps la vierge troublée

Se débat sous sa mâle ardeur.

Tout à coup, la planche ébranlée

Crie et cède… avec la pudeur.

Ils tombent… les amours folâtres

Agitent encor leurs flambeaux,

Comme ces feux opiniâtres

Qui s’irritent au sein des eaux.

Déjà fier d’une double attaque,

Jule oubliait l’affreux séjour…

Lorsqu’en grondant un corps opaque

Vient obscurcir l’air et le jour.

— Oh ! qui que vous soyez ! s’écrie

Zila, qui pressent le danger,

N’achevez pas, je vous en prie,

N’achevez pas, noble étranger !

L’étranger faiblement riposte

Et, saisi d’un effroi mortel,

Se lève, emportant l’holocauste

Qui se balançait sur l’autel.

Cependant on accourt, on entre

En traînant un câble bruyant :

Le câble plonge au fond de l’antre,

Se tend et remonte en criant.

Jule en sort : l’assemblée entière

Fuit. Aux regards du jour vengeur

Zila comparut la dernière :

On ne voyait plus sa rougeur…

Émile DESCHAMPS.

LES MŒURS

Air : Contentons-nous d’une simple bouteille.

Mes chers amis, respectons la décence…

Ce mot lui seul vaut presque une chanson ;

Sans équivoque, et surtout sans licence,

Je vais parler de l’amant de Lison :

Le drôle, un jour, d’un ton fait pour séduire,

Lui détaillait des lubriques horreurs.

Ce qu’il disait je pourrais vous le dire,

Mais je me tais, par respect pour les mœurs.

Sachez que Lise est une fille honnête,

Qui se choqua d’un pareil impromptu :

Mais au vaurien ne vient-il pas en tête

De pénétrer le fond de sa vertu !

Sein ferme et blanc ne saurait lui suffire,

Déjà deux doigts sont en besogne ailleurs.

Ce qu’ils y font, je pourrais vous le dire.

Mais je me tais, par respect pour les mœurs.

Au bord du lit, sur le nez il la pousse,

Et bravement l’attaque par le dos ;

Lise, indignée en sentant qu’il la trousse,

Sans doute alors se livrait aux sanglots.

Dans son cœur tendre aussitôt ce satyre

Enfonce, enfonce… un long suket de pleurs…

Ce que c’était je pourrais vous le dire,

Mais je me tais, par respect pour les mœurs.

Longtemps encor, Lison, dans sa posture,

À tour de reins se débat vivement.

On me dira que c’était par luxure ;

C’est par vertu, moi j’en fais le serment.

Or, pour six mois, sa vertu sut réduire

Le scélérat à pleurer ses erreurs.

Ce qu’il gagna, je pourrais vous le dire,

Mais je me tais, par respect pour les mœurs.

BÉRANGER.

L’ACCOUCHEMENT

ACCIDENT ARRIVÉ À UNE FILLE VERTUEUSE

AIR : Je veux être un chien.

Maman, je souffre à l’endroit

Où décemment je mets le doigt !

Vite, il faut qu’on me déshabille !

Moi qui tiens si fort à l’honneur,

M’arriverait-il un malheur !

Ah ! fiche ! ah ! chien !

Non, je n’y conçois rien,

Mais j’accouche, foi d’honnête fille.

Pourtant je ne grossissais pas ;

Je n’avais qu’un peu plus d’appas,

Ça complétait ma pacotille.

La vertu m’avait réussi.

Dieu !… l’accoucheur est-il ici ?

Ah ! fiche, etc.

Cela me vint-il en dormant

Ou par l’effet d’un sentiment ?

Car moi, c’est par là que je brille.

Serait-ce mon baron perclus !

Bon !… s’il avait ce qu’il n’a plus…

Ah ! fiche, etc.

N’est-ce pas un soir que, fort tard,

Sur ma porte, un galant hussard

En passant me trouva gentille ?

Il n’a tenté qu’un faible essai…

J’étais retroussée, il est vrai.

Ah ! fiche, etc.

Ce n’est pas mon Italien ;

Il m’a prouvé son goût trop bien :

Il n’aura jamais de famille.

À sa guise il était reçu…

M’a-t-il trompée à son insu ?

Ah ! fiche, etc.

Vivez donc de privations !

Prenez donc des précautions !

Sans la sauce mangez l’anguille !

Beau moyen et bien éprouvé :

J’en suis pour un enfant trouvé.

Ah ! fiche ! ah ! chien !

Non, je n’y conçois rien,

Mais j’accouche, foi d’honnêt’ fille.

BÉRANGER.

LA MARRAINE

AIR : La boulangère.

Marraine, qui nous instruisez

Dès l’moment où nous sommes

Rien qu’à l’tenir vous qui prisez

L’cœur de messieurs les hommes,

J’suis en âge d’avoir un amant ;

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Comment,

Comment qu’y faut qu’je l’prenne ?

J’vois deux morveux qui m’font la cour

Se frotter à ma jupe ;

L’un a l’nez long, l’autre a l’nez court,

Et c’est là c’qui m’occupe ;

Ces deux morveux sont bien tournés ;

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-ce au nez,

Au nez qu’y faut qu’je l’prenne ?

L’un est roux, dur et sournois,

Tout frais v’nu d’sa province,

Qui n’me fait rien qu’en tapinois,

Qui m’chatouille et qui m’pince ;

Dur comme il est, c’est un homm’ sûr ;

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-c’le dur,

Le dur qu’y faut que j’prenne ?

L’autre est brun, bien dru, bien droit,

Plein d’esprit et d’bravoure ;

Ôtez-lui la main d’un endroit,

Dans un autre il la fourre ;

Dru comme il est, j’aurais d’son cru.

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-c’le dru,

Le dru qu’y faut que j’prenne ?

L’un n’est pas plus haut que cela,

Mais il n’lui faut pas d’aide ;

Quand je l’tiens dans ces cinq doigts-là ;

Jarni, comme il est raide !

Tout p’tit qu’il est, ça m’divertit ;

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-ce le petit,

Le p’tit qu’y faut que j’prenne ?

L’autre est si gros que je n’crois point

Que par ma porte il passe ;

Mais rien n’lui sied comm’ l’embonpoint,

Car jamais y n’se lasse ;

Gros comme il est, ça n’a pas d’os ;

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-c’le gros,

Le gros qu’y faut que j’prenne ?

Le choix vous semble embarrassant,

J’en juge à vot’ silence ;

Vot’ filleule a l’cœur innocent !

C’est c’qui fait qu’elle’ balance.

Pour n’pas fair’ de choix hasardeux,

Dit’s-moi donc, ma marraine,

Est-c’ les deux,

Les deux qu’y faut que j’prenne ?

BÉRANGER

LE PETIT BOSSU

AIR : Tu n’auras pas, petit polisson.

Petit bossu, noir et tortu,

Qui me bécottes

Et fripes mes cottes,

Petit bossu, noir et tortu,

De me baiser finiras-tu ?

C’est le plus laid des sapajous ;

Mais ses trésors point ne tarissent,

Et ses doigts crochus m’éblouissent,

Tant ils sont chargés de bijoux

Petit bossu, etc.

Ma taille devrait le gêner ;

Je suis grande, il en sera dupe,

Ma foi, s’il se perd sous ma jupe,

Nous le ferons tambouriner.

Petit bossu, etc.

Mais entre ses dents le furet

A pris le bas de ma chemise,

Sur le bord du lit il m’a mise

Et grimpe sur un tabouret.

Petit bossu, etc.

Il me promet force cadeaux,

À son nez pourtant je le raille

Et ris de voir sur la muraille

La silhouette de son dos.

Petit bossu, etc.

En dépit de ses madrigaux,

Je ressemble, je l’imagine,

À ces beaux vases de la Chine

Qui pour couvercle ont des magots.

Petit bossu, etc.

Quelle est ma surprise aujourd’hui !

Dans ce nain je trouve un Hercule.

Faut-il qu’il soit si ridicule

D’avoir du plaisir avec lui !

Petit bossu, etc.

Quoi, dix fois ! Ah ! l’on s’en défend.

Peste ! il est bien temps que j’y pense.

Qu’il pourrait à sa ressemblance

Me faire un singe pour enfant.

Petit bossu, noir et tortu,

Qui me bécottes

Et fripes mes cottes,

Petit bossu, noir et tortu,

De me baiser, finiras-tu ?

BÉRANGER.

LE BIJOU DE FAMILLE

Air de l’Angélus.

Sans richesse, sans bien, sans or,

À peine aux portes de la vie,

Rose possédait un trésor

À mille amants faisant envie.

Qu’il soit pauvre, avare ou brutal,

Un père au moins donne à sa fille

Pour en jouir, soit bien, soit mal,

Un petit bijou de famille.

Ce petit bijou tant prôné

Était le simple coquillage

Auquel les savants ont donné

Le joli nom de pucelage.

Rose avec grand soin le cachait

Et donnait un soufflet au drille

Dont la main par trop s’approchait

Du petit bijou de famille.

Sur ses écus osant compter,

Un jour un vieux naturaliste,

Espérant sur tous l’emporter,

Des amants vint grossir la liste.

Mais Rose lui dit, sans émoi :

« Pauvre homme qui portez béquille,

Que feriez-vous, dites-le moi,

Du petit bijou de famille ? »

Mais par malheur, un certain soir,

De Jean pour entendre la flûte,

Sur le gazon voulant s’asseoir,

La pauvre enfant fit une chute.

Dans son œil d’amour enflammé,

D’où vient cette larme qui brille ?

Hélas ! elle a tout abîmé

Le petit bijou de famille.

« Quoi ! tu vas pleurer pour si peu !

Dit alors l’amant à la belle,

Rassure-toi, ma chère, on peut

Réparer cette bagatelle. »

Mais le gaillard a si mal fait

Ce qu’il nommait une vétille

Qu’hélas ! il fendit tout à fait

Le petit bijou de famille.

Avec quelques mots de latin,

Si Jean désire qu’on les dise,

Un pasteur, le fait est certain,

Pourra réparer la sottise.

Mais en vain pour le décider,

Après Jean court la pauvre fille ;

Jean ne veut pas raccommoder

Le petit bijou de famille.

« Ah ! dit Rose, depuis ce jour,

À chacune de ses compagnes,

Vois mon sort, et crains que l’amour

Ne t’atteigne dans nos campagnes.

Ferme l’oreille à ses chansons,

Et surtout, fillette gentille,

Ne prête jamais aux garçons,

Ton petit bijou de famille »

E. DEBRAUX.

LES COQUILLES

AIR de la Grisette.

Une coquine, connaissant

Mon faible pour la gourmandise,

Conçut le projet innocent

De me vendre sa marchandise ;

Fais, me dit-elle, un doux effort,

Viens avec moi, fleur des bons drilles,

D’une huître qui te plaira fort

Je vais te montrer les coquilles.

Arrivés dans certain endroit,

La belle, toujours-douce et bonne,

Me désigne du bout du doigt

La place de l’huître mignonne

Soudain, je me dis : Qu’est cela ?

Quelle quantité de broutilles !

L’huître à coup sûr doit être là,

Et je ne vois pas les coquilles.

Hélas ! on change quelquefois,

Me répond la maligne Alice ;

Mon cher, à cette place, autrefois,

Autant que ma main était lisse,

J’y vis pousser, en grandissant

Une mousse des plus gentilles

Puis la mousse en épaississant

Finit par cacher les coquilles

Sous les taillis qui les couvraient,

La recherche fut prompte à faire,

Par malheur elles se trouvaient

Closes d’hermétique manière.

Mais pour un amateur adroit,

Ce ne sont là que des vétilles :

Rien que la chaleur de mon doigt

Fit entrebâiller les coquilles.

Sans y réfléchir, j’enfonçai

Ce pauvre doigt jusqu’à la garde,

Aussi comme je fus pincé !

De l’être ainsi que Dieu vous garde.

Et ce doigt, grâce au cotillon,

Quoique ferme encor sur ses quilles,

Portera toujours le sillon

Du mal que m’ont fait les coquilles.

Malgré ce mal qu’il ressentit,

Messieurs, l’auteur ici publie

Que rien n’excite l’appétit

Comme une huître fraîche et jolie.

Mais une huître ayant quelquefois

Aux gourmands fait porter béquilles,

Ayons soin de garnir nos doigts

Pour les fourrer dans les coquilles.

E. DEBRAUX.

HALTE-

AIR du vaudeville du Comte Ory.

M’inviter

À chanter,

Que le ciel m’en garde !

J’ai bien une chanson… mais

Elle est trop gaillarde ;

C’est…

Halte-là,

Car déjà

Rougit la voisine ;

Cela ne se dit pas, mais

Cela se devine.

Paix !!

Je connais

De fort près,

La comtesse Aglaure :

Grand pied, grande bouche, mais

Le plus grand encore

C’est…

Halte-là, etc.

Sœur Nonnic,

En public,

Est, dit-on, bégueule ;

Savez-vous ce qu’il lui plaît,

Sitôt qu’elle est seule ?

C’est…

Halte-là, etc.

À Saint-Roch,

Sous un froc,

J’entendis Julie,

Qui disait : Las ! je n’ai fait

Qu’un péché dans ma vie…

C’est…

Halte-là, etc.

C’est Alain,

Mon cousin,

Qui en est la cause ;

Mais dire ce qu’il m’a fait,

Mon père, je n’ose.

C’est…

Halte-là, etc.

Ce cafard

M’a pris par

Son air doux et tendre :

Mais je n’avouerai jamais

Ce qu’il m’a fait prendre :

C’est…

Halte-là, etc.

J’en rougis,

Mais j’y pris

Goût comme lui-même ;

Et surtout ce qui m’a fait

Un plaisir extrême

C’est…

Halte-là, etc.

Quoi, ma sœur,

Ce trompeur

Vous le laissiez faire ?

— Mon père, je ne l’ai fait

Que pour savoir ce que c’est…

Halte-là, etc.

C’est ainsi

Qu’a fini

La nonne jolie ;

Mais le meilleur, c’est qu’elle est

De la compagnie…

C’est…

Halte-là, etc.

Puisqu’enfin

Mon refrain

Ici se termine

Savez-vous ce qu’il faudrait

Faire à sa voisine ?

C’est…

Halte-là,

Car déjà

L’on est en colère ;

Cela ne se dit pas, mais

Cela peut se faire.

Paix !!

SCRIBE

LE COUSIN JACQUES

AIR : De l’incognito.

Je veux ici du petit cousin Jacques

Vous retracer le portrait trait pour trait :

Il vint au monde en un beau jour de Pâques,

Le nez au vent et la jambe en arrêt.

Dès qu’il passa par un certain ovale,

À l’instant même à sa mère on cria :

Soyez tranquille, allez c’est bien un mâle.

Dieux ! quelle tête il a !

Quand de latin, pour se bourrer la tête

D’un magister il vint garnir les bancs,

Le petit Jacques, à plus d’une fillette,

Sans se gêner, poussait des arguments :

Mais voyez donc, disait son matamore,

Malgré les coups de ce martinet-là,

Le petit gueux, il se roidit encore.

Dieux ! quelle tête il a !

À quatorze ans, de la gentille Adèle

Le p’tit coquin chiffonna le mouchoir,

Et sans façon, sur l’herbette nouvelle,

Il lui montra son beau petit savoir.

Ah ! jarni Dieu ! s’écria la d’moiselle,

Après avoir connu ce vaurien-là,

L’diable m’emporte si j’pass’ pour une pucelle,

Dieux ! quelle tête il a !

Pour enfoncer dans les cœurs sa doctrine,

Il se donnait un si fort mouvement

Que chaque époux d’une aimable cousine,

La premièr’ nuit disait en murmurant :

Mes raisonn’ments sont trop courts pour madame,

Et je conçois le pourquoi de cela :

Ce chien de Jacques a fréquenté ma femme.

Dieux ! quelle tête il a !

De son village oubliant la simplesse,

Le p’tit coquin vint s’faire voir à la cour ;

Et la marquis’, la baronne, la comtesse,

Entre ses bras répétaient chaque jour :

De la nobless’ quoique l’esprit soit large,

Les arguments de ce petit gueux-là

Dans notre esprit ne laissent pas de marge.

Dieux ! quelle tête il a !

Mais le plus fort, c’est qu’une pauvre veuve,

Veuve, dit-on, de tout un régiment,

De son talent voulant faire une épreuve,

Sur un fauteuil disait en tremblotant :

J’en ai tant vu de mainte et mainte espèce,

Qu’j’ne sens plus rien ; mais avec c’gaillard-là

J’éprouve un certain je n’sais qu’est-ce.

Dieux ! quelle tête il a !

E. DEBRAUX.

FANCHON LA CATIN

AIR : De temps en temps.

Sur le boul’vard, offrant ses charmes,

La jeune et sensible Fanchon

Disait, en essuyant ses larmes,

Avec le coin d’un vieux torchon :

Puisqu’enfin il faut que je perde

Tout espoir d’un meilleur destin,

Au métier, ma foi, je dis merde ;

Je ne veux plus être catin.

D’amour quand ils sentaient la rage,

De Dieu les très chastes époux,

Avec l’argent du mariage,

Venaient se marier chez nous.

Depuis que pour doter leur tête,

De nos preux on prit le butin,

Il leur faut des femmes honnêtes ;

Je ne veux plus être catin.

Les jeunes soldats de la garde,

Quand ils me trouvaient à leur gré,

Me régalaient à la hussarde ;

Ils ont fait place à l’émigré.

De ce dernier, qui toujours pleure,

Il faut, pour rallumer le teint,

Gesticuler pendant une heure :

Je ne veux plus être catin.

Dans ce siècle, fille novice

Est si rare, hélas ! qu’il faudrait

Aller la chercher en nourrice,

Encor gare aux frères de lait.

La plus chétive demoiselle

Le dimanche fait la catin ;

Puisque chaque femme s’en mêle.

Je ne veux plus être putain.

Eh ! quoi, depuis qu’à ces cosaques.

Par bonté j’ai prêté la main,

Onze fois du faubourg Saint-Jacques

On m’a fait prendre le chemin.

La femme honnête la plus folle,

Aujourd’hui, le fait est certain,

N’a plus que six fois la vérole ;

Je ne veux plus être catin.

Comme j’avais la renommée

D’avoir le dos et les reins forts,

Les trois quarts de la grande armée

M’ont deux fois passé sur le corps ;

Mais les preux qu’on réorganise

Vont, ainsi que saint Augustin,

Quitter les brocards pour l’église ;

Je ne veux plus être catin.

Comme sur les marches du trône

Jadis nous avions des parents,

On nous protégeait même au prône :

Ah ! que les temps sont différents !

Des chambres, une loi frivole

Va, dit-on, peut-être demain,

Défendre qu’une putain vole,

Je ne veux plus être catin.

E. DEBRAUX.





POÈMES LYRIQUES, ODES

ODELETTES, SONNETS

MADRIGAUX, ÉPIGRAMMES

ÉPIGRAMME

On rencontre partout Augustine à son bras ;

Il lui fait cent cadeaux, ce financier si riche :

A-t-il encore autant d’ardeur que de ducats ?

— Pour ma part, répartit un de nos avocats,

Je ne sais s’il la fout ; mais je sais qu’il l’affiche !

Épiphane SIDRED.

ECCHYMOSES

Mélie a fini d’être sage

Et s’en mord les doigts maintenant.

Des taches d’un bleu chagrinant

Marbrent sa nuque et son corsage.

Ses compagnes d’apprentissage

Hochent la tête en la menant

Près un herboriste éminent,

Oracle attiré du passage.

Et la nigaude d’exposer

Un vallon noir, des sommets roses,

Où l’autre pour herboriser

Trouve un parterre d’ecchymoses,

Livides fleurs d’alcôve écloses

Sous la ventouse d’un baiser.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

À DIOGÈNES

C’est toi, philosophe d’Athènes,

Que je veux prendre pour patron ;

Toi, masturbateur Diogènes,

Dont la main ferme était ton c…

Quand il te vit, cet Alexandre,

De la Victoire ce fouteur,

Thèbes ne serait point en cendre

S’il s’était fait masturbateur.

A.

SUR SAMSON

L’hercule juif dans son délire

Sur la motte de Dalila

De sa force perdit l’empire

Quand son poil tondu s’envola.

Loin de foutre une Philistine,

Quand de décharger il brûlait,

S’il eût branlé sa sainte p…e,

Il eût gardé le saint toupet.

A.

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

De Saint-Preux, dans sa solitude,

Rousseau composa le roman ;

Mais, par une douce habitude,

Il l’écrivait en se br. nlant.

C’est en pensant à sa Julie,

Par son v.. en rut dans ses mains,

Que son foutre, avec son génie,

Passait dans ses écrits divins.

Philosophe heureux par lui-même,

C’est là qu’il se foutait des rangs,

Du vain orgueil du diadème,

Du vil esclave et des tyrans,

Là, par la masturbomanie

Conquérant l’immortalité,

Des plus beaux fruits de son génie

Il dota la postérité.

Seul dans son tranquille ermitage,

Il oubliait, en déchargeant,

Et la calomnie et l’outrage

Des ennemis de son talent.

Tel Mirabeau loin de Sophie

Ne goûtait d’autre volupté

Que par la masturbomanie,

Au temps de sa captivité.

A. [9]

BANDAGE ET APPAREILS

Dans la vitrine où l’œil jette un regard oblique,

Apollon et Vénus prêtent leurs nudités

À des enlacements d’appareils brevetés.

Ils servent, dieux captifs, d’enseigne à la boutique.

Un bandage inguinal à pelote élastique

Étreint Cypris la blonde et masque ses beautés.

L’acier flexible et fort, en contours éhontés,

Suit amoureusement la courbe hypogastrique.

Sur la gorge et les flancs divins je vois encor,

Bannissant la chlamyde et la ceinture d’or,

Les ressorts médaillés à Paris, Vienne et Londres.

Ô crime ! — Et cependant Éros, confus et las,

Levant un lourd faisceau de sondes en ses bras,

Semble implorer le ciel pour l’homme qui s’effondra.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

HERCULE ET OMPHALE

Le c.l

D’Omphale

Vaincu

S’affale.

— Sens-tu

Mon phalle

Aigu ?

— Quel mâle !…

Le chien

Me crève !…

Quel rêve !…

… Tiens bien !

Hercule

L’en…le.

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

PYRAME ET THISBÉ

Madame

Thisbé

Se pâme :

— Bébé !

Pyrame

Courbé

L’entame :

— Hébé !

La belle

Dit : « Oui ! »

Puis elle

Jouit

Tout comme

Son homme.

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

BLENNORRAGIE

Dieux ! qu’il a l’air farouche et qu’il fait mal à voir !

Écumant et meurtri comme un loup pris au piège,

En ses flancs déchirés grince un fer de rasoir.

Qui l’abreuve ? Chopart[10]. Et qui se nourrit ? Mège[11].

Eux cependant, blottis au fond du suspensoir

Dont le souple réseau les berce et les protège,

Pareils à deux oiseaux frileux, fuyant la neige,

Ils reposent, et rien n’émeut leur nonchaloir.

Ne rappellent-ils pas, tant leur retraite est douce,

Acis et Galatée endormis sur la mousse

Dans la grotte qui vit leurs amours ; et sur eux,

La main crispée au sol, le Cyclope hideux,

Penchant son œil unique, où la rage impuissante

Lentement fait couler une larme brûlante ?

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

SONNET

Tes mains introduiront mon beau membre asinin

Dans le sacré bordel ouvert entre tes cuisses,

Et je veux l’avouer, en dépit d’Avinain,

Que me fait ton amour, pourvu que tu jouisses ?

Ma bouche à tes seins blancs comme de petits suisses

Fera l’honneur abject des suçons sans venin.

De ma mentule mâle en ton c. n féminin

Le sperme tombera comme l’or dans les sluices[12].

Ô ma tendre putain ! tes fesses ont vaincu

De tous les fruits pulpeux le savoureux mystère,

L’humble rotondité sans sexe de la terre,

La lune, chaque mois, si vaine de son cul,

Et de tes yeux jaillit, même quand tu les voiles,

Cette obscure clarté qui tombe les étoiles[13].

L’ABBÉ DE THÉLÈME.

MASSAGE

Dans les nuits sans sommeil l’amour vous a blêmie

Et vos chairs ont perdu leur tonus, ô ma sœur !

Maintenant il vous faut confier au masseur

Les trésors alanguis de votre anatomie.

Ointes d’une huile ambrée, effort de la chimie,

Ses mains, en qui la force égale la douceur,

Pressent le grand dorsal, malaxent l’extenseur.

Pour des combats nouveaux vous voilà raffermie.

Jadis votre docteur, plein de calme aujourd’hui,

Massait fougueusement sur des lits de pervenches…

Il opère à présent pour le compte d’autrui.

Tel, plongeant ses bras nus au sein des pâtes blanches,

Le geindre[14] enfariné, dévêtu jusqu’aux hanches

Pétrit des petits pains — qui ne sont pas pour lui.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

SONNET

Louise, vous avez l’âge,

L’âge divin et clément

Où l’on perd son pucelage

Dans les bras d’un jeune amant.

Quelle fille du village

Nous pourrait en ce moment

Montrer le frais attelage

De ton sein doux et charmant ?

Trousse tes jupes, ma fille,

Ouvre ton c.l à l’amour :

Tu vois bien que je godille…

Tes doigts d’aurore et de jour,

Encore imbibés de sperme,

Valent-ils ma p..e ferme ?

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

POTHEY

Lasse d’errer sur les sommets vertigineux,

En qui, de loin, notre œil croit découvrir les nœuds

Colossaux des Titans échoués dans les nues,

Lasse des chants sacrés et des psaumes divins,

Parfois la Muse, folle et prise entre deux vins,

Tape sur ses fesses charnues.

« Lamartine m’embête à l’égard de Ponsard !

Il m’assomme ! et je veux encourir le hasard

D’un amour plus vulgaire et plus drôle ! » fait-elle.

Alors, vers la chambre où Pothey, doux et rêveur,

Burine, elle descend et dit : « Simple graveur,

Veux-tu baiser une immortelle ? »

« Moi, je veux bien », répond avec simplicité

Le mortel chevelu chez Dinochau cité,

« Retrousse-toi, ma vieille, et les jeunes minettes,

Chères aux clitoris parisiens, naîtront…

Mais avant de poser tes baisers sur mon front,

Permets que j’ôte mes lunettes. »

Pothey n’est pas joli, mais il est si cochon !

Il dit avec tant d’âme et de cœur : « Mon bichon ! »

Aux drôlesses qu’on voit rôder aux brasseries ;

Mais ses discours, toujours composés avec soin,

Éclipsent si bien ceux que lâche Glais-Bizoin,

Sous l’éclat de leurs broderies ;

Mais ses cheveux crépus, tellement insensés,

Que sur un cul de brune on les croirait poussés,

Le dérobent si bien sous leur noire broussaille

Que la Muse peut fort, Messaline des cieux,

Sentir en contemplant ce graveur vicieux,

Son c. n céleste qui tressaille !

C’est pour cela qu’on voit parfois, chez Dinochau,

Pothey, l’œil vif et clair comme un feu de réchaud :

De là vient sa beauté, de là vient qu’on s’explique

Comment ce Franc-Comtois, blanc et rose de peau,

Arbore au boulevard, à son petit chapeau,

Un brin du laurier symbolique !

A. GLATIGNY.

DERMATOLOGIE

Sous les rideaux discrets, au fond du vieil hospice,

Les sylphes du Midi[15], chantés par Fracastor[16],

Donnent à leurs amants qui sommeillent encor

Des baisers dont la trace est une cicatrice.

La rougissante Acné, l’agaçante Eczéma,

Chéloïs au front pur, Syphilis au cœur tendre,

Purpura, Sycosis, Éphélis, Ecthyma

Sur la peau des mortels préférés vont s’étendre.

Le jour luit. Une horde envahit les dortoirs,

Portant tabliers blancs avec paletots noirs :

Ce sont les ennemis des virus et des lymphes.

Ils vont et devant eux marche le professeur,

Comme un faune jaloux qui s’avance, grondeur,

Pour troubler vos ébats amoureux, belles nymphes.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

AUSCULTATION

Comment ! c’est toi, belle Margot !

— Mais oui, m’sieu Paul, et j’m’épouvante.

Quel malheur pour un’ pauv’ servante !

Mais quoi qu’j’ai donc bien dans l’jabot ?

Pourvu qu’ça s’rait pas quéqu’ pierrot !

Ça m’porte au cœur, ça m’grouille dans l’vente !

Pas comm’ vous, moi, j’suis pas savante.

P’t-êt’ ben qu’vous m’en direz l’fin mot.

— Là donc ! Baisse encore ta chemise ! »

Complaisamment l’oreille est mise

Sur deux seins plus durs qu’inhumains ;

Et dans des gestes téméraires,

L’étudiant à pleines mains

Palpe ses premiers honoraires.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

MALADIES SECRÈTES

Marquis de Rambuteau, j’aime ces labyrinthes

Dont ta main paternelle a semé nos trottoirs.

Leur front lumineux porte au sein des brouillards noirs

Le nom de Bodegas[17] et des Eucalypsinthes[18].

Leurs murs sont diaprés du faîte jusqu’aux plinthes

D’avis offerts gratis à d’amers désespoirs ;

Et c’est pourquoi j’entends, le long des réservoirs,

Dans le gazouillement des eaux, monter des plaintes.

Ô l’anxieux regard du malade éperdu

Quand il franchit ton seuil, temple du copahu !

Moi, j’en sors souriant, car j’eus des mœurs austères.

Mes organes sont purs comme ceux des agneaux.

L’âge les rend peut-être un peu moins génitaux.

Mais ils sont demeurés largement urinaires.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

À LA FEMME QUI M’A PRÉFÉRÉ UN VIEILLARD

Lorsque tu cesseras, Pauline, d’assouvir

Sur ce vieux corps, usé comme un vieil Elzévir,

Tes sales instincts de lapine,

Alors, bandant mon arc sous un autre balcon,

Je ne daignerai plus vers le but de ton c…

Lancer la flèche de ma p…

Je te verrai, dans tes spasmes vertigineux,

Dédaignée, en horreur aux boucs libidineux,

Jaune comme un joueur à Bade,

Poursuivant les Saphos à l’œil cave, au teint noir,

Ivre de fricarelle, et ne pouvant avoir

L’attouchement d’une tribade.

Et je te laisserai, de ton doigt polisson,

Sous les soleils mordants, te branler de façon,

Gomorrhe, à dépasser ton culte,

Et sans qu’un chien lascif consente à te sucer,

Sur ta matrice au sperme inactif exercer

La masturbation occulte ?

Anonyme.

EFFETS DU PRINTEMPS

Il est une heure dans l’année

Où tout ce qui vit veut jouir,

Où la vierge et la graminée

Ressentent le même désir.

La Nature entière se pâme

Sous un baiser mystérieux

Et se mouille, comme une femme,

Sous le v.. du plus beau des dieux.

Tout s’ouvre : le bouton des roses,

Et celui des femmes aussi ;

Et l’on peut se gaver de choses

Charmantes — sans dire merci.

Les chênes des forêts ombreuses

Lancent leurs glands sur les chemins

Où les rustiques amoureuses

Les ramassent à pleines mains.

Les ramiers et les tourterelles

Se becquètent avec fureur

Devant les jeunes demoiselles

Qui les suivent d’un œil rêveur.

L’air est plein d’odeurs spermatiques

Qui font bander les plus usés

Et font sortir de leurs boutiques

Les bourgeois les plus empesés.

Les uns vont au bordel. Les autres

Grimpent les femmes des voisins,

Et, de Priape heureux apôtres,

Vendangent leurs divins raisins.

Le roi fout la reine — ou son page.

Le vieillard fout sa bonne — un peu..

Darthenay fout Adèle Page,

Et le pauvre fout… ce qu’il peut !…

Les marbres de nos Tuileries

Eux-mêmes se sentent atteints

Par toutes ces galanteries

Que nous débitons aux putains.

On voit sous les feuilles de vignes

Que leur impose la pudeur

S’agiter de gros membres dignes

D’admiration — ou d’horreur.

Les capotes mélancoliques

Qui pendent chez Monsieur Millan

S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,

Et déchargent en se gonflant.

— Ah ! la belle heure, quand j’y pense !

On mettrait une flotte à flot

Avec le foutre qu’on dépense

Tant que résonne son grelot !

Alfred DELVAU.

POLISSONNERIE[19]

Allez, enfants de mon génie,

Allez, suivez votre destin ;

Mais en passant, je vous en prie,

Annoncez-moi chez le voisin.

(Rimes gauloises.)

PONDÉRATION

Neuf mois juste après le dernier épithalame,

Il naquit, pesant trois kilos exactement,

Et dès lors, chaque jour, par un allaitement

Méthodique, il s’accrut d’un nombre entier de grammes.

Existence rivée aux chiffres, aux programmes,

Il contrôla des poids pour le Gouvernement,

Quand il avait du vague à l’âme, — rarement —

Il lisait les Tarifs douaniers, ces dictâmes !

Son repas lui coûta toujours trente-deux sous.

Sobre avec les buveurs, correct avec les fous,

Il ne connut jamais les débauches exquises ;

Mais subissant l’attrait fatal des numéros,

Tous les samedis soir il allait aux plus gros

À prix fixe acheter des caresses précises.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

MÉDECINE LÉGALE

« Casse-poitrine appellantur. »

(Professeur TARDIEU.)

Courbé sous le fardeau de son désir difforme,

Sinistre, l’œil au guet, plus craintif que le faon,

Le soir il va le long des berges. — C’est Alphand

Qui, sur les bords déserts, a fait verdoyer l’orme.

Là rôde encor cet être hybride dont la forme

A des rondeurs de femme et des maigreurs d’enfant ;

Dont le col découvert et le veston bouffant

Trahissent un organe infundibuliforme.

Ils se sont devinés et rejoints. Le danger

Les harcelant, ils vont — couple affreux — héberger

Sous la voûte aux trous noirs leur rut démoniaque.

Enfin l’homme, assouvi, sort d’un pas vacillant

Et fuit, rasant les murs, grisé d’ammoniaque,

Son ambre, à lui, son musc et son ylang-ylang[20].

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

MUSÉE SECRET

Voici une pièce avouée de Théophile Gautier. (Poésies complètes. — Paris, Charpentier, 1876, in-12, tome II, 339. pp. On lit sur la page en regard du titre : Il a été tiré quinze exemplaires semblables à celui-ci. Il est interdit de les mettre dans le commerce.) Elle est célèbre et fort belle. Gautier s’y montre tel qu’il était, un grand artiste amant de la Beauté. Ce poème eût été digne de Goethe, mais Gautier seul pouvait l’écrire. On dit que Gautier aurait pu être, si la vie ne l’avait contraint à des travaux misérables et absorbants, un Goethe français. Leurs noms se ressemblent. Il n’y a pas de pièces dans toutes les littératures du monde où l’art plastique, la nudité souveraine, aient été chantés avec un lyrisme plus pur, plus noble, plus parfait. La pièce dont je parle et que j’admire au delà de toute expression, faisait partie des Émaux et Camées, et fut retirée par l’auteur. Elle porte un titre napolitain : Musée secret.

Des déesses et des mortelles,

Quand ils font voir les charmes nus,

Les sculpteurs grecs plument les ailes

De la colombe de Vénus.

Sous leur ciseau s’envole et tombe

Le doux manteau qui la revêt,

Et sur son nid froid la colombe

Tremble sans plume et sans duvet.

Ô grands païens, je vous pardonne !

Les Grecs enlevant au contour

Le fin coton que Dieu lui donne

Ôtaient son mystère à l’amour ;

Mais nos peintres tondant leurs toiles

Comme des marbres de Paros

Fauchent sur les beaux corps sans voiles

Le gazon où s’assied Éros.

À la fin du XIXe siècle, les sculpteurs et les peintres sont moins prudes. Non qu’ils aient tous du talent ; mais ils peignent ou sculptent souvent des nudités toisonnées. On m’a dit cependant que les jeunes peintres n’étaient plus sensuels et que nous allions avoir une peinture où les belles formes humaines et la représentation des beautés féminines, qui parlent aux sens des gens sains et bien constitués, n’allaient plus pour un temps entrer en ligne de compte pour les artistes qui ne prisent plus que la technique de leur art et les effets soit du coloris, soit de la composition ; mais la beauté, chers enfants, n’est-elle point comme de la plastique, de la lumière, de la lumière ?

Pourtant jamais beauté chrétienne

N’a fait à son trésor caché

Une visite athénienne,

La lampe en main, comme Psyché.

Au soleil tirant sans vergogne

Le drap de la blonde qui dort, ‘

Comme Philippe de Bourgogne,

Vous trouveriez la Toison d’Or ;

Et la brune est toujours certaine

D’amener au bout de son doigt,

Pour le diable de La Fontaine,

Le cheveu que rien ne rend droit.

Cette allusion au diable de Papefiguière est piquante. D’autre part, Théophile Gautier a bien raison de parler ici de la brune, car il est des blondes, surtout en Hollande, qui sont moins frisées. Voici la suite qui est une admirable évocation de tableaux célèbres :

Aussi, j’aime tes courtisanes

Et tes nymphes, ô Titien,

Roi des tons chauds et diaphanes,

Soleil du ciel vénitien.

Sous une courtine pourprée

Elles étalent bravement,

Dans sa pâleur mate et dorée,

Un corps superbe où rien ne ment.

Une touffe d’ambre soyeuse

Veloute, sur leur flanc poli,

Cette envergure harmonieuse

Que trace l’aine avec son pli.

Et l’on voit sous leurs doigts d’ivoire,

Naïf détail que nous aimons,

Germer la mousse blonde ou noire

Dont Cypris tapisse ses monts.

À Naple ouvrant ses cuisses rondes,

Sur un autel d’or, Danaé

Laisse du ciel, en larmes blondes,

Pleuvoir Jupiter monnayé.

Et la Tribune de Florence

Au cant choqué montre Vénus

Baignant avec indifférence,

Dans son manchon, ses doigts menus.

Puis, quand il quitte l’Art italien, si lyriquement célébré, Gautier évoque ses souvenirs pour chanter la nature, et ces seize vers sont un des plus beaux et des plus nobles poèmes qui soient.

Maître, ma gondole à Venise

Berçait un corps digne de toi

Avec un flanc superbe où frise

De quoi faire un ordre de roi.

Pour rendre sa bonté complète,

Laisse-moi faire, ô grand vieillard,

Changeant mon luth pour ta palette,

Une transposition d’art.

Oh ! comme dans la rouge alcôve,

Sur la blancheur de ce beau corps,

J’aime à voir cette tache fauve

Prendre le ton bruni des ors

Et rappeler, ainsi posée,

L’Amour sur sa mère endormi,

Ombrant de sa tête frisée

Le beau sein qu’il cache à demi.

Image charmante ! Je n’en connais pas de plus délicate.

Dans une soie ondée et rousse,

Le fruit d’amour y rit aux yeux,

Comme une pêche sur la mousse

D’un paradis mystérieux.

Pomme authentique d’Hespéride,

Or crespelé, riche toison,

Qu’aurait voulu cueillir Alcide

Et qui ferait voguer Jason !

Sur ta laine annelée et fine

Que l’art toujours voulut raser,

Ô douce barbe féminine,

Reçois mon vers comme un baiser,

Car il faut des oublis antiques

Et des pudeurs d’un temps châtré

Venger dans des strophes plastiques,

Grande Vénus, ton mont sacré.

Cette pièce païenne de Théophile Gautier mérite d’être connue de tous ceux qui aiment les beaux vers. Si j’avais un enfant et que ce fût un garçon, je les lui ferais apprendre plutôt que toutes les fausses tristesses de Musset qui gâtent le goût et ne signifient pas grand’chose.

LE NOMBRIL

Nombril, je t’aime, astre du ventre,

Œil blanc dans le marbre sculpté,

Et que l’Amour a mis au centre

Du sanctuaire où seul il entre,

Comme un cachet de volupté.

Théophile GAUTIER.

LES PETITES BLANCHISSEUSES

Les petites blanchisseuses

Que l’on voit, chaque lundi,

Aux pratiques paresseuses

Porter le linge à midi,

Bien qu’elles fassent paraître

Des semblants de chasteté,

Ne me font pas l’effet d’être

Des vases de pureté.

Leurs cheveux qui s’ébouriffent

Sollicitent l’attentat :

Ne craignez pas qu’elles griffent…

Une fille est un combat.

Elles ont des airs de sainte

Et des cris dans un coup d’œil,

Avec leur bonnet de linge

Et leur robe de cerfeuil.

Sur la hanche qui supporte

Un panier exagéré,

Leur jambe se fait plus forte,

Leur pied se fait moins cambré.

Jusqu’au coude, mainte essence

Rougit leur pauvre bras nu,

Mais plus haut le blanc commence

Et dès lors ne finit plus.

Pour un faux col qu’on oublie,

Elles se baissent… Bientôt,

Sous la robe qui se plie,

La main se glisse très haut…

Et pour peu que, d’un air tendre,

On dirige un doigt savant,

On les voit se laisser prendre

Le derrière et le devant.

Dire que ces jolis diables

Ont, — lâchons un trait hardi ! —

Quinze à vingt courses semblables

À faire chaque lundi !

Charles MONSELET.

PRÉSERVATIFS

Près d’un « objet charmant »,

Lorsque l’amour m’appelle,

Avant de voir la belle

Je passe chez Millant[21].

Là, du petit au grand,

Flotte une ribambelle

De rubans qu’avec zèle

Il gonfle en y soufflant.

Enfin ! j’ai ma mesure !

Au sein de la luxure,

Vite allons nous plonger.

Caché dans la baudruche,

Je veux, comme l’autruche,

Ne plus croire au danger.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

L’AMOUREUSE DE MALLARMÉ

L’amoureuse de Mallarmé

Est une fille aux belles hanches ;

Elle a besoin d’un mâle armé,

L’amoureuse de Mallarmé.

En vain pour lui je m’alarmai :

Elle n’avait pas de fleurs blanches.

L’amoureuse de Mallarmé

Est une fille aux belles hanches

A. GLATIGNY.

MONSELET PAILLARD

Vers destinés à son portrait.

On me nomme le petit chat ;

Modernes petites-maîtresses,

J’unis à vos délicatesses

La force d’un jeune pacha.

La douceur de la voûte bleue

Est concentrée en mon regard ;

Si vous voulez me voir hagard,

Lectrices, mordez-moi la queue !

Charles BAUDELAIRE.

VENUS BELGA

En faisant l’ascension de la rue Montagne-de-la-Cour à Bruxelles.

Ces mollets sur ces pieds montés,

Qui vont sous ces cottes peu blanches,

Ressemblent à des troncs plantés

Dans des planches.

Les seins des moindres femmelettes

Ici pèsent plusieurs quintaux,

Et leurs membres sont des poteaux

Qui donnent le goût des squelettes.

Il ne me suffit pas qu’un sein soit gros et doux ;

Il le faut un peu ferme, — ou je tourne casaque.

Car, sacré nom de Dieu ! je ne suis pas cosaque,

Pour me soûler avec du suif et du saindoux.

Charles BAUDELAIRE.

CHARLES BAUDELAIRE

LE SPECULUM

Catinette, en quelque aventure

S’étant éraillé le satin,

Va consulter un beau matin.

On la hisse. Elle est en posture.

Un tube d’étroite ouverture

Dans un pâle reflet d’étain

Guide le regard incertain

Au sein de sa riche nature.

Voilà le bobo découvert.

À nous la flamme, à nous le fer !

Mais ô faiblesse de la bête ! —

Son cautère à peine soufflé,

L’opérateur, courbant la tête,

Adore ce qu’il a brûlé.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

CHLOROSE

Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies[22]

Que la chlorose avare a laissées dans ton sang.

Je ne veux pas compter sur ton front languissant

Les pétales restés à tes roses transies.

Pauvre enfant ! le nerf vague[23] aux mille fantaisies

Donne seul à ton cœur son rythme bondissant ;

Seul il rougit parfois ton visage innocent

De l’éclat sans chaleur des pudeurs cramoisies.

Pour le dompter veux-tu connaître un moyen sûr ?

N’épuise plus en vain les sources martiales[24],

Mais laisse-toi conduire aux choses nuptiales.

Au soleil de l’amour ouvre tes yeux d’azur,

Suis la loi, deviens femme, et qu’en ton sein expire

Dans les blancheurs du lait la pâleur de la cire.

(Les Sonnets du Docteur, 1884.)

PARTIE CARRÉE

Chute des reins, chute du rêve enfantin d’être sage,

Fesses, trône adoré de l’impudeur,

Fesses, dont la blancheur divinise encore la rondeur,

Triomphe de la chair mieux que celui par le visage !

Seins, double mont d’azur et de lait aux deux cimes brunes,

Commandant quel vallon et quel bois sacré !

Seins, dont les bouts charmants sont un fruit vivant, savouré

Par la langue et la bouche ivres de ces bonnes fortunes !

Fesses et leur ravin mignard d’ombre rose un peu sombre

Où rode le désir devenu fou,

Chers oreillers, coussin au pli profond pour la face ou

Le sexe, et frais repos des mains après ces tours sans nombre !

Seins, fin régal des mains qu’ils gorgent de délices,

Seins lourds, puissants, un brin fiers et moqueurs,

Dandinés, balancés, et, se sentant forts et vainqueurs,

Vers nos prosternements comme regardant en coulisse !

Fesses, les grandes sœurs des seins vraiment, mais plus nature,

Plus bonhomme, mais sourieuse aussi,

Mais sans malices trop et qui s’abstiennent du souci.

De dominer, étant belles pour toute dictature !

Mais quoi, vous quatre, bons tyrans, despotes doux et justes,

Vous impériales et vous princiers,

Qui courbez le vulgaire et sacrez vos initiés,

Gloire et louanges à vous, Seins très saints, Fesses très augustes !

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

AMOUR DE FEMME

Oui, ce sont des regards de femme

Que cherche son regard brûlant,

Elle a soif de l’ardeur infâme

Qu’une autre sait mettre en son flanc…

Les yeux hagards, le trouble à l’âme,

La langue aux lèvres se collant,

Chacune tour à tour se pâme,

Se tord et retombe en râlant.

Bientôt leur tendresse lascive,

Comme une chaîne qui les rive,

Dresse dans l’ombre leurs tombeaux ;

Et sur la pierre, quand arrive

Le soir à la marche craintive,

Pleurent les filles de Lesbos.

Albert SEMIANE.

CHASTE

Cherchant, pour mettre sa chemise,

Du logis le plus sombre endroit,

La belle, comme une cerise,

Rougit de ce qu’elle aperçoit.

Elle a mis sur sa joue exquise,

Pour s’échapper, un voile étroit,

Car rien qu’un baiser de la brise

L’effleurant la remplit d’effroi.

Un regard lui semble un blasphème,

Et l’enfant s’ignore elle-même,

Fière de sa virginité.

Car elle a pour celui qu’elle aime

Voulu garder, touchant emblème,

Tous les secrets de sa beauté.

Albert SEMIANE.

LA BRANLEUSE

Je suis celle qui branle ! Au détour des sentiers

Où raccrochent les bras aigus des églantiers,

Dans les bois amoureux de Meudon et de Sèvres,

Quand la p… et le cœur vont demander aux lèvres

Les baisers, fils du ciel, qui charment nos ennuis,

Moi, j’attends les michés au passage. Je suis

Petite, j’ai douze ans, et mes doigts sont alertes.

Je suis celle qui branle ! Entre les plus expertes

De celles dont les doigts vont des c……. es au gland,

Se promener d’un pas rapide et nonchalant,

On me cite, et les dieux m’ont donné les mains douces

Par qui le temps n’est plus de ces rudes secousses[25]

Qui mettaient tant de fiel dans l’âme de Ponsard.

Comme des papillons, mes doigts vont au hasard

Des v.. s énamourés que le soleil relève.

Ô mystère ! l’un est recourbé comme un glaive ;

L’autre est droit ; un troisième est gros et rond. Autour

De plus d’un j’ai pu voir toute une basse-cour

De morpions grouiller, qui, bêtes innocentes

Bombaient leur dos velu sous mes mains caressantes.

Je suis celle qui branle ! Et cependant parfois,

Quand je vois, comme au temps où la sève des bois

Monte et bouillonne et perle à la pointe des branches,

Jaillir des nœuds pressés le foutre en larmes blanches,

Je songe que l’un d’eux, marqué du sceau fatal,

Pénétrera demain dans mon c.. virginal !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

VERS D’ALBUM

Je veux vous adorer ainsi qu’une déesse,

Et quand le ciel mettra son manteau brun du soir,

J’élèverai vers vous, ô blonde enchanteresse !

Ma p.. e, comme un encensoir !

Et je ferai sortir, en blanchissante écume,

Le foutre parfumé de ce rude flacon,

Et je transvaserai cette liqueur qui fume

Dans le vase de votre c.. ;

Votre c…, si barbu qu’un sapeur de la garde,

En voyant sa toison, est devenu jaloux,

Ô madame ! j’en veux faire le corps de garde

Où campe mon v.. en courroux !

J’y veux fourrer mon nez, j’y veux plonger ma langue,

Et noyé dans cette ombre, alors, j’irai cherchant

Tous les mots inconnus de la molle harangue

Que l’on fait en gamahuchant !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

JERSIAISES

Elles sont prudes et faciles ;

Toutes ces îles

Tremblaient d’amour quand vous passiez,

Forts officiers !

Leur costume étonne les rues

De couleurs crues,

Dont l’œil entend distinctement

Le grincement.

L’élégance où leur goût s’égare

Est la bagarre

Des hardes prises à tâtons

Dans tous les tons.

Leur chapeau dit à leur bottine :

« Es-tu crétine ! »

Et leur robe à leur mantelet

Donne un soufflet.

Leur luxe effréné se régale

De chrysocale

Et de dentelles en coton ;

Broche au menton,

Brillants dont leur front se surcharge,

Bague si large

Que le doigt disparaît dessous ;

Total : cent sous !

Cette race est volontiers laide ;

Son harnais l’aide,

Mais il pourrait être charmant

Impunément.

Je prendrais ailleurs ma future ;

C’est leur nature

D’être vieilles comme le Temps,

Avant vingt ans.

Leur long corps se tient — veuve ou vierge,

Droit comme un cierge,

Et ce sont toutes des garçons

Par leurs façons,

Par toute la raideur saxonne

De leur personne ;

Par leur marche de fantassin,

Et par leur sein.

Leur tête est un peu moins farouche,

À part la bouche,

Que retroussent de longues dents.

— Et le dedans !

Si tu trouves sur ton passage

Un doux visage

Qui te fasse hâter le pas,

Ne l’ouvre pas !

Le banc de Cancale est tout proche

Et leur reproche

D’avoir osé se détacher

De son rocher.

Oh ! nos chères Parisiennes

Que l’art fait siennes

Si vite, et qui donnent le la

Au falbala !

En qui se touchent les extrêmes,

Rubans, poèmes !

Faiseuses de la mode et sœurs

Des grands penseurs !

Bonnes aux rêves comme aux fièvres,

Et dont les lèvres,

Si bien faites pour le baiser,

Savent causer !

Coupes où toutes nos ivresses

Boivent ! Maîtresses

Qui, quand les sens sont endormis,

Sont des amis !

Gai babil ! raison exemplaire !

C’est pour leur plaire

Que nous cherchons dans nos cerveaux

Des vers nouveaux.

Mais là-bas, quand le remords presse,

Notre paresse

Nous dit : À l’œuvre ! l’ennui

Répond : pour qui ?

On n’en voit pas une qui vaille

Que l’on travaille.

Que peut inspirer à des gens

Intelligents

Une île qui, pour auditoire

Et pour victoire,

Vous propose un manche à balai

Mal habillé ?

Merci ! — Donc, on bâille, on s’énerve ;

Adieu la verve…

Le front ne se sent plus saisir

Du grand désir.

On s’abrutit sur cette rive ;

On en arrive

À regarder, de temps en temps,

Les habitants.

Bientôt, à force d’être ensemble,

On leur ressemble ;

On se dit que, si ça durait,

On leur plairait…

Il vous vient des oreilles d’ânes,

Et Dieu me damne !

Si je n’ai pas été trouvé

Bien élevé !

J’allais, grave, digne, grotesque,

M’en voulant presque

D’avoir nommé Racine un pieu.

Ô ciel ! pour peu

Que l’on m’eût fait ces destinées

Trois cents années,

J’aurais fini par supporter

Un chœur d’Esther !

Car qui fait ou défait notre âme,

Sinon la femme ?

Elle est tout dans notre sillon,

Pluie ou rayon.

Tout homme, quand la femme pleure,

Est bon sur l’heure ;

Tout homme, quand la femme rit,

A de l’esprit.

Femme ! aimant ! ce qui nous attire,

Jusqu’au martyre,

C’est de voir luire en nos chemins

Tes blanches mains.

Tu fais l’enfant et tu fais l’homme !

Le joli môme

Et le grand homme aux fiers défis

Sont tes deux fils.

C’est par l’astre que les marées

Sont aspirées ;

Les cœurs des hommes sous tes yeux

Vont vers les cieux.

Auguste VACQUERIE.

ENTR’ACTE

Ô blonde, cependant que vous éclaboussiez

Les bourgeoises avec l’éclat de votre grâce,

Jeune, et pourtant aux bras du plus vieux des huissiers

Moisis dans une étude où suinte la crasse ;

Pendant que vos cheveux secouaient ces aciers

Vivants, dont le reflet excitant embarrasse

Le regard curieux des fous extasiés

Qui, malgré votre époux, devinent votre race,

Saviez-vous qu’à l’écart, seul et vous contemplant,

Admirant votre bras superbe et nonchalant,

Qui posait sur le bord fané de votre loge,

Un poète lyrique aux ardeurs d’étalon,

Ivre et ne sachant mieux formuler votre éloge,

Silencieusement mouillait son pantalon ?

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

LA COMPARAISON INEXACTE

Petitessarts, poète encore imberbe,

Qui s’en allait par veaux, à tout hasard,

Fier, promenant sa candide superbe

Loin des regards doctorals de Nisard,

Rasait un jour un pauvre camarade,

En lui lisant un poème insensé,

Où le bon sens, par tous les vents poussé,

Comme un canot qui court loin de la rade,

Roulait, sans fin, de bâbord à tribord.

« Vierge, dit-il, aux beaux seins d’amarante… »

— « Ah ! nom de Dieu ! fit l’ami, c’est trop fort !

Et l’hyperbole est vraiment écœurante !

L’amarante est une couleur sombre. Où

L’as-tu pu voir jusqu’au rose descendre ?

Cher ébéniste aux tétons d’acajou,

Sois donc complet, et si tu n’es pas fou,

Réclame vite un cul en palissandre ! »

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

LAMENTO

Puisqu’aujourd’hui c’est un autre

Qui se vautre

Sur ton corps, ô Rosita !

Puisqu’à présent un autre entre

Dans cet autre

Où ma p.ne s’abrita,

Bon voyage ! va, ma fille !

On s’habille

De gaze dans les boxons,

Et mieux que mille paroles.

Les véroles

Donnent de rudes leçons.

Te voilà, mon ingénue,

Revenue

À cet épicier ancien

Qui chaque matin te lave

De sa bave…

Dis-moi, te baise-t-il bien ?

Fait-il, ce bourgeois honnête,

Bien minette,

Et le sauras-tu garder ?

A-t-il dans sa vieille queue,

Noire et bleue,

Assez de nerf pour bander ?

Que ce doit être cocasse

Quand il casse

Sa canne à côté de toi,

Et qu’un vieil asthme soulève,

Dans un rêve,

Sa poitrine en désarroi !

Non ! c’est vraiment une honte,

Ce Géronte !

Il est bête comme un pot ;

Je comprends mal que tu puisses,

Dans tes cuisses,

Le recevoir en dépôt.

Quand sur toi, qui fus ma reine,

Il se traîne,

Ce doit être dégoûtant,

Telle sur toi la limace

Se ramasse,

Qui chemine en se frottant.

Comme par le froid saisies,

Deux vessies

Qu’une épingle dégonfla,

Noires comme la peau d’âne,

Que l’on tanne,

En battant des ra fla fla.

Telles ses c.....es putrides,

Dont les rides

Disent qu’elles ont vécu,

Quand il tend son ventre obèse

Et te baise,

Doivent souffleter son c..

Sa p..e est flasque et mollasse,

Froide et lasse

La patience des doigts ;

Quand tu tiens cette aubergine,

J’imagine

Le plaisir que tu lui dois.

Non, pour notre amour passé

Éclipsé,

Tu me verrais moins honteux

Si je te savais un homme

Jeune et comme

N’est pas ce birbe piteux.

Fi ! cette moustache grise

Qui se grise

Du cosmétique à dix sous !

Ce pleutre âgé, ce Jean fesse

Qui s’affaisse

Dans le troisième dessous !…

Ô Rosita ! fais-toi foutre,

D’outre en outre,

Par tous ceux que tu voudras,

Va, raccroche, sois en carte,

Mais écarte

Ce vieux qui pue en tes draps !

Oui ! va-t’en avec les bringues

Des bastringues,

Montre ton c.l au galop ;

Va sucer les passants mornes

Sur les bornes,

Mais plus de ce vieux salop !

Sa place est au cimetière,

Tout entière

Dans son linceul qu’il découd :

C’est une chose qui navre

Qu’un cadavre

Veuille encor tirer son coup !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

SUR HIPPOLYTE[26]

L… s est un c.. ! Cette image

Est gracieuse et me ravit,

Mais elle est fausse, et c’est dommage :

Son nez a la forme d’un v.. !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

INVITATION À LA M.N.TTE

À Mademoiselle Ida, rue des Arcades-Colbert

I

Ton c.. suave, ton c.. rose,

Sous une forêt de poils blonds,

Doux, frisés, parfumés et longs,

A l’air d’une lèvre mi-close,

Lèvre excitant les appétits

De ma lèvre très curieuse,

D’où tant de baisers sont partis ;

Une langue mystérieuse

Sort de ce c.. et vient chercher

La mienne pour gamahucher.

II

Car, ma chère, les imbéciles

Auront beau dire, quand on a

Sur la fille qu’on enc.nna

Fait sonner ses c.....es dociles,

À moins d’être un bourgeois épais

Dont la nuque indécente arbore

Un de ces fabuleux toupets

Aux crins roses comme l’Aurore,

Il faut, quand le champ se va clore,

Déposer le baiser de paix.

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

À

Si j’avais, sous ma mantille,

Cet œil gris de lin,

Et cette svelte cheville

Dans mon svelte brodequin ;

Si j’avais ta morbidesse,

Tes cheveux dorés,

Retombant en double tresse

Jusque sur mes reins cambrés !

Si j’avais, ô ma pensée !

Dans mon corset blanc,

Ta blonde épaule irisée

D’un duvet étincelant !

Et cette charmante chose

Chez Laure ou Ninon,

Sur laquelle l’amour pose

Ses lèvres et pas de nom ;

Enfin, si je semblais faite

Pour donner la loi,

Je serais, ô ma Paulette,

Une coquette

Plus coquette encor que toi !

Je voudrais être une reine

Fière comme un paon,

Dont on aurait grande peine

À baiser le bout du gant.

Je ne serais pas de celles,

Froides à moitié,

Qui d’abord font les cruelles,

Et puis après ont pitié.

Je serais une tigresse

Rebelle aux amours,

Cachant la griffe traîtresse

Dans ma patte de velours !

Je ferais souffrir aux âmes

Mille bons tourments,

Et je vengerais les femmes

De tous leurs fripons d’amants !

Et sans l’éventail qui cache

Deux beaux yeux moqueurs,

Je rirais, sur leur moustache,

De leur flamme et de leurs pleurs !

Et je passerais ma vie

À les désoler ;

Et je serais si jolie

Qu’il leur faudrait bien m’aimer !!

Et puis, si d’aimer l’envie

Un jour me prenait,

Je n’aurais de fantaisie

Que pour celui qui dirait :

Si comme toi j’étais faite

Pour donner la loi,

Je serais une coquette,

Ô ma Paulette,

Plus coquette encor que toi !

Aime-moi donc, ma Paulette,

Ô mon blond trésor !

Aimer un fat, toi, coquette,

Ce sera t’aimer encor !

BARBEY D’AURÉVILLY.

LA NUIT DE MAI

LA MUSE

Poète ! viens à moi. Sous mes voiles sacrés,

Les spasmes dévolus aux femmes hystériques

Dressent les roses bouts de mes tétons nacrés !

C’est l’instant de donner l’essor aux chants lyriques.

Fifre ou guitare, prends ton luth et viens ! Mes bras

Et mes cuisses d’argent, où souvent tu sombras,

S’ouvrent pour t’absorber. Ô poète, je t’aime !

Je veux passer la main dans les rares cheveux

Qui restent sur ton front pur, que Siraudin même

Ne désavouerait pas. Ô mon amant ! je veux

Une nuit folle, ardente, et qui rende jalouse

L’ombre de Cléopâtre ou Madame Collet !

Morpions d’or semés dans la verte pelouse,

Vois-tu les vers luisants ? Plus blanche que du lait,

Ma gorge aux blancs rayons de la lune étincelle,

Et mes yeux sont brillants, et tu sais que j’excelle

En ces combats divins d’où le poète sort

Superbe, radieux et vainqueur de la mort !

LE POÈTE

Ô Muse ! idéale amoureuse,

Va-t’en ! Je ne donne plus dans

Ces ponts vieillis et ces godans !

Ô Muse ! assez de viande creuse

Est venue agacer mes dents !

Assez de gorges symboliques !

Je ne veux plus m’égarer sur

Un c.. fait de vague et d’azur !

Des filles, même aussi publiques

Que tu le voudras, c’est plus sûr !

Et puis, aussi bien, je m’ennuie :

La grue, aux yeux couleur de jais,

Dans laquelle je me plongeais,

Depuis ce matin est enfuie

Et m’a laissé d’autres sujets

De tracas et de rêverie

Que le soin d’arranger des vers.

Je me sens la tête à l’envers,

Muse, et ma cervelle charrie

Un tas d’embêtements divers !

LA MUSE

Oublie auprès de moi cette grue infidèle !

Viens ! nous remonterons aux cieux, d’un grand coup d’aile !

Méprise cette fille indigne de l’amour

D’un cœur que j’ai choisi pour y verser ma flamme ;

Tourne tes yeux ardents vers la clarté du jour ;

Les astres et les bois, les prés, tout nous réclame !

Et si, cœur affolé de tendresse, tu veux

Murmurer à quelqu’un les suaves aveux

Qui volent plus légers et doux qu’une caresse

De la brise aux beaux jours de printemps, fais-les-moi !

Car je dois être et suis ton unique maîtresse.

Arrière cette fille, et chasse loin de toi

Le dernier souvenir qui te peut rester d’elle !

Le dernier souvenir qui te peut rester d’elle !

Qu’elle s’appelle Agathe, Arsène ou bien Adèle,

Puisqu’elle est à présent disparue à jamais,

Il ne faut plus savoir comment tu la nommais !

LE POÈTE

Son nom, je m’en fous ! Ce que je regrette,

C’est les coups tirés avec elle, c’est

Ma p..e dressée ainsi qu’une aigrette,

Lorsque devant moi blanche elle passait ;

Ce sont les baisers bandants de sa bouche,

Sa langue furtive et prompte, accrochant

La mienne au passage, et, d’un bond farouche,

Érectant mon cœur qu’elle allait cherchant ;

Ce sont ses grands yeux noyés, fous d’ivresse,

Si noirs sous les cils, et dont le regard,

Parcourant mon corps comme une caresse,

Faisait délirer mon chibre hagard !

Des femmes parfois, telles qu’une plaine,

Montrent leur poitrine où de froids boutons

Poussent désolés : j’avais la main pleine

Quand je patinais ses fermes tétons.

Elle ne savait guère l’orthographe

Et lisait les vers comme un pur cochon,

Mais quand j’enlevais sa dernière agrafe,

On eût de ses poils pu faire un manchon !

Mais, grue au possible, elle avait, ô Muse !

Pour mon faible cœur, point essentiel !

Elle avait ce que chacun te refuse :

Un cul sérieux, solide et réel !

LA MUSE

Laisse là ces amours d’un jour. Pour le poète

Il n’est qu’une amoureuse aimée et toujours prête :

C’est la Muse ! Le reste est vain ; reviens à moi,

Viens ! Pégase effaré se cabre, blanc d’effroi,

Et nous emportera vers la cime où Laprade

Cause avec le nuage ailé, son camarade.

Dans mes chastes baisers, tu te retremperas.

LE POÈTE

Chastes sont, en effet, tes baisers ; mais tes bras,

Ô Muse ! rentrent trop dans cet ordre de choses

Qui sont, pour les mortels, autant de lettres closes.

Si je bande, je veux, déesse, que ce soit

Pour un être qu’on puisse avoir au bout du doigt.

Ces masturbations d’une espèce nouvelle,

Muse, ne me vont plus.

Je jouis par la queue et non par la cervelle,

Comme aux temps révolus.

Ton c.., je sais, hélas ! comment on le fabrique :

C’est avec les cinq doigts,

Et j’ai pris pour ton corps un traversin lubrique,

La nuit, plus d’une fois.

Aime à plein cœur ceux dont la verge clandestine

N’a rien d’un étalon ;

Va branler ce projet de nœud que Lamartine

Cache en son pantalon.

Pour moi, je veux baiser les filles que l’on baise

Très effectivement,

Car ma p..e raidit, fougueuse et pleine d’aise.

Auprès d’un c.. fumant !

Toi, si tu veux aimer d’un amour platonique,

À l’abri des hasards,

Va secouer les plis de ta blanche tunique

Près de Petitessarts !

C’est un jeune homme sage il ne baise qu’en rêve ;

C’est un Malek-Adel ;

Va le voir ! Moi, je sens ma culotte qui crève…

Et je vais au bordel !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

MUSIQUE MILITAIRE

Un rayon de soleil, à travers la croisée,

Est entré brusquement dans la chambre apaisée

Où nous avions baisé toute la nuit. Glissant

Sur le lit, il se vint arrêter, frémissant,

Sur ta cuisse imposante. Au même instant, musique

En tête, un régiment passait, doux, pacifique,

Allant à la manœuvre : un régiment belge. Or

Cet orchestre guerrier et cette barre d’or

Que le soleil laissait, comme un filet de paille,

Zigzaguer de ta fesse énorme à la muraille,

Ma fille ! tout cela m’émut profondément.

Je retrouvai soudain mon courage d’amant ;

Un même désespoir d’amour mit dans nos âmes

Une jumelle ardeur de foutre… et nous baisâmes,

Heureux et confiants, sous la clarté des cieux,

Cependant que montait dans l’éther spacieux,

Où chaque atome vibre, et palpite, et frissonne,

Le refrain cher à Rops, la mâle Brabançonne !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

LE PRÉJUGÉ VAINCU

Mignonne, sais-tu qu’on me blâme

De t’aimer comme je le fais ?

On dit que cela sur mon âme

Aura de singuliers effets ;

Que tu n’es pas une duchesse

Et que ton cul fait ta richesse ;

Qu’en ce monde, où rien n’est certain,

On peut affirmer une chose :

C’est que ton c.. vivant et rose

N’est que le c.. d’une putain !

Qu’est-ce que cela peut me foutre ?

Lorsque l’on tient ces vains propos,

Je les méprise et je passe outre,

Alerte, gaillard et dispos !

Je sais que près de toi je bande

Vertement, et je n’appréhende

Aucun malheur, sinon de voir

Entre mes cuisses engourdies,

Sur mes deux c.....es attiédies,

Ma p... flasque et molle choir !

Près de toi comme un matamore,

Mon v.. se dresse, querelleur,

Petite, et je me remémore

Les exploits d’Hercule en sa fleur ;

Lorsque je te vois, ma culotte,

Même les jours où l’on grelotte,

A la bombure d’un tonneau :

Je sens ma p… qui frétille

Avec des mouvements d’anguille

Poursuivant un rêve en pleine eau !

Que m’importe que l’on te baise !

Pourvu que devant toi mon v..

Se tende, rouge comme braise,

Vers ta motte qui le ravit ?

Sur ta poitrine souple et vaste,

Ta gorge s’étale avec faste,

Comme un bloc de marbre insolent,

Et cette gorge ferme, unique,

Glacée, et chaude, communique

Sa royale ampleur à mon gland !

Viens, tu me fais bander quand même !

Après cent coups réitérés,

Je trouve encore du saint-chrême

Dans mes roustons désespérés,

Et crois qu’un nouveau pucelage

M’est revenu, tant j’ai de rage

Et tant je sens, ô Malvina !

De flamme au cœur et dans le ventre,

À cet instant suprême où j’entre

Dans ton c.. plus chaud que l’Etna !

Telle qu’une maîtresse poutre,

Ton corps est solide, et tes yeux

Ressemblent à deux lacs de foutre

Battus par un vent furieux ;

Ton coup de rein puissant m’enlève

Jusques au plafond, et je crève

De mon cul anguleux le ciel

Du lit, qui sur nous deux surplombe,

Et puis, comme un chat, je retombe

Dans ton c.. providentiel !

Je me fous bien qu’une maîtresse

Me soit infidèle, et jamais

Le nœud d’un autre ne caresse

Le cul ou le c.. où je mets

Ma langue éprise d’aventure,

Si cette honnête créature

Me laisse indifférent et froid,

Et fait que ma modeste queue

Ne regarde la voûte bleue

Que sous la pression du doigt !

LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.

CE QU’IL ME FAUT

Chantez, chantez encor, rêveurs mélancoliques,

Vos doucereux amours, et vos beautés mystiques

Qui baissent les deux yeux ;

Des paroles du cœur vantez-nous la puissance

Et la virginité des robes d’innocence,

Et les premiers aveux !

Ce qu’il me faut, à moi, c’est un amour qui brûle,

Et comme un dard de feu dans mes veines circule,

Tout rempli d’alcool.

C’est une courtisane enivrée et folâtre,

Dansant autour d’un punch à la flamme bleuâtre

Et buvant à plein bol !

Ce qu’il me faut, à moi, c’est la brutale orgie,

La brune courtisane à la lèvre rougie,

Qui se pâme et se tord ;

Qui s’enlace à vos bras dans sa fougueuse ivresse,

Qui laisse ses cheveux se dérouler en tresse,

Vous étreint et vous mord !

C’est une femme ardente autant qu’une Espagnole,

Dont les transports d’amour rendent la tête folle

Et font craquer le lit ;

C’est une passion forte comme une fièvre,

Une lèvre de feu qui s’attache à ma lèvre

Pendant toute une nuit !

C’est une cuisse blanche à la mienne enlacée

Un regard embrasé d’où jaillit la pensée ;

Ce sont surtout deux seins,

Fruits d’amour arrondis par une main divine,

Qui tous deux à la fois vibrent sur la poitrine,

Qu’on prend à pleines mains !

Eh bien ! venez encor me vanter vos pucelles,

Avec leurs regards froids, avec leurs tailles frêles,

Frêles comme un roseau,

Qui n’osent de leur doigt vous toucher, — ni rien dire,

Qui n’osent regarder et craignent de sourire,

Ne boivent que de l’eau !

Non ! vous ne valez pas, ô tendre jeune fille,

Au teint frais et si pur caché sous la mantille

Et dans le blanc satin,

Non, dames du grand ton, en tout, tant que vous êtes,

Non, vous ne valez pas, femmes dites honnêtes,

Un amour de catin.

Alfred de MUSSET.

À CELLE QUE L’ON DIT FROIDE

Tu n’es pas la plus amoureuse

De celles qui m’ont pris ma chair,

Tu n’es pas la plus savoureuse

De mes femmes de l’autre hiver.

Mais je t’adore tout de même !

D’ailleurs ton corps doux et bénin

A tout, dans son calme suprême,

De si grassement féminin ;

De si voluptueux sans phrase,

Depuis les pieds longtemps baisés,

Jusqu’à ces yeux clairs purs d’extase,

Mais que bien et mieux apaisés ;

Depuis les jambes et les cuisses

Jeunettes sous la jeune peau,

À travers ton odeur d’éclisses

Et d’écrevisses fraîches, beau,

Mignon, discret, doux petit chose,

À peine ombré d’un or fluet,

T’ouvrant en une apothéose

Et mon désir rauque et muet,

Jusqu’aux jolis tétins d’infante,

De miss à peine en puberté,

Jusqu’à ta gorge triomphante

Dans sa gracile vénusté,

Jusqu’à ces épaules luisantes,

Jusqu’à la bouche, jusqu’au front

Naïf aux mines innocentes

Qu’au fond les faits démentiront,

Jusqu’aux cheveux courts bouclés comme

Le cheveu d’un joli garçon,

Mais dont le flot nous charme, en somme,

Parmi leur apprêt sans façon.

En passant par la lente échine

Dodue à plaisir, jusques au

Cul somptueux, blancheur divine,

Rondeurs dignes de ton ciseau,

Mol Canova ! jusques aux cuisses

Qu’il sied de saluer encor,

Jusqu’aux mollets, fermes délices,

Jusqu’aux talons de rose et d’or !

Nos nœuds furent incoercibles ?

Non, mais eurent leur attrait leur,

Nos feux se trouvèrent terribles ?

Non, mais donnèrent leur chaleur,

Quant au point, froide ? Non, pas fraîche

Je dis que notre « sérieux »

Fut surtout, et j’en m’en pourléche,

Une masturbation mieux.

Bien qu’aussi les prévenances

Sussent te préparer sans plus,

Comme l’on dit, d’inconvenances,

Pensionnaire qui me plus.

Et je te garde entre mes femmes

Du regret non sans quelque espoir

De quand peut-être nous aimâmes

Et de sans doute nous revoir.

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

CHAUVINISME

Cette nuit-là, mignonne avait l’amour morose…

Ses nénais énervés, languissants, presque mous,

Se livraient sous ma main à d’étranges remous,

Pour ma lèvre effaçant leur double pointe rose,

C’était la fin du mois, et dans son ventre oblong

Un sang lourd distendait le fin réseau des veines,

Car les règles venaient fleurir, en leurs neuvaines,

De clairs coquelicots le blé de son poil blond,

Devançant l’ennemi, je fondis sur la gouge,

Et tandis qu’au vagin turgescent j’étranglais,

Criant : « Tirez premiers, messieurs les Anglais ! »

L’enfant plongea le doigt dans sa vulve, puis, rouge,

Traça sur ma poitrine, ivre d’un tel bonheur,

L’ordre cher aux héros : La Légion d’honneur !

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE[27].

BAGUENAUDERIE SOCRATIQUE AUTOUR DU BASSIN DU LUXEMBOURG

À un petit garçon.

Ton beau corps me plaît plus qu’une âme,

Charmant enfant au cul de lys.

Par derrière je te fais femme ;

Par devant, c’est moi qui le suis !

Jules B...EY d’A......LY.

LE BALCON

La Très Chère était appuyée

Au balcon à trèfles pesants,

Regardant passer les passants,

Distraite, et la mine ennuyée.

À pas de loup je m’avançai ;

Sous les neigeuses cascatelles

Des entre-deux et des dentelles,

Une main tendre je glissai !…

Mes doigts plongèrent dans du rose :

S’envola son humeur morose.

Elle bavarda, folle puis

La Très Chère alors devint coite,

Et je retirai ma main moite…

Point ne me suis lavé depuis !

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

CE QUE FONT À LA MUSE CINQ FRONTS DONT LE RAYON SORT

Grande putain, ô Muse !

Sur ton bouton rétif

Lamartine s’amuse

À mettre un doigt pensif ;

Victor Hugo te baise

Et fait craquer tes reins

Dans ses bras souverains ;

L’émir Gautier à l’aise

Te fait pomper son dard ;

Banville, rempli d’art,

Fait minette en Hercule

Ô Muse ! — mais à part

Baudelaire t’enc.le.

E. D’H.

SONNET BIBLIQUE

Très rousse, aux longs yeux verts damnablement fendus !…

— Je la suivis chez elle, et bientôt, sans chemise,

Sur son lit de bataille elle se trouve mise,

Offrant à mes ardeurs tous les fruits défendus.

Le chignon inondait de sa fauve avalanche

Le torse aux grands prurits de cette Putiphar ;

Le nombril incrustait sa fleur de nénuphar

Aux lobes de son ventre : un gâteau de chair blanche.

Ses tétins étaient d’ambre effilés de carmin

Et tenaient tout entiers dans le creux de ma main.

Elle entr’ouvrit le centre unique où tout converge…

Son poil roux brasillait de flambes me dardant…

— Moïse, c’est à vous, dans ce buisson ardent,

Que je songeais, frappant le doux roc de ma verge !

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

SUR GEORGE SAND

Homme et femme, changeant de ton et de manière,

Le matin occupée et le soir occupé,

George sur le devant, du Devant par derrière,

La d’Agout s’y trompait, et Listz y fut trompé.

Jules JANIN.

ELEPHANTIS GEORGES

Par la superbe George

L’éléphant fut vaincu !

Elle montra sa gorge…

On croyait voir son cu.

Victor HUGO.

À MADEMOISELLE OZY

Herschell et Leverrier, ces dénicheurs d’étoiles,

Cherchent des astres d’or au sombre azur des soirs ;

Et moi sur ton beau sein, dont j’écarte les voiles,

J’ai, dans un ciel de lait, trouvé deux astres noirs !

Victor HUGO.

À MADEMOISELLE OZY

Platon disait, à l’heure où le couchant pâlit :

— Dieux du ciel, montrez-moi Vénus sortant de l’onde !

Moi je dis, le cœur plein d’une ardeur plus profonde :

— Madame, montrez-moi Vénus entrant au lit !

Victor HUGO.

ABSINTHES

Sa langue a fourragé le c.. mol et suspect

L’altière fanfaronne en est déshonorée,

Et bien humble aujourd’hui vous nomme avec respect,

Douce Blennorragie, aimable Gonorrhée !

Son v.. emmailloté comme un crâne de vieux

Sait la torture aiguë, au hasard des latrines,

Alors qu’il faut vider l’urètre pluvieux…

Le bénin Copahu parfume ses urines.

Il connaît la douleur plus cuisante qu’un cor

Des seringues dardant la canule assassine

Et crachant au méat le tanin qui calcine !

Jour et nuit son gland lourd pleure des larmes saintes

Et vertes : on dirait qu’il veut refaire encor

Goutte à goutte, et sans fin, les anciennes absinthes.

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

MADEMOISELLE LAGIER

Ceux qui disent que tes tétons

Flottent au vent comme des vagues,

Suzanne, sont des polissons :

On voit bien que ce sont des blagues…

B.D.C.

GOUSSETS

J’aime fourrer mon nez au creux de ton aisselle

Et parmi les poils blonds, de ma barbe cousins,

Savourer longuement les trésors qu’il recèle,

La pommette appuyée au velours de tes seins.

Une senteur musquée y flatte ma narine,

Douce comme l’été, l’haleine d’un beau soir,

Dépassant en langueurs le relent de marine

Qui sous ton ventre fume ainsi qu’un encensoir.

Ni le pao-rosa subtil, ni l’églantine

N’ont cette griserie absurde et libertine.

Aisselle, je te voue un culte très ardent.

Ô calice de chair plein de vins exotiques

Qu’on boit avec le nez et déguste, pendant

Que s’emplissent d’amour les canaux spermatiques !

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

TOUJOURS

— Combien dureront nos amours ?

Dit la pucelle au clair de lune.

L’amoureux répond : Ô ma brune,

Toujours, toujours !

Quand tout sommeille aux alentours,

Hortense, se tortillant d’aise,

Dit qu’elle veut que je la baise

Toujours, toujours.

Moi je dis, pour charmer mes jours

Et le souvenir de mes peines :

Mes c……. es, que n’êtes-vous pleines

Toujours, toujours !

Mais le plus chaste des amours,

Le fouteur le plus intrépide,

Comme un flacon s’use et se vide

Toujours, toujours !

Charles BAUDELAIRE.

OUBLI ROMANTIQUE

Lorsque mon front se baigne en tes souples cheveux

Comme aux flots d’une mer étincelante et noire,

Quand sur tes seins polis et durs mes doigts nerveux

Palpitent comme sur un beau clavier d’ivoire,

Quand de ton œil farouche et tendre, — œil de combat ! —

Me fascine l’éclair que la luxure avive,

Lorsque ta bouche en feu sur ma bouche s’abat,

Quand ma langue se tord sous ton âcre salive,

Quand tes bras tout-puissants s’ouvrent pour me presser

Sur ta gorge qui monte, éblouissante boule,

Où ma raison se noie, où ma tête se roule,

Quand ton genou me brise en l’énervant baiser,

Ou me fait haleter ta caresse suprême.

Tout est oubli pour moi : Dieu, le Diable — et toi-même.

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

*

Ainsi qu’une capote anglaise

Dans laquelle on a déchargé,

Comme le gland d’un vieux qui baise,

Flotte son téton ravagé.

Vingt couches, autant de véroles

Ont couturé son ventre affreux,

Hideux amas de tripes molles,

Où d’ennui bâille un trou glaireux.

Comme la merde à la moustache

D’un rat qui dîne à Montfaucon,

Le foutre en verts grumeaux s’attache

Aux poils gris qui bordent son c...

Pourtant, on fout cette latrine…

Ne vaudrait-il pas mieux cent fois

Moucher la morve de sa p...

Dans le mouchoir de ses cinq doigts ?

Théophile G.....R.

*

Que les chiens sont heureux !

Dans leur humeur badine,

Ils se sucent la p...,

Ils s’enc.lent entr’eux !

Que les chiens sont heureux !

Théophile G.....R.

P.P.C.

Connin, bijou sans prix finement ciselé,

Un soir, par quelque fée experte et japonaise.

Fleur de vie ou de mort pour l’homme ensorcelé

À ses fraîcheurs d’aurore, à ses feux de fournaise.

Fruit de chair, pulpe exquise et dont l’accent amer

(Ce rappel de l’arôme étonnant où la brise

Pimente son haleine en passant sur la mer)

Vaut tous les poivres-longs sous le duvet qui frise.

Calice aux vins puissants et magiques dont nous

Ne devons approcher qu’en extase, à genoux,

Sans en faire rougir les roseurs d’aubépine.

Car ta langue, elle seule, y doit servir d’amant,

Avec le doigt sans ongle — et mouillé prudemment,

Le c.l n’est-il pas là pour y fourrer sa p... ?

MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.

*

Dieu fit le c.., ogive énorme,

Pour les chrétiens,

Et le cul, plein-cintre difforme,

Pour les païens.

Pour les sétons et les cautères,

Il fit les poix,

Et pour les p..es solitaires,

Il fit les doigts.

Théophile G....ER.

LE GODEMICHET DE LA GLOIRE

Un v.. sur la place Vendôme,

Gamahuché par l’aquilon,

Décalotte son large dôme

Ayant pour gland… Napoléon !

Veuve de son fouteur, la Gloire,

La nuit dans son c.. souverain

Enfonce — tirage illusoire ! —

Ce grand godemichet d’airain…

Théophile G....ER.

À LOUISE CALLIPYGE

Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse,

Celle qui dans mes sens fait couler le désir ;

Le robuste idéal de mon charnel loisir,

C’est une grosse fille avec de grosses fesses.

Elle a le corps poilu comme aux rudes faunesses

Et des yeux grands ouverts distillant le plaisir.

Mais dans sa belle chair, le meilleur à saisir

C’est son cul souple et dur, si frais sous les caresses ;

Plus frais qu’en juin la source et qu’aux prés le matin,

Quand il vient en levrette avec un jeu mutin

Au ventre s’adapter d’amoureuse manière ;

Et rien alors n’est plus gai pour le chevaucheur

Que de voir, dans un cadre ondoyant de blancheur,

Le joyeux va-et-vient de l’énorme derrière…

A.

ÉPITAPHE DU ROI LOUIS XVIII

Ci-gît ce roi polichinelle,

Imitateur du grand Henry,

Qui prit Decaze pour Sully

Et quelquefois pour Gabrielle.

Attribué à Roger de BEAUVOIR.

FIÉVÉE

Des soins divers, mais superflus,

De Fiévée occupent la vie :

Comme bougre, il tache les cus ;

Comme écrivain, il les essuie.

Anonyme.

STANCES À LA NUIT

I

C’est l’heure de Vénus favorable aux amants,

Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent ;

Dans l’ombre, on voit déjà les filles qui raccrochent…

Fouteurs, c’est le moment.

Tous les endroits sont bons, mais le cours est plus sombre :

Avançons doucement et n’effarouchons pas

De ces oiseaux de nuit les timides ébats…

Grand Dieu, qu’ils sont en nombre !

Écoutons… ce bosquet ici nous est propice,

Un heureux couple est là qui parle avec chaleur :

Des mots entrecoupés, mais des mots pleins d’ardeur,

Et puis… l’onde qui pisse.

De l’eau le doux murmure à l’amour les invite :

Ils n’ont pas de témoins et le bosquet est noir…

Ah ! calme mes tourments, dit l’amant, dès ce soir,

Sur mes genoux, petite.

La petite sourit et l’embrasse et soupire…

Dans les bras on se serre, on désire ardemment ;

Ah !… ah !… que fait ta main ? — Oh ! finis !… Et l’amant

Va son train… Moi d’en rire.

L’amant du haut en bas vous retrousse la fille,

L’enfile… en des chemins et noirs et tortueux :

C’est bien à vous, mon Dieu, de faire des heureux !

Augmentez la famille.

Mais un quidam survient, qui ne veut passer outre :

« Il m’en faut la moitié, partageons entre nous.

— Eh ! tope (dit la belle écartant les genoux).

À votre tour de foutre. »

Je les laissai tous deux enc. nner cette fille,

Et tandis qu’ils avaient p… en c..…, p… en main :

Ô femme ! je disais, tâche, demain matin,

De laver ta guenille.

Quittons donc ces mortels et laissons-les s’étendre ;

Couvrons-les au besoin de quelque voile épais ;

S’ils se plaisent à foutre, ah ! foutons-leur la paix…

C’est qu’ils ont le cœur tendre.

C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;

Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent

Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent

Fouteurs, c’est le moment

II

Avisons ce massif, suivons à l’aventure ;

Entendez-vous ? Ici, tout le monde est en rut

Voilà de ton ouvrage, infâme Belzébuth !

L’un prie et l’autre… jure.

— « As-tu fini, cochon ! toujours tu me patines… »

Dit un ange chassieux à son lâche amoureux ;

« Que le diable me branle !… il me le fera mieux ;

Que ne vend-on des p… ?

À peine si la tienne, en b. ndant, foutimasse ;

Tu n’es qu’un fanfaron, tous tes baisers sont secs ?

— « Va te faire p. ner, dit l’amant, par les Grecs,

Dégoûtante carcasse !

J’ai beau limer… Dieu sait ! Je me perds dans ta gaine ;

Ton vagin est bien large et grand comme un boisseau.

— « Bah ! voyez donc monsieur ! il est beau son morceau !…

Allons, vite, rengaine. »

Plus loin on s’entend mieux, et le plaisir essouffle

Deux amants qui, poussant l’un l’autre le croupion,

Sans crainte d’écraser quelque innocent morpion…

Va, putain ! — Va, maroufle !

C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;

Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent.

Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent.

Fouteurs, c’est le moment.

III

Tantôt c’est la charmille ou bien c’est quelque porte

Craquant sous les efforts de vigoureux fouteurs ;

Les latrines, parfois, trouvent des amateurs,

Malgré leur odeur forte.

Sur l’herbe, en un fossé, même au bord d’une route,

Dom Bougre, dans la fange, attrape et fout partout ;

Mères, maris dupés, vertuchoux ! garde à vous !

Car Dieu veut que l’on foute.

Ô vous, disciples de Paphos ou de Sodome,

De Cythère et Lampsaque, à la nuit parcourez

Les bosquets ombragés, les bois, et vous verrez

Des fouteurs pour fantômes.

Et l’odorat pourra vous guider, vous conduire :

Le chien sent le gibier ; pourquoi les libertins

Ne sentiraient-ils pas de même les putains ?

L’odeur du foutre est pire !

Élevons, élevons un temple au dieu Priape,

Il l’a bien mérité ! — Qu’on crépisse ses murs

Du mortier provenu des désordres impurs

Commis pendant l’agape.

À l’aspect de la nuit, venez, accourez tous,

Fouteurs grands et petits ; foutez, puisque l’on fout.

Et vous, mères, amants, maris trompés, jaloux,

Consolez-vous ensemble et foutez entre vous.

C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;

Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent.

Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent

Fouteurs, c’est le moment.

Jules CHOUX.

CURIOSITÉS D’UN BORDEL

Venez, mesdames les fouteuses,

Et vous aussi, les curieuses,

Venez voir dans cette maison

L’entrefessier d’un gros chanoine,

Les c.....es du bon Marc-Antoine,

Et de Cléopâtre le c...

On y voit aussi la carcasse,

Toujours toute pleine de crasse,

Du premier-né des morpions :

Cet animal pendant sa vie

Sur la motte d’Iphigénie

Fixa son habitation.

On y voit le bonhomme Ulysse

Se plaignant d’une chaude-pisse

Tombée en l’un de ses couillons :

Ce respectable personnage,

Pendant son pénible voyage,

Portait son v.. dans un chausson.

On y voit après de l’urine

De l’impudique Messaline

Conservée en un vieux flacon,

C’est un remède spécifique :

Pour rendre une femme lubrique,

Il lui faut en frotter le c...

On y voit le fouteur Priape

De son v.. enc.lant le Pape

Pendant la bénédiction.

Amis, voyez-vous le Saint-Père,

Comme il trémousse du derrière

En recevant le goupillon ?

     

On y voit de plus la calotte

Du v.. du célèbre Aristote,

La nuque du fameux Platon,

Trois poils du c.l de Démosthènes,

Trouvés sous les ruines d’Athènes,

Et du foutre du vieux Jason.

On y voit encor Pénélope,

Dedans la cuisse d’Ésope,

Br.nlant le v.. d’un marmiton ;

Cette impudique créature

Le prend, le met dans sa nature,

En lui pressant les deux c...llons.

On y voit enfin Diogènes,

Le plus grand des fouteurs d’Athènes :

Le bougre, pour passer son temps,

À coups de v.., sur une assiette,

S’amuse à casser la noisette

Qu’il offre gratis au passant.

Anonyme.

ÉPITAPHE D’UN BOUGRE

Ci-gît qui persista toujours

Dans le jésuitique système,

Et qui ne b.ndait à rebours

Qu’afin de s’enc.ler lui-même.

Attribué à Armand GOUFFÉ.

SONNET POINTU

Reviens sur moi ! Je sens ton amour qui se dresse ;

Viens, j’ouvre mon désir au tien, mon jeune amant.

Là… Tiens… Doucement… Va plus doucement…

Je sens, tout au fond, ta chair qui me presse.

Rythme bien ton ardente caresse

Au gré de mon balancement,

Ô mon âme… Lentement,

Prolongeons l’instant d’ivresse.

Là… Vite ! Plus longtemps !

Je fonds ! Attends.

Oui… Je t’adore…

Va ! Va ! Va !

Encore.

Ha !

LE SIRE DE CHAMBLEY.

HOMBRES

Ô ne blasphème pas, poète, et souviens-toi.

Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise,

Son c.l lui fait honneur, encor qu’un brin obèse,

Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi.

Ce c.l (et les tétons), quel nid à nos caresses !

Je l’embrasse à genoux et lèche son pertuis,

Tandis que mes doigts vont, fouillant dans l’autre puits.

Et les beaux seins, combien cochonnes leurs paresses !

Et puis, il sert, ce c.l, encor, surtout au lit,

Comme adjuvant aux fins de coussin, de sous-ventre,

De ressort à boudin du vrai ventre pour qu’entre

Plus avant l’homme dans la femme qu’il élit ;

J’y délasse mes mains, mes bras aussi, mes jambes,

Mes pieds. Tant de fraîcheur, d’élastique rondeur

M’en font un reposoir désirable où, rôdeur,

Par instants le désir sautille en vœux ingambes.

Mais comparer le c.l de l’homme à ce bon c.,

À ce gros c.l moins voluptueux que pratique,

Le c.l de l’homme, fleur de joie et d’esthétique,

Surtout l’en proclamer le serf et le vaincu ;

« C’est mal », a dit l’Amour. Et la voix de l’Histoire,

Cul de l’homme, honneur pur de l’Hellade et décor

Divin de Rome vraie et plus divin encor,

De Sodome morte, martyre pour sa gloire.

Shakespeare, abandonnant du coup Ophélia,

Cordélia, Desdemona, tout son beau sexe,

Chantait en vers magnificents qu’un sot s’en vexe

La forme masculine et son alleluia.

Les Valois étaient fous du mâle et dans notre ère

L’Europe embourgeoisée et féminine tant

Néanmoins admira ce Louis de Bavière,

Le roi vierge au grand cœur pour l’homme seul battant.

La Chair même, la chair de la femme proclame

Le c.l, le v.., le torse et l’œil du fier Puceau,

Et c’est pourquoi, d’après le conseil à Rousseau,

Il faut parfois, poète, un peu « quitter la dame ».

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

OUVRE

Ouvre les yeux, réveille-toi ;

Ouvre l’oreille, ouvre ta porte :

C’est l’Amour qui sonne et c’est moi

Qui te l’apporte.

Ouvre la fenêtre à tes seins ;

Ouvre ton corsage de soie ;

Ouvre ta robe sur tes reins :

Ouvre qu’on voie !

Ouvre à mon cœur ton cœur trop plein :

J’irai les boire sur ta bouche !

Ouvre ta chemise de lin :

Ouvre qu’on touche !

Ouvre les plis de tes rideaux ;

Ouvre ton lit que je t’y traîne :

Il va s’échauffer sous ton dos.

Ouvre l’arène.

Ouvre tes bras pour m’enlacer ;

Outre tes seins que je m’y pose ;

Ouvre aux fureurs de mon baiser

Ta lèvre rose !

Ouvre tes jambes ; prends mes flancs

Dans ces rondeurs blanches et lisses ;

Ouvre tes deux genoux tremblants…

Ouvre tes cuisses !

Ouvre tout ce qu’on peut ouvrir :

Dans les chauds trésors de ton ventre

J’inonderai sans me tarir

L’abîme où j’entre.

LE SIRE DE CHAMBLEY.

MILLE ET TRE

Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :

Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,

Leurs quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches

De force assez brutale et de procédés gros.

Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;

Ils ne sentent pas l’ambre et fleurent de santé

Pure et simple ; leur marche un peu lourde va preste

Pourtant, car jeune et grave en l’élasticité ;

Leurs yeux francs et matois crépitent de malice

Cordiale et des mots naïvement rusés

Partent, non sans un gai juron qui les épice,

De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ;

Leur p... vigoureuse et leurs f...es joyeuses

Réjouissent la nuit et ma queue et mon… ;

Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses

Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.

Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle,

Mémoire, pieds, cœur, dos et l’oreille et le nez

Et la fressure, tout gueule une ritournelle,

Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés.

Un chahut, une ritournelle fol et folle

Et plutôt divins qu’infernale, plus infernals

Que divins, à m’y perdre, et j’y nage et j’y vole,

Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals.

Mes deux Charles, l’un jeune tigre aux yeux de chatte,

Sorte d’enfant de chœur grandissant en soudard,

L’autre fier gaillard, bel effronté que n’épate

Que ma pente vertigineuse vers son dard.

Odilon, un gamin, mais monté comme un homme,

Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils

Mieux encor, mais pas plus que de son reste en somme,

Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !

Caresseurs, satin frais, délicates phalanges

Sous les plantes, autour des chevilles, et sur

La cambrure veineuse et ces baisers étranges

Si doux, de quatre pieds, ayant une âme, sûr !

Antoine, encor, proverbial quant à la queue,

Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,

Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue

Et tout mon c.l de son épouvantable épieu.

Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes,

Poitrine blanche, aux durs boutons sucés ainsi

Que le bon bout ; François, souple comme des gerbes

Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi !

Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle

(Il était bien joli quand ça nous arriva) ;

Jules, un peu putain avec sa beauté pâle

Henri, me va en leurs conscrits qui, las, s’en va ;

Et vous tous ! à la file ou confondus en bande,

Où seuls, vision si nette des jours passés,

Passions du présent, futur qui croît et bande,

Chéris sans nombre qui n’êtes jamais assez !

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

DEMANDE

Cette nuit, de bonheur vous inondiez mon âme ;

Le réveil a laissé mon rêve inachevé…

Quand me donnerez-vous, madame,

La fin de ce que j’ai rêvé ?

Léon CHARLY (Léon CHOUX).

LA JEUNE

J’ai rêvé d’une vierge impeccable aux yeux froids,

Qui, d’un bond émergeant des moiteurs de sa couche,

Vient accrocher le poids de son corps à ma bouche,

Et pointe sur mon cœur le roc de ses seins droits.

Longtemps pieuse et chaste, elle a porté la croix

De l’orgueil vertueux que nul désir ne touche ;

Mais voilà que le rut s’est éveillé farouche,

Et la chair en révolte a réclamé ses droits…

Elle plaque à ma peau la peau d’un ventre ferme

Et furieusement crispée elle m’enferme

Dans l’effort ingénu de sa lubricité.

Ses canines d’enfant mordent ma chair de mâle…

À moi toute ! Et la fleur de sa nubilité

Pourpre s’épanouit sous l’onde baptismale.

LE SIRE DE CHAMBLEY.

SUR UNE STATUE

Eh ! quoi, dans cette ville d’eau,

Trêve, repos, paix, intermède,

Encor toi, de face ou de dos,

Beau petit ami : Ganymède.

L’aigle t’emporte on dirait comme

À regret, et parmi des fleurs

Son aile, d’élans économe,

Semble te vouloir par ailleurs.

Que chez ce Jupin tyrannique,

Comme qui dirait au Revard,

Et son œil qui nous fait la nique

Te coule un drôle de regard.

Bah ! reste avec nous, bon garçon.

Notre ennui, viens donc le distraire

Un peu, de la bonne façon :

N’es-tu pas notre petit frère !

Aix-les-Bains, septembre 1889.

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

À UN MARI PAR CALCUL

En prenant une femme au maintien hébété,

Aussi plate que sèche et plus jaune que blanche,

Tu n’eus pas le bonheur, dont tu t’étais flatté,

De trouver du pain sur la planche.

Léon CHARLY (Léon CHOUX.)

LA SOURCE

Source vénérienne où vont boire les mâles !

Fissure de porphyre où frise un brun gazon,

Qui, fin comme du duvet, chaud comme une toison,

Moutonne dans un bain de senteurs animales.

Quand un homme a trempé dans tes eaux baptismales

Les désirs turgescents qui troublaient sa raison,

Il en garde à jamais la soif du cher poison

Dont s’imprègne sa peau dans tes lèvres thermales.

Ô Jouvence des cœurs ! Fontaine des plaisirs !

« Abreuvoir où descend le troupeau des désirs

Pour s’y gorger d’amour, de parfums et d’extases !

Il coule de tes flancs, le nectar enchanté,

Élixir de langueur, crème de volupté…

Et pour le recueillir nos baisers sont des vases !

LE SIRE DE CHAMBLEY.

VŒU

Non, non ! l’accouplement que je voudrais connaître,

Ce n’est plus aujourd’hui ce coït impuissant

Qui fouille un peu de chair et verse un peu de sang

Au bord d’une blessure où sa langueur pénètre.

Je veux, ô femme, entrer tout entier dans ton être :

Il hurlera d’amour, ton ventre bondissant,

Comme hurle, trop pleine, une mère qui sent

L’effort intérieur d’un géant qui va naître.

C’est mon rêve : je veux dans ton torse en débris

Sentir mes os broyés et mes muscles meurtris

Sous les spasmes vengeurs de ta chair envahie.

Et dans ce rut suprême et ses derniers élans,

Je veux, pour féconder ta vie avec ma vie,

T’éjaculer mon âme et mourir dans tes flancs !

LE SIRE DE CHAMBLEY.

LE PARANYMPHE DES MOTS DITS ORDURIERS

Vous les appelez des ordures,

Tous ces mots qui, ruisseaux de miel,

Coulent avec de doux murmures,

Des lèvres en quête du ciel !

Vous vous signez lorsqu’on raconte

Ce que signifie être heureux !

Vous vous cachez le front de honte

D’avoir joui comme des dieux !

Vous rougissez de vos ivresses

Lorsque vous êtes dégrisés,

Et vous reniez vos maîtresses

Lorsque repus de leurs baisers !

Quel mal trouvez-vous donc à dire

Ce qu’à faire vous trouvez bon ?

Pourquoi crime un charmant délire ?

Comment caca votre bonbon ?

Ah ! libertins de sacristie,

Dont le cœur à la bouche ment,

Pourquoi recrachez-vous l’hostie

Gobée à deux si goulûment ?

Alfred DELVAU[28].

*

Autant certes la femme gagne

À faire l’amour en chemise,

Autant alors cette compagne

Est-elle seulement de mise

À la condition expresse

D’un voile, court, délinéant

Cuisse et mollet, téton et fesse

Et leur truc un peu trop géant.

Ne s’écartant de sorte nette

Qu’en faveur du c…,…, seul divin,

Pour le coup et pour la minette,

Et tout le reste en elle est vain.

À bien considérer les choses,

De manque de proportions,

Ces effets trop blancs et trop roses…

Faudrait que nous en convinssions.

Autant le jeune homme profite

Dans l’intérêt de sa beauté,

Prêtre d’Éros ou néophyte

D’aimer en toute nudité.

Admirons cette chair splendide,

Comme intelligente, vibrant,

Intrépide et comme timide

Et par un privilège grand

Sur toute chair, la féminine

Et la bestiale — vrai beau ! —

Cette grâce qui fascine

D’être multiple sous la peau

Jeu des muscles et du squelette

Pulpe ferme, souple tissu,

Elle interprète, elle complète

Tout sentiment soudain conçu.

Elle se bande en la colère,

Et raide et molle tour à tour,

Souci de se plaire et de plaire,

Se tend et détend dans l’amour.

Et quand la mort la frappera

Cette chair qui me fut un dieu,

Comme auguste elle fixera

Ses éléments en marbre bleu !

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

1891.

IMPROMPTU

M. TROPLONG, éleveur.

Comment se fait-il que cet homme

Qui fait d’admirables discours,

Mais que monsieur Troplong on nomme,

Ait réussi dans un concours ?

ROGER DE BEAUVOIR.

LE BAL MASQUÉ DE MA FEMME

Le bal était, dit-on, charmant,

Et les mascarades heureuses,

Mais comme on manquait de danseuses,

On prit des filles chez Constant.

Berthe y vint avec Coralie,

Et Turcas en devint rêveur…

Asseline y vint en Folie,

Et Francis Girard en coiffeur.

Avec ses jolis bras orange,

On y vit le beau Dennery ;

Il suivait madame Desgranges,

Que Gaiffe escortait attendri…

Enfin, pour finir le tableau,

On y vit ma femme en pucelle,

Ma belle-mère en maquerelle,

Et mon beau-père en maquereau[29].

ROGER DE BEAUVOIR.

STANCES D’UNE TRIBADE

Je n’aime plus vos chairs de rose et de jasmin,

Ni la peluche de vos pêches,

Fillettes à sang bleu du faubourg Saint-Germain,

Aux reins plus doux que des calèches !

À vos pieds plus cambrés que le col des ramiers,

Les pieds de Margot je préfère,

Où les ongles, comme des dents de charbonnier,

Luisent dans une ébène amère.

Vos conins m’ont paru, sous leurs duvets follets,

Des bouches sans attraits d’éphèbe ;

Mais le c.. de Margot est pareil aux forêts

Et plus noir encor que l’Érèbe.

Ma langue se pourmène en rouge cardinal,

Dans des retraites bocagères,

Où des pâtres l’hommageraient d’un mets frugal

De lait de chèvre et de gruyère.

Je crois entendre aussi les tintins d’un troupeau,

Tant il y tremble de clochettes :

Un Valois n’y serait que le berger Guillot

Avec sa p… pour houlette.

J’y trouverai toujours le boire et le manger

Si vos conins sont chambres nettes ;

Et toujours si joyeux de ma langue héberger,

Il dit au cul : Sonne, trompette !

Ses tétons savoureux comme des bourdelots

Sont comme eux enrobés de pâte ;

Vos nénés sont des fleurs qui trempent dedans l’eau

Et s’effeuillent quand on les tâte.

L’aisselle de Margot est une venaison,

La dépouille d’une mofette,

Le fumier d’un lapin, les grègues d’un Lapon,

L’anus d’un mitron qui halète.

Laissez-moi : je la tiens pâmée entre mes bras ;

La voici qui jouit : « Ah ! merde !… »

Et le trou de son cul me chante un opéra,

Qui doit être de Monteverde.

Je n’aime plus vos chairs de rose et de jasmin,

Fillettes qui sentez la douche ;

Et pour mieux faire fi de leur eau de Lubin,

Margot, chions-nous dans la bouche !

LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.

*

Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux

Seuls nous représentions le soi-disant hideux

Vice d’être « pour homme » et sans qu’ils s’en doutassent,

Nous encagnions ces c..s avec leur air bonasse,

Leurs normales amours et leur morale en toc,

Cependant que, branlés et de taille et d’estoc,

À tire-larigot, à gogo, par principes

Toutefois, voilés par les flocons de nos pipes

(Comme autrefois Héro copulait avec Zeus),

Nos v..s, tels que des nez joyeux et Karrogheus

Qu’eussent mouchés nos mains d’un geste délectable,

Éternuaient des jets de foutre sous la table.

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

LES FEMMES DE LA BIBLE

Dans un charmant enclos,

Tous deux frais et dispos,

Vivant comme des sots,

Ève trichait Adam aux dominos.

Bientôt ce jeu sut déplaire à l’épouse,

Et, soupirant en fa dièse ou sol,

Dans le jardin, sur la verte pelouse.,

Elle attrapait des moucherons au vol.

Mais cet amusement

Ne dura qu’un moment.

Le conseil d’un serpent

Vint lui montrer un jeu plus séduisant.

Dès cet instant, Adam n’eut plus de trêve ;

Elle voulait jouer dans tous les coins,

Et pour donner du courage à l’élève,

L’histoire dit qu’on lui rendait des points.

Rébecca, mon agneau,

Pour une cruche d’eau

Offerte à des chameaux,

Tu sus gagner un époux, des cadeaux.

Temps fortunés ! où les chefs de familles

Étaient exempts de soucis ennuyeux !

Car ils pouvaient négocier leurs filles

Et conserver leur champagne mousseux.

Brûlante Putiphar,

Sur ton lit de brocart,

Ton coup d’œil égrillard

Croit fasciner et séduire un jobard,

Le pauvre enfant s’épouvante et se sauve ;

Son sang se fige, il est tout éperdu !

Car il croit voir, sous les draps de l’alcôve,

Un animal au poil fauve et tondu !

Ce qui causa sa peur,

Son effroi, son horreur,

Fut l’objet enchanteur

Que je m’abstiens de nommer par pudeur.

Mais n’écoutant que ton brûlant délire,

Tu l’empoignas, ce pauvre jouvenceau,

Par un endroit que je pourrais décrire

Et que les saints ont appelé manteau.

Suzanne, ta pudeur

Ressemble à ce voleur

Qui vante son honneur,

Quand il dédaigne un butin sans valeur.

La chasteté, dont tu fais étalage,

Se fût fondue au souffle des amours,

Si l’onde pure eût reflété l’image

D’un frais visage aux gracieux contours.

Mais jetons un regard

Sur cette pauvre Agar !

Je comprends ses douleurs

Quand Ismaël eut bu ses derniers pleurs.

Je vois râler la malheureuse mère,

Priant le ciel de sauver son enfant.

Dieu, qui l’entend, exauce sa prière

Et fait jaillir l’eau du sable brûlant.

Judith me fait horreur ;

Je renonce à l’honneur

D’obtenir ses faveurs ;

Je veux porter tête et soupirs ailleurs.

Me voyez-vous le pendant d’Holopherne,

Me réveiller, un matin, en sursaut,

Et regarder, d’un œil vitreux et terne,

Ma pauvre tête au milieu d’un ruisseau !

Bethsabée, un époux

Soupçonneux et jaloux,

Est un meuble assommant,

Que l’on emballe au fond d’un régiment.

Ton sort heureux dut faire des jalouses,

Car, pour ma part, je connais cent maris,

S’il dépendait de leurs tendres épouses,

Qui partiraient pour garder le pays.

Abigaïl, mon enfant,

Choisis vite un amant

Pour rallumer les feux

Que t’enleva le lit d’un vieux goutteux.

En te créant, jamais Dieu n’eût pu croire

Que le chef-d’œuvre éclos de son cerveau

Aurait un jour servi de bassinoire,

Pour réchauffer la couche d’un pourceau.

Déborha, ton bijou

N’est pas fort à mon goût.

Conserve ton vieux clou

Pour le fourrer, ma foi ! tu sais bien où.

Ma Dalilah, je viens t’offrir l’hommage

D’un cœur aimant, tendre et respectueux,

De mon amour tu veux avoir un gage…

Tiens, le voilà ! Ce sont de mes cheveux !

Dieu ! que je plains le sort,

L’infortune et la mort

Des filles de Ségor

Et des beautés de la sale Gomor !

Venez à nous, victimes de Sodome,

Nous vengerons plus d’un cruel affront ;

Jeunes beautés, qui ne connûtes l’homme

Que sous l’aspect d’un changement de front.

Dis donc, Loth, mon barbon,

Tu dames, le pion

Aux modernes cochons

Dont j’ai l’honneur de conserver les fonds.

Aucun de nous, fussent-elles gentilles,

N’aurait l’idée et le bouillant désir

De profaner et de souiller ses filles,

Pour se donner un moment de plaisir.

Je conviens que le jus

De beaux fruits défendus

Doit offrir des attraits

Et réveiller le goût des vieux palais.

Vil débauché, non content de trop boire,

Tu distillas ton dernier goût charnel,

Et pour donner du piquant à l’histoire,

Tu fis changer ta légitime en sel !

De ces incestueux

Je détourne les yeux

Pour chercher dans les cieux

Une vierge aux regards radieux,

Mais au lieu d’une on en voit onze mille !

Prions le ciel qu’il les fasse venir,

Pour les semer dans la grande famille,

Car le besoin s’en fait ici sentir !

Descendez à ma voix,

Dignes morceaux de rois.

Il se peut qu’un beau jour

Je sois nommé fournisseur de la Cour.

Ch. BOVIE.

SUR L’IMPÉRATRICE EUGÉNIE

L’impératrice est une rousse,

Mais sa couleur est un trésor,

Car lorsque Badinguet la trousse,

Il découvre la toison d’or.

Attribué à Henri ROCHEFORT[30].

LE GRAND ÉCART

Rondeau.

Le grand Écart veut un c.. bien fendu,

Dit Salomé retroussant son tutu,

Pour « s’envoyer » la Tête prophétique.

Hérode en fit quatre jets spermatiques,

Et le bourrel banda comme un pendu.

Quand le c.. joint sa fente au trou du cu,

De la Provence aux bords académiques,

On peut tenter, fût-on de Lilliput,

Le grand Écart.

Oui, mais, quel c.. ! Acré ! tout est foutu,

Tout y tiendrait, l’Odéon, l’Institut,

Et feu Sarcey, et l’Opéra-Comique !…

Paix ! ce n’est rien, au fait, plus de panique :

Il attendait que Coppée en mourut,

Le Grand Écart…

LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.

MA PHILOSOPHIE

Épître badine à un dévot de mes amis.

Dansons, chantons,

Buvons, foutons,

Le temps s’envole,

Je m’en console,

Avec les c..s

Et les flacons.

Jeune bergère,

À table, au lit,

Remplit mon verre,

Br..le mon v...

Crois-moi, compère,

Ainsi l’on vit !

De la tendresse

Et de Bacchus

Tu crains l’ivresse,

Pauvre reclus !

Tu me condamnes,

Et dans un seau,

Comme les ânes,

Tu bois de l’eau ;

L’amour te presse

Sans t’engager,

Ton v.. se dresse

Sans décharger :

Sauver notre âme

Est un grand point,

Mais ne crois point

Que Dieu me blâme :

Je suis chrétien

Plus que toi-même,

Mais mon système

N’est pas le tien.

Je crois qu’un sage

Doit faire usage

Des dons heureux

Qu’il tient des cieux.

Or, à tout âge,

Comme en tous lieux,

Rien ne vaut mieux

Que d’être au large

Lorsque l’on boit,

Mais à l’étroit

Quand on d. ch. rge !

Crois-moi, Sylvain,

Tu te dépouilles

D’un droit divin.

Serait-ce en vain

Qu’on a des c.....es

Et du bon vin ?

Dieu fit la vigne,

Dont il voulut

Que l’homme bût.

Manquer son but

C’est être digne

De Belzébuth !

Dieu fit la fille

Et l’endroit où

Chaque cheville

Trouve son trou.

Quand Dieu commande,

Soumettons-nous.

Par lui je b.nde,

Je bois, je fous !

Nargue des fous

De qui la verge

Brave l’amour

Et b.nde pour

La sainte Vierge

Je ne puis voir

Sans m’émouvoir,

Sous une cotte

Gentille motte

Ou duvet noir ;

Je décalotte

Sans le vouloir,

Et, je l’atteste,

Je le proteste,

Oui, je boirai,

Je banderai,

Je baiserai

Tant que j’aurai

Jeune fillette,

Vieille feuillette,

Bon feu, bon lit,

Bon vin, bon v.. !

Bonté divine !

Tu m’ôteras

Le vin, la p…

Quand tu voudras ;

Mais, je t’en prie,

Dieu qui m’entends,

En même temps

Reprends ma vie !

Que de regrets,

Loin des chopines,

J’éprouverai !

Quoi ! souffrirai-je

Ô sacrilège !

Qu’on me ravît

À la ribote,

Qu’on proscrivît

Dame Gogotte,

Qu’on écrivît

Sur ma culotte :

Ci-gît un v.. !…

Sans foutre et boire,

Quand je vivrais,

Sur mon histoire

Je gémirais,

Je me croirais

Défunt d’avance ;

Je maudirais

Mon existence

Et je dirais :

Dieu de clémence,

Ah ! me crois-tu

Donc la vertu

De passer outre ?

Je ne puis foutre,

Je suis foutu.

ARMAND GOUFFÉ.

RENDEZ-VOUS

Dans la chambre encore fatale

De l’encor fatale maison

Où la raison et la morale

Se tiennent plus que de raison.

Il semble attendre la venue,

À quoi, misère, il ne croit pas,

De quelque présence connue

Et murmure entre haut et bas :

« Ta voix claironne dans mon âme

Et tes yeux flambent dans mon cœur.

Le monde dit que c’est infâme,

Mais que me fait, ô mon vainqueur ?

J’ai la tristesse et j’ai la joie

Et j’ai l’amour encore un coup,

L’amour ricaneur qui larmoie,

Ô toi, beau comme un petit loup !

Tu vins à moi, gamin farouche ;

C’est toi, joliesse et bagout,

Rusé du corps et de la bouche,

Qui me violente dans tout

Mon scrupule envers ton extrême

Jeunesse et ton enfance mal

Encore débrouillée et même

Presque dans tout mon animal.

Deux, trois ans sont passés à peine,

Suffisants pour viriliser

Ta fleur d’alors et ton haleine

Encore prompte à s’épuiser.

Quel rude gaillard tu dois être

Et que les instants seraient bons

Si tu pouvais venir ! Mais, traître,

Tu promets, tu dis : J’en réponds.

Tu jures le ciel et la terre,

Puis tu rates les rendez-vous…

Ah ! cette fois, viens ! obtempère

À mes désirs qui tournent fous.

Je t’attends comme le Messie,

Arrive, tombe dans mes bras ;

Une rare fête choisie

Te guette ; arrive, tu verras ! »

Du phosphore en ses yeux s’allume

Et sa lèvre au souris pervers

S’agace aux barbes de la plume

Qu’il tient pour écrire ces vers…

EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.

À PROPOS DE « CHANTECLER »

Avec deux seins rimant comme ab hac et ab hoc,

La Muse de Rostand a des crêtes de coq.

LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.

LE BOUCLIER

Le ventre de la femme est comme un bouclier

Taillé dans un métal lumineux et sans tache,

Dont la blancheur se bombe et descend se plier

Vers sa pointe où frise un panache.

Depuis l’angle d’or brun jusqu’au pied des seins nus ?,

Il s’étale, voûtant sa courbe grasse et pleine,

Et l’arc majestueux de ses rebords charnus

Glisse dans les sillons de l’aine.

Tandis que ciselé sur l’écusson mouvant

Où s’abritent la source et les germes du monde,

Le nombril resplendit comme un soleil vivant,

Un vivant soleil de chair blonde !

Magique bouclier dont j’ai couvert mes reins !

Égide de Vénus, Ô Gorgone d’ivoire

Dont la splendeur joyeuse éblouit mes chagrins

Et rayonne dans ma nuit noire !

Méduse qui fait fuir de mon cœur attristé

Le dragon de l’ennui dont rien ne me délivre,

Arme de patience avec qui j’ai lutté

Contre tous les dégoûts de vivre !

Je t’aime d’un amour fanatique et navrant,

Car mes seuls vrais oublis sont nés dans tes luxures,

Et j’ai donné sur toi comme un soldat mourant

Qui ne compte plus ses blessures.

C’est pourquoi ta douleur t’a dressé des autels

Dans les temples obscurs de mon âme embrunie,

Et j’y viens adorer les charmes immortels

De ta consolante harmonie.

LE SIRE DE CHAMBLEY.

LESBOS

Mère des jeux latins et des voluptés grecques,

Lesbos où les baisers, languissants ou joyeux,

Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,

Font l’ornement des nuits et des jours glorieux,

Mère des jeux latins et des voluptés grecques ;

Lesbos où les baisers sont encor les cascades

Qui se jettent sans peur dans des gouffres sans fonds

Et courent, sanglotant et gloussant par saccades,

Orageux et secrets, fourmillants et profonds,

Lesbos où les baisers sont comme les cascades ;

Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent,

Où jamais un soupir ne reste sans écho,

À l’égal de Paphos les étoiles t’admirent

Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho…

Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent ;

Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses

Qui font qu’à leur miroir, stérile volupté,

Les filles aux yeux creux, de leurs corps amoureuses,

Caressent les fruits mûrs de leur nubilité.

Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,

Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère ;

Tu tires ton pardon de l’excès des baisers.

Reine du doux empire, aimable et noble terre,

Et des raffinements toujours inépuisés,

Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère.

Tu tires ton pardon de l’éternel martyre,

Infligé sans relâche aux cœurs ambitieux,

Qu’attire loin de nous le radieux sourire

Entrevu vaguement au bord des autres cieux ;

Tu tires ton pardon de l’éternel martyre !

Qui des dieux osera, Lesbos, être ton juge

Et condamner ton front pâli dans les travaux ?

Si ses balances d’or n’ont pesé le déluge

De larmes qu’à la mer ont versé tes ruisseaux,

Qui des dieux osera, Lesbos, être ton juge ?

Que nous veulent les lois du juste et de l’injuste ?

Vierges au cœur sublime, honneur de l’Archipel ?

Votre religion comme une autre est auguste

Et l’amour se rira de l’enfer et du ciel…

Que nous veulent les lois du juste et de l’injuste ?

Car Lesbos, entre tous, m’a choisi sur la terre

Pour chanter le secret de ses vierges en fleur,

Et je fus dès l’enfance admis au noir mystère

De rires effrénés mêlés au sombre pleur…

Car Lesbos, entre tous, m’a choisi sur la terre.

Et, depuis lors, je veille au sommet de Leucate,

Comme une sentinelle à l’œil perçant et sûr

Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate.,

Dont les formes au loin frissonnent dans l’azur.

Et, depuis lors, je veille au sommet de Leucate,

Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,

Et parmi les sanglots dont le roc retentit,

Un soir ramènera vers Lesbos qui pardonne

Le cadavre adoré de Sapho qui partit

Pour savoir si la mer est indulgente et bonne !

De la mâle Sapho, l’amante et le poète,

Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs,

L’œil d’azur est vaincu par l’œil noir, que tachète

Le cercle ténébreux tracé par les douleurs

De la mâle Sapho, l’amante et le poète,

Plus belle que Vénus se dressant sur le monde

Et versant les trésors de sa sérénité

Et le rayonnement de sa jeunesse blonde

Sur le vieil Océan de sa fille enchanté :

Plus belle que Vénus se dressant sur le monde ;

De Sapho qui mourut le jour de son blasphème

Quand, insultant le rite et le cœur inventé,

Elle fit son beau corps la pâture suprême

D’un brutal dont l’orgueil punit l’impiété…

De Sapho qui mourut le jour de son blasphème.

Et c’est depuis ce temps que Lesbos se lamente,

Et, malgré les honneurs que lui rend l’univers,

S’enivre chaque nuit du cri de la tourmente

Que poussent vers les cieux ses rivages déserts ;

Et c’est depuis ce temps que Lesbos se lamente…

Charles BAUDELAIRE.

FEMMES DAMNÉES

À la pâle clarté des lampes languissantes,

Sur de profonds coussins tout imprégnés d’odeurs,

Hippolyte rêvait aux caresses puissantes

Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.

Elle cherchait d’un œil troublé par la tempête

De sa naïveté le ciel déjà lointain,

Ainsi qu’un voyageur qui retourne la tête

Vers les horizons bleus dépassés le matin.

De ses yeux amortis, les paresseuses larmes,

L’air brisé, la stupeur, la morne volupté,

Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,

Tout servait, tout parait sa fragile beauté.

Étendue à ses pieds, calme et pleine de joie,

Delphine la couvait avec des yeux ardents,

Comme un animal fort qui surveille une proie

Après l’avoir d’abord marquée avec les dents.

Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,

Superbe, elle humait voluptueusement

Le vin de son triomphe et s’allongeait vers elle

Comme pour recueillir un doux remerciement.

Elle cherchait dans l’œil de sa pâle victime

Le cantique muet que chante le plaisir,

Et cette gratitude infinie et sublime

Qui sort de la paupière ainsi qu’un long soupir.

« Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ?

Comprends-tu maintenant qu’il ne faut pas offrir

L’holocauste sacré de tes premières roses

Aux souffles violents qui pourraient les flétrir ?

Mes baisers sont légers comme ces éphémères

Qui caressent le soir les grands lacs transparents,

De ceux de ton amant creuseront leurs ornières

Comme des chariots ou des socs déchirants ;

Ils passeront sur toi comme un lourd attelage

De chevaux et de bœufs aux sabots sans pitié…

Hippolyte, ô ma sœur ! tourne donc ton visage,

Toi mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié.

Tourne vers moi tes yeux pleins d’azur et d’étoiles !

Pour un de ces regards charmants, baume divin,

Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles

Et je t’endormirai dans un rêve sans fin ! »

Mais Hippolyte alors levant sa jeune tête :

« Je ne suis point ingrate et ne me repens pas ;

Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète

Comme après un nocturne et terrible trépas.

Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes

Et de noirs bataillons de fantômes épars

Qui veulent me conduire en des routes mouvantes

Qu’un horizon sanglant ferme de toutes parts.

Avons-nous donc commis une action étrange ?

Explique si tu peux mon trouble et mon effroi.

Je frissonne de peur quand tu me dis : « Mon ange ! »

Et cependant je sens ma bouche aller vers toi !

Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée,

Toi que j’aime à jamais, ma sœur d’élection,

Quand même tu serais une embûche dressée

Et le commencement de ma perdition. »

Delphine, secouant sa crinière tragique,

Et comme trépignant sur le trépied de fer,

L’œil fatal, répondit d’une voix despotique :

« Qui donc devant l’amour ose parler d’enfer ?

Maudit soit à jamais le rêveur inutile

Qui voulut le premier, dans sa stupidité,

S’éprenant d’un problème insoluble et stérile,

Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté !

Celui qui veut unir dans un accord mystique

L’ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,

Ne chauffera jamais son corps paralytique

À ce rouge soleil que l’on nomme l’amour !

Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide,

Cours offrir un cœur vierge à ses cruels baisers ;

Et pleine de remords et d’horreur, et livide,

Tu me rapporteras tes seins stigmatisés.

On ne peut ici-bas contenter qu’un seul maître ! »

Mais l’enfant, épanchant une immense douleur,

Cria soudain : « Je sens s’élargir dans mon être

Un abîme béant : cet abîme est mon cœur.

Brûlant comme un volcan, profond comme le vide,

Rien ne rassasiera ce monstre gémissant

Et ne rafraîchira la soif de l’Euménide,

Qui, la torche à la main, le brûle jusqu’au sang.

Que nos rideaux fermés nous séparent du monde

Et que la lassitude amène le repos !

Je veux m’anéantir dans ta gorge profonde

Et trouver dans ton sein la fraîcheur des tombeaux. »

Descendez, descendez, lamentables victimes,

Descendez le chemin de l’enfer éternel ;

Plongez au plus profond du gouffre où tous les crimes,

Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,

Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d’orage ;

Ombres folles, courez au but de vos désirs ;

Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,

Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Jamais un rayon frais n’éclaira vos cavernes ;

Par les fentes des murs des miasmes fiévreux

Filent en s’enflammant ainsi que des lanternes

Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.

L’âpre stérilité de votre jouissance

Altère votre soif et raidit votre peau,

Et le vent furibond de la concupiscence

Fait claquer votre chair ainsi qu’un vieux drapeau.

Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,

À travers les déserts courez comme les loups,

Faites votre destin, âmes désordonnées,

Et fuyez l’infini que vous portez en vous.

Charles BAUDELAIRE.

LES MÉTAMORPHOSES DU VAMPIRE

La femme cependant de sa bouche de fraise,

En se tordant ainsi qu’un serpent sur la braise

Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,

Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :

— « Moi, j’ai la lèvre humide et je sais la science

De perdre au fond d’un lit l’antique conscience.

Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants

Et fais rire les vieux du rire des enfants.

Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,

La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !

Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,

Lorsque j’étouffe un homme en mes bras veloutés

Ou lorsque j’abandonne aux morsures mon buste,

Timide et libertine, et fragile et robuste,

Que sur ces matelas qui se pâment d’émoi,

Les anges impuissants se damneraient pour moi ! »

Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle

Et que, languissamment, je me tournai vers elle

Pour lui rendre un baiser d’amour, je ne vis plus

Qu’une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !

Je fermai les deux yeux dans ma froide épouvante ;

Et quand je les rouvris à la clarté vivante,

À mes côtés, au lieu du mannequin puissant

Qui semblait avoir fait provision de sang,

Tremblaient confusément des débris de squelette

Qui d’eux-mêmes rendaient le cri d’une girouette,

Ou d’une enseigne au bout d’une tringle de fer

Que balance le vent pendant les nuits d’hiver.

Charles BAUDELAIRE.

LES BIJOUX

La très chère était nue et, connaissant mon cœur,

Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores

Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur

Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,

Ce monde rayonnant de métal et de pierre

Me ravit en extase, et j’aime avec fureur

Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,

Et du haut du divan, elle souriait d’aise

À mon amour profond et doux comme la mer

Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,

D’un air vague et rêveur elle essayait des poses ;

Et la candeur unie à la lubricité

Donnait un charme neuf à ses métamorphoses.

Et son bras et sa jambe et ses cuisses et ses reins,

Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,

Passant devant mes yeux clairvoyants et sereins,

Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S’avançaient plus calmes que les anges du mal

Pour troubler le repos où mon âme était mise

Et pour la déranger du rocher de cristal

Où calme et solitaire elle s’était assise.

Je croyais voir unis, par un nouveau dessin,

Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,

Tant sa taille faisait ressortir son bassin.

Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe.

Et la lampe s’étant résignée à mourir,

Comme le foyer seul illuminait la chambre,

Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,

Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre.

Charles BAUDELAIRE.

À CELLE QUI EST TROP GAIE

Ta tête, ton geste, ton air

Sont beaux comme un beau paysage.

Le rire joue en ton visage

Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles

Est ébloui par la santé

Qui jaillit comme une clarté

De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs

Dont tu parsèmes tes toilettes

Jettent dans l’esprit des poètes

L’image d’un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l’emblème

De ton esprit bariolé,

Folle dont je suis affolé,

Je te hais autant que je t’aime.

Quelquefois dans un beau jardin

Où je traînais mon atonie,

J’ai senti, comme une ironie,

Le soleil déchirer mon sein.

Et le printemps et la verdure

Ont tant humilié mon cœur

Que j’ai puni sur une fleur

L’insolence de la nature.

Ainsi, je voudrais une nuit,

Quand l’heure des voluptés sonne,

Vers les trésors de ta personne

Comme un lâche ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,

Pour meurtrir ton sein pardonné

Et faire à ton flanc étonné

Une blessure large et creuse.

Et, vertigineuse douceur

À travers ces lèvres nouvelles,

Plus éclatantes et plus belles,

T’infuser mon venin, ma sœur !

Charles BAUDELAIRE.

LE LÉTHÉ

Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,

Tigre adoré, monstre aux airs indolents,

Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants

Dans l’épaisseur de ta crinière lourde ;

Dans tes jupons remplis de ton parfum,

Ensevelir ma tête endolorie

Et respirer comme une fleur flétrie

Le doux relent de mon amour défunt.

Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre

Dans un sommeil douteux comme la mort

J’étalerai mes baisers sans remords

Sur ton beau corps poli comme le cuivre.

Pour engloutir mes sanglots apaisés,

Rien ne vaut l’abîme de ta couche ;

L’oubli puissant habite sur ta bouche

Et le Léthé coule dans tes baisers.

À mon destin, désormais mon délice,

J’obéirai comme un prédestiné,

Martyr docile, innocent condamné,

Dont la ferveur attise le supplice.

Je sucerai pour noyer ma rancœur

Le népenthès et la bonne ciguë,

Aux bouts charmants de cette gorge aiguë

Qui n’a jamais emprisonné de cœur.

Charles BAUDELAIRE.

LÈVRES ROSES

Une négresse, par le démon secouée,

Veut goûter une triste enfant aux fruits nouveaux,

Criminelle innocente en sa robe trouée,

Et la goinfre s’apprête à de rusés travaux.

Sur son ventre elle allonge en bête ses tétines,

Heureuse d’être nue, et s’acharne à saisir

Ses deux pieds écartés en l’air dans ses bottines,

Dont l’indécente vue augmente son plaisir ;

Puis, près de la chair blanche aux maigreurs de gazelle,

Qui tremble, sur le dos, comme un fol éléphant,

Renversée, elle attend et s’admire avec zèle.

En riant de ses dents naïves à l’enfant ;

Et, dans ses jambes quand la victime se couche

Levant une peau noire ouverte sous le crin,

Avance le palais de cette infâme bouche

Pâle et rose comme un coquillage marin.

Stéphane MALLARMÉ.

À MADAME S…

Madame, vous avez l’œil clair comme un beau ciel,

La gorge faite au tour. Un nez substantiel,

Malgré la lèvre mince et la bouche mignonne,

Mais vous avez le cul d’une fière lionne.

Jean MORÉAS.

DEUX SONGES

I

Cette nuit, j’étais seul, comme Sapphô ; les roses

Transmuaient en parfum le mystère des choses ;

L’amoureuse Luna des soirs de messidor

Se frôlait aux bouquins moirés de pourpre et d’or ;

Horace, Martial, Herrick, Maynard, Catulle

Reflétaient le rayon d’argent qui les adule ;

Je pensais à ta bouche et je faisais des vers

Sur ton double sourire, innocent et pervers ;

Enfin, je m’endormis ; tu visitas mon rêve :

— Ton image commence, et mon sommeil achève,

D’un geste inconscient ; la forme de ton corps

S’empare de ma chair ; tu m’étreins, tu me mords,

C’est bien toi, je te sens fondre en moi, quand tout glisse,

Et je m’éveille en regrettant ce vain délice.

II

Quand l’aube s’éparpille en oiseaux d’écarlate,

J’évoque dans l’azur le divin Polykrate :

Une île à l’horizon devient Samos ; brigand

Rêveur, amoureux d’art, magnifique, élégant,

Le bon tyran, parmi les roses de Lydie,

Regarde ses danseurs mimer la comédie,

Soupèse des bijoux, cause ou pend tour à tour :

Un Chaldéen lui fait l’horoscope ; sa cour

Invente des plaisirs qui passent la pensée ;

Tendres comme Lykos et savants comme Alcée

Des poètes qui sont de beaux adolescents

Harmonisent leurs vers à leurs doigts caressants,

Et leurs luths lesbiens enivrent de musique

Le prince trop heureux, déjà mélancolique.

— Que m’importe comment ce règne finira ?

Viens, Ibykos ! Allons flâner dans la Laura ?

Nous pourrons essayer des vins, des courtisanes,

Et choisir des mignons en goûtant des bananes.

Edmond FAZY.

SATYRE

contre une petite fille qui souriait aux lecteurs de la Bibliothèque nationale.

Petite fille înelle et monde,

Vous qui riez à tout le monde

Des lèvres et du sadinet,

Que la rougeole vous emporte,

Que l’huissier qui veille à la porte

Vous jette dans un cabinet !

Naguère, avant votre venue,

En cette salle bien tenue,

L’on compilait, l’on compilait…

Nous étions trois cents pour Neuf Garces,

Tassés et sages comme farce

Dedans le ventre d’un poulet.

Nous eussions, dans le même vase,

Bu le Permesse, quand Pégase

Nous portait comme Fils-Aymon ;

Mais aussitôt que vous parûtes

Il s’éleva trois cents disputes

De trois cents vits pour un seul c.n.

Ce maudit conin de pucelle,

Qui n’a plus de poils qu’une aisselle,

À la fois voudrait avaler

Cent cinquante nœuds de poètes

Pendant que le reste, en levrette,

Tenteraient de vous enculer ?

Fi donc ! Madame votre mère,

Qui possède porte cochère

Où votre père est fait cocu,

Ne pourrait tels jeux se permettre

Bien que d’un coup l’on puisse mettre

Dans sa nature et dans son cul.

Droit n’avez qu’à la « petite oie »

Quand, sous le laurier qui verdoie,

Les neuf Sœurs sont neuf Chastetés,.

Et si de « garces » je les traite.,

C’est que j’enrage qu’un poète

N’en ait que des civilités…

Ah ! vous méritez bien mon ire,

Ayant, plus qu’on ne saurait dire,

Renversé l’ordre vénéré ;

Pour vous d’inoffensifs bélîtres

Au nez se crachèrent des huîtres

Et le verbe fututere.

Bien que nourris d’ordure antique,

Vers votre nouvelle boutique

Dévalèrent leurs morpions ;

Vous passez l’onguent au mercure,

Et, bouleversant la nature,

Rendez agiles des cirons !

Un quidam pris entre sa plume

Et son v.t de petit volume,

Tantôt l’un et l’autre alternait,

Quand, esclave de la routine,

Dans l’encrier trempant sa pine,

Il vous écrivit un sonnet.

La Montifaut, vieille tribade,

Voulant vous donner la saccade

À la manière de Psaphon,

Sur sa motte d’un grand module

Improvisait une mentule

Avecque son porte-crayon.

Des espèces de Bollandistes,

À tournure de sodomistes.

N’osaient ciller leurs yeux dévots,

Et, très humbles près de la porte,

Priaient le Ciel que, de la sorte,

Vous tournassiez toujours le dos.

Enfin, tous les v.ts du Parnasse,

Comme anguilles dedans la nasse,

Frétillaient dans les caleçons ;

Les mains qui les croyaient aveindre,

Sous leur fuite se sentaient oindre

Du glissant mucus des poissons.

Et vous conserviez ce sourire

Qu’ont les demoiselles de cire

Aux glaces des barbiers benêts,

Ô vous, plus qu’elles vaine et bête,

Ô vous, plus frivole et coquette

Qu’un papillon sur des genêts !

Stupre d’une âme poétique,

À mon linge géographique,

J’ajoute cet art fescennin !

Moi qui rêvais d’être un Tibulle,

Par Mananda ! que l’on m’encule

Si je n’égale ici Motin !

Fille de la Concupiscence,

Quittez ce Palais de Science,

Allez-vous-en, allez, allez !

Que la paix règne en ma culotte,

Ou, par les Traités d’Aristote,

Je vous décharge sur le nez !

LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.

OCTOBRE !

Octobre ! Une chambre d’hôtel.

Sur la douteuse courtepointe

De quels baisers m’as-tu pas ointe,

Ô Douce ! Je le vois bien tel

Ce garni… Le désir m’accointe

De votre corps, brumeux pastel,

Près du mien, suc brun de bétel

De ma bouche à la vôtre jointe

Un jour… et ce nous fut assez,

Mais, de ces souvenirs tassés,

Des joies que nous avons connues

Ne gardez-vous que le décor,

Dites ? Jouerons-nous pas, encore,

À Mesdames-les-Toutes-Nues ?

Ève ARRIGHI.

À TOI, MARGUERITE

Frisons d’ébène et tache d’écarlate

Sur fonds d’argent

Et seins aigus d’une belle au corps gent,

Je vous tiens pour beauté fort délicate.

Ventre charnu, lustré comme une agate,

Reins musculeux, vifs comme vif-argent

Frisons d’ébène et tache d’écarlate

Sur fonds d’argent,

Comme un concert, votre splendeur éclate.

Vous me bercez dans un rythme brûlant

Et je me plais, idéal délirant,

À caresser entre cuisses d’ouate

Sur fonds d’argent

Frisons d’ébène et tache d’écarlate.

Joël D…

LE BONHEUR

Heureux qui délaissant les plaisirs de la terre,

Baisant un petit c.l, buvant dans un grand verre,

Emplit l’un, vide l’autre et passe avec gaîté

Du cul de la bouteille au cul de la beauté.

Anonyme.

RÊVE DÉMESURÉ

Je voudrais que ma queue ait la hauteur des monts

Qui déchirent le ciel auguste de leurs fronts.

On me verrait, comme eux, arrêter au passage

Le troupeau changeant des nuages.

Contemplant, sur le dos, leurs aimables dessins,

J’y verrais plafonner des hanches et des seins

Et largement repu de leurs folles caresses,

Je croirais baiser des déesses.

Pierre LI..RE.

LES SPERMATOZOÏDES

Le corps toujours en mouvement,

Décrivant des sinusoïdes,

Ils vont mélancoliquement

Les pauvres spermatozoïdes.

Enfantés dans l’obscurité

En un moment de volupté,

Ils ne connaissent la clarté

Que lorsqu’ils sont dans la cuvette,

Immense et mortelle buvette

Où notre égoïsme les jette ;

Et, pourtant, Dieu qui les créa

Croyait qu’au sortir du méat

Ils s’en iraient sans aléa.

Au fond des vagins mirifiques,

Laboratoires magnifiques

De leur fonction prolifique,

Mais combien sont rares ceux-là

Que selon le désir d’Allah

Aucun injecteur n’immola.

Dénombrez vos infanticides,

Anus rongés d’hémorroïdes,

Tombeaux des spermatozoïdes,

Et dites-nous, ô lupanars,

Vous qui voyez des milliards,

De milliards de braquemards,

Combien parmi la gent qui baise,

Pour tirer leur coup plus à l’aise,

Usent de la capote anglaise !

Et combien sont négligemment,

Au collège ou bien au couvent,

Du bout des doigts jetés au vent !

Ils sont l’effroi des adultères,

La terreur des maris austères,

Et redoutés par les amants

Qui cherchent des coïts avides.

Ils sont bénis par les mamans

Les pauvres spermatozoïdes.

Le corps toujours en mouvement,

Décrivant des sinusoïdes,

Ils vont mélancoliquement

Les pauvres spermatozoïdes.

LE MARIN INCONNU.

LES PHARES

Majestueux, droits et rigides,

Assis sur vos bases solides

Au sein des vastes océans,

Phares aux murailles imberbes,

Vous vous dressez, longs et superbes,

Comme des p..es de géants.

Vos lanternes, soleil immense,

S’allumant quand la nuit commence,

S’éteignant quand elle finit,

Sont les glands de phallus énormes

Faisant saillir leurs lourdes formes

Hors des prépuces de granit,

Vous apparaissez dans la brume,

Parmi les tourbillons d’écume

Qui vous font des pubis d’argent.

Et malgré cette rude épreuve

De l’eau froide, vous faites preuve

D’un priapisme encourageant.

Dans les mers intertropicales

Vous bravez les chaleurs fatales,

Les rigueurs d’un soleil ardent.

Pour vous il n’est point de mollesse,

Le chaud comme le froid vous laisse

Toujours en l’air, toujours bandant.

Et devant vos ardeurs oisives,

Les femmes demeurent pensives,

Muettes d’admiration ;

À moins que leurs voix éperdues

Ne déplorent de voir perdues

Tant de belles érections.

Mais les marins font triste mine

En songeant à leur pauvre p.ne

Qui pend si lamentablement.

C’est bien en vain qu’ils se demandent

Par quel moyen les phares bandent

Nuit et jour éternellement.

Morbleu ! faut-il que je le dise :

Ô grands phares, je vous méprise !

Vous n’êtes que v.ts en carton,

Car sous l’eau froide qui vous mouille

Vous n’avez pas même une couille,

Pas le moindre petit rouston.

LE MARIN INCONNU.

LA VENTRILOQUE

Ah ! se faire s..er par une ventriloque !

Et tandis qu’elle aurait ma p... entre les dents

Entendre de son ventre sortir un soliloque

Et des chansons d’amour aux distiques ardents !

Et tandis que sa lèvre humerait mon pr. p. ce,

Que sa langue agirait sur mon gland avec art,

Écouter l’estomac distiller l’hymne russe,

Et croire que je suis pour un instant le Tzar.

Et comme il serait doux pour une âme française,

Au lieu de se pâmer en un coït banal,

D’écouter l’estomac chanter la Marseillaise

Et s’éjouir aux sons du chant national.

Ainsi les raffinés dans Rome et dans Athènes,

Artistes délicats en leurs amusements,

Faisaient l’amour aux sons des musiques lointaines

Et cadençaient leurs coups au son des instruments.

Trop pauvre pour pouvoir me payer des tsiganes,

Ou même pour m’offrir un simple accordéon,

Je vais chercher partout, parmi les courtisanes,

Celles qui dans le ventre ont tout un orphéon.

Mais n’ayant rencontré dans ce monde équivoque

Que des femmes faisant l’amour bourgeoisement,

Et n’ayant point encor trouvé la ventriloque

Qui saura me sucer harmonieusement,

Afin de contenter le désir qui m’affole

Et me donner au moins un peu d’illusion,

Au risque d’attraper une bonne vérole,

Ou d’en sortir couvert d’un tas de morpions.

Depuis le jour de l’An jusqu’à la Saint-Sylvestre,

Je cours obstinément les spectacles forains,

Où triomphalement j’enc.. e l’homme-orchestre,

En battant la mesure avec des coups de reins !

LE MARIN INCONNU.

LES PROMESSES D’UN VISAGE

J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés

D’où semblent couler des ténèbres ;

Tes yeux, quoique très noirs, m’inspirent des pensers,

Qui ne sont pas du tout funèbres.

Tes yeux qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,

Avec ta crinière à la bique,

Tes yeux languissamment me disent : Si tu veux,

Amant de la muse plastique,

Suivre l’espoir qu’en toi nous avons suscité

Et tous les goûts que tu professes,

Tu pourras constater notre véracité

Depuis le nombril jusqu’aux fesses.

Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds

Deux larges médailles de bronze,

Et sous un ventre uni, doux comme du velours,

Bistré comme la peau d’un bonze,

Une riche toison qui vraiment est la sœur

De cette énorme chevelure,

Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,

Nuit sans étoiles, nuit obscure.

Charles BAUDELAIRE.

ODOR DI FEMINA

Quand ta main blanche et molle en torsades enchaîne

Les serpents roux de tes cheveux,

Je ne sais quelle chaude et pantelante haleine

Ruisselle de leurs mille nœuds.

Ce n’est pas la senteur des roses ioniennes,

L’encens du baume oriental

Ni cette huile dorée où les Péris indiennes

Fondent le musc et le santal.

Moins chaudes sont, l’été, les brises langoureuses

Qui montent quand la lune luit,

Quand les fleurs vont crispant leurs urnes amoureuses

Aux sombres baisers de la nuit.

C’est un vin capiteux dont la saveur enivre ;

C’est un sperme immatériel,

Un fluide odorant qui tue et fait revivre ;

Feu de l’enfer, ardeur du ciel !

Ce parfum sensuel et nerveux qui s’exhale,

Qui s’acharne à nous obséder ;

C’est le flux d’une chair ardente et virginale,

C’est le parfum qui fait b……

Épiphane SIDREDOULX.

AUX SOUS-OFFICIERS DE LA GARNISON

Père Barbançon nous raconte

Les jeux héroïques des rois,

Les prouesses de maint vicomte,

De Dupanloup en qui je crois,

Et des orfèvres qui sont trois ;

C’est fort bien, mais cassons la croûte

En ingurgitant des pivois.

Barbançon, payez-vous la goutte ?

Manneken-Piss, sans fausse honte,

Pisse au nez des bons Bruxellois.

Encore bien qu’il l’ait en fonte,

C’est bon, sais-tu, pour une fois !

Les Poirriers et les Dieulafoye,

Que ce geste point ne dégoûte

D’Esculape appliquent les lois.

Barbançon, payez-vous la goutte ?

Les guerriers que rien ne démonte,

Ni la flèche des Iroquois,

Ni les canons aux gueules promptes,

Baisent les blancs et frais minois

En quête du loup dans les bois ;

Aussi leur bracquemart s’égoutte

D’un rythme chronique et bourgeois.

Barbançon, payez-vous la goutte ?

ENVOI

Invalide au phallus de bois,

Prends avec nous la bonne route

Pour arriver en hauternois.

Barbançon, payez-vous la goutte ?

Jules MARRY.

LES BAIGNEUSES

À mes désirs voici l’heure prospère,

Oui, ce moment va combler tous mes vœux ;

Loin des regards, sans vêtements, ma chère,

Un même bain va nous voir toutes deux.

Fais comme moi, quitte aussi ta chemise

Et de ton sein enlève ce mouchoir.

Ne tremble pas ; crains-tu quelque surprise ?

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.

Tiens, comme moi te voici toute nue :

Grands dieux ! combien tu possèdes d’appas !

Combien aussi ta gorge s’est accrue !

Qu’ils sont jolis les contours de ton bras !

Ah ! tant d’attraits dans peu, je le parie,

De mille amants feront le désespoir :

Laisse-moi les contempler, je t’en prie…

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.

— Plaisantes-tu dans ce moment ? de grâce…

Tes compliments vont me faire rougir !

Si tu savais en moi ce qui se passe,

Ta vue aussi m’inspire maint désir ;

Si, de l’amour, par la douce magie,

D’être homme, ici, j’obtenais le pouvoir,

Qu’avec transport ta fleur serait ravie…

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.

— Ciel, que fais-tu ? — Sur tes lèvres de rose,

Laisse-moi donc cueillir un doux baiser.

— Je le veux bien ; mais tu fais autre chose ;

Pourquoi ta main vient-elle m’agiter ?

De tes baisers je suis toute tremblante ;

Nouveaux désirs me viennent émouvoir…

Finis… ô dieux ! prends pitié, chère amante…

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.

— Mais, de ma main quel doit être l’usage ?

— C’est pour calmer le feu que je ressens.

Jusqu’à ce jour, toi, modeste et si sage,

Tu connaissais ces baisers enivrants ?

De ces couleurs sur ce lieu que je touche,

Que le contraste est ravissant à voir !

— Ah ! que fais-tu ?… où se porte ta bouche ?…

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.

— Tiens, tu renais ; mais, par mainte caresse,

Tu veux encore expirer dans mes bras ;

Contre mon sein ta main droite se presse,

Et l’autre main me lutine plus bas.

— Oh ! que ton corps soit docile à ma flamme,

De ton amie apprends tout le savoir !

— Épargne-moi ! quels baisers !… je me pâme…

Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir !

Mais maintenant, baignons-nous, douce amie ;

Livrons nos corps au cristal de ces eaux :

Plus qu’un baiser sur ta bouche jolie,

Nos sens émus ont besoin de repos ;

Après, chez toi, feignant quelque migraine,

Un même lit nous recevra ce soir ;

L’amour alors embellira la scène

Et sans témoins il fera son devoir !

Attribué à MURGER.

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Corrections, édition, conversion informatique et publication par le groupe :

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Juin 2025

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[1] Se cacher.

[2] Baleine (de corset).

[3] Célèbre bal-jardin de Montparnasse

[4] Autre bal situé à côté du métro “Port-Royal” actuel

[5] Quartier des fripiers, près la rue Saint-Honoré à Paris.

[6] VARIANTE

Et grand papa papahouté

Té du radis noir à papa

Du paradis de Mahomet,

Mettez-vous ça dans le dodo

De la rue Gérando.

[7] VARIANTE

Et radinez dans le figne à Kuroki,

Qu’arrive de Mandchouri’.

[8] Louis Philippe, maire d’Eu.

[9] Les trois pièces qui précèdent sont tirées de « La Masturbomanie ou jouissance solitaire ». — Stances, ornées de 37 gravures, Branlefort, chez Poignet, rue du Bras. — In-12 de six chapitres, 56 pages, publié vers 1840 et orné de lithographies. L’auteur est resté anonyme.

[10] Potion Chopart.

[11] Capsules Mège.

[12] Petits canaux de bois au fond desquels le mercure retient l’or au passage.

[13] La pointe est presque de Corneille…

[14] Autrefois, assistant pétrisseur du boulanger.

[15] Le Midi, hôpital spécial. Variante : de Saint-Louis.

[16] Fracastor, syphiligraphe italien du XVe siècle. — Et poète ; (Note de l’auteur.)

[17] Les Bodegas sont des établissements de mastroquets exotiques où les vins de Cette se vendent en espagnol (aqui se habla). (Note de l’auteur.)

[18] L’Eucalypsinthe ! Rêve d’un liquoriste marseillais qui prétendait avec l’essence d’eucalyptus imiter l’absinthe ! (Note de l’auteur.)

[19] On attribue ce quatrain à Talleyrand. Il est nécessaire de donner la clef de l’énigme. Le poète importunait de ses rimes je ne sais quelle beauté cruelle, qui y répondit en prose qu’elle ferait de ses vers… certain usage. Le galant riposta par la malice assez alerte ci-dessus rapportée. (Note de l’Anthologie satyrique, tome Ier, p. 136).

[20] On n’a pas oublié les aventures postéro-judiciaires de M. de G… et du capitaine V…

Du culte secret tous deux prêtres

Obscuri per sylvas ibant ;

Et, comme nos pieux ancêtres,

Fidem rectumque colebant.

(Note de l’auteur.)

[21] Millant, frère du gros Millant, philanthrope bien connu dans le quartier du Palais Royal. (Note de l’auteur.)

[22] Hématies, globules rouges du sang. (Note de l’auteur.)

[23] Le nerf vague, aussi peu connu sous le nom de pneumogastrique. (Note de l’auteur.)

[24] Sources martiales, ferrugineuses. (Note de l’auteur.)

[25] Soit, mais le temps n’est plus de ces rudes secousses :

Notre œuvre est achevée et veut des mains plus douces.

F. PONSARD, Le Lion amoureux.
(Note de l’auteur.)

[26] Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ?

Charles BAUDELAIRE (Fleurs du Mal),

Un jour, M. Charpentier, jeune rapin, élève de Couture, aborda M. Hippolyte L…s, sous les galeries de l’Odéon, et lui chanta sous le nez ce refrain, parodié d’une chanson ordurière, alors en vogue dans les ateliers :

Cet artiste

Était Hippolyte

L… s d’l’Odéon

Ah ! quel c.. ! (bis)

Vive le Grand Napoléon !

M. Hippolyte L…s parut fort surpris. (Note de l’auteur.)

[27] Le Livre, où parut la petite plaquette intitulée : Les treize sonnets du doigt dedans, publia la note suivante :

« Henri Kistemaeckers, éditeur à Bruxelles, vient de publier Les treize sonnets du doigt dedans, par M. de la Braguette. Le titre indique suffisamment le côté pittoresque de cet ouvrage de trente pages.

« Nous ne le signalerions pas si aisément si ce n’était une curiosité bibliographique, tirée admirablement en cinq couleurs par un typographe anonyme que nous ne pouvons que féliciter sans le nommer. Nous croyons savoir que ces treize sonnets malsonnants pour les oreilles chastes sont l’œuvre de M. Théodore Hannon (???), l’agréable poète des Rimes de Joie, parues l’an dernier. »

[28] Cette poésie marmiteuse, dont l’auteur a hérité de la dixième part de la fistule lacrymale de Henry Murger, est empruntée à la préface du Dictionnaire érotique moderne, publié en 1864 par M. Delvau, sous le pseudonyme Un professeur de langue verte. M. Delvau n’est donc pas un lexicographe d’occasion, comme M. Larchey a pu le supposer après la lecture du Dictionnaire de la langue verte, (Note du Nouveau Parnasse satyrique du XIXe siècle.)

[29] La dernière épigramme de M. Roger de Beauvoir contre sa femme a été la couronne d’immortelles qu’il envoya à la malheureuse agonisante. C’était atroce, mais cela prouve que M. de Beauvoir a un vif sentiment des devoirs conjugaux, pour les autres. Il eût voté, en 1849, l’amendement Pierre Lerous, qu’il invoqua contre M. Avond. Ce cas de pathologie mentale pourrait se définir la monogamie du législateur. — Constant, bordel fastueux, rue Monthyon : spécialité des blondes. — Dennery, auteur dramatique à la grâce de Dieu. — Mme Desgranges, maîtresse dudit Dennery, seul. — Turcas, dit le beau Turcas, petit-fils de Chérubin, frère de la femme du statuaire Duret. — Les autres personnages, filles et gens de lettres inconnus, même de Vapereau. (Note du Nouveau Parnasse satyrique du XIXe siècle.)

[30] Dans l’Anthologie satyrique. Luxembourg, 1877-1878, tome VII, page 93.