Germain Amplecas
(Guillaume Appolinaire)
L’ŒUVRE LIBERTINE DES POÈTES DU XIXe SIÈCLE
1910
Cette anthologie satyrique et gaillarde avait été réunie par M. Germain Amplecas, qui mourut inopinément au moment où il se disposait à la publier. Il s’était entendu avec son éditeur et avait choisi lui-même, pour cet ouvrage, le titre de Verger satyrique.
La mort de l’érudit M. Germain Amplecas laisse bien des regrets. On se souviendra longtemps de la dignité de sa vie. Personne n’eût osé penser que les rares instants qu’il dérobait à ses études historiques, il les consacrait à réunir des contes en vers, des épigrammes, des poèmes lyriques, des chansons qui, placés sous l’invocation d’Aphrodite et de son fils, vont avoir désormais pour patronne, grâce au savant M. Germain Amplecas, l’austère et chaste Pallas Athéné.
En effet, qu’on ne s’y trompe point, la matière de ce livre n’est point frivole. Tout ce qui touche à la sexualité a une importance de premier ordre. On sait avec quel soin les philologues de tous les pays recueillent les moindres contes obscènes, les vers orduriers les plus insignifiants que la muse, pariétaire se plaît à chanter, les dictons et les proverbes libres qui expriment le bon sens populaire.
Dans le Verger satyrique, l’attrait se trouve rehaussé par la perfection des pièces citées, qui sont dues le plus souvent à des poètes célèbres.
D’autre part, on est heureux, au moment où l’hypocrisie protestante paraît faire des progrès inquiétants, de constater qu’en France, au XIXe siècle et même au XXe siècle, des poètes, et non des moindres, ont pensé et pensent que l’on peut nommer les choses naturelles par leur nom, qu’il n’y a pas deux libertés, pas plus qu’il n’y a deux arts.
On est heureux de constater aussi que cette façon de voir, qui fut celle de Rabelais, de La Fontaine et de Voltaire, a été partagée par Béranger, Théophile Gautier, Baudelaire et Verlaine, sans citer les autres.
*
Quelques pseudonymes que l’on rencontrera au cours de cet ouvrage demandent des explications.
El licenciado Herlanez. — Peu de personnes hésitent encore à attribuer les vers de Femmes et de Hombres à Verlaine même. Et si l’on veut bien les lui attribuer, on avouera que le recueil intitulé Hombres contient des pièces qui doivent compter parmi les plus belles qu’ait composées l’auteur de Sagesse.
Le sire de Chambley. — L’auteur qui se cachait sous ce pseudonyme s’est plu lui-même à dévoiler son nom véritable. Les exemplaires de la première édition de la Légende des sexes portent tous une signature manuscrite qui ne laisse aucun doute sur la personnalité d’un poète dont l’Académie française fera bientôt, ce semble, un immortel, flagellant ainsi les hypocrites qui brûleraient volontiers Voltaire si, vivant aujourd’hui, il osait écrire La Pucelle.
Le sire de la Glotte. — On s’accorde généralement pour reconnaître que ce pseudonyme cache le nom d’Albert Glatigny, ce poète malheureux qui, dans l’ex-dono d’un exemplaire des Vignes folles donné aux frères Lyonnet, et que j’ai sur ma table, se qualifiait lui-même de « comédien méconnu ».
Le vidame Bonaventure de la Braguette. — On pense que c’était là un autre pseudonyme de Glatigny. On ne doit pas le confondre avec :
Monsieur de la Braguette. — D’après le Livre, ce pseudonyme appartient à Théodore Hannon, l’auteur baudelairien des Rimes de joie.
Les Sonnets du Docteur. — Ce recueil célèbre, illustré par Rops, fut composé, d’après le catalogue imprimé de la Bibliothèque nationale, par le docteur Georges Camuset.
L’abbé de Thélème. — On croit généralement que c’est là un pseudonyme de M. Germain Amplecas.
Épiphane Sidredoulx. — On sait maintenant que le savant M. Prosper Blanchemain écrivit Les Fanfreluches, contes et gauloiseries, par Épiphane Sidredoulx, président honoraire de l’Académie de Sotteville-lez-Rouen (1879). Plusieurs des pièces qu’il composa sont imitées du Moyen de parvenir.
Le Petit-Neveu de Baffo. — Ce pseudonyme cache, paraît-il, un poète normand fort délicat.
Jules Marry. — J’ai rencontré ce poète dont le véritable nom est Delisle ou Delille. Il a publié une plaquette satyrique, pleine de talent, Les Exploits de M. Dupanloup (Sansot, 1904).
Le Marin inconnu. — Cette dénomination cache la personnalité d’un capitaine de frégate… mettons dans la marine suisse, dont le nom commence par un M.
*
Puisse ce recueil plaire à tous ceux qui aiment la franche gaîté gauloise. Ils béniront la mémoire de M. Germain Amplecas, et nul doute que le Verger satyrique ne fasse plus de bien à sa gloire que les graves dissertations qu’il n’écrivit que pour un petit nombre de savants, ses confrères.
La floraison du châtaignier
Offre une odeur particulière
Et difficile à désigner.
Essayons pourtant. — Maître Pierre,
Certain soir, avec sa fermière
Et son garçon, rentraient de loin,
Sur une charrette de foin.
Pierre dormait. Sa bonne femme
Dormait aussi près du garçon.
Le garçon tâtonnait la dame,
Qui, sans faire trop de façon,
Se laissait pousser à la gamme,
Si bien que, dans un doux frisson,
Jaillit la liqueur sans pareille
Qui fait les rois et les fermiers.
— Tiens ! dit le mari qui s’éveille,
En dressant le nez et l’oreille,
Nous passons sous les châtaigniers.
Épiphane SIDREDOULX.
Midi sonnant, brossé, paré,
Maître Gribouille, le curé,
Chez une de ses paroissiennes
Arrivait à point pour dîner.
La dame, à travers ses persiennes,
Le regardait s’acheminer.
Lui guetta, devant et derrière,
Puis, droit devant elle, en un coin,
S’arrêta pour certain besoin.
Ayant rengainé son affaire,
Il entra, salua, s’assit.
Aussitôt la dame lui dit :
— Voudriez-vous pas de l’eau claire ?
— De l’eau ! grand Dieu, pourquoi donc faire ?
Pour laver vos mains. — À quoi bon ?
Je n’ai tenu que mon bréviaire.
Lors la fille de la maison
Dit, entendant cette raison :
— Le bréviaire de maître Gribouille
A le nez fait comme une andouille.
Épiphane SIDREDOULX.
Une belle petite éprise
D’un grand brun, garçon de café,
A cet amant bien étoffé
Livrait gratis la marchandise
Que deux banquiers payaient bien cher.
En commettant l’acte de chair :
— Ah ! disait-il, ah ! que je t’aime !
— Pas de bêtises ; sors à temps !
Boum ! mon ange aimé, je t’entends.
Versez terrasse ! pas de crème !…
Épiphane SIDREDOULX.
Un pauvre pêcheur marinier
Avait une affaire en justice ;
Or personne ne peut nier
Qu’à Thémis un bon sacrifice
Ne soit utile en pareil cas.
À son procureur savoir plaire,
Graisser la patte aux avocats,
Rien n’éclaircit mieux une affaire.
Donc notre marinier malin
Fut trouver maître Pathelin,
Lui portant une pannerée
De cancres de mer gros et vifs,
Tout frais péchés à la marée.
Or l’un de ces pauvres captifs
Tomba du panier, prit la fuite.
Et, tandis que ses compagnons
Allaient cuire aux petits oignons
Dans le fin fond de la marmite,
Il fut dextrement se glisser
Au pied du lit, sous la courtine ;
Puis, dans l’eau voulant se musser[1],
Il saillit au pot à pisser,
D’où sortait une odeur marine
Qui lui chatouillait la narine.
La nuit vient, on se met au lit.
Madame avec Monsieur se couche ;
Mais quand ce fut vers le minuit,
Elle éprouva certain prurit
D’épancher une large douche
Que ses reins avaient en dépôt.
Sous le lit elle prend le pot,
Puis, se délectant à l’avance,
Prête à décharger d’abondance
Cela qui lui pesait le plus,
Tout bellement s’assied dessus
Et lâcha d’un jet sa fusée.
Sous sa délectable rosée,
Le paillard cancre émoustillé
S’émeut, s’agite, se dilate,
Et vers le flot qui l’a mouillé
Il étend une longue patte,
Tenaille aux doigts durs et velus
Qui happe et qui ne lâche plus.
Il saisit… hé ! que put-il prendre ?
Je ne sais quoi si doux, si tendre,
Si délicat et si mignon
Que je n’ose en dire le nom.
Il saisit le bord frais et rose,
Le limbe, la lèvre, la chose
Ouverte en crête de fossé
Sous un petit buisson frisé ;
Il saisit la tendre babine
Rouge en dedans, noire au dehors,
Où d’amour la source divine
Cache ses enivrants trésors.
En se sentant pincer, Madame
Jeta des cris à fendre l’âme.
Si bien que monsieur son mari
Se réveilla tout ahuri :
— Qui te fait crier de la sorte ?
— Ah ! bonnes gens ! quelle rigueur !
Un monstre m’arrache le cœur…
Je pâme ! je meurs !… je suis morte !…
Elle ne cessait de pleurer
Et n’osait pourtant déclarer
D’où venait sa douleur cruelle.
Monsieur court chercher la chandelle
Et, voyant où tenait le cas :
— Paix ! dit-il, ne te trouble pas,
Je lui ferai bien lâcher prise ;
Il ne faut que souffler dessus.
Il souffle ; mais son entreprise
Et ses efforts sont superflus.
Bien mieux, à sa grande surprise,
Le cancre lève l’autre bras
Lentement, grave comme un pape,
Et par le bout du nez l’attrape.
Jugez un peu de l’embarras.
Étant aussi près de la chose,
Le bonhomme fut convaincu
Qu’il ne pouvait être cocu
Sans en connaître à fond la cause.
Il fallut trouver des ciseaux
Pour séparer ces deux vaisseaux
Accrochés par une même ancre,
Et si la bonne avec effort
N’eût coupé les pattes du cancre,
Je crois qu’il y serait encore.
Épiphane SIDREDOULX.
Guillaume un jour trouva madame
Qui dormait sur un gazon vert,
Et, brûlé d’une ardente flamme,
Il veut la servir à couvert.
Au baiser la belle s’éveille :
— Quoi, Guillaume, vous m’accolez ?
Votre impudence est sans pareille !
Qui vous rend si hardi ? — Personne ;
Et si madame me l’ordonne,
Je m’ôterai, dit l’étourdi.
— Vraiment l’impudence est trop grande !
Restez-y ; mais je vous demande
Qui vous a rendu si hardi !
Épiphane SIDREDOULX.
Dans cette froide et lugubre saison,
Triste portrait de la vieillesse,
Où le soleil, enclin à la paresse,
Paraît trop tard à l’horizon
Et trop tôt aussi nous délaisse,
Un certain soir, un certain capucin
Fut averti qu’une âme pénitente
Dans l’église attendait ce sacrement divin
Qui peut, nous soulageant du poids qui nous tourmente,
Du paradis nous rouvrir le chemin,
Invention céleste et vraiment consolante !
Je peux voler, tuer, violer mon prochain ;
Tout droit au ciel j’irai sans épouvante,
Pourvu qu’un jour je me repente
Et qu’un moine français me bénisse en latin.
Le père Ambroise, donc, à tâtons dans l’église,
Descend et s’établit au confessionnal.
— Quel motif vous conduit à ce saint tribunal ?
Eh ! qui que vous soyez, dit-il, avec franchise
Contez-moi vos péchés : surtout point de secret,
Car Dieu ne permet pas ici que l’on déguise
Ni le bien qu’on a pris, ni le mal qu’on a fait.
— Mon père, lui répond une voix jeune et tendre,
Dont le doux tremblement annonçait l’embarras,
J’ai commis un péché si grand, si grand, qu’hélas !
De trouble et de remords je ne puis me défendre ;
Je ne sais trop comment vous en faire l’aveu.
— Mon enfant, dans votre âme il faut me faire lire.
— Oui, mais, mon père, si j’ose ainsi vous le dire,
L’aveu coûte beaucoup et le péché si peu !
Un jeune homme charmant… ah ! par pitié, mon père,
Devinez mon forfait, ménagez ma pudeur.
Il était si pressant !… comment pouvais-je faire ?
Peignez-vous Adonis, et jugez mon erreur.
— Ah ! ciel ! qu’avez-vous fait ? lui dit d’un ton sévère
Le moine courroucé. Pensez-vous au malheur
Qui peut suivre l’instant d’un coupable délire ?
Si vous n’épousez pas l’insolent suborneur
Qui sut prendre sur vous ce détestable empire,
Vous perdrez le salut aussi bien que l’honneur,
Vous allez avilir vous et votre famille.
Quittant les bras de Dieu pour ceux de Lucifer,
Dans l’autre monde, hélas ! vous irez en enfer,
Et dans ce monde-ci vous serez toujours fille.
— Moi, qui moi ! rester fille, ô ciel ! que dites-vous ?
Mon père, en vérité, je suis bien loin de l’être.
— C’est plus grave cent fois, dit le moine en courroux.
Si vous avez trahi votre époux, votre maître,
Manquant à vos serments, à l’Église, à nos lois,
Pensez-vous que ce Dieu qui parle par ma voix
Me puisse vous punir comme il vous a fait naître ?
Des maux les plus affreux vos jours sont menacés,
Votre mari jaloux, vos enfants délaissés…
— Mon mari ! quelle erreur ! Mais, mon révérend père,
Je n’ai point de mari. — Bon, sur ce pied, ma chère,
Le cas est plus léger et le crime moins grand.
Épousez cet amant dont vous fîtes l’épreuve
Et que votre péché devienne un sacrement.
Qui peut vous arrêter ? vous êtes libre et veuve.
— Veuve, hélas ! mon Dieu, non. — Mais qui diable êtes-vous ?
N’étant fille, ni veuve, et n’ayant point d’époux ?
Parlez… — Je suis, mon père, un pauvre gentilhomme
Qui naquit à Paris et qui revient de Rome.
Attribué au Comte L. -Ph. DE SÉGUR.
Auprès de la coquette Lise,
Un soir Damis et Mondor soupiraient ;
Et voyant la belle indécise,
Tous les deux se désespéraient.
Lise se dit : Soyons prudente.
Damis a bien trente ans passés ;
Oui, mais Mondor en a soixante !
Faisons passer les plus pressés.
BRAZIER.
Ah ! je vous trouve enfin, j’étouffe de colère,
Me dit la prude Ismène, en dévorant ses pleurs ;
C’est donc vous, libertin, c’est donc vous, téméraire,
Qui vous vantez partout d’avoir eu mes faveurs ?
Allez, allez, monsieur, pareil trait est infâme !
Vous devriez rougir de votre iniquité.
— Il est vrai, je l’ai dit, madame,
Mais je ne m’en suis pas vanté.
BRAZIER.
Un père et sa jeune fillette
Au restaurant entraient tous deux ;
Le garçon place devant eux
Une magnifique andouillette ;
— Petit père, dis-moi comment
Se nomme ce qu’on nous présente.
— Une andouillette, mon enfant.
— Une andouillette ?… Ah ! c’est charmant !
Pourrais-je en voir une vivante ?
Édouard VICQ.
« Je vous permets, mesdemoiselles,
De jouer à Colin-Maillard.
Disait un jeune abbé, robuste et frais gaillard ;
Mais je veux et j’entends que celles
Qui porteront le bandeau sur les yeux
Ne se servent jamais des mains pour reconnaître :
De tels attouchements, fort innocents peut-être,
Peuvent avoir des résultats fâcheux ;
Toutes en rond, apportez votre chaise ;
Colin-Maillard, assis sur les genoux,
Pourra chercher, deviner à son aise ;
Cela me permettra de jouer avec vous. »
Colin-Maillard était une jeune ingénue ;
Elle cherche au hasard et s’assied sur l’abbé,
Puis, pour bien deviner, tellement se remue
Que saint Antoine eût succombé :
« Ah ! c’est toi, Caroline, et je t’ai reconnue ;
C’est toi !… je ne me trompe pas ;
Je sens ton busc[2] ! tu le portes si bas ! »
Les plus innocentes sourirent,
Mais deux ou trois grandes rougirent.
Pourquoi ?… Ma foi, je n’en sais rien :
Demandez à l’abbé, peut-être il le sait bien.
Édouard VICQ.
« Cher monsieur Horace Vernet,
Dit une dame de la halle,
Chacun proclame et reconnaît
Votre peinture sans égale ;
Je veux donner à mon mari
Mon portrait en habit de fêtes ;
Ça flattera le vieux chéri,
Surtout si c’est vous qui le faites. »
— Impossible, à mon grand regret,
De vous satisfaire, madame,
Car je ne peins pas le portrait.
— Que peignez-vous donc ? fit la dame.
— Rien que l’Histoire, et sur l’honneur,
Pas de portraits, je vous l’atteste !
— Rien que l’histoire !… vieux farceur !…
Et qui donc me peindra le reste ? »
Édouard VICQ.
Je ne sais si vous rirez
Au mot léger que vous allez entendre ;
Dans Boquillon j’ai pu le prendre
Pour mes deux sous ; je vous l’offre gratis.
En confessant ses doux péchés, Charlotte
Avec candeur racontait qu’un beau jour
Elle éprouva le vertige d’amour
En réparant une culotte.
Le prêtre, après avoir fait grand bruit du démon,
Refuse l’absolution.
« Donnez-la-moi, mon cher père, et sur l’heure
Je vous apporte un pot de beurre.
— Va d’abord le chercher et nous verrons après. »
La fillette revient avec un pot de grès
De papier recouvert. Le pasteur se décide
À donner son pardon. Un hasard singulier
Entre ses mains déchire le papier.
Il voit avec stupeur le pot tout à fait vide :
« Comment, rien dans ce pot ? dit-il d’un ton fâché.
— C’est l’image de mon péché,
Répond en souriant Charlotte,
Car rien non plus n’était dans la culotte. »
Édouard VICQ.
Un honnête homme était réprimandé
Pour ce qu’après avoir mis sa mouillette
Dans le coquetier mal gardé
De je ne sais quelle fillette
Troussant volontiers ses jupons,
Il avait dévoré ses fils, comme Saturne,
Et mis sa lèvre aux bords chauds de cette urne
D’où l’amour lance ses harpons.
« Pardon, fit un témoin de cette simple histoire,
La m.n.tte est chose, en ce cas,
Logique et qui ne froisse pas :
Quand le coup est tiré, monsieur, il faut le boire ! »
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Chez un pharmacien, place de l’Opéra,
Un monsieur fort bien mis en coup de vent entra :
« Vite, dit-il, donnez-moi de la vaseline ! »
Le potard, empressé, demande à ce client
Impatient
À quel us il destine
Le gras ingrédient :
« Est-ce pour le visage ? Il en faut de la fine…
En voici
De si
Pure
Que sur votre figure
Sans danger vous pouvez l’étaler…
J’en ai de boriquée… et je la recommande… »
Le client, trépignant, répond : « Belle demande… !
Je m’en fous bougrement, car c’est pour enc.ler ! »
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Une Pragoise dans Paris regrettait Prague.
« Ce n’est pas sérieux, dit quelqu’un, cette blague
Ne prend pas.
La Bohême n’a tant que la France d’appas.
Prague ne peut valoir notre Paris qui même
A sa bohème,
Et Tchèque vous mentez avec excès
En comparant les deux villes.
— Tout beau, répond la dame aux phrases inciviles
Du Français,
Tout beau, monsieur Chauvin. Prague a sa cathédrale
Que ne peut oublier la femme qui la vit.
Rien ne vaut à Paris cette monumentale
Merveille… — Notre-Dame… — Notre-Dame ravit,
C’est entendu, mais rien ne vaut la cathédrale
De Saint Vit. »
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Conte impromptu.
À Pastor Fydu, peintre et célibataire.
Un peintre, un jour, délaissa les Laïs
Qui causaient à son art et sa bourse dommage,
Et s’en fut vivre au fond d’un ermitage,
Seul avec son « génie », et sans nulle Thaïs.
Il peignit tant que ses pinceaux s’usèrent
Et qu’il fut forcé de rester
Tout le jour à dormir et la nuit à rien faire,
Si bien que de la chair il pensa retâter,
« Ah, chien ! dit-il à son chibre colère,
Puisque te voilà raide et veux tenter ma main,
Tu paîras ton plaisir en travaux mercenaires :
Je m’en vas te tremper dans l’ocre et le carmin ! »
Il dit, et, d’une dextre agile,
Transforme en un pinceau son dard,
Et, pour apaiser l’indocile,
Lui fait peindre des nénuphars.
Un chef-d’œuvre naquit de cette fougue extrême ;
Et, pour que cette fougue un beau jour ne tombât,
Le peintre du vivier délaissa les fleurs blêmes
Pour ne représenter que piments dans un plat.
Un pèlerin de Compostelle,
Qui retournait à Corentin,
Derrière le nouvel Apelle
S’arrêta tout un matin.
« Que saint Jacques te soit en aide,
Toi, tes couilles et ton scion ;
Que la Grâce te tienne raide,
Que Dieu te garde du morpion,
Ô toi qui rachètes la coulpe
D’ancien adultère et paillard !
Dieu t’a fait peintre : ne le coupe,
Comme jadis Pierre Esbaillard…
Je voudrais que tu me peignisses
Avec ma robe et mon baston,
Pour que mon passage en Galice
Enseigne tous les Bas-Bretons. »
Ils convinrent du prix, et la toile fut faite.
Le pèlerin rentra chez soi
Et fit voir à chacun cette œuvre de quéquette,
Et de quéquette ayant la foi.
Les rustres de Quimper, ignorant la peinture
Et les neuf Vertus des neuf Sœurs,
Bien que le pèlerin fût peint d’après nature
Ne reconnaissaient l’un des leurs.
« Moi, fait le plus malin, un peu cousin du sire,
Je reconnais fort bien et la gourde et l’habit,
Encor mieux le bâton, mais dire
Que la barbe est vôtre, nenni ! »
Notre homme alors, craignant que sa bourse d’apôtre
N’eût payé que des traits de gourde et de bâton,
Dit : « C’est avec le v.t… — Foutre ! lui répond l’autre,
Je ne m’étonne plus que vous ayez l’air c.n ! »
LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.
Équivoque populaire.
La blonde aussi bien que la brune,
Lorsque vient certain jour du mois,
De l’influence de la lune
Subit les rigoureuses lois.
Un amoureux pressait sa belle :
Il est arrêté tout à coup…
— « J’aime le plaisir, lui dit-elle,
Mais… les affaires avant tout. »
MAHIET DE LA CHESNERAYE.
Une blonde enfant d’Albion
Pour les hommes portée, ainsi qu’il s’en rencontre,
Avait pris au premier, comme location,
Un bel appartement tout contre
Celui de trois officiers.
Ce fut dans Orléans, près de la Croix de Malte,
Que la belle insulaire avait ainsi fait halte.
Ses charmes aussitôt furent appréciés
De notre trio militaire
Et, sans passer chez le notaire,
Un contrat se stipule entr’eux tacitement
Fixant que, pour jouir des attraits de la belle,
Qui n’était point par trop rebelle,
Chacun à tour de rôle en son appartement
Monterait ; au surplus, ils furent mis à l’aise
Assez commodément sur ce point, par l’Anglaise.
Un exercice finissait
Qu’aussitôt, bien souvent, un autre commençait.
Il faut dire, pourtant, qu’aux tendres saturnales
On mit de légers intervalles :
Tantôt ces trois messieurs, chez la douce lady
Ensemble réunis, aux soupers du lundi,
S’amusaient à faire bombance ;
Et tantôt, variant à dessein leurs plaisirs,
On les voyait prendre vacance,
Cultiver d’autres fleurs, égayer leurs loisirs
Par quelque changement ; c’est assez leur usage
D’agrémenter le paysage.
Toute femme, à vingt ans, est un vrai diamant.
En amour, comme on sait, l’on suit beaucoup de routes ;
Quand jeune, il m’en souvient, je souriais à toutes,
De toutes j’eusse été l’amant.
Ainsi jeunesse est faite, elle aime à rigoler,
Il faut bien nous en consoler ;
Et nous qui la blâmons, dans notre barbe grise,
Rappelons-nous ces temps où notre ciel s’irise,
Où la femme en nos cœurs fait tant d’impression ;
Rien qu’à la regarder on sent la passion
Qui monte, qui fermente, et s’échauffe et s’enflamme !
On se sent pris, on aime ; on aura cette femme !
On veut frôler sa robe ; on rêve à ses appas,
On la suit à la piste, on baiserait ses pas…
Ah ! c’est toujours ainsi que l’amour nous exalte !
. . . . . . . . . . .
Après un temps d’arrêt d’une semaine ou deux
Nos soldats revenant, d’autant plus amoureux,
Pensaient à leur Anglaise et de la Croix de Malte
Ils prenaient le chemin, quand, ne sais par quel vent,
Ils surent ce fait décevant
Qu’on avait pénétré chez leur belle insulaire,
Que trois abbés musqués, séduits par sa beauté,
Étant parvenus à lui plaire,
Chez elle en ce moment goûtaient la volupté.
Cette nouvelle advint comme ferait la foudre
Et produisit l’effet du feu sur de la poudre.
« Comment ! par des abbés se laisser supplanter !
Il ne faut pas, morbleu ! qu’ils s’en puissent vanter !
Jurer n’est suffisant et de la noire engeance
Il s’agit de tirer vengeance. »
On ne sait pas assez la force des désirs
Qui chez le pauvre abbé couve pour ces plaisirs
De l’amour, dont il est étroitement privé
Par la chaîne des vœux où l’on le voit rivé.
Cette promesse, hélas ! est plus que téméraire ;
Le diable assez souvent essaye à l’y soustraire ;
Et s’il y parvint ce soir-là,
Je ne vois rien du tout d’étonnant à cela.
Nos trois abbés, déjà, par quelques escapades
Étaient assez connus parmi leurs camarades ;
De tout temps sur leur compte une faible rumeur
Mettait l’un en souci, cet autre en belle humeur…
Ils avaient ouï parler de la belle Bretonne ;
Et sans se soucier de leur maître qui tonne
Et qui punit, dit-on, les prévaricateurs,
De l’infante ils savaient le faible pour tout homme
Beau, jeune et surtout bien bâti.
J’en connais qui, comme eux, y eussent compâti.
Les abbés très dispos mordirent à la pomme,
Ils étaient assez bien, mâles et vigoureux,
Ce qui ne gâte rien quand on est amoureux.
Notre miss a trouvé plaisante cette affaire
Et les accueillant bien les voulut satisfaire…
Leur robe aussi donnait je ne sais quel cachet
À cet amour ardent dont le feu s’y cachait
Sous des apparences austères.
Les femmes sont toujours friandes de mystères.
En celle-ci germait la secrète raison
De juger elle-même, et par comparaison,
Qui peut être en amour meilleur chef de colonne
Des héros de l’Église ou de ceux de Bellone.
Leur secret, paraît-il, avait été vendu ;
Et pendant qu’ils goûtaient à ce fruit défendu,
Que d’un regard ardent, que d’une main bénite
Ils caressaient ainsi les charmes d’Aphrodite,
La vengeance se préparait ;
Elle exécuta son arrêt.
Le sabre aura, je crois, raison de la calotte ;
Et voici ce qui se complote :
Nos officiers supplantés
Devant la porte sont plantés.
Un morceau de bois se découvre
Qui, mis dans la poignée, empêche que l’on ouvre.
Alors ils crient : « Au feu !… (à pleins poumons), au feu ! »
Ce qui fit son effet, parbleu !
Nos abbés amoureux descendent quatre à quatre ;
Mais la porte est barrée ; il en fallut rabattre.
Que faire ? ils sont surpris ; ils se trouvent pincés ;
Demain, par l’interdit ils vont être évincés.
C’est un mal qu’à tout prix il faut que l’on évite :
On remonte en deux temps ; on attache deux draps,
On ouvre la fenêtre, on les fixe et, bien vite,
On détale au plus tôt… Des souris ou des rats
N’eussent pas été plus agiles ;
Mais les officiers, sans être moins habiles,
De nouveau crient : « Aux voleurs ! arrêtez !… »
Dans la gueule du loup ils se sont donc jetés,
Ces pauvres prêtres ; c’est dommage.
La foule s’amassait à cet affreux tapage ;
Elle les traque et les poursuit.
Heureusement qu’il faisait nuit
Et que nos ecclésiastiques
Eurent des jambes élastiques…
Du sort avaient-ils pu compter sur la rigueur ?
Sur ce point que chacun disserte ;
Le fait est qu’ils croyaient employer leur vigueur
Autrement que dans cette alerte !
C. CANDIDE.
Je vais dîner à la gargotte
Le dimanche avec mon objet ;
Mais nous faisons sabbat complet
Toujours sur le même sujet ;
Car j’adore la gibelotte
Et le gigot saignant lui plaît.
Pendant un quart d’heure on jabote
On se dispute avec éclat ;
Enfin chacun choisit son plat.
Un coup de vin nous ravigote,
Lapin, gigot, tout s’escamote,
Je lui fais l’œil américain,
Elle m’appelle gros coquin.
Et, depuis, dans chaque ribote,
Quand je lapine, elle gigote.
Épiphane SIDREDOULX.
Invités à passer la soirée
Dans l’Empyrée,
Adam avec son Ève enrageaient de n’avoir,
Elle, une robe à traîne et lui son habit noir.
Lors le serpent, rampant par là, dit d’un air digne :
« Prenez donc des feuilles de vigne. »
Et nos premiers parents transformés en tailleurs,
L’un et l’autre prenant mesure,
Se pelotaient des pieds jusques à la ceinture
Et même ailleurs ;
Mais ils ne savaient pas le système métrique
Et se trompaient toujours.
Le serpent qui, de rire, avait une colique,
Leur cria : « Mes amours !
Je veux vous suggérer encore un de mes tours :
Je suis la dix-millionnième
Part
Du quart
Du méridien terrestre lui-même,
Rigole, Adam ! Essuie, Ève, ton dernier pleur !
Je puis bien vous servir d’étalon mesureur. »
… Et le système qu’on dit être
Métrique n’ayant plus qu’à naître,
Adam voulut le mètre, Ève le centimètre !
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Deux juifs baisaient la même dame
D’Amsterdam
Et sur le Damme
Aux beaux soirs arpentaient tous trois le macadam.
Ayant été souvent étreinte,
Cette dame devint enceinte.
Au bout d’un certain temps, l’un des juifs à Paris
S’en fut négocier des diamants de prix.
Il y resta, s’amusant ferme,
Tant qu’un beau jour la dame, accouchant avant terme
Mit au monde deux beaux jumeaux, dont l’un mourut.
L’autre juif aussitôt à la poste courut
Pour envoyer à son copain ce télégramme :
« La dame
A mis au monde deux jumeaux : le vôtre dort,
Le mien est mort. »
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
En ce temps-là prêchait un saint pasteur :
« Il est, chers paroissiens, un bout de viande infâme,
De mille maux cruel auteur.
Inventé par le Diable, il perd l’homme et la femme ;
Instrument de désordre et de damnation.
Ce bout de viande sème, en sa rage infernale,
L’abomination et la désolation !
Persécuteur de la morale,
C’est avec volupté qu’il produit le scandale ;
Il fait verser du sang, il fait couler des pleurs…
Ah ! que l’on voudrait bien l’arracher à plusieurs !
Mes frères, vous riez ; vous rougissez, mes sœurs…
Allons, plus d’équivoque ! il faut que je m’explique :
Chrétiens, cet objet malfaisant,
Ce morceau venimeux, ce bout diabolique…
C’est la langue du médisant. »
Attribué à Pierre LACHAMBAUDIE.
Un bon docteur, homme de quarante ans,
Avait pris femme, et depuis fort longtemps,
Las des margots où s’égarent nos queues,
Se reposait dans les calmes eaux bleues
D’un bon ménage et ne retroussait plus
Que des jupons légitimes. Sa femme,
Bien qu’il fût vert, alerte et non perclus,
Et la baisât avec une grande âme,
Prit un amant ; pour rien, pour le plaisir
D’avoir parfois deux p.nes à saisir
Tout allait bien. La dame était baisée
Autant et plus, et ne souhaitait rien.
Mais s’il est vrai que très souvent le bien
Vient en dormant, la vérole peut naître
Lorsque l’on fout, et la chose arriva.
Le mal, d’abord dissimulé, couva,
Puis mit le nez, un jour, à la fenêtre.
Sanglots et pleurs ! « Que dira mon époux !
Je suis perdue. Ô ciel ! je suis perdue !
Je n’ai plus qu’à mourir !
— Consolez-vous,
Dit un ami, du calme… L’étendue
De votre mal n’est pas si grande. Allez
Passer deux jours au plus à la campagne.
Ne craignez rien, et que la paix regagne
La place ancienne en vos esprits troublés. »
En soupirant, et sans trop bien comprendre,
À son époux la dame au cul gâté
Vint déclarer qu’elle désirait prendre
L’air pur des champs égayés par l’été.
Le bon docteur y consentit sans peine.
Quand il fut seul, son ami vint le voir :
« Te voilà veuf pendant une semaine,
Lui dit-il ; viens, nous dînerons ce soir
En devisant des heures envolées,
De ce beau temps où nous étions garçons,
Où nous laissions mille folles chansons
Jaillir sans fin de nos lèvres brûlées
Par les baisers de ces démons d’amour
Qu’on appelait en ce temps des grisettes ;
Viens ! nous ferons au passé des risettes ;
Soyons garçons et libres pour un jour ! »
Le médecin accepte. On boit, on dîne,
Et les propos d’aller leur train : « Blondine
Était jolie et je l’aimais.
— Ô temps
De nos amours le lendemain trompées !
Des rires fous, des claires, équipées !
Je crois encore entendre par instants
Les violons de la Grande-Chaumière[3].
Allons au bal !
— Y penses-tu vraiment ?
— Cette folie, hélas ! est la dernière
Que nous ferons avant l’enterrement.
— Allons au bal alors ; vive la joie ! »
Les deux amis, dont la raison se noie,
Vont à Bullier[4], battent des entrechats,
Prennent le cul aux différentes grues
Que l’on peut voir se livrer aux pourchas
Des p.nes d’homme en ces lieux apparues,
Et pour finir vont coucher au bordel…
Le lendemain, au réveil de l’aurore,
Quand le docteur se demandait encore
Si tout cela pouvait être réel
Ou s’il n’avait fait simplement qu’un songe,
Sa douce épouse arrive brusquement.
En bon mari, le pauvre cocu plonge
Dans ce cher c.n son v.t encor fumant,
Et s’envérole à plaisir.
La semaine
Se passe ainsi tranquillement. Voilà
Qu’un beau matin l’époux poivré promène
L’œil sur sa queue.
« Oh ! oh ! qu’est-ce cela ?
Foutre ! on dirait la vérole… et c’est elle ! »
En frémissant, le docteur se rappelle
Qu’il s’est grisé, puis qu’il a forniqué
Lorsque sa femme était à la campagne.
Le voilà triste et pâle, interloqué,
Car il a dû, sans doute, à sa compagne
Donner son mal, étant intoxiqué
Comme jamais nul ne le fut au monde.
C’est le cœur plein d’une angoisse profonde,
Le front baissé, l’air soumis et penaud,
Qu’il avança le cas à son épouse.
Elle bondit, furieuse, aussitôt :
« Quoi ! j’étais douce, aimable et point jalouse,
Rien n’altérait ma confiance en vous,
Je vous aimais : voilà ma récompense… »
En cent propos s’exhala son courroux.
« Pardonne-moi, grâce, ma chère Hortense,
Je me repens. Va, je te guérirai ! »
Après qu’il eut longtemps prié, pleuré,
Promis bijoux, toilette et cachemire,
Un généreux pardon lui fut offert.
Depuis ce temps, quand Madame désire
Quelque chiffon de prix, elle se sert
De ce moyen et rappelle au coupable
Et sa conduite et l’acte abominable
Par un oubli si gracieux couvert.
Ne méprisez jamais la moindre cause
Pour en venir, mesdames, à vos fins.
Ce récit prouve aux esprits superfins
Que la vérole est bonne à quelque chose.
LE SIRE DE LA GLOTTE.
Et vous ne voyez plus Durand ?
— Oh ! plus du tout !
— Pour quelle cause ?
Il vous a donc fait quelque chose
D’effroyable, et son crime est grand ?
— Très grand.
— Vous étiez, ce me semble,
L’an dernier encor très amis ;
On vous voyait toujours ensemble.
— Autant qu’il peut être permis
D’être amis, nous l’étions. Quel être !
Toujours joueur, toujours dispos,
Tenant mille amusants propos.
Rien que son aspect faisait naître
La gaîté. Quel esprit charmant !
Des farces, des plaisanteries
Nouvelles à chaque moment !
Quelles inventions nourries
De malice et de bonne humeur !
Un jour, je faisais ma toilette,
Quand, à pas de loup, mon farceur
Vient, et sa main à l’aveuglette
Prend mon nœud. Je dis : « Finis donc,
Imbécile, ça me chatouille. »
Il secoue, et ding dong ! ding dong !
Je sens ma p.ne qui se mouille…
Avons-nous ri !!!
— Bah !
— Chaque jour
Amenait quelque nouveau tour.
Écoutez : j’étais en chemise
Dans ma chambre (il venait souvent
À l’heure du soleil levant,
Alors que notre âme se grise
Du parfum humide des fleurs) ;
Il entre comme d’habitude ;
Sur mon c.l je sens les rondeurs
De ses deux c…lles au poil rude ;
Puis, brusquement, criant : Coucou !
Il met sa p.ne dans ma f.sse.
Je riais, je vous le confesse,
Jusqu’aux larmes de voir ce fou
Pousser et repousser son m.mbre,
En se tortillant par la chambre.
Bref, il d.ch.rge dans mon cu.
— Mais ce qu’il a fait est donc grave ?
Car enfin lorsqu’on a vécu
De la sorte, on devient esclave
D’un ami pareil.
— En effet ;
Mais nous avons rompu. Nous sommes
Brouillés à mort.
— Qu’a-t-il donc fait ?
— On m’a dit qu’il était pour hommes !
LE SIRE DE LA GLOTTE.
Un vieux rentier dans les Champs-Élysées
Se promenait au tomber de la nuit ;
Il regardait, dans les branches croisées,
Les reflets roux qu’a le jour qui s’enfuit,
Quand sur un banc il rencontre une gueuse :
« Ho ! ho ! fait-il, livrons-nous à l’amour ;
La nuit déjà s’étale ténébreuse,
Guiguite va prendre l’air à son tour… »
Sur le dossier du banc il se renverse
Et met son nœud dans une main que gerce
L’âpre travail du branlage en plein air.
Les yeux fermés, plein d’une molle ivresse,
Il laisse errer son esprit dans l’éther,
En savourant la mouvante caresse
De cette main aux doigts arachnéens :
Il était bien aux Champs-Élyséens !
Mais cependant qu’il se pâme et godille,
Il s’aperçoit que de son autre main
La garce fait érecter un voisin.
« Vous plairait-il, monsieur, que cette fille
Précipitât moins fort son mouvement,
Dit-il, et qu’elle allât plus doucement ?
— Avec plaisir, monsieur, » répond dans l’ombre
Une voix mâle.
Alors, nos deux michés,
Du même train se trouvant dépêchés,
En même temps déchargent sans encombre.
La fille étant payée, elle s’en va
Chercher ailleurs une nouvelle proie.
Lors le vieux : « Je crois que cette enfant-là,
Bien que notre esprit se fourvoie,
Était, monsieur, une fille de joie. »
LE SIRE DE LA GLOTTE.
Opéra-comique en un acte.
PERSONNAGES :
LES DEUX VIEILLARDS. — SUZANNE. — LE CHŒUR
LES DEUX VIEILLARDS, se branlant,
Pristi ! j’voudrais bien la baiser !
LA CHASTE SUZANNE
Ah ! ces deux vieillards me dégoûtent !
Je crois même qu’ils ont la goutte
Militaire.
LE CHŒUR
Bien qu’ils ne l’aient jamais été !
LE SIRE DE LA GLOTTE.
— Mon Dieu ! mon Dieu ! je ne me sens pas d’aise,
Disait Annette à Dumont, son parrain ;
Maman doit accoucher demain.
— Accoucher !… — Oui, ne vous déplaise.
— Mais ceci demande examen,
S’écrie alors le parrain, un bon drille ;
Votre père est absent depuis quatre ans, je crois.
— Oh ! cela n’y fait rien, répond la jeune fille :
Il nous écrit deux fois par mois.
BRAZIER.
Sœur Thérèse, une nonnette,
Par ma foi, fort gentillette,
Dans un couvent de Paris
Vivait en seize cent six.
À cette époque, ma chère,
Je vous le dis entre nous,
Pharmacien, apothicaire,
S’appelait un mousquetaire ;
Un mousquetaire à genoux ;
Bien trouvé…, qu’en pensez-vous ?
Il faut que je vous apprenne,
Car vous pourriez l’ignorer,
Que ce n’était pas sans peine
Qu’on le voyait opérer ;
À chacun selon sa guise
Il savait administrer
Sa drogue ou sa marchandise…
Afin de la débiter,
Il fallait, souple, docile,
À la cour comme à la ville,
À toute heure, à tout moment,
Braquer just’ son instrument…
Ici, vous raconterai-je,
Sans craindre un mauvais accueil,
Qu’un jour, en faisant un siège,
Tout à coup paraît un œil
À l’endroit où d’ordinaire
Jamais un corps si brillant
Ne se montre en regardant…
Aussi, cet apothicaire,
Qui croyait avoir affaire
En personne à Belzébuth,
Manqua nettement son but…
Eh bien ! ce sont là des choses
Fort graves, assurément,
Et qui ne sont que des roses
Auprès de l’événement
Que je narre incontinent…
Sœur Thérèse était malade,
On la voyait dépérir,
Elle était triste, maussade,
Et s’ennuyait à mourir ;
Elle, toujours si joyeuse,
Si pimpante, si rieuse,
Semblait en proie au chagrin,
Et ses fleurs les plus chéries,
Sur leurs corolles flétries,
Tombaient au vent du matin…
— Allez vite, dit l’abbesse,
Chercher notre bon docteur :
Il faut de ce jeune cœur
Qu’il déloge la tristesse.
Le médecin à l’instant
Tâte, interroge, examine,
Sourit, et pour médecine
Il prescrit… un lavement…
— Demain, un apothicaire
À la main leste et légère
Viendra vous l’administrer ;
Si prestement il opère,
Qu’il sera donné, j’espère,
Avant de vous en douter…
— Docteur, pouvez-vous me dire
Ce que c’est ?… Puis… je désire
Savoir aussi la façon
De le prendre…
— La leçon,
Sœur Thérèse, est bien facile :
Baissez-vous, restez tranquille…
Le porteur de l’instrument
Découvrira chastement,
Sans le voir, je vous le jure
(Car il est du meilleur ton),
L’opposé de la figure,
Et lâchera le piston…
— Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse,
Oh ! non, monsieur, c’est trop fort !
Un mortel verrait en face…
Non ! jamais ! plutôt la mort !…
— Il le faut pourtant, ma chère ;
Cela seul peut vous guérir.
Ordonnez, abbesse mère,
Ou cette enfant va périr…
— Puisqu’il le faut, ma mignonne…
— Oh ! non, jamais !…
— Je l’ordonne,
Et vous recevrez demain
Sans mot dire l’anodin…
Sœur Thérèse résignée,
Mais dans son âme indignée,
Cherche comment, par quel fait
Elle voilera l’objet…
Dieu d’une vive lumière
Sans doute l’illumina,
Car lorsque l’apothicaire
Au matin s’achemina,
Qu’il entra dans la cellule
Et qu’arrivé vers le lit
Tout doucement il l’ouvrit,
À ses yeux un monticule
Lui montra, dans ses replis,
Des saintes du paradis
Une si longue légende,
Que vraiment on se demande
Comment l’arme de sa main
Ne s’abaissa pas soudain…
Non, malgré cette insistance,
Il fit bonne contenance,
Cherchant partout de son mieux
Le point d’appui merveilleux ;
Mais il n’y pouvait atteindre…
Lorsque la sœur, sans se plaindre,
Devinant son embarras,
Soupira d’un ton bien bas :
— Pour opérer à votre aise,
Soulevez sainte Thérèse !…
Léon JAYBERT.
Le dernier jeudi saint, Madame Marinée,
Qui vient d’entrer dans sa quatre-vingtième année,
Allait se confesser, de peur d’être damnée.
Elle parle d’abord, de ceci, de cela,
Puis ajoute : « Mon père, hélas ! que j’ai fait l’a
Mour ! — L’amour, est-ce possible ?
Demande le curé. Seriez-vous donc sensible
Malgré les ans si froids ?
Quand donc baisâtes-vous pour la dernière fois ?
— C’était, répond la vieille,
Lorsque j’avais vingt ans.
— Foutre, dit le curé, vous me contez merveille !
Ou ne vous confessâtes pas depuis longtemps !
— Je me confesse chaque année, ô mon père.
— Pourquoi parler alors
De ce péché sexagénaire ?
— J’ai l’âme jeune en un vieux corps,
J’aime me rappeler ce beau péché, mon père. »
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Lisette, un jour, passant la main
Sur un endroit qui la démange,
S’émut d’une surprise étrange
De rencontrer en son chemin
Certain gazon qui papillotte…
Or Lisette n’était pas sotte ;
À son front le rouge monta…
Le jour même elle confronta
Vite chez Rose, sa compagne
(Grosse fille de la campagne),
L’objet qui l’émotionnait.
Une riche toison d’ébène
Lui montra même phénomène.
Lisette la questionnait
Sur le bizarre de la chose :
« Sois tranquille », répartit Rose,
Ajoutant, en riant, plus bas :
« Quand ce gazon pousse, ma chère,
Le terrain n’est plus en jachère ;
L’amour veut prendre ses ébats. »
C. CANDIDE
Fable.
Un voyageur, dans le désert perdu,
Voulait à tout prix savoir l’heure.
Comme il n’avait pas de montre, bien entendu,
Son désir était un leurre.
Mais, lecteur, mon ami,
L’explorateur se mit
À bander comme un carme,
Voire comme un gendarme.
Ah ! qui donc nous dira la loi
Qui fait qu’on bande ainsi sans trop savoir pourquoi ?…
Pourquoi l’on bande ?…
Belle demande !
Toujours est-il que cette érection,
Qui semblait presque inutile,
Fut une révélation…
De quoi ? Je vous le donne en mille.
Ôtant son pantalon, qu’il déposa
Sous un mimosa,
Entre
Deux grands tas de fiente il s’étend sur le dos,
Puis, trempant son index dans le bran des chameaux,
Il se dessina sur le ventre
Tout un jaune faisceau de rayons divergents…
Le génie éclairait ses yeux intelligents…
Or, comme il avait l’habitude
Des calculs de précision
Suivant la latitude,
Il inclina sa belle érection
Et se tournant vers le soleil caniculaire,
De son ventre il se fit un beau cadran solaire.
MORALE
Il n’est besoin ni de montre ni de pendule
Tant que s’érige encore une fière mentule.
LE MARIN INCONNU.
À Pistoie, en m’éveillant,
Un prurit soudain m’offusque !
Un insecte frétillant
S’était-il pas logé jusque
Où croît mon sexe brillant !…
Je le saisis d’un air brusque
Et je m’écrie, — en riant : —
C’est le morpion étrusque !
— Petit insecte rageur,
Je ne suis qu’un voyageur :
Cherche ailleurs une autre proie…
Je dis, et pose sans bruit,
Dessus la table de nuit,
Le morpion de Pistoie.
Charles MONSELET.
Chez M. Philoxène Boyer.
À l’heure même où dans l’étable
Vagit le divin nouveau-né,
Sous un boudin désordonné
Chevet faisait ployer la table.
Jamais plus friandes primeurs
N’ont embaumé la porcelaine.
Dans les salons de Philoxène :
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Des laquais grands comme des arbres,
Sur l’escalier du haut en bas,
Des convives guidaient les pas
Aux clartés de cent candélabres.
C’était la foule des auteurs
Du département de la Seine.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Par de fabuleux majordomes
À l’anglaise on était servi.
Leur extravagant appétit
Fit d’abord remarquer les hommes.
Les dames buvaient des liqueurs
Fortes de la forêt d’Ébène.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Mince fiole girondine,
Bouteilles des crus bourguignons,
Flacons germains, dont les bouchons
Sentent l’odeur de la résine,
Les plus hardis calculateurs
Vous totaliseraient à peine.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Pour vexer la comédienne
Qui porte des bijoux en toc,
Céleste qui dans le Maroc
Naguère a choisi sa marraine,
Derrière un gros bouquet de fleurs
S’avance en princesse hautaine.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Mogador rit quand on l’acclame
Et se dévêt royalement.
Je voudrais être son amant.
Son beau corps vaut mieux que son âme,
Ses tétons aux roses couleurs
Me mettent la braguette en peine.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Venu du quartier Tirechape[5],
Contre un feutre de tout poil veuf,
Échanger mon chapeau tout neuf,
Un monsieur dont le nom m’échappe
J’aurais moins répandu de pleurs
S’il m’avait pris mes bas de laine.
Dans les salons de Philoxène,
Nous étions quatre-vingts rimeurs.
Henry MURGER.
Le Précepteur antique peint par lui-même.
Au temps de ma jeunesse, il me prit fantaisie
De quitter Rome un jour et d’aller en Asie ;
J’accomplis ce dessein, je hâtai mon départ.
Et sans choix arrêté, guidé par le hasard,
J’arrive dans Pergame, une cité fertile
En plaisirs, où la vie est heureuse et facile ;
Mais ce qui m’y retint, je le dis sans détour,
— À quoi bon s’en cacher ? — ce fut surtout l’amour.
Mon hôte avait un fils aussi beau que Narcisse,
Tendre fleur à cueillir, en usant d’artifice ;
Je cachai donc mes goûts sous un air réservé
Et sus passer bientôt pour un sage achevé.
Tous les parents, séduits par mon maintien sévère,
M’exaltaient à l’envi, de façon que le père,
Bonhomme sans malice et plus aveugle qu’eux,
Me confia son fils et combla tous mes vœux.
Je fus chargé par lui de mener aux écoles
Son rejeton chéri ; par d’austères paroles
J’eus grand soin d’écarter ceux qui de mon trésor
S’approchaient de trop près. L’avare sur son or
Ne veille pas avec plus de sollicitude,
Plus de souci, d’amour, et plus d’inquiétude
Que je ne veillais, moi, sur l’attrayant dépôt
Duquel je prétendais user seul et bientôt.
Un matin que, couché tout près de mon élève,
Je cherchais le moyen de donner à ce rêve
Si longtemps poursuivi quelque réalité,
L’amour illumina mon esprit agité ;
Cupidon m’inspira. Je sortis de ma couche
En veillant sur mes pas, assez pour qu’une mouche
Ne se pût envoler, puis je gagnai le lit
De mon petit voisin, n’ayant fait aucun bruit.
À certains mouvements qu’il fit, je pus comprendre
Qu’il ne sommeillait plus ; alors, sans plus attendre
M’adressant à Vénus, la reine des amours,
Je m’écrie en tremblant : « Je t’adorai toujours,
Protège-moi, déesse, exauce ma prière ;
Fais que ce bel enfant n’entr’ouvre la paupière
Qu’après m’avoir permis de lui prendre un baiser ;
S’il ne s’éveille pas, s’il me laisse poser
Une main sur son corps charmant, deux tourterelles
Seront sa récompense, et parmi les plus belles
Je m’engage à choisir. ».
Le bel adolescent
À mes vœux aussitôt se montre obéissant ;
Il ne bouge, et j’obtiens une faveur légère
Qui grandit mes désirs, loin de les satisfaire ;
Mais en homme prudent, je n’allai pas plus loin
Pour le moment, et quand je fus levé j’eus soin
De courir tout d’abord chercher la récompense
Qu’attendait mon disciple avec impatience.
Je fus encouragé par cet heureux début,
Et dès la nuit suivante, allant tout droit au but :
« Si tu permets, Vénus, qu’à mon aise je touche
Ce beau corps, m’écriai-je, et si dans cette couche
Je parviens à cueillir la palme de l’amour,
Je fais ici serment, dès que viendra le jour,
D’acheter un cheval à mon docile élève. »
L’enfant affriandé n’attend pas que j’achève,
Et de moi s’approchant, il semble m’inviter
À livrer le combat. Je cesse d’hésiter,
Je me jette sur lui : ma lèvre opiniâtre
En cent endroits s’attache et mord ce corps d’albâtre.
Il s’agite, bondit ; j’aiguise ses désirs,
Et rompant tout obstacle, au centre des plaisirs
Je pénètre à la fin… Ah ! je renonce à dire
Ce que je ressentis : en quels termes décrire
Un bonheur ardemment et longtemps désiré ?
Quand je tins dans mes bras cet enfant adoré,
Ce furent des transports, d’ineffables délices,
Comme les dieux parfois, quand ils nous sont propices,
Nous en laissent goûter. Ainsi passa la nuit,
Plus rapide qu’un songe, et l’aube nous surprit
Lassés mais non vaincus, luttant avec vaillance,
Quoiqu’en désespérés, contre la défaillance
Qui s’emparait de nous. Il fallut bien pourtant
Quitter mon cher disciple et le jour éclatant
De son lit me chassa.
J’avais une promesse
À tenir ; je sortis, comptant sur mon adresse
Pour m’en débarrasser, car outre qu’un cheval
Est plus cher qu’un pigeon, un pareil animal,
Cadeau trop important, risquait de compromettre
Ma réputation ; le père aurait pu mettre
Obstacle à mes plaisirs, m’éloigner de son fils.
Ces raisons agitant mon esprit indécis,
Quelques heures après, je rentrais les mains vides.
Mon disciple attendait, et ses regards avides,
Curieux, sur les miens obstinément fixés,
Semblaient m’interroger ; ils me disaient assez
Qu’il était mécontent. « Hé ! je comptais, mon maître,
Sur un joli cheval… je ne vois rien paraître,
Dit-il avec dépit. — Dès demain tu l’auras,
Lui dis-je, le serrant tendrement dans mes bras ;
Je n’en ai pas trouvé qui méritât la peine
D’être monté par toi. — C’est bon, la nuit prochaine
Je t’engage à venir déranger mon repos,
Et tu verras ! » dit-il, en me tournant le dos.
Je m’éloignai confus. Malgré cette menace,
Lorsque revint la nuit, rappelant mon audace,
Je gagnai doucement son lit ; là j’eus recours,
Espérant le fléchir, aux plus tendres discours
Assez bas murmurés, toutefois, car mon hôte
Tout près de là couchait. Je convins de ma faute,
Humblement, en pleurant ; mais j’eus beau lui jurer
Que je n’épargnerais rien pour la réparer,
Je ne pus parvenir à calmer sa colère :
« Dors, dors, répondit-il, ou j’éveille mon père ! »
Je ne cacherai point que grande était ma peur ;
Cependant le péril stimulant mon ardeur,
Je risquai la bataille, et ma persévérance
Aisément triompha de cette résistance,
Un peu molle, il est vrai ; l’enfant ne demandait
Qu’à se laisser ravir ce qu’il me refusait ;
Après avoir reçu mes premières caresses :
« Est-ce ainsi, me dit-il, que tu tiens tes promesses ?
Moi je te donne tout sans te promettre rien ;
C’est en paroles, toi, que tu manges ton bien.
Est-il cher, le cheval ? » J’eus peine à me défendre ;
Le railleur obstiné ne voulait pas se rendre
À mes raisons ; enfin nous signâmes la paix.
Accablé de sommeil, depuis peu je goûtais
Un repos bien gagné, quand je sens qu’on me pousse ;
Je m’éveille en sursaut, cherchant d’où la secousse
Pouvait venir : « Mon maître, eh quoi ! déjà tu dors !
Murmurait mon disciple ; au bout de tes efforts
Es-tu donc ? » Ce disant il jouait de l’épaule
Et se pressait sur moi. Je vis bien que le drôle
Se payait amplement lui-même des faveurs
Qu’il accordait. Je dus ranimer les lueurs
D’un foyer presque éteint, dans un monceau de cendre
Chercher une étincelle, en un mot entreprendre
Un travail difficile, ingrat et long surtout ;
Je l’entrepris pourtant, et si j’en vins à bout,
Si mon honneur fut sauf, ce ne fut pas sans peine :
Quand je touchai le but, j’étais tout hors d’haleine.
Après un tel exploit, je pouvais espérer
Une trêve, un répit ; j’avais droit d’aspirer
Au sommeil ; eh bien ! non cette tâche si rude
Que j’avais mise à fin, ce n’était qu’un prélude,
Au moins pour mon élève, et son large appétit,
Non calmé, refusait de me faire crédit.
« Comment ! me disait-il, tu veux dormir, cher maître,
Il n’est pas temps encor, je ne le puis permettre.
Quoi ! ce jeu si plaisant t’a-t-il déjà lassé ?
Nous commençons à peine ! ».
Oui, j’étais harassé ;
Rendu, moulu, fourbu, je tombais de fatigue ;
Il fallait à tout prix opposer une digue
Aux désirs effrontés du petit garnement ;
Je me retourne donc et lui dis brusquement :
« Assez ! pour cette nuit que ton feu se modère ;
Allons, dors, petit drôle, ou j’éveille ton père ! »
Le moyen était bon. L’enfant mot ne souffla,
Et jusqu’au lendemain paisiblement ronfla.
Attribué à G. DROZ.
C’était une nuit d’août : l’incertaine lumière
Que tamisait la lune à travers les rideaux
D’une chambre coquette éclairait le repos
De deux femmes ; brûlante et lourde, l’atmosphère
Pesait de tout son poids sur ce pauvre hémisphère,
On sentait dans sa chair se dissoudre ses os.
Vu le chaud qu’il faisait, légèrement couvertes,
Deux femmes sommeillaient, ainsi que je l’ai dit,
De crainte des voleurs usant du même lit ;
Leur pose était charmante ; aux fenêtres ouvertes
S’il se fût, en effet, montré quelque bandit,
Le scélérat eût fait d’étranges découvertes.
Puisque Phébé veut bien nous prêter ses rayons,
Soulevons le rideau d’une main indiscrète.
Je sais que de l’Albane il faudra la palette
Pour peindre dignement la nocturne toilette
De ces dames, et moi je n’ai que des crayons
Fort mal taillés encor… Bah ! tant pis ! essayons.
Du lit en désarroi tombait la couverture,
Le drap était en fuite et laissait voir deux corps
Dont la chair rebondie, arrachée aux efforts
Du corset, ce moderne instrument de torture,
Libre de toute entrave, à l’abri du remords,
Splendide, s’étalait, rendue à la nature.
De nos dormeuses, l’une aspirait le printemps
De la vie ; elle avait un peu plus de vingt ans,
Était mince, élancée, une adorable blonde ;
Des roses dans du lait ; en sourires féconde,
Sa bouche qui s’ouvrait montrait de fraîches dents ;
Et comme son bonnet, pris d’humeur vagabonde,
Voletait au hasard, l’or de ses beaux cheveux
Inondait l’oreiller ; sa cuisse ronde et ferme
Promettait au toucher un soyeux épiderme,
Mais la jambe était grêle, et c’est vraiment fâcheux.
Enfin, que voulez-vous ? rien n’est parfait : heureux
Celui qui prudemment à ses vœux met un terme.
En revanche, la gorge offrait dans son ampleur
Un roc inébranlable, un inflexible albâtre,
Que sillonnait de bleu mainte veine folâtre ;
Une gorge impossible, à rendre de l’ardeur
À Lazare défunt ; rien qu’à la voir, — horreur ! —
Saint Antoine tenté se fût fait idolâtre.
Notre infante, en un mot, était un vrai morceau
De prince. Maintenant que nous connaissons l’une,
À l’autre, voulez-vous ? L’autre était forte, brune,
Nature vigoureuse et même un peu commune ;
De ces chevaux lustrés le plantureux bandeau
Avait les noirs reflets de l’aile du corbeau ;
Bondissant au contact, tendue à n’y pas croire,
La chair de cette femme était un bloc d’ivoire.
Le matelas, creusé sous ses robustes flancs,
Gémissait par moments ; insensible à la gloire
De porter tant d’appas, le lit, de temps en temps,
Craquait et protestait par de plaintifs accents.
J’ai bonne envie ici, pour abréger ma peine,
De m’en remettre à vous du soin de mon portrait :
Mariez savamment le marbre avec l’ébène,
Faites de ce mélange une femme au complet,
Vous aurez ma dormeuse ; ajoutez-y ce trait :
L’été brûlait en elle, elle avait la trentaine.
J’entends qu’on m’interrompt au milieu du récit
Eh quoi ! vous étiez là ! Vous les avez donc vues,
Ces pauvres femmes, hein ! sur leur lit étendues ?
Vous vous étiez sans doute en cachette introduit
Et vous teniez, vaurien, dans un coin du réduit ?
— Moi ! pas le moins du monde ; elles m’étaient connues
Bien avant ce soir-là, s’il faut vous dire tout,
J’étais au mieux avec une de leurs amies
Qui les savait par cœur, ces belles endormies.
Vous voyez, mon esprit fait des économies,
Je n’imagine rien ; j’avais un avant-goût
De ce qui se passa pendant cette nuit d’août.
Pour m’assurer comment l’une ou l’autre était faite,
Je n’avais nul besoin de ruse, de cachette,
Car je les connaissais comme si, chaque soir,
J’eusse de leur épaule enlevé le peignoir ;
Je savais leur histoire, authentique, secrète,
Et, si vous y tenez, vous allez la savoir.
Je m’en vais vous transmettre, exempt de broderie,
Le récit primitif ; intègre historien,
Mon texte m’est sacré, je ne veux changer rien.
Donc, ces dames vivaient sans trop de pruderie,
Ne manquaient point d’amants, et la galanterie
Était, en résumé, le plus clair de leur bien.
Du reste, point d’éclat, d’excellentes bourgeoises
Tenant sur un bon pied une honnête maison,
Où l’on s’interdisait les paroles grivoises,
Où l’on était reçu d’agréable façon,
Les maîtresses étant femmes du meilleur ton,
Sachant au mieux leur monde, aimables et courtoises.
La plus jeune des deux se nommait Anaïs ;
Par l’autre tout enfant, elle fut recueillie,
Étudia sous elle, et la brune Eulalie
Rêvant pour son élève, alors grande et jolie,
Dans notre Sahara quelque riche oasis,
Lui délivra bientôt un brevet de Laïs.
Eulalie affichait un veuvage illusoire ;
On acceptait ce deuil mais plus d’un médisant,
Qui de l’obscur passé jugeait par le présent,
Fredonnait un couplet de Madame Grégoire,
Contestait feu l’époux et s’en allait glosant
Sur ce livre inédit d’une galante histoire.
Quoi qu’il en fût, d’ailleurs, ces deux femmes s’aimaient ;
Entre elles fort souvent de doux noms s’échangeaient ;
Éprouvant toutes deux disette de famille,
Elles s’en étaient fait une de pacotille ;
L’une disait : « Maman ! » l’autre disait : « Ma fille ! »
Et comme mère et fille ensemble elles vivaient.
De l’opposition de leurs deux caractères
L’union était née ; à la loi des contraires
Elles obéissaient ; de leur vie à vau-l’eau,
Où tout était commun, amours, bonheurs, misères,
Elles se partageaient par moitié le fardeau :
La blonde était le lierre et la brune l’ormeau.
Ces dames avaient pris, — dégoût ou lassitude, —
Paris en grippe, étaient folles de solitude,
Et, récluses depuis quinze jours environ,
De l’existence aux champs goûtaient la quiétude.
Elles avaient choisi, tout en haut de Meudon,
Au milieu du feuillage, une blanche maison.
Dans cette Thébaïde où régnait l’innocence,
Le sexe masculin brillait par son absence,
Pas un être barbu, pas l’ombre d’un amant !
Nos anges bravement y vivaient d’abstinence,
Mais le jeûne, il le faut avouer franchement,
N’était pas sympathique à leur tempérament.
Trente degrés de chaud ! quinze jours de sagesse !
On peut avoir à moins le sommeil agité ;
Mise à si rude épreuve, assurément Lucrèce
Eût accueilli Tarquin avec moins de fierté.
Dans ces conditions, que fait la pécheresse
Depuis longtemps en brouille avec la chasteté ?
Elle sent dans un rêve une lèvre brûlante
Se coller à la sienne, avide de baisers ;
Ivre, folle, pareille à l’antique bacchante
Aux lascives ardeurs, aux ébats peu gazés,
L’ombre, qu’elle saisit d’une étreinte puissante,
Lui semble palpiter entre ses bras croisés.
C’est en proie à ce songe, — ô classique Athalie
Bien différent du tien, — que se tord Eulalie ;
C’est sous la pression de ce rêve excitant
Que des mêmes désirs Anaïs assaillie
Découvre les trésors de son sein haletant,
Murmure un nom tout bas, et s’agite et s’étend.
Cette fièvre d’amour se changeant en martyre,
Chacune glisse enfin vers l’aimant qui l’attire ;
Ce ne sont plus alors que soupirs, cris confus,
Efforts désespérés plus que ceux d’un satyre,
Pour souder en un seul leurs deux corps confondus,
Qui tremblent convulsifs par le plaisir tordus.
Après ce premier choc commença la mêlée,
Bizarre, impétueuse, ardente, échevelée ;
Ces femmes s’étreignaient, beaux serpents enlacés,
Sans trêve ni merci pour leurs muscles lassés,
Et la lutte dix fois s’était renouvelée
Avant qu’une des deux voulût crier « Assez ! »
. . . . . . . . . .
Pendant ce temps Phébé, de sa lueur sereine,
Dévoilait les secrets de cet accouplement ;
Son gros œil étonné se fixait sur l’arène,
En amateur charmé que le spectacle enchaîne,
Et qui ne s’en va pas s’il n’a son dénoûment ;
La déesse trop tard restait au firmament.
On se lasse de tout ; la lutte dut se clore
Quand le jour radieux apparut à son tour.
Épuisé, languissant, les yeux chargés d’amour,
Des baisers de la nuit la lèvre humide encore.
Le couple entrelacé put voir lever l’aurore
Et vertueusement saluer son retour.
Attribué à G. DROZ.
Mettre un pantalon neuf
D’étoffe noire ou grise
De Sedan ou d’Elbeuf,
Mais de forme bien prise,
Cela pousse à l’amour
Et rend gai comme un merle :
Ainsi fut mis au jour
Mon pantalon gris perle.
J’ai connu, grâce à lui,
Plus d’une bonne histoire.
La meilleure aujourd’hui
Me revient en mémoire.
C’était la Saint-René,
Jour de fête à Montmerle.
Ainsi fut étrenné
Mon pantalon gris perle.
Au bal du Grand-Tilleul
J’arrivais avant l’heure,
Et je cherchais tout seul
La pose la meilleure,
Quand un flot embusqué
Dans la salle déferle.
Ainsi fut remarqué
Mon pantalon gris perle.
Près de moi vient s’asseoir
Une fière Andalouse ;
On eût dit, à la voir,
Le géant de Mulhouse
Ou quelque déité
De Sécham ou Diéterle.
Ainsi fut agité
Mon pantalon gris perle.
Mes yeux étaient fixés
Sur ses charmes énormes,
Les siens étaient baissés
Au niveau de mes formes.
Je lui dis, effaré :
« Tu l’as encor ? perds-le… »
Ainsi fut déchiré
Mon pantalon gris perle.
J’ai su, j’ai su depuis
Qu’elle était vivandière,
Versant à nos spahis
La goutte militaire.
J’ai d’elle conservé
Une larme qui perle :
Ainsi fut achevé
Mon pantalon gris perle.
(Chansons folles, Évreux, 1887.)
Vous avez la forme et le fond :
Vous êtes fleur, vous êtes femme ;
Les besoins du corps et de l’âme
Ont parfois un rapport profond :
Fleur a besoin d’être arrosée ;
Femme a besoin d’être baisée.
Que vous soyez Myosotis
Ou Marguerite ou Chrysanthème,
Votre sort n’est-il pas le même,
Lilas ou Muguet, Rose ou Lis ?
Fleur a besoin d’être : arrosée ;
Femme a besoin d’être baisée.
Un jour, je m’exprimais ainsi
Près d’une jeune Italienne ;
Sa langue n’étant pas la mienne,
Elle ne dit pas « Oui », mais « Si… »
Fleur a besoin d’être arrosée,
Femme a besoin d’être baisée.
(Chansons folles, Évreux, 1887.)
Le fils de notre voisin
Est un jeune homme timide.
Soit, mais il est le cousin
De mademoiselle Armide.
Or on peut apprendre en de certains cas
Des leçons d’amour qu’on n’oubliera pas,
Le faible et le fort, le sec et l’humide.
Ce jeune homme était le petit Pinchon.
Ce petit Pinchon
Est un grand cochon,
Et je le prenais pour un cornichon.
Ah ! pauvre petite,
Que l’esprit vient vite !
Un soir, il m’offre le bras
Pour faire une promenade :
Il allait à petits pas,
Se disant un peu malade :
Il prenait des airs tout pleins de langueur,
Me mettant parfois la main sur mon cœur ;
Puis soudain il dit à la cantonade :
« Regardez-moi ça, mam’selle Fanchon. »
Ce petit Pinchon
Est un grand cochon,
Et je le prenais pour un cornichon.
Ah ! pauvre petite,
Que l’esprit vient vite !
Dans ma chambre il me suivit :
J’étais légèrement mise.
Il me versa sur mon lit
Et m’enleva ma chemise.
Il me mit un doigt je ne sais plus où,
Fourra le second dans un second trou,
Et dans un étau je me sentais prise
Comme une bouteille ayant son bouchon.
Ce petit Pinchon
Est un grand cochon,
Et je le prenais pour un cornichon.
Ah ! pauvre petite,
Que l’esprit vient vite !
(Chansons folles, Évreux, 1887.)
AIR : On s’y prend si poliment.
Enfin, dans ta chambre, chérie,
Ayant pénétré malgré toi,
Ta gentille ménagerie
Hier a paru devant moi.
Ton musée, aimable Rosine,
Sans doute n’est pas un éclat ;
Mais le plus joli, ma cousine,
C’est à coup sûr ton petit chat.
Tu te plains de ce que naguère,
Négligeant tes jeunes appas,
Avant mon départ pour la guerre,
De toi je ne m’occupais pas.
Sur le minet d’une voisine,
Si j’ai commis doux attentats,
C’est qu’en ce temps-là, ma cousine,
Tu n’avais pas de petit chat.
Pour nous charmer à l’improviste
En vain tu cachais tes trésors.
Moi, curieux naturaliste,
Pour les voir j’ai doublé d’efforts.
Mais voir est trop peu, j’imagine.
Voir n’amène aucun résultat.
Ah ! permets-moi, chère cousine,
De caresser ton petit chat.
Tu souffres que sur sa parure
Je promène un doigt empressé,
Mais tu veux que de sa fourrure
Le duvet ne soit pas froissé.
Va, ne crains rien pour son hermine,
Mon doigt est fort, mais délicat.
Vois, il fait faire, ma cousine,
Le gros dos à ton petit chat.
Toujours désireux de te plaire,
Ah ! sans lui vouloir aucun mal,
Que j’aimerais à satisfaire
Ce petit gourmand d’animal,
Si d’un coup de griffe assassine
Je n’avais peur qu’il me payât.
Sois franche et bonne, ma cousine,
Dis-moi, mord-il, ton petit chat ?
Dès qu’entre ses lèvres de rose
Minet sent mon doigt se glisser,
Vois le petit gueux comme il ose
Le serrer et l’emprisonner !
Je veux de son ardeur mutine
Punir le petit scélérat.
Dis-moi, sans peine, ma cousine,
Fait-on pleurer ton petit chat ?
Quelle délicatesse extrême !
À peine si je l’ai foulé,
Et pour deux coups, fort légers même,
Déjà ses larmes ont coulé.
Mais pour cela, chère Rosine,
Ne va pas me faire sabbat,
Car tu jouissais, ma cousine,
Lorsque pleurait ton petit chat.
E. DEBRAUX.
AIR : C’est un lan la, landerirette,
Auprès de sa jeune épouse,
Un mari peu complaisant,
Dans une fureur jalouse,
S’écria : Rien n’est si grand
Que ton lan la,
Landerirette,
Que ton lan la,
Landerira.
À ce reproche, la femme
De ce mari peu galant
Répondit : Vilain infâme,
Que n’en puis-je dire autant
De ton lan la,
Landerirette,
De ton lan la,
Landerira.
(Gaudriole de 1834.)
AIR des Amours du diable,
Amis du pouvoir,
Voulez-vous savoir
Comment Badinguette,
D’un coup de baguette,
Devint par hasard
Madame César ?
La belle au fond de l’Espagne
Habitait :
Oh ! la buveuse de champagne
Que c’était !
Quoique Badinguette eut pour pères,
À c’qu’on dit,
Presque tous les célibataires
De Madrid,
Et que sur sa naissance on jase
À gogo,
On l’appelait par antiphrase
Montijo.
Amis, etc.
Un jour, sa vieille maugrabine
De maman
Lui dit : Nous v’là dans la débine
Bigrement.
Vrai ! ton visage se dégomme
Tous les jours :
Faudrait songer à faire un homme
Pour toujours.
Maintenant que tu d’viens plus âgée,
Nous mangeons
Beaucoup trop de vache enragée,
Voyageons !
Amis, etc.
Voilà Badinguett’ qui débarque
À Paris,
Et Badinguet qui la remarque
Se sent pris.
— Oh ! s’écrie-t-il, oui, sur mon âme !
Soyons franc,
Papa Jérôme, cette femme
Vaut dix francs !
— Bah ! dit Jérôme, elle en vaut douze.
Savez-vous
Qu’on ne vit jamais d’Andalouse
Au poil roux ?
Amis, etc.
Cependant il cherche une clause,
Un moyen
De l’avoir pour très peu de chose,
Ou pour rien.
Il s’en va trouver la duègne,
Pas honteux,
Et les emballe pour Compiègne
Toutes deux.
Enfin, ne pouvant plus attendre,
Le grossier,
Au fort du bal, ose lui prendre
Le fessier !
Amis, etc.
— Caracho ! s’écria la belle,
Saligaud !
Savez-vous bien que l’on m’appelle
Montijo ?
Quand on a deux ou trois cents pères
Andalous,
On vaut bien un Robert Macaire
Comme vous.
Ne croyez pas que je me donne
Pour six francs :
Je veux coiffer une couronne,
Ou… du flan !
Amis, etc.
À toi, Badinguette, mon ange,
Mes châteaux,
Quoique tu sois bien la plus franche
Des cataus.
Mais puisqu’après tout, tant je t’aime,
Entre nous,
Que mon peuple crie ou blasphème,
Je m’en fous !
Qui fut mouchard en Angleterre
Et bourreau
Peut bien ;, sans déroger, se faire
Maquereau.
Amis, etc.
Adieu, cancan, Maison Dorée
Bal Musard !
La voilà l’épouse adorée
De César.
Cependant on dit qu’ell’ regrette
Quelquefois
Les amants et sa cigarette
D’autrefois,
Et que l’Espagnole, trop fière
Pour plier,
De son mouton pourrait bien faire
Un bélier.
Amis du pouvoir, etc.
Attribué à Henri R… FORT.
AIR de Joconde.
Un vendredi saint, au matin,
Une jeune novice
Branlait en secret son conin
Avec une saucisse :
Mais, par malheur, l’abbesse entra :
« Ah ! quel désordre extrême !
Un navet ne suffit-il pas
Pour un jour de carême ? »
AIR : Gâtement je m’accommode.
Qu’on blâme ma méthode,
J’m’en fous ;
Les c.ns sont à la mode,
Je fous.
D’un cul, étroit passage,
J’m’en fous ;
Mais près d’un pucelage,
Je fous.
Du sopha de Céphise,
J’m’en fous ;
Sur le châlit de Lise
Je fous.
De la coquette altière,
J’m’en fous ;
Lorsque sa chambrière
Je fous.
Une fille est cruelle,
J’m’en fous ;
Maîtrisant la rebelle,
Je fous.
Le foutre l’intimide,
J’m’en fous ;
Le plaisir la décide,
Je fous.
AIR des Fraises.
Au bordel, un vieil abbé
Dit à une fillette :
— Je voudrais être br.nlé.
— Monsieur, votre volonté
Soit faite ! (ter.)
Te souviens-tu, disait une comtesse
Au calotin qui la foutait jadis,
Te souviens-tu de ces beaux jours d’ivresse,
Où sans broncher nous allions jusqu’à dix ?
Fermes tous deux, tous deux pleins de courage.
Nous échangions de violents coups de c.l.
Dieux ! quels transports ! quel amour ! quel rage !
Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?
Te souviens-tu qu’au bout d’une quinzaine,
Perdant déjà du feu qui nous charmait,
Ton v.. musard ne levait qu’avec peine
Et d’un affront parfois me menaçait ?
Mais le secours d’une main potelée
Lui rend bientôt sa première vertu ;
Je te br.nlais pour mieux être enf.lée :
Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?
Te souviens-tu que l’ingrate nature,
Me refusant tous ses puissants attraits,
Tu me priais de changer de posture ?
Novice encor, moi je m’y refusais.
Pour t’obéir je me courbe en levrette,
Avec deux de tes doigts tu m’écartes le c.l :
D’avoir cédé que je fus satisfaite !
Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?
Te souviens-tu que posture et manière,
En peu de temps ayant tout épuisé,
À tes regards vainement mon derrière
Frais et dodu demeurait exposé ?
Lorsque ton v… trouvant un trou moins large,
Soudain reb.nde et s’adresse à mon c.l ;
Tu me pourfends, je pleure et tu d.ch.rges :
Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?
Te souviens-tu qu’un jour à tête-bêche,
D’abord rétive à ton brûlant désir,
Mais par degrés docile et moins revêche,
En te s..ant j’éprouvais du plaisir ?
Te souviens-tu qu’enfin mieux avisée,
Lass’ de ton v…, br.nlé, s.cé, mordu,
Ma bouche avide aspirait la rosée :
Dis-moi, l’abbé, dis-moi, t’en souviens-tu ?
— Est-ce un défi, ma chère, est-ce un reproche ?
Moi t’oublier ! Ah ! tu ne le crois pas ;
Tu rajeunis et déjà je b.nd.che
Au souvenir de tes anciens appas ;
Respectant peu et soutane et calotte,
Dans mon ardeur pour toi j’ai tout foutu ;
Mais ce visag’, ces tétons, cette motte,
Dis-moi, comtess’, que sont-ils devenus ?
Anonyme.
Ronde.
AIR : J’ai vu la Meunière.
Lucas le mettait par devant
À sa chambrière :
Comme il entrait, voilà qu’un vent
Sortit par derrière.
— Ah ! dit Lucas en déc.nnant,
Que ne puis-je en ce moment
Boucher le derrière
Comme le devant !
La chambrière, apercevant
Sa brette encore fière,
Lui dit : — Puisque tu crains le vent,
Fous-moi par derrière.
Il le fit, mais le mouvement
Fit sortir après un moment
Du vent par derrière,
De l’eau par devant !
— Comment faire ? dit le manant.
— Tiens, dit la commère,
Je crois découvrir maintenant
La bonne manière :
Si tu crains la pluie et le vent,
Il faut mettre dorénavant
Ton nez par derrière,
Et ton v.. par devant.
Attribué à Armand GOUFFÉ.
AIR : Ah ! j’en rends grâce à la nature.
Un jour, une fillette vit
Un rustre endormi sur sa couche ;
Il était porteur d’un gros…
La friponne y porta la bouche :
On ne peut guère l’excuser ;
Pourtant, que faut-il qu’on en dise ?
Mes amis, doit-on l’accuser
De luxure ou de gourmandise ?
Attribué à Armand GOUFFÉ.
Romance historique.
AIR : Comme j’aime mon Hippolyte.
Damis, jeune homme intéressant,
Courtisait la tendre Glycère ;
Damis était vif et pressant,
Pour lui résister comment faire ?
— Ah ! dit Glycère, ah ! mon ami,
Ta souffrance fait mon supplice,
Tu voudrais… je voudrais aussi…
Mais j’ai… — Quoi donc ? — La chaude-pisse.
L’amour me fournit un moyen
De payer ton ardeur extrême :
Mon c., Damis, se porte bien,
Et tout plaît chez l’objet qu’on aime ;
Prends donc mon c. ! Damis le prit,
Ce qu’il fit… chacun le devine.
Depuis cet heureux jour on dit
Que Glycère a la cristalline.
Profitez de cette leçon,
Jeune fille simple et novice ;
Pour le v.. le ciel fit le c…,
En dépit de la chaude-pisse.
Ne souffrez donc pas qu’un amant
Dans votre c.loge sa p… ;
On peut vivre fort décemment
Sans attraper la cristalline.
Attribué à Armand GAUTIER.
AIR du Vaudeville de Claudine.
Juché sur une novice,
Un vieux capucin en rut
Lui fracassa la matrice,
Et la pauvrette en mourut.
Faudra-t-il pour homicide
Faire punir le frappart ?
— Oui, vraiment, si l’on décide
Que la p..e est un poignard.
Attribué à Armand GOUFFÉ.
Air de la Piété filiale.
Mon cher enfant, en..lons-nous ;
Nous serons heureux, je l’espère ;
Un tendre fils peut enc.ler son père.
Des enc.leurs le plaisir est bien doux.
Si la tendresse conjugale
Dans un c.n place ses faveurs,
Tu goûteras dans mon c.l les douceurs
De la piété filiale.
Attribué à Armand GOUFFÉ.
D’puis longtemps je vous guette en vain
Pour vous voir sortir du bain…
Quelle agréable surprise,
Mam’zelle Lise !
Mam’zelle Lise,
Qu’vous êtes bien sans chemise !
Quels jolis petits tétons !
Qu’ils sont blancs, fermes et ronds !
Vous n’avez pas la peau bise,
Mam’zelle Lise ! etc.
Vous v’là grand’ fille à présent…
Dieu ! qu’c’est noir et qu’c’est luisant !
Comm’ c’est touffu ! comm’ ça frise !
Mam’zelle Lise ! etc.
Fait’s pas semblant d’avoir peur…
Avec un’barb’ de sapeur,
Est-c’que la crainte est permise,
Mam’zelle Lise ? etc.
La parure ne va jamais
Qu’aux fill’s qui n’ont pas d’attraits :
Comm’ça, je vous trouve bien mise,
Mam’zelle Lise ! etc.
Mais tournez-vous donc un peu…
Quel superbe pot-au-feu !
C’est d’la fière marchandise,
Mam’zelle Lise ! etc.
Restez, restez comm’ vous v’là,
J’aime assez c’te postur’-là !
Permettez que j’m’introduise,
Mam’zelle Lise ! etc.
Comme c’est chaud, comm’ c’est étroit !
Tiens, j’me suis trompé d’endroit !
J’ai fait une fameuse bêtise,
Mam’zelle Lise ! etc.
À présent, vous voilà bien !
Restez et ne craignez rien…
J’vas réparer ma sottise,
Mam’zelle Lise ! etc.
V’là qu’ça part ! Et vite et tôt !
Faut qu’chacun pay’ son écot !
Allons, pas d’fainéantise,
Mam’zelle Lise ! etc.
J’vois que vous y prenez goût,
Mais je n’tir’ jamais qu’un coup.
J’suis fâché qu’ça vous défrise,
Mam’zelle Lise !
Mam’zelle Lise,
Qu’vous êt’s bien sans ch’mise.
VAN CLEEMPUTTE.
AIR : L’aveugle de Bagnolet.
Le bon curé de Saint-Étienne
Parfois à son enfant de chœur
Gravement chantait une antienne
Que le drôle d’enfant sans cœur
Lui répétait d’un ton moqueur.
Le curé, voyant sa finesse,
Disait, pour tromper son adresse :
— Taisez-vous, petit polisson,
Riez moins, servez mieux la messe ;
Taisez-vous, petit polisson,
Et repassez votre leçon.
Riant de certaine aventure,
— Mon père, dit-il hardiment,
Hier, à travers la serrure,
Je vis avec étonnement
Annette en votre logement.
Est-ce là, je vous le demande,
Une visite de commande ?…
— Taisez-vous, petit polisson :
Elle venait payer l’offrande ;
Taisez-vous, etc.
— Annette encor tout étourdie,
Cédant à vos désirs pressants,
Montra sa face rebondie
Qui possède charmes puissants
Et bien dignes de votre encens ;
Car vous lui donnâtes sans peine
Dix baisers sans reprendre haleine…
— Taisez-vous, petit polisson :
Je n’embrassais que la patène ;
Taisez-vous, etc.
— Prenant certain livre en cachette,
De lire vous faisiez semblant ;
À genoux je vis mettre Annette
Devant un objet gros et blanc
Qui lui rendait le cœur tremblant
Apprenait-elle la pratique
D’une posture catholique !
— Taisez-vous, petit polisson :
Elle adorait une relique !…
Taisez-vous, etc.
— En priant pour la Sainte Vierge,
Vous prîtes votre goupillon,
Et, le tenant droit comme un cierge,
Il semblait que le cotillon
Vous donnât certain aiguillon,
En l’agitant vous alliez vite :
Que faisiez-vous à la petite ?
— Taisez-vous, petit polisson :
Je lui donnais de l’eau bénite ;
Taisez-vous, etc.
— Mais bientôt je la vis s’étendre
Saintement sur un canapé :
Dans sa bouche, sans plus attendre,
Vous fûtes à mettre occupé
Un objet qui m’est échappé.
Dans cette pieuse partie,
Que faisait donc la convertie ?
— Taisez-vous, petit polisson :
Elle avalait la sainte hostie !
Taisez-vous, etc.
— Votre regard était de flamme.
Pour vous donner ce mouvement,
De l’enfer sauviez-vous son âme
Ou bien cherchiez-vous seulement
À la gagner dévotement ?
J’entendis une douce plainte
Et vous disiez : « Allez sans crainte ! »
— Taisez-vous, petit polisson :
Le sacrement l’a rendue sainte !
Taisez-vous, etc.
— Mais, mon père, j’ignore encore
Le secret de ce sacrement,
Les mystères que l’on honore,
Du Christ l’étonnant changement,
Que l’homme adore aveuglément.
Pour que j’y croie, avec franchise,
Expliquez-moi cette surprise.
— Taisez-vous, petit polisson :
Ce sont les secrets de l’Église !
Taisez-vous, etc.
Anonyme.
CHANSON-CHANSON
(Lamentations d’un looping the loop des Champs-Élysées)
Je me suis fait dékiouskiouter
Le rondibé du radada,
Le bout du frogn’ du rognognone
Du dig et bag m’en tire la bête
Et la rue Rochechouart.
REFRAIN
Ah ! Ah ! J’avais la pécole,
La gigite et la vesoul,
Avoir la peau du cou qui se décolle
Est un plaisir bien doux.
Je me suis fait dorer le af-naf,
Arrondir le sprouknic,
Pic et pic et colègramme
Et bourr’ et bourr’ et ratatame
Du petit phonogramme.
REFRAIN
Dag, dag ! Voilà Colibar,
La glougloute du placard,
Le rad, le zob, le figne du chien-chien
Sur le mont vénérien.
Alors étant dans le Flacdal,
J’ai planqué fourgué chez Pégal,
Mon ognard, mon dix, mon plombe,
Mon rade, mon figne tout harnaché
Pour un p’tit larantequé.
REFRAIN
Cal ! Cal ! Caltez mes légumes
Du rancart où nous nous plumes.
J’ai l’rofrognogne du rogne tout amoché
Et le dix décoloré.
Adieu af-naf, spitznartz, sprouknic
Et le Comice agricole,
Et la bibite et la téterre,
Et la cucu, la çao çao,
La bitter curaçao[6].
REFRAIN
Con ! Con ! Consultez l’Bottin
Dans le Métropolitain,
Et radinez dans le figne des zouzous
Qui arrivent de Tombouctou[7].
BÉRANGER
Que je suis donc ais’, ma payse,
De me promener avec toi.
Les Tuil’ri’s, faut que je te l’dise,
C’est un ancien jardin de roi.
Rappell’-toi surtout ce que j’t’narre.
T’apprendras toujours du nouveau,
Tu vois, ça qu’est comme une grand’mare,
C’est un bassin avec de l’eau.
REFRAIN PRESQUE ÉTERNEL
Promenons-nous encor, veux-tu,
Dedans ces vertes allé’s d’arbres ;
Mais faudrait pas, pour ta vertu,
Regarder trop les estatu’s
De marbre.
En voilà z’une qui représente
Un’ bell’ bourgeois’ qui sort du bain ;
Tu peux la r’garder si ça t’tente,
Mais cach’ tes yeux avec ta main.
Les estatu’s, c’est simple à faire,
Tu me comprendras subito,
L’artiste prend un morceau d’pierre,
Puis y retir’ tout c’qu’y a d’trop.
(Refrain.)
Ce guerrier qu’a un maintien digne,
C’est un nommé Espartacus.
Qui n’sortait pas sans feuill’ de vigne,
Et l’statuair’ la sculpta d’ssus.
Mais j’me d’mande pourquoi c’t’affaire,
Car si c’est par précaution,
Alors il aurait par derrière
Dû mettre aussi un p’tit bouchon.
(Refrain.)
Ce qu’on aperçoit près d’un chêne,
C’est un marin d’l’antiquité ;
Il est chauv’ comm’un dos d’baleine,
Mais faut pas en être épaté’.
Si sa chev’lure est éclaircie,
À ce que m’a dit mon sergent,
C’est que l’air de la cal’vicie
Les marins qui navigu’nt souvent.
(Refrain.)
De te sentir là, Véronique,
Et voir les oiseaux amoureux,
Tout cela me rend poétique,
Admir’ ce marronnier ombreux :
Cet oiseau qu’est d’sus, c’est un merle
Qui siffle dans la perfection.
Tu m’comprends bien, j’te dis merle,
Faudrait pas qu’tu fass’s confusion.
(Refrain.)
Ce qu’on voit dans cett’ encoignure,
C’est un chalet d’nécessité ;
Pour les besoins de la nature,
L’gouvernement l’a édifié.
Attends-moi là, près d’cette allée,
Je te quitte pour quelques instants,
Mais sois sûr’, ma bien-aimée,
J’y vas penser à toi tout l’temps.
REFRAIN
Nous r’tournerons après, veux-tu,
Dedans ces, etc.
MADAME DENIS
Quoi ! vous ne me dites rien ?
Mon ami, ce n’est pas bien ;
Jadis c’était différent,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
J’étais sourde à vos discours,
Et vous me parliez toujours.
MONSIEUR DENIS, se retournant.
Mais, m’amour, j’ai sur le corps
Cinquante ans de plus qu’alors ;
Car c’était en mil sept cent,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
An premier de mes amours,
Que ne durez-vous toujours !
MADAME DENIS, se ravisant.
C’est de vous qu’en sept cent un
Une anguille de Melun
M’arriva si galamment !
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Avec des pruneaux de Tours
Que je crois manger toujours.
MONSIEUR DENIS
En mil sept cent deux, mon cœur
Vous déclara son ardeur ;
J’étais un petit volcan !
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Feux des premières amours,
Que ne brûlez-vous toujours !
MADAME DENIS
On nous maria, je crois,
À Saint-Germain l’Auxerrois :
J’étais mise en satin blanc,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Du plaisir, charmants atours,
Je vous conserve toujours.
MONSIEUR DENIS, se mettant sur son séant.
Comme j’étais étoffé !
MADAME DENIS, s’asseyant de même.
Comme vous étiez coiffé !
MONSIEUR DENIS
Habit jaune en bouracan,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
MADAME DENIS
Et culotte de velours
Que je regrette toujours.
(Continuant.)
Comme en dansant le menuet
Vous tendîtes le jarret !
Ah ! vous alliez joliment !
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Aujourd’hui nous sommes lourds.
MONSIEUR DENIS
On ne danse pas toujours.
(S’animant.)
Comme votre joli sein
S’agitait sous le satin !
Il était mieux qu’à présent,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Belles formes, doux contours,
Que ne durez-vous toujours !
MADAME DENIS
La nuit, pour ne pas rougir,
Je fis semblant de dormir ;
Vous me pinciez doucement,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en.
Mais à présent, nuits et jours,
C’est moi qui vous pince toujours
MONSIEUR DENIS, lui passant la main sous le menton.
La nuit, lorsque votre époux
S’émancipait avec vous,
Comme vous faisiez l’enfant
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Mais on fait les premiers jours
Ce qu’on ne fait pas toujours.
MADAME DENIS, se rapprochant de son mari.
« Comment avez-vous dormi ? »
Nous demandait chaque ami ;
« Bien », répondais-je à l’instant,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Mais nos yeux et nos discours
Se contredisaient toujours.
MONSIEUR DENIS, lui offrant une prise de tabac.
Demain, songez, s’il vous plaît
À me donner mon bouquet.
MADAME DENIS, tenant la prise de tabac sous le nez.
Quoi ! c’est demain la Saint-Jean ?
MONSIEUR DENIS, rentrant dans son lit.
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Époque où j’ai des retours
Qui me surprennent toujours.
MADAME DENIS, se recouchant.
Oui, jolis retours, ma foi !
Votre éloquence avec moi
Éclate une fois par an,
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
Encor votre beau discours
Ne finit-il pas toujours.
(Ici M. Denis a une réminiscence,)
MADAME DENIS, minaudant.
Que faites-vous donc, mon cœur ?
MONSIEUR DENIS
Rien… je me pique d’honneur.
MADAME DENIS
Quel baiser !… il est brûlant…
MONSIEUR DENIS, toussant.
Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en…
MADAME DENIS, rajustant sa cornette.
Tendre objet de mes amours,
Pique-toi d’honneur toujours !
Ici le couple bâilla,
S’étendit et sommeilla,
L’un marmottait en ronflant :
« Souvenez-vous-en,
Souvenez-vous-en… »
L’autre : « Objet de mes amours,
Pique-toi d’honneur toujours ! »
DÉSAUGIERS.
Colin et Colinette,
Au fond d’un jardinet,
Assis dessus l’herbette,
Se faisaient un bouquet…
Et autre chose itou
Que je n’ose vous dire ;
Et autre chose itou,
Je n’ose dire tout.
Il la prend, il la baise,
L’étend sur le gazon,
Et là, tout à son aise,
Lui saisit le menton…
Et autre chose itou, etc.
La bergère troublée,
Lui dit d’un air malin :
Ah ! que je suis aimée !
Retire donc ta main…
Et autre chose itou, etc.
Mais le berger, peu sage,
N’écoutant qu’son ardeur,
Lui fit voir qu’à son âge
On a toujours du cœur…
Et autre chose itou, etc.
Après mainte fleurette,
Notre couple badin
S’endormit sur l’herbette
En se tenant la main…
Et autre chose itou, etc.
Chanson populaire en 1822.
Paysannerie.
Quel’ drôl’ de chose que la peur !
J’fus si poltron que dans l’village
On disait : « Qu’il est bêt’ pour s’n âge,
Bien sûr qu’ça lui portera malheur. »
Un’ fois Toinette, c’est ben cocasse,
M’fit voir un animal tout noir
Dont j’ons pas pu r’connaître la race,
Tant j’ons eu peur, vu qu’c’était le soir.
Ah ! sapristi ! qu’j’étions donc bête
D’avoir le trac comm’ça !
J’ons tremblé des pieds à la tête
Devant c’t animal-là.
C’était une manière d’lapin
Avec l’poil’ d’un’ chienne épagneule.
Il ouvrait une si grande gueule
Qu’j’osions point avancer la main.
« A pas peur, que m’dit Toinette,
Il est ben doux, y n’fait point d’mal ;
J’lons déjà fait voir en cachette,
Tout l’monde a flatté c’t animal. »
Ah ! sapristi, etc.
Alle avait beau dire « Il est doux ! »
Mais que voulez-vous que j’y fasse !
J’pouvions pas le regarder en face :
J’en étions tout pâle, entre nous.
« Allons, grand nigaud, dit Toinette,
T’es pas un homme, tu m’fais pitié.
— Attends un brin que je m’remette,
J’vas agir, puisque j’suis défié.
Ah ! sapristi, etc.
Tu dis qu’un homm’ doit avoir du cœur !
Alors il faut que dans l’village
On parle un peu de mon courage. »
Et j’pris c’te bête par la douceur.
La p’tit’ Toinette se laissait faire
En riant de mon air vainqueur !
Et d’puis c’jour-là, qué bonne affaire !
On n’m’appell’ plus que le dompteur.
Ah ! sapristi, etc.
Émile HÉMERY.
— Bonjour, mon ami Vincent,
Tu viens de notre village ;
Veux-tu me faire présent
De ton joli pucelage ?
— Oh ! nenni, mam’zell’, nenni, nennida !
Mon honneur, toujours, le voulis garda…
Que pens’rot maman, qui m’a dit : Sois sage,
Si la Codaqui m’y voyot manqua ?
Si la Codaqui, si la Codaqua,
Si la Codaqui m’y voyot manqua.
— Eh ! quoi, mon ami Vincent,
Toi que je croyais bon drille,
Tu fais près d’moi l’innocent…
Me trouves-tu vilaine fille ?
— Oh ! mam’zell’, mam’zell’ que me dit’s-vous-là ?
Mais mon tendre cœur le vouli garda ;
Je perdrais l’seul bien que je tiens d’famille,
Si la Codaqui m’y faisot manqua…
Si la Codaqui, si la Codaqua,
Si la Codaqui m’y faisot manqua !
— J’voudrais, mon ami Vincent,
Avec quelque différence,
Ce soir en nous embrassant,
Revoir nos amours d’enfance.
— De c’temps-là, mam’zelle, je m’souvenons, oui-dà ;
Mais j’n’avions point cor d’honneur à garda…
Et, su’l’point d’le perdr’, je frémis d’avance :
Si la Codaqui voulot m’y manqua !
Si la Codaqui, si la Codaqua,
Si la Codaqui voulot m’y manqua !
— J’saurai, mon ami Vincent,
Te montrer entr’ autres choses,
L’assemblage séduisant
De mille attraits blancs et roses…
— Oh ! nenni, mam’zell’, nenni, nennida ;
Mon honneur, toujours le voulis garda ;
J’n’avons qu’faire’ cheu vous de cueillir des roses,
Et la Codaqui m’y pourrot manqua ;
Et la Codaqui, et la Codaqua,
Et la Codaqui m’y pourrot manqua !
Malgré lui, l’ami Vincent
Suivit la charmante Lise
Jusqu’à sa chambre, et voyant
Le lit fait, la table mise,
Il prit son parti, gaîment s’attabla,
Tant but, tant mangea, que lorsqu’on l’coucha,
Il disait, allant d’surprise en surprise :
— Si la Codaqui pouvot mi manqua…
Si la Codaqui, si la Codaqua,
Si la Codaqui pouvot mi manqua.
— Bonjour, mon ami Vincent,
La santé comment va-t-elle ?
— Bien, dit-il en embrassant
Son amante heureuse et belle.
— Chaque soir, ici, j’veux r’venir, oui-dà ;
Car mon doux bonheur, le voulis garda ;
Devant tant d’attraits ma pein’ s’rait cruelle,
Si la Codaqui veniot mi manqua…
Si la Codaqui, si la Codaqua,
Si la Codaqui veniot mi manqua !
Jules CHOUX.
Cent mille poux de forte taille
Sur la motte ont livré bataille
À nombre égal de morpions
Portant écus et morions.
Transpercé, malgré sa cuirasse
Faite d’une écaille de crasse,
Le capitaine Morpion
Est tombé mort au bord du c…
En vain la foule désolée,
Pour lui dresser un mausolée,
Pendant huit jours chercha son corps…
L’abîme ne rend pas les morts !
Un soir, au bord de la ravine,
Ruisselant de foutre et d’urine,
On vit un fantôme tout nu
À cheval sur un poil de cu.
C’était l’ombre du capitaine,
Dont la carcasse de vers pleine,
Par défaut d’inhumation,
Sentait la marolle et l’arpion.
Devant cette ombre qui murmure,
Triste, faute de sépulture,
Tous les morpions font serment
De lui dresser un monument.
On l’a recouvert d’une toile
Où de l’honneur brille l’étoile,
Comme au convoi d’un général
Ou d’un garde national.
Son cheval à pied l’accompagne :
Quatre morpions grands d’Espagne,
La larme à l’œil, l’écharpe au bras,
Tiennent les quatre coins du drap.
On lui bâtit un cénotaphe
Où l’on grava cette épitaphe :
« Ci-gît un morpion de cœur,
Mort vaillamment au champ d’honneur. »
Théophile GAUTIER.
Cette poésie héroïque se chante sur la musique d’une marche funèbre composée par M. Reyze pour le convoi du maréchal Gérard.
Chanson parade.
Je suis Gilles, garçon z’apothicaire chez M. Fleureau, qui demeure là z’au coin, vis-à-vis un cul-de-sac. On vint l’autre jour me demander un crystère pour mademoiselle Zirzabelle : moi qui ai des vues propres sur cette demoiselle, j’apprête mon affaire, je cours, je monte au sixième, j’arrive sur le derrière, et je dis : Me v’là !
AIR : En revenant de Nivelles.
Salut, mam’selle Zirzabelle,
J’vous apporte un p’tit lavement,
Ça vous r’f’ra l’tempérament ;
Allons, tournez-vous, mam’selle.
Elle m’répond avec dédain :
Fi ! Monsieur, pas tant d’raideur,
Car zamais apothicaire
Ne verra c’que par pudeur
Z’ne fais voir qu’à ma sèr’mère.
— C’que vous dit’-là n’prouve rien,
Vous mentiez drès étant p’tite ;
Drès étant p’tite.
Et puis, d’ailleurs, mam’zelle, c’est pour votre bien ce qu’on en fait : vous avez une inflammation de bas-ventre ; il faut laver ça, mam’zelle : regardez, j’l’ai dressé exprès pour vous. Allons, prenez, prenez.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
— Z’il est par trop vrai qu’ça m’brûle
Qu’z’ai besoin d’rafraîchissans.
— D’vous coucher à contre-sens
D’vez-vous donc z’avoir scrupule ?
— Puisqu’il l’faut, allons ; me v’là.
Mais, Zilles, surtout point d’niche,
Z’ne puis le voir comm’ j’suis là.
— C’est vraiment ça qui me r’fiche,
Tout c’qu’on f’ra s’ra pour vot’bien.
J’sis tout prêt, r’troussez-vous vite,
R’troussez-vous vite.
Pas tant de façons. Encore cette demi-aune de toile. Oh ! quel beau visage, s’il avait z’un nez ! Cependant z’il y a de l’enflure. Il faut z’opérer un dégagement. Avalez-moi ça, mam’selle ; avalez-moi ça.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite.
Ça vous f’ra du bien.
Polisson, qu’allez-vous m’faire ?
Un lav’ment ne s’met pas là.
— À la cour aujourd’hui v’là
Comm’ les dam’s prennent un crystère ;
— En c’cas au zenre d’la cour,
Z’il est zust’ que j’me conforme.
Dieu ! faudrait la bouche d’un four
Tant l’instrument est énorme !
— C’est trop d’honneur : mais l’moyen
Serait d’vous fair’ la bouch’ moins p’tite ;
La bouch’ moins p’tite.
Allons, mam’selle, élargissez les voies, et tandis que j’pousse donnez un coup de main. Si ça passe, vous êtes sauvée.
Ça vous f’ra du bien tout de suite,
Ça vous f’ra du bien.
Que vot’ s’ringue m’paraît douce ?
Mais z’redoute l’s accidents.
— Jusqu’au fond v’là que j’suis d’dans,
N’craignez rien : va comm’ j’te pousse.
N’vous tortillez pas si fort,
Ça dérang’rait mon affaire…
V’là qu’ça part. Ah ! sans m’fair’ tort,
C’que j’vous donn’ n’est pas d’l’eau claire,
— Tu m’inond’, oh ! sacré chien,
T’as poussé l’machin trop vite,
L’machin trop vite.
Oh ! mon ser Zilles ! ze n’y étais pas encore. C’pendant ça m’fait z’un peu d’effet. Pour que ma guérison soit complète, redouble la dose, mon ser Zilles, redouble la dose.
Ça me f’ra du bien tout d’suite ;
Ça me f’ra du bien.
J’la guéris, l’on peut bien l’croire,
Avec sept ou huit lav’mens ;
À cell’-là qui dit que j’mens.
Qu’ma s’ringue prouve c’t histoire,
Mettez la main sur vos yeux,
Puis entre vos doigts, mesdames,
R’luquez bien l’machin curieux
Qui rend la santé z’aux femmes.
La vôtre n’vaut-elle rien ?
Profitez d’mon grand mérite,
D’mon grand mérite,
Voyez, mesdames, décidez-vous, faites comme mam’selle Zirzabelle. Qu’est-ce qu’en veut ? huit, dix, douze ! Ne boudez pas contre vot’ ventre. J’suis tout prêt.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
P. -J. de DERANGER.
Chanson traditionnelle.
Il est une vieil’ racaill’
Qui rest’ sur mon carré,
Qui dit que j’suis un’ canaille
Qu’il faut guillotiner ;
Tout ça pour la bêtise
Qu’un soir rentrant pochard,
En changeant de chemise
J’lui ai fait voir mon dard.
REFRAIN
Moquons-nous d’ça, tralala !
Foutons-nous d’ça, tralala !
Morbleu ! (bis) Moquons-nous d’ça.
Tralala !
Je suis dans la débine,
J’mets tout au mont-d’piété ;
J’y ai voulu mettre ma p…,
On n’m’en a rien donné.
Du cul de ma maîtresse
J’espérais trouver mieux,
Mais en voyant ses fesses,
On m’a dit : C’est trop vieux !
(Refrain.)
J’ai eu plus d’vingt chaud’-pisses,
Mais j’suis pas écœuré ;
J’ai eu des chancr’s aux cuisses,
Mais tout n’est pas rongé.
Quand j’rencontre une gourgande,
J’brave encore le péril
Et j’lui fais fair’, quand j’bande,
La pirouett’ sur l’nombril.
(Refrain.)
Ah ! çà, pas d’fariboles
Et surtout pas d’bêch’ment
Ou le roi des mariolles
Va vous enl’ver l’fondement.
Mais j’aim’ pas la critique,
Si j’suis galant, c’est qu’je l’veux.
Vive la République
Et à bas les merdeux[8].
(Refrain.)
Si jamais la fortune,
C’te n. de D. d’putain,
Voulait m’coller d’la tune
Seulement plein les deux mains,
J’voudrais, cré mill’ tonnerres !
Soul’ver les Iroquois,
Pocharder tout’ la terre
Et j’encul’rais les rois !
(Refrain.)
J’n’ai jamais fait fortune,
Mais j’ai souvent gouappé
L’ventre au clair de la lune
Et l’cu dans un fossé ;
Mais j’sens qu’ça m’gargouille,
C’est sal’ de faire un r’nard,
J’emmerde la patrouille
Et je repionc’ d’achar…
(Refrain.)
PAR PLUSIEURS ANONYMES DU QUARTIER LATIN.
AIR : À ma Margot, de bas en haut.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
Défunt’ maman m’disait sans cesse :
Au bout d’tes doigts est la richesse.
Fill’ qui travaille avec honneur
S’fait soi-même son p’tit bonheur.
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
L’cœur à l’ouvrage au mois d’décembre,
Sans feu j’m’enferme dans ma chambre
Quand il gèle à claquer des dents,
J’réchauff’ mes doigts sans souffler d’dans.
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
D’beaux messieurs proposent de m’faire
Des enfants qui mourraient de misère ;
Chers enfants, par le travail que v’là
Je vous épargne ce chagrin-là,
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
Pour m’amuser, d’abord j’m’occupe
D’not’ boulanger z’avec sa jupe ;
En jupe j’me r’présent’ toujours
C’garçon d’esprit v’lu comme un ours.
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
Je m’rappelle aussi l’grand Léandre,
Qui d’vant ma f’nêtre, d’un air tendre
S’déboutonne comme un impur,
Sans s’tourner du côté du mur.
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je le vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
L’ouvrièr’ qui craint la satire
Doit s’chatouiller pour se fair’rire ;
En travaillant ça rend l’cœur gai,
Et l’poignet seul est fatigué.
Quel plaisir (bis) je r’sens à l’ouvrage !
Ah ! je suis tout en nage.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
P. -J. de BÉRANGER.
AIR : Voilà la petite Laitière.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
Tubleu ! damoiseaux étourdis,
Redoutez-moi : je suis ogresse.
Des ogresses du temps jadis
J’ai l’appétit et la tendresse,
Jurant, sacrant comme un démon,
À ma barbe je dois mon nom.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
Pour bien juger de quels morceaux
Il faut que ma faim se repaisse,
Galant, qui crains les longs assauts,
Contemple cette barbe épaisse ;
Sans trembler l’on ne peut la voir :
Elle défierait le rasoir.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
Voulant vous détruire en un jour,
Petits blondins, faibles espèces,
Que Vénus batte le tambour
Et lève un régiment d’ogresses ;
Pour vous faire de belles peurs
Je commanderai les sapeurs.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
Malgré mes appétits gloutons,
Jamais de jour qu’il ne me vienne
Des barbes de tous les cantons
Pour se mesurer à la mienne.
Barbe de prêtre, de robin.
Barbe de Turc et de rabbin.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
Mais, quoi qu’on fasse, je pâtis
Et tout m’est bon lorsque je souffre.
Deux mille amants grands et petits
N’ont encor pu combler ce gouffre ;
Bien d’autres, non moins échauffés,
De ma barbe mourront coiffés.
Je suis morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
J’avalerais sans les mâcher,
En un jour, deux abbés, trois carmes,
Les six gros garçons du boucher,
Huit portefaix et dix gendarmes ;
Quand tout un bataillon viendrait,
Par ma barbe, il y passerait.
Je suis, morbleu,
Madame Barbe-Bleu,
Tête-bleu ! corbleu ! ventre-bleu.
P. -J. de BÉRANGER.
Un sous-lieut’nant, accablé de besogne,
Laissa sa femme un jour emboîter l’pas.
Elle partit seul’ pour le bois d’Boulogne,
En emportant un dragon sous son bras…
Drinn, drinn, drinn, drinn, drinn, drinn.
Drinn, drinn, drinn, drinn, drinn, drinn.
D’un’ tell’ confianc’ le dragon était digne :
Pendant trois jours il fut très empressé ;
Y’en a qui dis’nt qu’ils pêchaient à la ligne,
Moi je soutiens qu’ils ont herborisé…
Drinn, drinn, drinn, etc.
Le sous-lieut’nant, le désespoir dans l’âme,
Au bois d’Boulogne accourut tout inquiet…
Mais l’malheureux, quand il r’trouva sa femme,
Fut parfaitement convaincu qu’il était…
Drinn, drinn, drinn, etc.
Léon GOZLAN.
Chanson en manière d’ordures.
Faite par ce polisson de Gilles, dessus mam’selle Zirzabelle, qui aime à se mettre en homme, parce que ça lui fait plaisir.
AIR : Tout le long de la rivière.
Zirzabelle, est-c’ ben vous que j’vois ?
J’vous r’connaissons à vot’ minois ;
Est-ce encor mam’sell’ qu’on vous nomme ?
Vous voilà costumé z’en homme.
C’t habit raplatit vos appas,
C’qu’aujourd’hui vous n’étalez pas ?
Rien d’moins gênant z’avec vous qu’une cotte,
Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;
Ôtez donc, ôtez votre culotte.
Changer de sesque c’est fort mal
Quand on n’est plus dans l’carnaval ;
P’t-être aussi qu’vous changez d’manière,
Et qu’aux femmes vous voulez plaire ;
Ce s’rait deux bons goûts à la fois :
J’vous crois fait’ pour en avoir trois.
Mais d’quéq’ côté qu’on vous porte une botte
Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;
Ôtez donc, ôtez votre culotte.
Comme l’amour rend z’inconstant !
J’finis par trouver ça piquant.
Permettez que j’vous déboutonne…
Mais, jarni, ne vient-il personne ?
On peut nous voir de c’te façon
Et vous prendre pour un garçon ;
Pour qu’on n’dise pas qu’j’ai changé de marotte,
Mam’selle, ôtez donc, ôtez votre culotte ;
Ôtez donc, ôtez votre culotte.
Dépêchez, ou j’vais par-dessus
Vous faire un’ boutonnière de plus :
Mais v’là que j’vous tache, mam’selle ;
C’est la faute de vot’ bertelle ;
Plus que mon amour elle tenait ;
Bonsoir, j’ai remis mon bonnet.
Sans étrenner r’montez tout dans la hotte,
Mam’selle, r’montez, r’montez votre culotte ;
R’montez donc, r’montez votre culotte.
Mesdam’, la morale est mon fort.
Or donc, notre habit vous fait tort :
Ne prenez c’costume nuisible
Que pour tromper, si c’est possible,
Les homm’s impurs qui sont l’effroi
Des jolis garçons comme moi.
Autrement qu’ça, dit l’Saint-Père aux dévotes,
Mesdam’, ne mettez qu’la main dans la culotte ;
Ne mettez qu’la main dans la culotte.
P. -J. de BÉRANGER.
AIR du Roi d’Yvetot.
Bien malgré vous je suis entré,
Claire, et je ne puis croire
Que ce lieu si bien décoré
Soit un oratoire.
Vous y priez matin et soir :
Aussi je veux dans ce boudoir
Tout voir ;
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Le joli sopha que voilà,
La, la.
Quel est ce livre à filets d’or ?
Un paroissien fidèle.
Quoi ! c’est l’infâme !… Ah ! Claire, encor
Si c’était la Pucelle !
Ma dévote a choisi vraiment
Pour la mémoire un ornement
Charmant.
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Priez-vous dans ce livre-là ?
La, la.
C’est en vain que vous vous fâchez,
Déroulons ces images.
Ce sont des saints que vous cachez ?
Peste ! les beaux visages !
Ce n’est pas le mot tout à fait,
Mais ces tableaux sont d’un effet
Parfait.
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Tous les bienheureux que voilà !
La, la.
Que vois-je, orné d’une faveur,
Là dans votre corbeille ?
C’est un agnus ?… Ah ! doux Seigneur !
Sa taille est sans pareille.
C’est un… Ma foi, c’est ressemblant,
Bien ferme, bien gros, bien roulant,
Bien blanc.
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Quelle relique avez-vous là !
La, la.
Claire, on voulait nous marier,
Mais croyez-vous possible
Que mon cœur ose défier
Un rival si terrible ?
Il est taillé pour vos attraits ;
Combien mince je paraîtrais
Auprès !
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Rendez heureux ce monsieur-là !
La, la.
P. -J. de BÉRANGER.
Air : Trop de pétulance gâte tout.
Admirez à la promenade
Ce petit être tant joli
Qui près des jeunes gens est fade,
Près des dames n’est que poli.
Son teint, reluisant de pommade,
Par le carmin est embelli.
Joli petit fils, petit mignon,
Mâle ou femelle, je sais ton nom.
On le devine quand il passe,
Autour de lui l’air est ambré,
Ses cheveux bouclent avec grâce,
Son habit presse un dos cambré :
Comme une coquette un peu grosse,
Dans un corset il est serré,
Joli petit fils, petit mignon,
Mâle ou femelle, je sais ton nom.
Bien qu’au rigide honneur des dames
Il n’ait fait tort d’un iota,
Plus d’une par ses épigrammes
Maintes fois le déconcerta.
Il met des épingles aux femmes
Et jamais ne leur en ôta.
Joli petit fils, petit mignon,
Mâle ou femelle, je sais ton nom.
Il est là-bas, à la poursuite
D’un blondin digne de son choix ;
Mais un vieil ami s’en irrite
Et l’entraîne au fond de ce bois.
L’Amour à notre hermaphrodite
A-t-il donné flèche ou carquois ?
Joli petit fils, petit mignon,
Mâle ou femelle, je sais ton nom.
Mais de savoir comme il se nomme,
Après tout il est un moyen :
Puisque l’un des siens eut à Rome
Les bonnes grâces d’Adrien,
Jadis échevins de Sodome,
Ses aïeux étaient gens de bien.
Joli petit fils, petit mignon,
Mâle ou femelle, je sais ton nom.
P. -J. de BÉRANGER.
AIR : Il était une fille.
L’innocente Nicette,
Un jour vit les doux jeux
De deux beaux pigeons amoureux.
Qu’est-ce, dit la pauvrette,
Et que font-ils donc là ?
Puis son cœur soupira,
Ah !
Le lendemain la belle
S’approcha de Colin,
Qui de baisers couvrit son sein.
Oh ! Colin, lui dit-elle,
Pourquoi baiser cela ?
Et Colin répéta :
Ah !
Doucement il la pousse,
Et grâce à la saison
Tous deux tombent sur le gazon.
Malgré le lit de mousse,
On dit qu’il la blessa ;
Que même elle cria :
Ah !
Depuis ce temps Nicette
Craint que l’écho jaloux
Ne répète des ah ! plus doux.
Mais plus d’une fillette
Comme elle rougira
Quand l’écho redira :
Ah !
P. -J de BÉRANGER
AIR : Dans les gardes françaises.
Lise, jeune et craintive,
Redoute les souris ;
Une souris bien vive
Vient exciter ses cris ;
Pour cause aussi légère,
Le bruit me paraît fou.
Lise, laissez-la faire :
Elle cherche son trou.
Dans sa peur qui redouble,
Lise fuit, mais en vain ;
La souris qui se trouble
Lui saute dans la main.
La belle, en criant, serre
Cet animal filou.
Lise, laissez-la faire :
Elle cherche son trou.
Mais l’effroi la domine :
Lise s’évanouit.
La souris libertine
Gagne alors son réduit.
Cette souris, ma chère,
Ne craint plus le matou.
Lise, laissez-la faire :
Elle a trouvé son trou.
J. -P. de BÉRANGER.
Seul manuscrit trouvé dans l’une des maisons de cet ordre, qu’on devrait s’empresser de rétablir. Ainsi soit-il.
AIR : Chantons lætamini.
Un Carme à ses ouailles,
Tous gens d’un goût suspect,
Disait : Corbleu ! canailles,
Vos péchés sont infects.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Ô Bulgares ! vous êtes
Atteints et convaincus
De faire des cornettes
Et jamais des cocus !
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Vous tombez dans le schisme,
Et c’est, en vérité,
Prendre le paganisme
Par le vilain côté.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Du ciel vos goûts étranges
Font votre exclusion ;
Vous perdriez les anges
De réputation.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Avec vous fille sage,
Perdant ainsi son droit,
Fait de son pucelage
Une bague à son doigt.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Qui ne juge, aux harangues
Des Saphos de nos jours,
Que ces mauvaises langues
Font la guerre aux amours.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Quand vous fuyez ces dames,
Seul que ne puis-je, hélas !
Suffire à tant de femmes ?
Je ne vous dirais pas :
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Si des feux de Gomorrhe
Rien ne peut vous sauver,
Qu’en moi Dieu voie encore
Un homme à conserver
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
P. -J. de BÉRANGER.
AIR : de Laujon. Je vous prêterai mon manchon.
Zoé, de votre sœur cadette
Que voulez-vous entre deux draps ?
Que sans chemise je me mette ?
Fi ! ma sœur, vous n’y pensez pas.
Mais à vos fins vous voilà parvenue,
Et vous baisez ma gorge nue.
Vous me tiraillez,
Vous me chatouillez.
M’émoustillez ;
Mais au fond ce n’est rien,
Je le sens bien ;
Mais au fond ce n’est rien.
Pour vous en prendre à notre sexe,
Avez-vous mis l’autre aux abois ?
C’est peu que votre main me vexe,
Vous usez pour vous de mes doigts :
La tête aux pieds la voilà qui se couche,
Ciel ! où mettez-vous votre bouche ?
Ah ! pour une sœur,
Quelle noirceur !
Quelle douceur !
Mais au fond ce n’est rien,
Je le sens bien ;
Mais au fond ce n’est rien.
Rougirions-nous, je le demande,
Si nos amants pouvaient nous voir ?
Pourtant il faut que je vous rende
Le plaisir que je viens d’avoir.
Je m’enhardis : car jamais, je ne sache,
Je n’ai baisé d’homme à moustache.
Ah ! nous jouissons,
Et des garçons
Nous nous passons.
Mais au fond ce n’est rien,
Je le sens bien ;
Mais au fond ce n’est rien.
Ne croyez pas que je contracte
Ce goût déjà trop répandu :
C’est bon pour amuser l’entracte
Quand le grand acteur est rendu.
Ce que je crains, ô sœur trop immodeste !
C’est d’avoir commis un inceste :
Peut-être est-ce un cas
Dont nos prélats
Ne parlent pas :
Car au fond ce n’est rien,
Je le sens bien ;
Car au fond ce n’est rien.
P. -J. de BÉRANGER.
AIR du Gros Thomas.
Tant que je vivrai,
De la jeune et fraîche Javotte
Je me souviendrai.
Son enseigne était la Galiotte.
Pour vendre mieux son vin,
Par un regard divin
Elle enivrait chaque pratique
Qui venait garnir sa boutique.
Ah ! comme on tirait
Chez ell’ du vin clairet !
Autant de buveurs,
Autant d’amants pour la marchande ;
Mais de ses faveurs
Aucun n’avait eu la plus grande.
On pouvait bien oser
Lui prendre un doux baiser
Et même redoubler la dose
En lui prenant… quelqu’autre chose…
Ah ! etc.
Quand j’eus remarqué
Que Javotte, par aventure,
Avait reluqué
Mon pied, ma taille et ma figure,
Je me dis : Sa vertu
C’est autant de… fichu.
Vous allez voir, par mon histoire,
Ce qu’un soir je fis, après boire…
Ah ! etc.
Or, un certain soir,
Et Javotte n’était pas brave,
Il faisait bien noir
Pour descendre seule à la cave.
— Tout seuls dans la maison,
Lui dis-je avec raison,
Je puis vous servir à merveille
Pour mettre une pièce en bouteille…
Ah ! etc.
Entrés au caveau,
Je presse sa taille élancée,
Et vers le tonneau
Tout doucement je l’ai poussée…
Mon cœur va soupirant…
Ma main va s’égarant…
Sur le tonneau je la renverse…
J’étais prêt à tout mettre en perce !
Ah ! etc.
Vin nouveau, vin vieux,
Ne jaillit pas sans qu’on y touche.
Du jus précieux
Déjà l’eau me vient à la bouche ;
Mon foret est placé,
Je pousse… j’ai percé…
Mais Javotte a perdu la boule
Et je sens que la liqueur coule…
Ah ! etc.
Quels moments charmants
J’ai passés avec ma Javotte !
En dépit du temps
Son souvenir me ravigote !
Souvent, entre deux draps,
Rêvant à ses appas,
Et d’une voix entrecoupée,
Je me dis, la main occupée :
Ah ! comme on tirait
Chez ell’ du vin clairet !
E. DE PRADEL.
Un jour le père Boniface
Sur le carême allait prêcher ;
Par hasard, auprès de lui passe
Guillot, qui venait de pêcher.
Le villageois offre au bon père
Une anguille, excellent morceau ;
Quoique près de monter en chaire,
Le moine accepte le cadeau.
Excité par la gourmandise,
Boniface n’a pas songé
Que tout le monde est à l’église ;
Du poisson il reste chargé :
— Où diable mettre cette anguille ?…
Mais je trouve un moyen fort bon !
Et sous son ample souquenille
Il l’attache avec un cordon.
Il se montre enfin dans la chaire,
Croyant le poisson bien caché ;
Il parle, il prend un ton sévère,
Dont tout l’auditoire est touché.
Bientôt l’anguille frétillante,
Qu’il n’avait pu bien enlacer,
Agite sa robe mouvante
Et donne beaucoup à penser.
D’abord les mamans sont surprises ;
Les fillettes baissent les yeux ;
On rit ; le moine est dans les crises,
Mais voyant l’objet scandaleux,
Il relève sa houppelande
Et leur fait ainsi la leçon :
— Vous croyez que c’est de la viande !
Non, mesdames, c’est du poisson.
E. DE PRADEL.
Vous êtes si jolie !
Laissez-moi
Vous regarder, Julie,
Sans effroi ;
Vos regards, que j’appelle,
Sont si doux !
Je vous aime, cruelle,
M’aimez-vous ?
Vos cheveux, que je presse,
Sont si longs !
Vos bras, que je caresse,
Sont si ronds !
Et vos petits doigts roses,
Entre nous,
Promettent tant de choses…
M’aimez-vous ?
Col blanc, taille mignonne,
Que d’appas !
Vous devez être bonne,
N’est-ce pas ?
Laissez tomber ces voiles
Si jaloux…
Ciel ! je vois les étoiles !
M’aimez-vous ?
Ce beau sein sur ma bouche,
Qu’il est pur !
Ce bouton que je touche,
Qu’il est dur !
Ah ! laissez-moi descendre
Au-dessous ;
Laissez-moi vous surprendre…
M’aimez-vous ?
Richesses inconnues,
Je vous vois !
Vos beautés toutes nues
Sont à moi !
Poussons, poussons, ma mie,
Les verrous ;
Je souffle la bougie.
M’aimez-vous ?
Aidez-moi, ma petite…
C’est cela…
Plus doucement… plus vite…
Halte-là !…
Au diable soit… courage…
La vertu !…
Ah ah ! déjà ! je nage…
M’aimes-tu ?
NADAUD.
AIR : Ça va bon train.
Ma fille, avant d’céder ta rose,
Retiens bien ce précepte-là :
Les devoirs que l’on nous impose,
C’est du caca.
Pourtant il faut qu’on se soumette
Aux lois d’un monde impertinent ;
Mais l’plaisir qu’on goûte en cachette,
C’est du nanan.
En amour, si tu vas trop vite,
Rappelle-toi qu’il t’en cuira.
Un’ jouissanc ‘qui finit tout d’suite,
C’est du caca.
Fi des voluptés ordinaires
Qui ne durent qu’un p’tit instant ;
Mais les gentils préliminaires,
C’est du nanan.
Si plus d’un gringalet t’lutine,
Crois-en ta mèr’ qui l’éprouva,
Prendre un amant de maigre échine,
C’est du caca.
Pinc’-moi plutôt un d’ces grands drôles
Qui crèvent, de tempérament,
Larges des reins et des épaules
C’est du nanan.
Peut-être, échauffé de bourgogne,
Ton monsieur te maltraitera,
Car parfois un amant nous cogne ;
C’est du caca.
Se voir battre à propos de botte,
J’conviens qu’ça n’est guère amusant,
Mais aussi quand y vous mijotte,
C’est du nanan.
À des pouilleux si tu t’accroches,
Ma chère fille, il t’en cuira ;
Car l’amour sans vaissell’ de poches,
C’est du caca.
Arrang’-toi plutôt, vaill’ que vaille,
Avec un ân’ cousu d’argent,
Car les pièc’s blanch’s et la mitraille
C’est du nanan.
Un rimailleur qui vous dorlote
De chansonnette, et cætera,
Vous fait barboter dans la crotte,
C’est du caca.
Mais parlez-moi d’ces vieux bobosses
Qui, sans façon, vous font présent
D’une guimbarde et de deux rosses…
C’est du nanan.
Dis aux escroqueurs de Cythère,
Qui n’offriraient rien pour fair’ ça,
En donnant du balai, ma chère :
C’est du caca.
Mais avec ceux que la victoire
A trahis, fais-le gratuit’ment :
Rendre service aux fils de la gloire,
C’est du nanan.
Ne t’marie, afin d’paraître sage,
Que quand la vieilless’ te viendra ;
Car s’enchaîner dans son jeune âge,
C’est du caca.
Mais quand tu s’ras dans ton ménage,
Faut pas pour ça t’priver d’amant,
Car les accrocs faits au mariage,
C’est du nanan.
E. DEBRAUX.
AIR du Passe-partout.
Ma pauvre enfant, aux discours de ton père
Prête l’oreille encor quelques instants.
Tu vas bientôt m’planter là, comm’ ta mère.
Puisque tu vas atteindre tes quinze ans.
Des gringalets déjà l’essaim s’prépare
À te pousser quelque botte en secret :
Pour conserver c’te fleur qui d’vient si rare.
Ma Lisa (bis), tiens bien ton bonnet !
Tu trouveras quelquefois sur ta route,
Un va-nu-pieds, bien rond et bien carré,
Qui pouss’ toujours, sans que rien le déroute,
Jusqu’à c’qu’au centr’ sa main ait pénétré.
Il est si gros, et toi t’es si mignonne,
Qu’son p’tit doigt seul, j’en suis sûr, t’effraierait :
Tout ce qu’il touch ‘s’élargit, se chiffonne…
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
Il en est un de plus mince encolure,
Petit mais fort et bien ferme des reins,
Qui, quoiqu’il n’ait ni talent ni figure,
Sur c’qui lui plaît aime à fourrer ses mains.
P’tit comme il est, c’est roide comme un cierge :
Dans l’plus p’tit trou ça gliss’ comme un furet :
Et près de lui si tu veux rester vierge,
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
J’en vois quéqu’z’uns qu’ont les manières gentilles,
De la jeunesse et de la vivacité :
Ces garçons-là ça tourn’ la tête aux filles,
Mais presque tous ils ont le cœur gâté.
Sur leur discours crois-moi, tir’ la ficelle :
Dans c’siècle-ci, plus d’un mauvais sujet
Change en gratt’-cul la rose la plus belle.
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
Ce grenadier de notre vieille garde,
Qui te poursuit de son œil plein de feu,
Est un malin, et si tu n’y prends garde
Il pourra bien t’effeuiller un p’tit peu,
Ce gaillard-là me paraît fort ingambe,
Et si tu l’laiss’s m’ner au cabaret,
Il te donn’ra quéqu’ jours un croc en jambe.
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
Ce p’tit auteur qui pinc’ la chansonnette
Voudrait aussi te faire les beaux bras :
Tout en chantant ta blanche collerette,
J’l’ai vu fourrer sa main un peu plus bas.
De l’écouter ne fais pas la bêtise :
Prends ça sur toi, vois-tu, ça t’maigrirait…
Ces auteurs-là, c’est gueux comm’ rat d’église !
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
Choisis un vieux qu’ait d’la vaissell’ de poche.
Tu vas r’clamer pour ton tempérament ;
Mais, vois-tu bien, sans trop fair’ de bamboche,
Tu peux avoir encore un autre amant.
Si celui-là fait danser ta mitraille,
Tâch’ d’amasser quelques sous en secret ;
Et si tu n’veux pas mourir sur la paille,
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet !
EM. DEBRAUX.
Écoutez l’étrange aventure
De deux amants infortunés,
Par l’impérieuse nature
À d’amers plaisirs entraînés.
Aussi, parents au front austère,
Pourquoi, pour ne rien empêcher,
Forcer tous les cœurs à se taire
Et les amours à se cacher ?
Il est, au fond d’un bois propice,
Un temple modeste et secret
Que le parfum du sacrifice
Révèle au pèlerin discret :
Là, sous des berceaux de lavande,
Vient chaque jour quelque mortel
Déposer une obscure offrande
Qui fume et se perd sous l’autel.
Là, déroulant avec mystère
Un papier qu’elle ne lit pas,
La beauté chaste et solitaire
Dévoile un moment ses appas ;
Elle en sort confuse et légère,
Elle en sort pour y revenir,
Et jamais, princesse ou bergère,
Sans y laisser un souvenir.
C’est là, par un beau soir d’automne,
Que la jeune et tendre Zila
Conduit son amant, qui s’étonne
Que l’amour les attende là.
— Ô ma Zila ! dit l’heureux Jule,
Il est donc arrivé ce jour,
Ce jour que la pudeur recule
Sans jamais fatiguer l’amour !
Il dit et, d’une main agile,
Dénouant rubans et lacets,
Sur le siège étroit et fragile
Jette Zila qui rougissait.
Quelque temps la vierge troublée
Se débat sous sa mâle ardeur.
Tout à coup, la planche ébranlée
Crie et cède… avec la pudeur.
Ils tombent… les amours folâtres
Agitent encor leurs flambeaux,
Comme ces feux opiniâtres
Qui s’irritent au sein des eaux.
Déjà fier d’une double attaque,
Jule oubliait l’affreux séjour…
Lorsqu’en grondant un corps opaque
Vient obscurcir l’air et le jour.
— Oh ! qui que vous soyez ! s’écrie
Zila, qui pressent le danger,
N’achevez pas, je vous en prie,
N’achevez pas, noble étranger !
L’étranger faiblement riposte
Et, saisi d’un effroi mortel,
Se lève, emportant l’holocauste
Qui se balançait sur l’autel.
Cependant on accourt, on entre
En traînant un câble bruyant :
Le câble plonge au fond de l’antre,
Se tend et remonte en criant.
Jule en sort : l’assemblée entière
Fuit. Aux regards du jour vengeur
Zila comparut la dernière :
On ne voyait plus sa rougeur…
Émile DESCHAMPS.
Air : Contentons-nous d’une simple bouteille.
Mes chers amis, respectons la décence…
Ce mot lui seul vaut presque une chanson ;
Sans équivoque, et surtout sans licence,
Je vais parler de l’amant de Lison :
Le drôle, un jour, d’un ton fait pour séduire,
Lui détaillait des lubriques horreurs.
Ce qu’il disait je pourrais vous le dire,
Mais je me tais, par respect pour les mœurs.
Sachez que Lise est une fille honnête,
Qui se choqua d’un pareil impromptu :
Mais au vaurien ne vient-il pas en tête
De pénétrer le fond de sa vertu !
Sein ferme et blanc ne saurait lui suffire,
Déjà deux doigts sont en besogne ailleurs.
Ce qu’ils y font, je pourrais vous le dire.
Mais je me tais, par respect pour les mœurs.
Au bord du lit, sur le nez il la pousse,
Et bravement l’attaque par le dos ;
Lise, indignée en sentant qu’il la trousse,
Sans doute alors se livrait aux sanglots.
Dans son cœur tendre aussitôt ce satyre
Enfonce, enfonce… un long suket de pleurs…
Ce que c’était je pourrais vous le dire,
Mais je me tais, par respect pour les mœurs.
Longtemps encor, Lison, dans sa posture,
À tour de reins se débat vivement.
On me dira que c’était par luxure ;
C’est par vertu, moi j’en fais le serment.
Or, pour six mois, sa vertu sut réduire
Le scélérat à pleurer ses erreurs.
Ce qu’il gagna, je pourrais vous le dire,
Mais je me tais, par respect pour les mœurs.
BÉRANGER.
AIR : Je veux être un chien.
Maman, je souffre à l’endroit
Où décemment je mets le doigt !
Vite, il faut qu’on me déshabille !
Moi qui tiens si fort à l’honneur,
M’arriverait-il un malheur !
Ah ! fiche ! ah ! chien !
Non, je n’y conçois rien,
Mais j’accouche, foi d’honnête fille.
Pourtant je ne grossissais pas ;
Je n’avais qu’un peu plus d’appas,
Ça complétait ma pacotille.
La vertu m’avait réussi.
Dieu !… l’accoucheur est-il ici ?
Ah ! fiche, etc.
Cela me vint-il en dormant
Ou par l’effet d’un sentiment ?
Car moi, c’est par là que je brille.
Serait-ce mon baron perclus !
Bon !… s’il avait ce qu’il n’a plus…
Ah ! fiche, etc.
N’est-ce pas un soir que, fort tard,
Sur ma porte, un galant hussard
En passant me trouva gentille ?
Il n’a tenté qu’un faible essai…
J’étais retroussée, il est vrai.
Ah ! fiche, etc.
Ce n’est pas mon Italien ;
Il m’a prouvé son goût trop bien :
Il n’aura jamais de famille.
À sa guise il était reçu…
M’a-t-il trompée à son insu ?
Ah ! fiche, etc.
Vivez donc de privations !
Prenez donc des précautions !
Sans la sauce mangez l’anguille !
Beau moyen et bien éprouvé :
J’en suis pour un enfant trouvé.
Ah ! fiche ! ah ! chien !
Non, je n’y conçois rien,
Mais j’accouche, foi d’honnêt’ fille.
BÉRANGER.
AIR : La boulangère.
Marraine, qui nous instruisez
Dès l’moment où nous sommes
Rien qu’à l’tenir vous qui prisez
L’cœur de messieurs les hommes,
J’suis en âge d’avoir un amant ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Comment,
Comment qu’y faut qu’je l’prenne ?
J’vois deux morveux qui m’font la cour
Se frotter à ma jupe ;
L’un a l’nez long, l’autre a l’nez court,
Et c’est là c’qui m’occupe ;
Ces deux morveux sont bien tournés ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce au nez,
Au nez qu’y faut qu’je l’prenne ?
L’un est roux, dur et sournois,
Tout frais v’nu d’sa province,
Qui n’me fait rien qu’en tapinois,
Qui m’chatouille et qui m’pince ;
Dur comme il est, c’est un homm’ sûr ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le dur,
Le dur qu’y faut que j’prenne ?
L’autre est brun, bien dru, bien droit,
Plein d’esprit et d’bravoure ;
Ôtez-lui la main d’un endroit,
Dans un autre il la fourre ;
Dru comme il est, j’aurais d’son cru.
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le dru,
Le dru qu’y faut que j’prenne ?
L’un n’est pas plus haut que cela,
Mais il n’lui faut pas d’aide ;
Quand je l’tiens dans ces cinq doigts-là ;
Jarni, comme il est raide !
Tout p’tit qu’il est, ça m’divertit ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce le petit,
Le p’tit qu’y faut que j’prenne ?
L’autre est si gros que je n’crois point
Que par ma porte il passe ;
Mais rien n’lui sied comm’ l’embonpoint,
Car jamais y n’se lasse ;
Gros comme il est, ça n’a pas d’os ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le gros,
Le gros qu’y faut que j’prenne ?
Le choix vous semble embarrassant,
J’en juge à vot’ silence ;
Vot’ filleule a l’cœur innocent !
C’est c’qui fait qu’elle’ balance.
Pour n’pas fair’ de choix hasardeux,
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’ les deux,
Les deux qu’y faut que j’prenne ?
BÉRANGER
AIR : Tu n’auras pas, petit polisson.
Petit bossu, noir et tortu,
Qui me bécottes
Et fripes mes cottes,
Petit bossu, noir et tortu,
De me baiser finiras-tu ?
C’est le plus laid des sapajous ;
Mais ses trésors point ne tarissent,
Et ses doigts crochus m’éblouissent,
Tant ils sont chargés de bijoux
Petit bossu, etc.
Ma taille devrait le gêner ;
Je suis grande, il en sera dupe,
Ma foi, s’il se perd sous ma jupe,
Nous le ferons tambouriner.
Petit bossu, etc.
Mais entre ses dents le furet
A pris le bas de ma chemise,
Sur le bord du lit il m’a mise
Et grimpe sur un tabouret.
Petit bossu, etc.
Il me promet force cadeaux,
À son nez pourtant je le raille
Et ris de voir sur la muraille
La silhouette de son dos.
Petit bossu, etc.
En dépit de ses madrigaux,
Je ressemble, je l’imagine,
À ces beaux vases de la Chine
Qui pour couvercle ont des magots.
Petit bossu, etc.
Quelle est ma surprise aujourd’hui !
Dans ce nain je trouve un Hercule.
Faut-il qu’il soit si ridicule
D’avoir du plaisir avec lui !
Petit bossu, etc.
Quoi, dix fois ! Ah ! l’on s’en défend.
Peste ! il est bien temps que j’y pense.
Qu’il pourrait à sa ressemblance
Me faire un singe pour enfant.
Petit bossu, noir et tortu,
Qui me bécottes
Et fripes mes cottes,
Petit bossu, noir et tortu,
De me baiser, finiras-tu ?
BÉRANGER.
Air de l’Angélus.
Sans richesse, sans bien, sans or,
À peine aux portes de la vie,
Rose possédait un trésor
À mille amants faisant envie.
Qu’il soit pauvre, avare ou brutal,
Un père au moins donne à sa fille
Pour en jouir, soit bien, soit mal,
Un petit bijou de famille.
Ce petit bijou tant prôné
Était le simple coquillage
Auquel les savants ont donné
Le joli nom de pucelage.
Rose avec grand soin le cachait
Et donnait un soufflet au drille
Dont la main par trop s’approchait
Du petit bijou de famille.
Sur ses écus osant compter,
Un jour un vieux naturaliste,
Espérant sur tous l’emporter,
Des amants vint grossir la liste.
Mais Rose lui dit, sans émoi :
« Pauvre homme qui portez béquille,
Que feriez-vous, dites-le moi,
Du petit bijou de famille ? »
Mais par malheur, un certain soir,
De Jean pour entendre la flûte,
Sur le gazon voulant s’asseoir,
La pauvre enfant fit une chute.
Dans son œil d’amour enflammé,
D’où vient cette larme qui brille ?
Hélas ! elle a tout abîmé
Le petit bijou de famille.
« Quoi ! tu vas pleurer pour si peu !
Dit alors l’amant à la belle,
Rassure-toi, ma chère, on peut
Réparer cette bagatelle. »
Mais le gaillard a si mal fait
Ce qu’il nommait une vétille
Qu’hélas ! il fendit tout à fait
Le petit bijou de famille.
Avec quelques mots de latin,
Si Jean désire qu’on les dise,
Un pasteur, le fait est certain,
Pourra réparer la sottise.
Mais en vain pour le décider,
Après Jean court la pauvre fille ;
Jean ne veut pas raccommoder
Le petit bijou de famille.
« Ah ! dit Rose, depuis ce jour,
À chacune de ses compagnes,
Vois mon sort, et crains que l’amour
Ne t’atteigne dans nos campagnes.
Ferme l’oreille à ses chansons,
Et surtout, fillette gentille,
Ne prête jamais aux garçons,
Ton petit bijou de famille »
E. DEBRAUX.
AIR de la Grisette.
Une coquine, connaissant
Mon faible pour la gourmandise,
Conçut le projet innocent
De me vendre sa marchandise ;
Fais, me dit-elle, un doux effort,
Viens avec moi, fleur des bons drilles,
D’une huître qui te plaira fort
Je vais te montrer les coquilles.
Arrivés dans certain endroit,
La belle, toujours-douce et bonne,
Me désigne du bout du doigt
La place de l’huître mignonne
Soudain, je me dis : Qu’est cela ?
Quelle quantité de broutilles !
L’huître à coup sûr doit être là,
Et je ne vois pas les coquilles.
Hélas ! on change quelquefois,
Me répond la maligne Alice ;
Mon cher, à cette place, autrefois,
Autant que ma main était lisse,
J’y vis pousser, en grandissant
Une mousse des plus gentilles
Puis la mousse en épaississant
Finit par cacher les coquilles
Sous les taillis qui les couvraient,
La recherche fut prompte à faire,
Par malheur elles se trouvaient
Closes d’hermétique manière.
Mais pour un amateur adroit,
Ce ne sont là que des vétilles :
Rien que la chaleur de mon doigt
Fit entrebâiller les coquilles.
Sans y réfléchir, j’enfonçai
Ce pauvre doigt jusqu’à la garde,
Aussi comme je fus pincé !
De l’être ainsi que Dieu vous garde.
Et ce doigt, grâce au cotillon,
Quoique ferme encor sur ses quilles,
Portera toujours le sillon
Du mal que m’ont fait les coquilles.
Malgré ce mal qu’il ressentit,
Messieurs, l’auteur ici publie
Que rien n’excite l’appétit
Comme une huître fraîche et jolie.
Mais une huître ayant quelquefois
Aux gourmands fait porter béquilles,
Ayons soin de garnir nos doigts
Pour les fourrer dans les coquilles.
E. DEBRAUX.
AIR du vaudeville du Comte Ory.
M’inviter
À chanter,
Que le ciel m’en garde !
J’ai bien une chanson… mais
Elle est trop gaillarde ;
C’est…
Halte-là,
Car déjà
Rougit la voisine ;
Cela ne se dit pas, mais
Cela se devine.
Paix !!
Je connais
De fort près,
La comtesse Aglaure :
Grand pied, grande bouche, mais
Le plus grand encore
C’est…
Halte-là, etc.
Sœur Nonnic,
En public,
Est, dit-on, bégueule ;
Savez-vous ce qu’il lui plaît,
Sitôt qu’elle est seule ?
C’est…
Halte-là, etc.
À Saint-Roch,
Sous un froc,
J’entendis Julie,
Qui disait : Las ! je n’ai fait
Qu’un péché dans ma vie…
C’est…
Halte-là, etc.
C’est Alain,
Mon cousin,
Qui en est la cause ;
Mais dire ce qu’il m’a fait,
Mon père, je n’ose.
C’est…
Halte-là, etc.
Ce cafard
M’a pris par
Son air doux et tendre :
Mais je n’avouerai jamais
Ce qu’il m’a fait prendre :
C’est…
Halte-là, etc.
J’en rougis,
Mais j’y pris
Goût comme lui-même ;
Et surtout ce qui m’a fait
Un plaisir extrême
C’est…
Halte-là, etc.
Quoi, ma sœur,
Ce trompeur
Vous le laissiez faire ?
— Mon père, je ne l’ai fait
Que pour savoir ce que c’est…
Halte-là, etc.
C’est ainsi
Qu’a fini
La nonne jolie ;
Mais le meilleur, c’est qu’elle est
De la compagnie…
C’est…
Halte-là, etc.
Puisqu’enfin
Mon refrain
Ici se termine
Savez-vous ce qu’il faudrait
Faire à sa voisine ?
C’est…
Halte-là,
Car déjà
L’on est en colère ;
Cela ne se dit pas, mais
Cela peut se faire.
Paix !!
SCRIBE
AIR : De l’incognito.
Je veux ici du petit cousin Jacques
Vous retracer le portrait trait pour trait :
Il vint au monde en un beau jour de Pâques,
Le nez au vent et la jambe en arrêt.
Dès qu’il passa par un certain ovale,
À l’instant même à sa mère on cria :
Soyez tranquille, allez c’est bien un mâle.
Dieux ! quelle tête il a !
Quand de latin, pour se bourrer la tête
D’un magister il vint garnir les bancs,
Le petit Jacques, à plus d’une fillette,
Sans se gêner, poussait des arguments :
Mais voyez donc, disait son matamore,
Malgré les coups de ce martinet-là,
Le petit gueux, il se roidit encore.
Dieux ! quelle tête il a !
À quatorze ans, de la gentille Adèle
Le p’tit coquin chiffonna le mouchoir,
Et sans façon, sur l’herbette nouvelle,
Il lui montra son beau petit savoir.
Ah ! jarni Dieu ! s’écria la d’moiselle,
Après avoir connu ce vaurien-là,
L’diable m’emporte si j’pass’ pour une pucelle,
Dieux ! quelle tête il a !
Pour enfoncer dans les cœurs sa doctrine,
Il se donnait un si fort mouvement
Que chaque époux d’une aimable cousine,
La premièr’ nuit disait en murmurant :
Mes raisonn’ments sont trop courts pour madame,
Et je conçois le pourquoi de cela :
Ce chien de Jacques a fréquenté ma femme.
Dieux ! quelle tête il a !
De son village oubliant la simplesse,
Le p’tit coquin vint s’faire voir à la cour ;
Et la marquis’, la baronne, la comtesse,
Entre ses bras répétaient chaque jour :
De la nobless’ quoique l’esprit soit large,
Les arguments de ce petit gueux-là
Dans notre esprit ne laissent pas de marge.
Dieux ! quelle tête il a !
Mais le plus fort, c’est qu’une pauvre veuve,
Veuve, dit-on, de tout un régiment,
De son talent voulant faire une épreuve,
Sur un fauteuil disait en tremblotant :
J’en ai tant vu de mainte et mainte espèce,
Qu’j’ne sens plus rien ; mais avec c’gaillard-là
J’éprouve un certain je n’sais qu’est-ce.
Dieux ! quelle tête il a !
E. DEBRAUX.
AIR : De temps en temps.
Sur le boul’vard, offrant ses charmes,
La jeune et sensible Fanchon
Disait, en essuyant ses larmes,
Avec le coin d’un vieux torchon :
Puisqu’enfin il faut que je perde
Tout espoir d’un meilleur destin,
Au métier, ma foi, je dis merde ;
Je ne veux plus être catin.
D’amour quand ils sentaient la rage,
De Dieu les très chastes époux,
Avec l’argent du mariage,
Venaient se marier chez nous.
Depuis que pour doter leur tête,
De nos preux on prit le butin,
Il leur faut des femmes honnêtes ;
Je ne veux plus être catin.
Les jeunes soldats de la garde,
Quand ils me trouvaient à leur gré,
Me régalaient à la hussarde ;
Ils ont fait place à l’émigré.
De ce dernier, qui toujours pleure,
Il faut, pour rallumer le teint,
Gesticuler pendant une heure :
Je ne veux plus être catin.
Dans ce siècle, fille novice
Est si rare, hélas ! qu’il faudrait
Aller la chercher en nourrice,
Encor gare aux frères de lait.
La plus chétive demoiselle
Le dimanche fait la catin ;
Puisque chaque femme s’en mêle.
Je ne veux plus être putain.
Eh ! quoi, depuis qu’à ces cosaques.
Par bonté j’ai prêté la main,
Onze fois du faubourg Saint-Jacques
On m’a fait prendre le chemin.
La femme honnête la plus folle,
Aujourd’hui, le fait est certain,
N’a plus que six fois la vérole ;
Je ne veux plus être catin.
Comme j’avais la renommée
D’avoir le dos et les reins forts,
Les trois quarts de la grande armée
M’ont deux fois passé sur le corps ;
Mais les preux qu’on réorganise
Vont, ainsi que saint Augustin,
Quitter les brocards pour l’église ;
Je ne veux plus être catin.
Comme sur les marches du trône
Jadis nous avions des parents,
On nous protégeait même au prône :
Ah ! que les temps sont différents !
Des chambres, une loi frivole
Va, dit-on, peut-être demain,
Défendre qu’une putain vole,
Je ne veux plus être catin.
E. DEBRAUX.
On rencontre partout Augustine à son bras ;
Il lui fait cent cadeaux, ce financier si riche :
A-t-il encore autant d’ardeur que de ducats ?
— Pour ma part, répartit un de nos avocats,
Je ne sais s’il la fout ; mais je sais qu’il l’affiche !
Épiphane SIDRED.
Mélie a fini d’être sage
Et s’en mord les doigts maintenant.
Des taches d’un bleu chagrinant
Marbrent sa nuque et son corsage.
Ses compagnes d’apprentissage
Hochent la tête en la menant
Près un herboriste éminent,
Oracle attiré du passage.
Et la nigaude d’exposer
Un vallon noir, des sommets roses,
Où l’autre pour herboriser
Trouve un parterre d’ecchymoses,
Livides fleurs d’alcôve écloses
Sous la ventouse d’un baiser.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
C’est toi, philosophe d’Athènes,
Que je veux prendre pour patron ;
Toi, masturbateur Diogènes,
Dont la main ferme était ton c…
Quand il te vit, cet Alexandre,
De la Victoire ce fouteur,
Thèbes ne serait point en cendre
S’il s’était fait masturbateur.
A.
L’hercule juif dans son délire
Sur la motte de Dalila
De sa force perdit l’empire
Quand son poil tondu s’envola.
Loin de foutre une Philistine,
Quand de décharger il brûlait,
S’il eût branlé sa sainte p…e,
Il eût gardé le saint toupet.
A.
De Saint-Preux, dans sa solitude,
Rousseau composa le roman ;
Mais, par une douce habitude,
Il l’écrivait en se br. nlant.
C’est en pensant à sa Julie,
Par son v.. en rut dans ses mains,
Que son foutre, avec son génie,
Passait dans ses écrits divins.
Philosophe heureux par lui-même,
C’est là qu’il se foutait des rangs,
Du vain orgueil du diadème,
Du vil esclave et des tyrans,
Là, par la masturbomanie
Conquérant l’immortalité,
Des plus beaux fruits de son génie
Il dota la postérité.
Seul dans son tranquille ermitage,
Il oubliait, en déchargeant,
Et la calomnie et l’outrage
Des ennemis de son talent.
Tel Mirabeau loin de Sophie
Ne goûtait d’autre volupté
Que par la masturbomanie,
Au temps de sa captivité.
A. [9]
Dans la vitrine où l’œil jette un regard oblique,
Apollon et Vénus prêtent leurs nudités
À des enlacements d’appareils brevetés.
Ils servent, dieux captifs, d’enseigne à la boutique.
Un bandage inguinal à pelote élastique
Étreint Cypris la blonde et masque ses beautés.
L’acier flexible et fort, en contours éhontés,
Suit amoureusement la courbe hypogastrique.
Sur la gorge et les flancs divins je vois encor,
Bannissant la chlamyde et la ceinture d’or,
Les ressorts médaillés à Paris, Vienne et Londres.
Ô crime ! — Et cependant Éros, confus et las,
Levant un lourd faisceau de sondes en ses bras,
Semble implorer le ciel pour l’homme qui s’effondra.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Le c.l
D’Omphale
Vaincu
S’affale.
— Sens-tu
Mon phalle
Aigu ?
— Quel mâle !…
Le chien
Me crève !…
Quel rêve !…
… Tiens bien !
Hercule
L’en…le.
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Madame
Thisbé
Se pâme :
— Bébé !
Pyrame
Courbé
L’entame :
— Hébé !
La belle
Dit : « Oui ! »
Puis elle
Jouit
Tout comme
Son homme.
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Dieux ! qu’il a l’air farouche et qu’il fait mal à voir !
Écumant et meurtri comme un loup pris au piège,
En ses flancs déchirés grince un fer de rasoir.
Qui l’abreuve ? Chopart[10]. Et qui se nourrit ? Mège[11].
Eux cependant, blottis au fond du suspensoir
Dont le souple réseau les berce et les protège,
Pareils à deux oiseaux frileux, fuyant la neige,
Ils reposent, et rien n’émeut leur nonchaloir.
Ne rappellent-ils pas, tant leur retraite est douce,
Acis et Galatée endormis sur la mousse
Dans la grotte qui vit leurs amours ; et sur eux,
La main crispée au sol, le Cyclope hideux,
Penchant son œil unique, où la rage impuissante
Lentement fait couler une larme brûlante ?
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Tes mains introduiront mon beau membre asinin
Dans le sacré bordel ouvert entre tes cuisses,
Et je veux l’avouer, en dépit d’Avinain,
Que me fait ton amour, pourvu que tu jouisses ?
Ma bouche à tes seins blancs comme de petits suisses
Fera l’honneur abject des suçons sans venin.
De ma mentule mâle en ton c. n féminin
Le sperme tombera comme l’or dans les sluices[12].
Ô ma tendre putain ! tes fesses ont vaincu
De tous les fruits pulpeux le savoureux mystère,
L’humble rotondité sans sexe de la terre,
La lune, chaque mois, si vaine de son cul,
Et de tes yeux jaillit, même quand tu les voiles,
Cette obscure clarté qui tombe les étoiles[13].
L’ABBÉ DE THÉLÈME.
Dans les nuits sans sommeil l’amour vous a blêmie
Et vos chairs ont perdu leur tonus, ô ma sœur !
Maintenant il vous faut confier au masseur
Les trésors alanguis de votre anatomie.
Ointes d’une huile ambrée, effort de la chimie,
Ses mains, en qui la force égale la douceur,
Pressent le grand dorsal, malaxent l’extenseur.
Pour des combats nouveaux vous voilà raffermie.
Jadis votre docteur, plein de calme aujourd’hui,
Massait fougueusement sur des lits de pervenches…
Il opère à présent pour le compte d’autrui.
Tel, plongeant ses bras nus au sein des pâtes blanches,
Le geindre[14] enfariné, dévêtu jusqu’aux hanches
Pétrit des petits pains — qui ne sont pas pour lui.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Louise, vous avez l’âge,
L’âge divin et clément
Où l’on perd son pucelage
Dans les bras d’un jeune amant.
Quelle fille du village
Nous pourrait en ce moment
Montrer le frais attelage
De ton sein doux et charmant ?
Trousse tes jupes, ma fille,
Ouvre ton c.l à l’amour :
Tu vois bien que je godille…
Tes doigts d’aurore et de jour,
Encore imbibés de sperme,
Valent-ils ma p..e ferme ?
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Lasse d’errer sur les sommets vertigineux,
En qui, de loin, notre œil croit découvrir les nœuds
Colossaux des Titans échoués dans les nues,
Lasse des chants sacrés et des psaumes divins,
Parfois la Muse, folle et prise entre deux vins,
Tape sur ses fesses charnues.
« Lamartine m’embête à l’égard de Ponsard !
Il m’assomme ! et je veux encourir le hasard
D’un amour plus vulgaire et plus drôle ! » fait-elle.
Alors, vers la chambre où Pothey, doux et rêveur,
Burine, elle descend et dit : « Simple graveur,
Veux-tu baiser une immortelle ? »
« Moi, je veux bien », répond avec simplicité
Le mortel chevelu chez Dinochau cité,
« Retrousse-toi, ma vieille, et les jeunes minettes,
Chères aux clitoris parisiens, naîtront…
Mais avant de poser tes baisers sur mon front,
Permets que j’ôte mes lunettes. »
Pothey n’est pas joli, mais il est si cochon !
Il dit avec tant d’âme et de cœur : « Mon bichon ! »
Aux drôlesses qu’on voit rôder aux brasseries ;
Mais ses discours, toujours composés avec soin,
Éclipsent si bien ceux que lâche Glais-Bizoin,
Sous l’éclat de leurs broderies ;
Mais ses cheveux crépus, tellement insensés,
Que sur un cul de brune on les croirait poussés,
Le dérobent si bien sous leur noire broussaille
Que la Muse peut fort, Messaline des cieux,
Sentir en contemplant ce graveur vicieux,
Son c. n céleste qui tressaille !
C’est pour cela qu’on voit parfois, chez Dinochau,
Pothey, l’œil vif et clair comme un feu de réchaud :
De là vient sa beauté, de là vient qu’on s’explique
Comment ce Franc-Comtois, blanc et rose de peau,
Arbore au boulevard, à son petit chapeau,
Un brin du laurier symbolique !
A. GLATIGNY.
Sous les rideaux discrets, au fond du vieil hospice,
Les sylphes du Midi[15], chantés par Fracastor[16],
Donnent à leurs amants qui sommeillent encor
Des baisers dont la trace est une cicatrice.
La rougissante Acné, l’agaçante Eczéma,
Chéloïs au front pur, Syphilis au cœur tendre,
Purpura, Sycosis, Éphélis, Ecthyma
Sur la peau des mortels préférés vont s’étendre.
Le jour luit. Une horde envahit les dortoirs,
Portant tabliers blancs avec paletots noirs :
Ce sont les ennemis des virus et des lymphes.
Ils vont et devant eux marche le professeur,
Comme un faune jaloux qui s’avance, grondeur,
Pour troubler vos ébats amoureux, belles nymphes.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Comment ! c’est toi, belle Margot !
— Mais oui, m’sieu Paul, et j’m’épouvante.
Quel malheur pour un’ pauv’ servante !
Mais quoi qu’j’ai donc bien dans l’jabot ?
Pourvu qu’ça s’rait pas quéqu’ pierrot !
Ça m’porte au cœur, ça m’grouille dans l’vente !
Pas comm’ vous, moi, j’suis pas savante.
P’t-êt’ ben qu’vous m’en direz l’fin mot.
— Là donc ! Baisse encore ta chemise ! »
Complaisamment l’oreille est mise
Sur deux seins plus durs qu’inhumains ;
Et dans des gestes téméraires,
L’étudiant à pleines mains
Palpe ses premiers honoraires.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Marquis de Rambuteau, j’aime ces labyrinthes
Dont ta main paternelle a semé nos trottoirs.
Leur front lumineux porte au sein des brouillards noirs
Le nom de Bodegas[17] et des Eucalypsinthes[18].
Leurs murs sont diaprés du faîte jusqu’aux plinthes
D’avis offerts gratis à d’amers désespoirs ;
Et c’est pourquoi j’entends, le long des réservoirs,
Dans le gazouillement des eaux, monter des plaintes.
Ô l’anxieux regard du malade éperdu
Quand il franchit ton seuil, temple du copahu !
Moi, j’en sors souriant, car j’eus des mœurs austères.
Mes organes sont purs comme ceux des agneaux.
L’âge les rend peut-être un peu moins génitaux.
Mais ils sont demeurés largement urinaires.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Lorsque tu cesseras, Pauline, d’assouvir
Sur ce vieux corps, usé comme un vieil Elzévir,
Tes sales instincts de lapine,
Alors, bandant mon arc sous un autre balcon,
Je ne daignerai plus vers le but de ton c…
Lancer la flèche de ma p…
Je te verrai, dans tes spasmes vertigineux,
Dédaignée, en horreur aux boucs libidineux,
Jaune comme un joueur à Bade,
Poursuivant les Saphos à l’œil cave, au teint noir,
Ivre de fricarelle, et ne pouvant avoir
L’attouchement d’une tribade.
Et je te laisserai, de ton doigt polisson,
Sous les soleils mordants, te branler de façon,
Gomorrhe, à dépasser ton culte,
Et sans qu’un chien lascif consente à te sucer,
Sur ta matrice au sperme inactif exercer
La masturbation occulte ?
Anonyme.
Il est une heure dans l’année
Où tout ce qui vit veut jouir,
Où la vierge et la graminée
Ressentent le même désir.
La Nature entière se pâme
Sous un baiser mystérieux
Et se mouille, comme une femme,
Sous le v.. du plus beau des dieux.
Tout s’ouvre : le bouton des roses,
Et celui des femmes aussi ;
Et l’on peut se gaver de choses
Charmantes — sans dire merci.
Les chênes des forêts ombreuses
Lancent leurs glands sur les chemins
Où les rustiques amoureuses
Les ramassent à pleines mains.
Les ramiers et les tourterelles
Se becquètent avec fureur
Devant les jeunes demoiselles
Qui les suivent d’un œil rêveur.
L’air est plein d’odeurs spermatiques
Qui font bander les plus usés
Et font sortir de leurs boutiques
Les bourgeois les plus empesés.
Les uns vont au bordel. Les autres
Grimpent les femmes des voisins,
Et, de Priape heureux apôtres,
Vendangent leurs divins raisins.
Le roi fout la reine — ou son page.
Le vieillard fout sa bonne — un peu..
Darthenay fout Adèle Page,
Et le pauvre fout… ce qu’il peut !…
Les marbres de nos Tuileries
Eux-mêmes se sentent atteints
Par toutes ces galanteries
Que nous débitons aux putains.
On voit sous les feuilles de vignes
Que leur impose la pudeur
S’agiter de gros membres dignes
D’admiration — ou d’horreur.
Les capotes mélancoliques
Qui pendent chez Monsieur Millan
S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,
Et déchargent en se gonflant.
— Ah ! la belle heure, quand j’y pense !
On mettrait une flotte à flot
Avec le foutre qu’on dépense
Tant que résonne son grelot !
Alfred DELVAU.
Allez, enfants de mon génie,
Allez, suivez votre destin ;
Mais en passant, je vous en prie,
Annoncez-moi chez le voisin.
(Rimes gauloises.)
Neuf mois juste après le dernier épithalame,
Il naquit, pesant trois kilos exactement,
Et dès lors, chaque jour, par un allaitement
Méthodique, il s’accrut d’un nombre entier de grammes.
Existence rivée aux chiffres, aux programmes,
Il contrôla des poids pour le Gouvernement,
Quand il avait du vague à l’âme, — rarement —
Il lisait les Tarifs douaniers, ces dictâmes !
Son repas lui coûta toujours trente-deux sous.
Sobre avec les buveurs, correct avec les fous,
Il ne connut jamais les débauches exquises ;
Mais subissant l’attrait fatal des numéros,
Tous les samedis soir il allait aux plus gros
À prix fixe acheter des caresses précises.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
« Casse-poitrine appellantur. »
(Professeur TARDIEU.)
Courbé sous le fardeau de son désir difforme,
Sinistre, l’œil au guet, plus craintif que le faon,
Le soir il va le long des berges. — C’est Alphand
Qui, sur les bords déserts, a fait verdoyer l’orme.
Là rôde encor cet être hybride dont la forme
A des rondeurs de femme et des maigreurs d’enfant ;
Dont le col découvert et le veston bouffant
Trahissent un organe infundibuliforme.
Ils se sont devinés et rejoints. Le danger
Les harcelant, ils vont — couple affreux — héberger
Sous la voûte aux trous noirs leur rut démoniaque.
Enfin l’homme, assouvi, sort d’un pas vacillant
Et fuit, rasant les murs, grisé d’ammoniaque,
Son ambre, à lui, son musc et son ylang-ylang[20].
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Voici une pièce avouée de Théophile Gautier. (Poésies complètes. — Paris, Charpentier, 1876, in-12, tome II, 339. pp. On lit sur la page en regard du titre : Il a été tiré quinze exemplaires semblables à celui-ci. Il est interdit de les mettre dans le commerce.) Elle est célèbre et fort belle. Gautier s’y montre tel qu’il était, un grand artiste amant de la Beauté. Ce poème eût été digne de Goethe, mais Gautier seul pouvait l’écrire. On dit que Gautier aurait pu être, si la vie ne l’avait contraint à des travaux misérables et absorbants, un Goethe français. Leurs noms se ressemblent. Il n’y a pas de pièces dans toutes les littératures du monde où l’art plastique, la nudité souveraine, aient été chantés avec un lyrisme plus pur, plus noble, plus parfait. La pièce dont je parle et que j’admire au delà de toute expression, faisait partie des Émaux et Camées, et fut retirée par l’auteur. Elle porte un titre napolitain : Musée secret.
Des déesses et des mortelles,
Quand ils font voir les charmes nus,
Les sculpteurs grecs plument les ailes
De la colombe de Vénus.
Sous leur ciseau s’envole et tombe
Le doux manteau qui la revêt,
Et sur son nid froid la colombe
Tremble sans plume et sans duvet.
Ô grands païens, je vous pardonne !
Les Grecs enlevant au contour
Le fin coton que Dieu lui donne
Ôtaient son mystère à l’amour ;
Mais nos peintres tondant leurs toiles
Comme des marbres de Paros
Fauchent sur les beaux corps sans voiles
Le gazon où s’assied Éros.
À la fin du XIXe siècle, les sculpteurs et les peintres sont moins prudes. Non qu’ils aient tous du talent ; mais ils peignent ou sculptent souvent des nudités toisonnées. On m’a dit cependant que les jeunes peintres n’étaient plus sensuels et que nous allions avoir une peinture où les belles formes humaines et la représentation des beautés féminines, qui parlent aux sens des gens sains et bien constitués, n’allaient plus pour un temps entrer en ligne de compte pour les artistes qui ne prisent plus que la technique de leur art et les effets soit du coloris, soit de la composition ; mais la beauté, chers enfants, n’est-elle point comme de la plastique, de la lumière, de la lumière ?
Pourtant jamais beauté chrétienne
N’a fait à son trésor caché
Une visite athénienne,
La lampe en main, comme Psyché.
Au soleil tirant sans vergogne
Le drap de la blonde qui dort, ‘
Comme Philippe de Bourgogne,
Vous trouveriez la Toison d’Or ;
Et la brune est toujours certaine
D’amener au bout de son doigt,
Pour le diable de La Fontaine,
Le cheveu que rien ne rend droit.
Cette allusion au diable de Papefiguière est piquante. D’autre part, Théophile Gautier a bien raison de parler ici de la brune, car il est des blondes, surtout en Hollande, qui sont moins frisées. Voici la suite qui est une admirable évocation de tableaux célèbres :
Aussi, j’aime tes courtisanes
Et tes nymphes, ô Titien,
Roi des tons chauds et diaphanes,
Soleil du ciel vénitien.
Sous une courtine pourprée
Elles étalent bravement,
Dans sa pâleur mate et dorée,
Un corps superbe où rien ne ment.
Une touffe d’ambre soyeuse
Veloute, sur leur flanc poli,
Cette envergure harmonieuse
Que trace l’aine avec son pli.
Et l’on voit sous leurs doigts d’ivoire,
Naïf détail que nous aimons,
Germer la mousse blonde ou noire
Dont Cypris tapisse ses monts.
À Naple ouvrant ses cuisses rondes,
Sur un autel d’or, Danaé
Laisse du ciel, en larmes blondes,
Pleuvoir Jupiter monnayé.
Et la Tribune de Florence
Au cant choqué montre Vénus
Baignant avec indifférence,
Dans son manchon, ses doigts menus.
Puis, quand il quitte l’Art italien, si lyriquement célébré, Gautier évoque ses souvenirs pour chanter la nature, et ces seize vers sont un des plus beaux et des plus nobles poèmes qui soient.
Maître, ma gondole à Venise
Berçait un corps digne de toi
Avec un flanc superbe où frise
De quoi faire un ordre de roi.
Pour rendre sa bonté complète,
Laisse-moi faire, ô grand vieillard,
Changeant mon luth pour ta palette,
Une transposition d’art.
Oh ! comme dans la rouge alcôve,
Sur la blancheur de ce beau corps,
J’aime à voir cette tache fauve
Prendre le ton bruni des ors
Et rappeler, ainsi posée,
L’Amour sur sa mère endormi,
Ombrant de sa tête frisée
Le beau sein qu’il cache à demi.
Image charmante ! Je n’en connais pas de plus délicate.
Dans une soie ondée et rousse,
Le fruit d’amour y rit aux yeux,
Comme une pêche sur la mousse
D’un paradis mystérieux.
Pomme authentique d’Hespéride,
Or crespelé, riche toison,
Qu’aurait voulu cueillir Alcide
Et qui ferait voguer Jason !
Sur ta laine annelée et fine
Que l’art toujours voulut raser,
Ô douce barbe féminine,
Reçois mon vers comme un baiser,
Car il faut des oublis antiques
Et des pudeurs d’un temps châtré
Venger dans des strophes plastiques,
Grande Vénus, ton mont sacré.
Cette pièce païenne de Théophile Gautier mérite d’être connue de tous ceux qui aiment les beaux vers. Si j’avais un enfant et que ce fût un garçon, je les lui ferais apprendre plutôt que toutes les fausses tristesses de Musset qui gâtent le goût et ne signifient pas grand’chose.
Nombril, je t’aime, astre du ventre,
Œil blanc dans le marbre sculpté,
Et que l’Amour a mis au centre
Du sanctuaire où seul il entre,
Comme un cachet de volupté.
Théophile GAUTIER.
Les petites blanchisseuses
Que l’on voit, chaque lundi,
Aux pratiques paresseuses
Porter le linge à midi,
Bien qu’elles fassent paraître
Des semblants de chasteté,
Ne me font pas l’effet d’être
Des vases de pureté.
Leurs cheveux qui s’ébouriffent
Sollicitent l’attentat :
Ne craignez pas qu’elles griffent…
Une fille est un combat.
Elles ont des airs de sainte
Et des cris dans un coup d’œil,
Avec leur bonnet de linge
Et leur robe de cerfeuil.
Sur la hanche qui supporte
Un panier exagéré,
Leur jambe se fait plus forte,
Leur pied se fait moins cambré.
Jusqu’au coude, mainte essence
Rougit leur pauvre bras nu,
Mais plus haut le blanc commence
Et dès lors ne finit plus.
Pour un faux col qu’on oublie,
Elles se baissent… Bientôt,
Sous la robe qui se plie,
La main se glisse très haut…
Et pour peu que, d’un air tendre,
On dirige un doigt savant,
On les voit se laisser prendre
Le derrière et le devant.
Dire que ces jolis diables
Ont, — lâchons un trait hardi ! —
Quinze à vingt courses semblables
À faire chaque lundi !
Charles MONSELET.
Près d’un « objet charmant »,
Lorsque l’amour m’appelle,
Avant de voir la belle
Je passe chez Millant[21].
Là, du petit au grand,
Flotte une ribambelle
De rubans qu’avec zèle
Il gonfle en y soufflant.
Enfin ! j’ai ma mesure !
Au sein de la luxure,
Vite allons nous plonger.
Caché dans la baudruche,
Je veux, comme l’autruche,
Ne plus croire au danger.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
L’amoureuse de Mallarmé
Est une fille aux belles hanches ;
Elle a besoin d’un mâle armé,
L’amoureuse de Mallarmé.
En vain pour lui je m’alarmai :
Elle n’avait pas de fleurs blanches.
L’amoureuse de Mallarmé
Est une fille aux belles hanches
A. GLATIGNY.
Vers destinés à son portrait.
On me nomme le petit chat ;
Modernes petites-maîtresses,
J’unis à vos délicatesses
La force d’un jeune pacha.
La douceur de la voûte bleue
Est concentrée en mon regard ;
Si vous voulez me voir hagard,
Lectrices, mordez-moi la queue !
Charles BAUDELAIRE.
En faisant l’ascension de la rue Montagne-de-la-Cour à Bruxelles.
Ces mollets sur ces pieds montés,
Qui vont sous ces cottes peu blanches,
Ressemblent à des troncs plantés
Dans des planches.
Les seins des moindres femmelettes
Ici pèsent plusieurs quintaux,
Et leurs membres sont des poteaux
Qui donnent le goût des squelettes.
Il ne me suffit pas qu’un sein soit gros et doux ;
Il le faut un peu ferme, — ou je tourne casaque.
Car, sacré nom de Dieu ! je ne suis pas cosaque,
Pour me soûler avec du suif et du saindoux.
Charles BAUDELAIRE.
CHARLES BAUDELAIRE
Catinette, en quelque aventure
S’étant éraillé le satin,
Va consulter un beau matin.
On la hisse. Elle est en posture.
Un tube d’étroite ouverture
Dans un pâle reflet d’étain
Guide le regard incertain
Au sein de sa riche nature.
Voilà le bobo découvert.
À nous la flamme, à nous le fer !
Mais — ô faiblesse de la bête ! —
Son cautère à peine soufflé,
L’opérateur, courbant la tête,
Adore ce qu’il a brûlé.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Je ne veux pas savoir le nombre d’hématies[22]
Que la chlorose avare a laissées dans ton sang.
Je ne veux pas compter sur ton front languissant
Les pétales restés à tes roses transies.
Pauvre enfant ! le nerf vague[23] aux mille fantaisies
Donne seul à ton cœur son rythme bondissant ;
Seul il rougit parfois ton visage innocent
De l’éclat sans chaleur des pudeurs cramoisies.
Pour le dompter veux-tu connaître un moyen sûr ?
N’épuise plus en vain les sources martiales[24],
Mais laisse-toi conduire aux choses nuptiales.
Au soleil de l’amour ouvre tes yeux d’azur,
Suis la loi, deviens femme, et qu’en ton sein expire
Dans les blancheurs du lait la pâleur de la cire.
(Les Sonnets du Docteur, 1884.)
Chute des reins, chute du rêve enfantin d’être sage,
Fesses, trône adoré de l’impudeur,
Fesses, dont la blancheur divinise encore la rondeur,
Triomphe de la chair mieux que celui par le visage !
Seins, double mont d’azur et de lait aux deux cimes brunes,
Commandant quel vallon et quel bois sacré !
Seins, dont les bouts charmants sont un fruit vivant, savouré
Par la langue et la bouche ivres de ces bonnes fortunes !
Fesses et leur ravin mignard d’ombre rose un peu sombre
Où rode le désir devenu fou,
Chers oreillers, coussin au pli profond pour la face ou
Le sexe, et frais repos des mains après ces tours sans nombre !
Seins, fin régal des mains qu’ils gorgent de délices,
Seins lourds, puissants, un brin fiers et moqueurs,
Dandinés, balancés, et, se sentant forts et vainqueurs,
Vers nos prosternements comme regardant en coulisse !
Fesses, les grandes sœurs des seins vraiment, mais plus nature,
Plus bonhomme, mais sourieuse aussi,
Mais sans malices trop et qui s’abstiennent du souci.
De dominer, étant belles pour toute dictature !
Mais quoi, vous quatre, bons tyrans, despotes doux et justes,
Vous impériales et vous princiers,
Qui courbez le vulgaire et sacrez vos initiés,
Gloire et louanges à vous, Seins très saints, Fesses très augustes !
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Oui, ce sont des regards de femme
Que cherche son regard brûlant,
Elle a soif de l’ardeur infâme
Qu’une autre sait mettre en son flanc…
Les yeux hagards, le trouble à l’âme,
La langue aux lèvres se collant,
Chacune tour à tour se pâme,
Se tord et retombe en râlant.
Bientôt leur tendresse lascive,
Comme une chaîne qui les rive,
Dresse dans l’ombre leurs tombeaux ;
Et sur la pierre, quand arrive
Le soir à la marche craintive,
Pleurent les filles de Lesbos.
Albert SEMIANE.
Cherchant, pour mettre sa chemise,
Du logis le plus sombre endroit,
La belle, comme une cerise,
Rougit de ce qu’elle aperçoit.
Elle a mis sur sa joue exquise,
Pour s’échapper, un voile étroit,
Car rien qu’un baiser de la brise
L’effleurant la remplit d’effroi.
Un regard lui semble un blasphème,
Et l’enfant s’ignore elle-même,
Fière de sa virginité.
Car elle a pour celui qu’elle aime
Voulu garder, touchant emblème,
Tous les secrets de sa beauté.
Albert SEMIANE.
Je suis celle qui branle ! Au détour des sentiers
Où raccrochent les bras aigus des églantiers,
Dans les bois amoureux de Meudon et de Sèvres,
Quand la p… et le cœur vont demander aux lèvres
Les baisers, fils du ciel, qui charment nos ennuis,
Moi, j’attends les michés au passage. Je suis
Petite, j’ai douze ans, et mes doigts sont alertes.
Je suis celle qui branle ! Entre les plus expertes
De celles dont les doigts vont des c……. es au gland,
Se promener d’un pas rapide et nonchalant,
On me cite, et les dieux m’ont donné les mains douces
Par qui le temps n’est plus de ces rudes secousses[25]
Qui mettaient tant de fiel dans l’âme de Ponsard.
Comme des papillons, mes doigts vont au hasard
Des v.. s énamourés que le soleil relève.
Ô mystère ! l’un est recourbé comme un glaive ;
L’autre est droit ; un troisième est gros et rond. Autour
De plus d’un j’ai pu voir toute une basse-cour
De morpions grouiller, qui, bêtes innocentes
Bombaient leur dos velu sous mes mains caressantes.
Je suis celle qui branle ! Et cependant parfois,
Quand je vois, comme au temps où la sève des bois
Monte et bouillonne et perle à la pointe des branches,
Jaillir des nœuds pressés le foutre en larmes blanches,
Je songe que l’un d’eux, marqué du sceau fatal,
Pénétrera demain dans mon c.. virginal !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Je veux vous adorer ainsi qu’une déesse,
Et quand le ciel mettra son manteau brun du soir,
J’élèverai vers vous, ô blonde enchanteresse !
Ma p.. e, comme un encensoir !
Et je ferai sortir, en blanchissante écume,
Le foutre parfumé de ce rude flacon,
Et je transvaserai cette liqueur qui fume
Dans le vase de votre c.. ;
Votre c…, si barbu qu’un sapeur de la garde,
En voyant sa toison, est devenu jaloux,
Ô madame ! j’en veux faire le corps de garde
Où campe mon v.. en courroux !
J’y veux fourrer mon nez, j’y veux plonger ma langue,
Et noyé dans cette ombre, alors, j’irai cherchant
Tous les mots inconnus de la molle harangue
Que l’on fait en gamahuchant !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Elles sont prudes et faciles ;
Toutes ces îles
Tremblaient d’amour quand vous passiez,
Forts officiers !
Leur costume étonne les rues
De couleurs crues,
Dont l’œil entend distinctement
Le grincement.
L’élégance où leur goût s’égare
Est la bagarre
Des hardes prises à tâtons
Dans tous les tons.
Leur chapeau dit à leur bottine :
« Es-tu crétine ! »
Et leur robe à leur mantelet
Donne un soufflet.
Leur luxe effréné se régale
De chrysocale
Et de dentelles en coton ;
Broche au menton,
Brillants dont leur front se surcharge,
Bague si large
Que le doigt disparaît dessous ;
Total : cent sous !
Cette race est volontiers laide ;
Son harnais l’aide,
Mais il pourrait être charmant
Impunément.
Je prendrais ailleurs ma future ;
C’est leur nature
D’être vieilles comme le Temps,
Avant vingt ans.
Leur long corps se tient — veuve ou vierge,
Droit comme un cierge,
Et ce sont toutes des garçons
Par leurs façons,
Par toute la raideur saxonne
De leur personne ;
Par leur marche de fantassin,
Et par leur sein.
Leur tête est un peu moins farouche,
À part la bouche,
Que retroussent de longues dents.
— Et le dedans !
Si tu trouves sur ton passage
Un doux visage
Qui te fasse hâter le pas,
Ne l’ouvre pas !
Le banc de Cancale est tout proche
Et leur reproche
D’avoir osé se détacher
De son rocher.
Oh ! nos chères Parisiennes
Que l’art fait siennes
Si vite, et qui donnent le la
Au falbala !
En qui se touchent les extrêmes,
Rubans, poèmes !
Faiseuses de la mode et sœurs
Des grands penseurs !
Bonnes aux rêves comme aux fièvres,
Et dont les lèvres,
Si bien faites pour le baiser,
Savent causer !
Coupes où toutes nos ivresses
Boivent ! Maîtresses
Qui, quand les sens sont endormis,
Sont des amis !
Gai babil ! raison exemplaire !
C’est pour leur plaire
Que nous cherchons dans nos cerveaux
Des vers nouveaux.
Mais là-bas, quand le remords presse,
Notre paresse
Nous dit : À l’œuvre ! l’ennui
Répond : pour qui ?
On n’en voit pas une qui vaille
Que l’on travaille.
Que peut inspirer à des gens
Intelligents
Une île qui, pour auditoire
Et pour victoire,
Vous propose un manche à balai
Mal habillé ?
Merci ! — Donc, on bâille, on s’énerve ;
Adieu la verve…
Le front ne se sent plus saisir
Du grand désir.
On s’abrutit sur cette rive ;
On en arrive
À regarder, de temps en temps,
Les habitants.
Bientôt, à force d’être ensemble,
On leur ressemble ;
On se dit que, si ça durait,
On leur plairait…
Il vous vient des oreilles d’ânes,
Et Dieu me damne !
Si je n’ai pas été trouvé
Bien élevé !
J’allais, grave, digne, grotesque,
M’en voulant presque
D’avoir nommé Racine un pieu.
Ô ciel ! pour peu
Que l’on m’eût fait ces destinées
Trois cents années,
J’aurais fini par supporter
Un chœur d’Esther !
Car qui fait ou défait notre âme,
Sinon la femme ?
Elle est tout dans notre sillon,
Pluie ou rayon.
Tout homme, quand la femme pleure,
Est bon sur l’heure ;
Tout homme, quand la femme rit,
A de l’esprit.
Femme ! aimant ! ce qui nous attire,
Jusqu’au martyre,
C’est de voir luire en nos chemins
Tes blanches mains.
Tu fais l’enfant et tu fais l’homme !
Le joli môme
Et le grand homme aux fiers défis
Sont tes deux fils.
C’est par l’astre que les marées
Sont aspirées ;
Les cœurs des hommes sous tes yeux
Vont vers les cieux.
Auguste VACQUERIE.
Ô blonde, cependant que vous éclaboussiez
Les bourgeoises avec l’éclat de votre grâce,
Jeune, et pourtant aux bras du plus vieux des huissiers
Moisis dans une étude où suinte la crasse ;
Pendant que vos cheveux secouaient ces aciers
Vivants, dont le reflet excitant embarrasse
Le regard curieux des fous extasiés
Qui, malgré votre époux, devinent votre race,
Saviez-vous qu’à l’écart, seul et vous contemplant,
Admirant votre bras superbe et nonchalant,
Qui posait sur le bord fané de votre loge,
Un poète lyrique aux ardeurs d’étalon,
Ivre et ne sachant mieux formuler votre éloge,
Silencieusement mouillait son pantalon ?
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Petitessarts, poète encore imberbe,
Qui s’en allait par veaux, à tout hasard,
Fier, promenant sa candide superbe
Loin des regards doctorals de Nisard,
Rasait un jour un pauvre camarade,
En lui lisant un poème insensé,
Où le bon sens, par tous les vents poussé,
Comme un canot qui court loin de la rade,
Roulait, sans fin, de bâbord à tribord.
« Vierge, dit-il, aux beaux seins d’amarante… »
— « Ah ! nom de Dieu ! fit l’ami, c’est trop fort !
Et l’hyperbole est vraiment écœurante !
L’amarante est une couleur sombre. Où
L’as-tu pu voir jusqu’au rose descendre ?
Cher ébéniste aux tétons d’acajou,
Sois donc complet, et si tu n’es pas fou,
Réclame vite un cul en palissandre ! »
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Puisqu’aujourd’hui c’est un autre
Qui se vautre
Sur ton corps, ô Rosita !
Puisqu’à présent un autre entre
Dans cet autre
Où ma p.ne s’abrita,
Bon voyage ! va, ma fille !
On s’habille
De gaze dans les boxons,
Et mieux que mille paroles.
Les véroles
Donnent de rudes leçons.
Te voilà, mon ingénue,
Revenue
À cet épicier ancien
Qui chaque matin te lave
De sa bave…
Dis-moi, te baise-t-il bien ?
Fait-il, ce bourgeois honnête,
Bien minette,
Et le sauras-tu garder ?
A-t-il dans sa vieille queue,
Noire et bleue,
Assez de nerf pour bander ?
Que ce doit être cocasse
Quand il casse
Sa canne à côté de toi,
Et qu’un vieil asthme soulève,
Dans un rêve,
Sa poitrine en désarroi !
Non ! c’est vraiment une honte,
Ce Géronte !
Il est bête comme un pot ;
Je comprends mal que tu puisses,
Dans tes cuisses,
Le recevoir en dépôt.
Quand sur toi, qui fus ma reine,
Il se traîne,
Ce doit être dégoûtant,
Telle sur toi la limace
Se ramasse,
Qui chemine en se frottant.
Comme par le froid saisies,
Deux vessies
Qu’une épingle dégonfla,
Noires comme la peau d’âne,
Que l’on tanne,
En battant des ra fla fla.
Telles ses c.....es putrides,
Dont les rides
Disent qu’elles ont vécu,
Quand il tend son ventre obèse
Et te baise,
Doivent souffleter son c..
Sa p..e est flasque et mollasse,
Froide et lasse
La patience des doigts ;
Quand tu tiens cette aubergine,
J’imagine
Le plaisir que tu lui dois.
Non, pour notre amour passé
Éclipsé,
Tu me verrais moins honteux
Si je te savais un homme
Jeune et comme
N’est pas ce birbe piteux.
Fi ! cette moustache grise
Qui se grise
Du cosmétique à dix sous !
Ce pleutre âgé, ce Jean fesse
Qui s’affaisse
Dans le troisième dessous !…
Ô Rosita ! fais-toi foutre,
D’outre en outre,
Par tous ceux que tu voudras,
Va, raccroche, sois en carte,
Mais écarte
Ce vieux qui pue en tes draps !
Oui ! va-t’en avec les bringues
Des bastringues,
Montre ton c.l au galop ;
Va sucer les passants mornes
Sur les bornes,
Mais plus de ce vieux salop !
Sa place est au cimetière,
Tout entière
Dans son linceul qu’il découd :
C’est une chose qui navre
Qu’un cadavre
Veuille encor tirer son coup !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
L… s est un c.. ! Cette image
Est gracieuse et me ravit,
Mais elle est fausse, et c’est dommage :
Son nez a la forme d’un v.. !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
À Mademoiselle Ida, rue des Arcades-Colbert
Ton c.. suave, ton c.. rose,
Sous une forêt de poils blonds,
Doux, frisés, parfumés et longs,
A l’air d’une lèvre mi-close,
Lèvre excitant les appétits
De ma lèvre très curieuse,
D’où tant de baisers sont partis ;
Une langue mystérieuse
Sort de ce c.. et vient chercher
La mienne pour gamahucher.
Car, ma chère, les imbéciles
Auront beau dire, quand on a
Sur la fille qu’on enc.nna
Fait sonner ses c.....es dociles,
À moins d’être un bourgeois épais
Dont la nuque indécente arbore
Un de ces fabuleux toupets
Aux crins roses comme l’Aurore,
Il faut, quand le champ se va clore,
Déposer le baiser de paix.
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Si j’avais, sous ma mantille,
Cet œil gris de lin,
Et cette svelte cheville
Dans mon svelte brodequin ;
Si j’avais ta morbidesse,
Tes cheveux dorés,
Retombant en double tresse
Jusque sur mes reins cambrés !
Si j’avais, ô ma pensée !
Dans mon corset blanc,
Ta blonde épaule irisée
D’un duvet étincelant !
Et cette charmante chose
Chez Laure ou Ninon,
Sur laquelle l’amour pose
Ses lèvres et pas de nom ;
Enfin, si je semblais faite
Pour donner la loi,
Je serais, ô ma Paulette,
Une coquette
Plus coquette encor que toi !
Je voudrais être une reine
Fière comme un paon,
Dont on aurait grande peine
À baiser le bout du gant.
Je ne serais pas de celles,
Froides à moitié,
Qui d’abord font les cruelles,
Et puis après ont pitié.
Je serais une tigresse
Rebelle aux amours,
Cachant la griffe traîtresse
Dans ma patte de velours !
Je ferais souffrir aux âmes
Mille bons tourments,
Et je vengerais les femmes
De tous leurs fripons d’amants !
Et sans l’éventail qui cache
Deux beaux yeux moqueurs,
Je rirais, sur leur moustache,
De leur flamme et de leurs pleurs !
Et je passerais ma vie
À les désoler ;
Et je serais si jolie
Qu’il leur faudrait bien m’aimer !!
Et puis, si d’aimer l’envie
Un jour me prenait,
Je n’aurais de fantaisie
Que pour celui qui dirait :
Si comme toi j’étais faite
Pour donner la loi,
Je serais une coquette,
Ô ma Paulette,
Plus coquette encor que toi !
Aime-moi donc, ma Paulette,
Ô mon blond trésor !
Aimer un fat, toi, coquette,
Ce sera t’aimer encor !
BARBEY D’AURÉVILLY.
LA MUSE
Poète ! viens à moi. Sous mes voiles sacrés,
Les spasmes dévolus aux femmes hystériques
Dressent les roses bouts de mes tétons nacrés !
C’est l’instant de donner l’essor aux chants lyriques.
Fifre ou guitare, prends ton luth et viens ! Mes bras
Et mes cuisses d’argent, où souvent tu sombras,
S’ouvrent pour t’absorber. Ô poète, je t’aime !
Je veux passer la main dans les rares cheveux
Qui restent sur ton front pur, que Siraudin même
Ne désavouerait pas. Ô mon amant ! je veux
Une nuit folle, ardente, et qui rende jalouse
L’ombre de Cléopâtre ou Madame Collet !
Morpions d’or semés dans la verte pelouse,
Vois-tu les vers luisants ? Plus blanche que du lait,
Ma gorge aux blancs rayons de la lune étincelle,
Et mes yeux sont brillants, et tu sais que j’excelle
En ces combats divins d’où le poète sort
Superbe, radieux et vainqueur de la mort !
LE POÈTE
Ô Muse ! idéale amoureuse,
Va-t’en ! Je ne donne plus dans
Ces ponts vieillis et ces godans !
Ô Muse ! assez de viande creuse
Est venue agacer mes dents !
Assez de gorges symboliques !
Je ne veux plus m’égarer sur
Un c.. fait de vague et d’azur !
Des filles, même aussi publiques
Que tu le voudras, c’est plus sûr !
Et puis, aussi bien, je m’ennuie :
La grue, aux yeux couleur de jais,
Dans laquelle je me plongeais,
Depuis ce matin est enfuie
Et m’a laissé d’autres sujets
De tracas et de rêverie
Que le soin d’arranger des vers.
Je me sens la tête à l’envers,
Muse, et ma cervelle charrie
Un tas d’embêtements divers !
LA MUSE
Oublie auprès de moi cette grue infidèle !
Viens ! nous remonterons aux cieux, d’un grand coup d’aile !
Méprise cette fille indigne de l’amour
D’un cœur que j’ai choisi pour y verser ma flamme ;
Tourne tes yeux ardents vers la clarté du jour ;
Les astres et les bois, les prés, tout nous réclame !
Et si, cœur affolé de tendresse, tu veux
Murmurer à quelqu’un les suaves aveux
Qui volent plus légers et doux qu’une caresse
De la brise aux beaux jours de printemps, fais-les-moi !
Car je dois être et suis ton unique maîtresse.
Arrière cette fille, et chasse loin de toi
Le dernier souvenir qui te peut rester d’elle !
Le dernier souvenir qui te peut rester d’elle !
Qu’elle s’appelle Agathe, Arsène ou bien Adèle,
Puisqu’elle est à présent disparue à jamais,
Il ne faut plus savoir comment tu la nommais !
LE POÈTE
Son nom, je m’en fous ! Ce que je regrette,
C’est les coups tirés avec elle, c’est
Ma p..e dressée ainsi qu’une aigrette,
Lorsque devant moi blanche elle passait ;
Ce sont les baisers bandants de sa bouche,
Sa langue furtive et prompte, accrochant
La mienne au passage, et, d’un bond farouche,
Érectant mon cœur qu’elle allait cherchant ;
Ce sont ses grands yeux noyés, fous d’ivresse,
Si noirs sous les cils, et dont le regard,
Parcourant mon corps comme une caresse,
Faisait délirer mon chibre hagard !
Des femmes parfois, telles qu’une plaine,
Montrent leur poitrine où de froids boutons
Poussent désolés : j’avais la main pleine
Quand je patinais ses fermes tétons.
Elle ne savait guère l’orthographe
Et lisait les vers comme un pur cochon,
Mais quand j’enlevais sa dernière agrafe,
On eût de ses poils pu faire un manchon !
Mais, grue au possible, elle avait, ô Muse !
Pour mon faible cœur, point essentiel !
Elle avait ce que chacun te refuse :
Un cul sérieux, solide et réel !
LA MUSE
Laisse là ces amours d’un jour. Pour le poète
Il n’est qu’une amoureuse aimée et toujours prête :
C’est la Muse ! Le reste est vain ; reviens à moi,
Viens ! Pégase effaré se cabre, blanc d’effroi,
Et nous emportera vers la cime où Laprade
Cause avec le nuage ailé, son camarade.
Dans mes chastes baisers, tu te retremperas.
LE POÈTE
Chastes sont, en effet, tes baisers ; mais tes bras,
Ô Muse ! rentrent trop dans cet ordre de choses
Qui sont, pour les mortels, autant de lettres closes.
Si je bande, je veux, déesse, que ce soit
Pour un être qu’on puisse avoir au bout du doigt.
Ces masturbations d’une espèce nouvelle,
Muse, ne me vont plus.
Je jouis par la queue et non par la cervelle,
Comme aux temps révolus.
Ton c.., je sais, hélas ! comment on le fabrique :
C’est avec les cinq doigts,
Et j’ai pris pour ton corps un traversin lubrique,
La nuit, plus d’une fois.
Aime à plein cœur ceux dont la verge clandestine
N’a rien d’un étalon ;
Va branler ce projet de nœud que Lamartine
Cache en son pantalon.
Pour moi, je veux baiser les filles que l’on baise
Très effectivement,
Car ma p..e raidit, fougueuse et pleine d’aise.
Auprès d’un c.. fumant !
Toi, si tu veux aimer d’un amour platonique,
À l’abri des hasards,
Va secouer les plis de ta blanche tunique
Près de Petitessarts !
C’est un jeune homme sage il ne baise qu’en rêve ;
C’est un Malek-Adel ;
Va le voir ! Moi, je sens ma culotte qui crève…
Et je vais au bordel !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Un rayon de soleil, à travers la croisée,
Est entré brusquement dans la chambre apaisée
Où nous avions baisé toute la nuit. Glissant
Sur le lit, il se vint arrêter, frémissant,
Sur ta cuisse imposante. Au même instant, musique
En tête, un régiment passait, doux, pacifique,
Allant à la manœuvre : un régiment belge. Or
Cet orchestre guerrier et cette barre d’or
Que le soleil laissait, comme un filet de paille,
Zigzaguer de ta fesse énorme à la muraille,
Ma fille ! tout cela m’émut profondément.
Je retrouvai soudain mon courage d’amant ;
Un même désespoir d’amour mit dans nos âmes
Une jumelle ardeur de foutre… et nous baisâmes,
Heureux et confiants, sous la clarté des cieux,
Cependant que montait dans l’éther spacieux,
Où chaque atome vibre, et palpite, et frissonne,
Le refrain cher à Rops, la mâle Brabançonne !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Mignonne, sais-tu qu’on me blâme
De t’aimer comme je le fais ?
On dit que cela sur mon âme
Aura de singuliers effets ;
Que tu n’es pas une duchesse
Et que ton cul fait ta richesse ;
Qu’en ce monde, où rien n’est certain,
On peut affirmer une chose :
C’est que ton c.. vivant et rose
N’est que le c.. d’une putain !
Qu’est-ce que cela peut me foutre ?
Lorsque l’on tient ces vains propos,
Je les méprise et je passe outre,
Alerte, gaillard et dispos !
Je sais que près de toi je bande
Vertement, et je n’appréhende
Aucun malheur, sinon de voir
Entre mes cuisses engourdies,
Sur mes deux c.....es attiédies,
Ma p... flasque et molle choir !
Près de toi comme un matamore,
Mon v.. se dresse, querelleur,
Petite, et je me remémore
Les exploits d’Hercule en sa fleur ;
Lorsque je te vois, ma culotte,
Même les jours où l’on grelotte,
A la bombure d’un tonneau :
Je sens ma p… qui frétille
Avec des mouvements d’anguille
Poursuivant un rêve en pleine eau !
Que m’importe que l’on te baise !
Pourvu que devant toi mon v..
Se tende, rouge comme braise,
Vers ta motte qui le ravit ?
Sur ta poitrine souple et vaste,
Ta gorge s’étale avec faste,
Comme un bloc de marbre insolent,
Et cette gorge ferme, unique,
Glacée, et chaude, communique
Sa royale ampleur à mon gland !
Viens, tu me fais bander quand même !
Après cent coups réitérés,
Je trouve encore du saint-chrême
Dans mes roustons désespérés,
Et crois qu’un nouveau pucelage
M’est revenu, tant j’ai de rage
Et tant je sens, ô Malvina !
De flamme au cœur et dans le ventre,
À cet instant suprême où j’entre
Dans ton c.. plus chaud que l’Etna !
Telle qu’une maîtresse poutre,
Ton corps est solide, et tes yeux
Ressemblent à deux lacs de foutre
Battus par un vent furieux ;
Ton coup de rein puissant m’enlève
Jusques au plafond, et je crève
De mon cul anguleux le ciel
Du lit, qui sur nous deux surplombe,
Et puis, comme un chat, je retombe
Dans ton c.. providentiel !
Je me fous bien qu’une maîtresse
Me soit infidèle, et jamais
Le nœud d’un autre ne caresse
Le cul ou le c.. où je mets
Ma langue éprise d’aventure,
Si cette honnête créature
Me laisse indifférent et froid,
Et fait que ma modeste queue
Ne regarde la voûte bleue
Que sous la pression du doigt !
LE VIDAME BONAVENTURE DE LA BRAGUETTE.
Chantez, chantez encor, rêveurs mélancoliques,
Vos doucereux amours, et vos beautés mystiques
Qui baissent les deux yeux ;
Des paroles du cœur vantez-nous la puissance
Et la virginité des robes d’innocence,
Et les premiers aveux !
Ce qu’il me faut, à moi, c’est un amour qui brûle,
Et comme un dard de feu dans mes veines circule,
Tout rempli d’alcool.
C’est une courtisane enivrée et folâtre,
Dansant autour d’un punch à la flamme bleuâtre
Et buvant à plein bol !
Ce qu’il me faut, à moi, c’est la brutale orgie,
La brune courtisane à la lèvre rougie,
Qui se pâme et se tord ;
Qui s’enlace à vos bras dans sa fougueuse ivresse,
Qui laisse ses cheveux se dérouler en tresse,
Vous étreint et vous mord !
C’est une femme ardente autant qu’une Espagnole,
Dont les transports d’amour rendent la tête folle
Et font craquer le lit ;
C’est une passion forte comme une fièvre,
Une lèvre de feu qui s’attache à ma lèvre
Pendant toute une nuit !
C’est une cuisse blanche à la mienne enlacée
Un regard embrasé d’où jaillit la pensée ;
Ce sont surtout deux seins,
Fruits d’amour arrondis par une main divine,
Qui tous deux à la fois vibrent sur la poitrine,
Qu’on prend à pleines mains !
Eh bien ! venez encor me vanter vos pucelles,
Avec leurs regards froids, avec leurs tailles frêles,
Frêles comme un roseau,
Qui n’osent de leur doigt vous toucher, — ni rien dire,
Qui n’osent regarder et craignent de sourire,
Ne boivent que de l’eau !
Non ! vous ne valez pas, ô tendre jeune fille,
Au teint frais et si pur caché sous la mantille
Et dans le blanc satin,
Non, dames du grand ton, en tout, tant que vous êtes,
Non, vous ne valez pas, femmes dites honnêtes,
Un amour de catin.
Alfred de MUSSET.
Tu n’es pas la plus amoureuse
De celles qui m’ont pris ma chair,
Tu n’es pas la plus savoureuse
De mes femmes de l’autre hiver.
Mais je t’adore tout de même !
D’ailleurs ton corps doux et bénin
A tout, dans son calme suprême,
De si grassement féminin ;
De si voluptueux sans phrase,
Depuis les pieds longtemps baisés,
Jusqu’à ces yeux clairs purs d’extase,
Mais que bien et mieux apaisés ;
Depuis les jambes et les cuisses
Jeunettes sous la jeune peau,
À travers ton odeur d’éclisses
Et d’écrevisses fraîches, beau,
Mignon, discret, doux petit chose,
À peine ombré d’un or fluet,
T’ouvrant en une apothéose
Et mon désir rauque et muet,
Jusqu’aux jolis tétins d’infante,
De miss à peine en puberté,
Jusqu’à ta gorge triomphante
Dans sa gracile vénusté,
Jusqu’à ces épaules luisantes,
Jusqu’à la bouche, jusqu’au front
Naïf aux mines innocentes
Qu’au fond les faits démentiront,
Jusqu’aux cheveux courts bouclés comme
Le cheveu d’un joli garçon,
Mais dont le flot nous charme, en somme,
Parmi leur apprêt sans façon.
En passant par la lente échine
Dodue à plaisir, jusques au
Cul somptueux, blancheur divine,
Rondeurs dignes de ton ciseau,
Mol Canova ! jusques aux cuisses
Qu’il sied de saluer encor,
Jusqu’aux mollets, fermes délices,
Jusqu’aux talons de rose et d’or !
Nos nœuds furent incoercibles ?
Non, mais eurent leur attrait leur,
Nos feux se trouvèrent terribles ?
Non, mais donnèrent leur chaleur,
Quant au point, froide ? Non, pas fraîche
Je dis que notre « sérieux »
Fut surtout, et j’en m’en pourléche,
Une masturbation mieux.
Bien qu’aussi les prévenances
Sussent te préparer sans plus,
Comme l’on dit, d’inconvenances,
Pensionnaire qui me plus.
Et je te garde entre mes femmes
Du regret non sans quelque espoir
De quand peut-être nous aimâmes
Et de sans doute nous revoir.
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Cette nuit-là, mignonne avait l’amour morose…
Ses nénais énervés, languissants, presque mous,
Se livraient sous ma main à d’étranges remous,
Pour ma lèvre effaçant leur double pointe rose,
C’était la fin du mois, et dans son ventre oblong
Un sang lourd distendait le fin réseau des veines,
Car les règles venaient fleurir, en leurs neuvaines,
De clairs coquelicots le blé de son poil blond,
Devançant l’ennemi, je fondis sur la gouge,
Et tandis qu’au vagin turgescent j’étranglais,
Criant : « Tirez premiers, messieurs les Anglais ! »
L’enfant plongea le doigt dans sa vulve, puis, rouge,
Traça sur ma poitrine, ivre d’un tel bonheur,
L’ordre cher aux héros : La Légion d’honneur !
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE[27].
À un petit garçon.
Ton beau corps me plaît plus qu’une âme,
Charmant enfant au cul de lys.
Par derrière je te fais femme ;
Par devant, c’est moi qui le suis !
Jules B...EY d’A......LY.
La Très Chère était appuyée
Au balcon à trèfles pesants,
Regardant passer les passants,
Distraite, et la mine ennuyée.
À pas de loup je m’avançai ;
Sous les neigeuses cascatelles
Des entre-deux et des dentelles,
Une main tendre je glissai !…
Mes doigts plongèrent dans du rose :
S’envola son humeur morose.
Elle bavarda, folle puis
La Très Chère alors devint coite,
Et je retirai ma main moite…
Point ne me suis lavé depuis !
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
Grande putain, ô Muse !
Sur ton bouton rétif
Lamartine s’amuse
À mettre un doigt pensif ;
Victor Hugo te baise
Et fait craquer tes reins
Dans ses bras souverains ;
L’émir Gautier à l’aise
Te fait pomper son dard ;
Banville, rempli d’art,
Fait minette en Hercule
Ô Muse ! — mais à part
Baudelaire t’enc.le.
E. D’H.
Très rousse, aux longs yeux verts damnablement fendus !…
— Je la suivis chez elle, et bientôt, sans chemise,
Sur son lit de bataille elle se trouve mise,
Offrant à mes ardeurs tous les fruits défendus.
Le chignon inondait de sa fauve avalanche
Le torse aux grands prurits de cette Putiphar ;
Le nombril incrustait sa fleur de nénuphar
Aux lobes de son ventre : un gâteau de chair blanche.
Ses tétins étaient d’ambre effilés de carmin
Et tenaient tout entiers dans le creux de ma main.
Elle entr’ouvrit le centre unique où tout converge…
Son poil roux brasillait de flambes me dardant…
— Moïse, c’est à vous, dans ce buisson ardent,
Que je songeais, frappant le doux roc de ma verge !
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
Homme et femme, changeant de ton et de manière,
Le matin occupée et le soir occupé,
George sur le devant, du Devant par derrière,
La d’Agout s’y trompait, et Listz y fut trompé.
Jules JANIN.
Par la superbe George
L’éléphant fut vaincu !
Elle montra sa gorge…
On croyait voir son cu.
Victor HUGO.
Herschell et Leverrier, ces dénicheurs d’étoiles,
Cherchent des astres d’or au sombre azur des soirs ;
Et moi sur ton beau sein, dont j’écarte les voiles,
J’ai, dans un ciel de lait, trouvé deux astres noirs !
Victor HUGO.
Platon disait, à l’heure où le couchant pâlit :
— Dieux du ciel, montrez-moi Vénus sortant de l’onde !
Moi je dis, le cœur plein d’une ardeur plus profonde :
— Madame, montrez-moi Vénus entrant au lit !
Victor HUGO.
Sa langue a fourragé le c.. mol et suspect
L’altière fanfaronne en est déshonorée,
Et bien humble aujourd’hui vous nomme avec respect,
Douce Blennorragie, aimable Gonorrhée !
Son v.. emmailloté comme un crâne de vieux
Sait la torture aiguë, au hasard des latrines,
Alors qu’il faut vider l’urètre pluvieux…
Le bénin Copahu parfume ses urines.
Il connaît la douleur plus cuisante qu’un cor
Des seringues dardant la canule assassine
Et crachant au méat le tanin qui calcine !
Jour et nuit son gland lourd pleure des larmes saintes
Et vertes : on dirait qu’il veut refaire encor
Goutte à goutte, et sans fin, les anciennes absinthes.
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
Ceux qui disent que tes tétons
Flottent au vent comme des vagues,
Suzanne, sont des polissons :
On voit bien que ce sont des blagues…
B.D.C.
J’aime fourrer mon nez au creux de ton aisselle
Et parmi les poils blonds, de ma barbe cousins,
Savourer longuement les trésors qu’il recèle,
La pommette appuyée au velours de tes seins.
Une senteur musquée y flatte ma narine,
Douce comme l’été, l’haleine d’un beau soir,
Dépassant en langueurs le relent de marine
Qui sous ton ventre fume ainsi qu’un encensoir.
Ni le pao-rosa subtil, ni l’églantine
N’ont cette griserie absurde et libertine.
Aisselle, je te voue un culte très ardent.
Ô calice de chair plein de vins exotiques
Qu’on boit avec le nez et déguste, pendant
Que s’emplissent d’amour les canaux spermatiques !
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
— Combien dureront nos amours ?
Dit la pucelle au clair de lune.
L’amoureux répond : Ô ma brune,
Toujours, toujours !
Quand tout sommeille aux alentours,
Hortense, se tortillant d’aise,
Dit qu’elle veut que je la baise
Toujours, toujours.
Moi je dis, pour charmer mes jours
Et le souvenir de mes peines :
Mes c……. es, que n’êtes-vous pleines
Toujours, toujours !
Mais le plus chaste des amours,
Le fouteur le plus intrépide,
Comme un flacon s’use et se vide
Toujours, toujours !
Charles BAUDELAIRE.
Lorsque mon front se baigne en tes souples cheveux
Comme aux flots d’une mer étincelante et noire,
Quand sur tes seins polis et durs mes doigts nerveux
Palpitent comme sur un beau clavier d’ivoire,
Quand de ton œil farouche et tendre, — œil de combat ! —
Me fascine l’éclair que la luxure avive,
Lorsque ta bouche en feu sur ma bouche s’abat,
Quand ma langue se tord sous ton âcre salive,
Quand tes bras tout-puissants s’ouvrent pour me presser
Sur ta gorge qui monte, éblouissante boule,
Où ma raison se noie, où ma tête se roule,
Quand ton genou me brise en l’énervant baiser,
Ou me fait haleter ta caresse suprême.
Tout est oubli pour moi : Dieu, le Diable — et toi-même.
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
Ainsi qu’une capote anglaise
Dans laquelle on a déchargé,
Comme le gland d’un vieux qui baise,
Flotte son téton ravagé.
Vingt couches, autant de véroles
Ont couturé son ventre affreux,
Hideux amas de tripes molles,
Où d’ennui bâille un trou glaireux.
Comme la merde à la moustache
D’un rat qui dîne à Montfaucon,
Le foutre en verts grumeaux s’attache
Aux poils gris qui bordent son c...
Pourtant, on fout cette latrine…
Ne vaudrait-il pas mieux cent fois
Moucher la morve de sa p...
Dans le mouchoir de ses cinq doigts ?
Théophile G.....R.
Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la p...,
Ils s’enc.lent entr’eux !
Que les chiens sont heureux !
Théophile G.....R.
Connin, bijou sans prix finement ciselé,
Un soir, par quelque fée experte et japonaise.
Fleur de vie ou de mort pour l’homme ensorcelé
À ses fraîcheurs d’aurore, à ses feux de fournaise.
Fruit de chair, pulpe exquise et dont l’accent amer
(Ce rappel de l’arôme étonnant où la brise
Pimente son haleine en passant sur la mer)
Vaut tous les poivres-longs sous le duvet qui frise.
Calice aux vins puissants et magiques dont nous
Ne devons approcher qu’en extase, à genoux,
Sans en faire rougir les roseurs d’aubépine.
Car ta langue, elle seule, y doit servir d’amant,
Avec le doigt sans ongle — et mouillé prudemment,
Le c.l n’est-il pas là pour y fourrer sa p... ?
MONSIEUR DE LA BRAGUETTE.
Dieu fit le c.., ogive énorme,
Pour les chrétiens,
Et le cul, plein-cintre difforme,
Pour les païens.
Pour les sétons et les cautères,
Il fit les poix,
Et pour les p..es solitaires,
Il fit les doigts.
Théophile G....ER.
Un v.. sur la place Vendôme,
Gamahuché par l’aquilon,
Décalotte son large dôme
Ayant pour gland… Napoléon !
Veuve de son fouteur, la Gloire,
La nuit dans son c.. souverain
Enfonce — tirage illusoire ! —
Ce grand godemichet d’airain…
Ce n’est point votre sœur, marquise, et vous, comtesse,
Celle qui dans mes sens fait couler le désir ;
Le robuste idéal de mon charnel loisir,
C’est une grosse fille avec de grosses fesses.
Elle a le corps poilu comme aux rudes faunesses
Et des yeux grands ouverts distillant le plaisir.
Mais dans sa belle chair, le meilleur à saisir
C’est son cul souple et dur, si frais sous les caresses ;
Plus frais qu’en juin la source et qu’aux prés le matin,
Quand il vient en levrette avec un jeu mutin
Au ventre s’adapter d’amoureuse manière ;
Et rien alors n’est plus gai pour le chevaucheur
Que de voir, dans un cadre ondoyant de blancheur,
Le joyeux va-et-vient de l’énorme derrière…
A.
Ci-gît ce roi polichinelle,
Imitateur du grand Henry,
Qui prit Decaze pour Sully
Et quelquefois pour Gabrielle.
Attribué à Roger de BEAUVOIR.
Des soins divers, mais superflus,
De Fiévée occupent la vie :
Comme bougre, il tache les cus ;
Comme écrivain, il les essuie.
Anonyme.
C’est l’heure de Vénus favorable aux amants,
Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent ;
Dans l’ombre, on voit déjà les filles qui raccrochent…
Fouteurs, c’est le moment.
Tous les endroits sont bons, mais le cours est plus sombre :
Avançons doucement et n’effarouchons pas
De ces oiseaux de nuit les timides ébats…
Grand Dieu, qu’ils sont en nombre !
Écoutons… ce bosquet ici nous est propice,
Un heureux couple est là qui parle avec chaleur :
Des mots entrecoupés, mais des mots pleins d’ardeur,
Et puis… l’onde qui pisse.
De l’eau le doux murmure à l’amour les invite :
Ils n’ont pas de témoins et le bosquet est noir…
Ah ! calme mes tourments, dit l’amant, dès ce soir,
Sur mes genoux, petite.
La petite sourit et l’embrasse et soupire…
Dans les bras on se serre, on désire ardemment ;
Ah !… ah !… que fait ta main ? — Oh ! finis !… Et l’amant
Va son train… Moi d’en rire.
L’amant du haut en bas vous retrousse la fille,
L’enfile… en des chemins et noirs et tortueux :
C’est bien à vous, mon Dieu, de faire des heureux !
Augmentez la famille.
Mais un quidam survient, qui ne veut passer outre :
« Il m’en faut la moitié, partageons entre nous.
— Eh ! tope (dit la belle écartant les genoux).
À votre tour de foutre. »
Je les laissai tous deux enc. nner cette fille,
Et tandis qu’ils avaient p… en c..…, p… en main :
Ô femme ! je disais, tâche, demain matin,
De laver ta guenille.
Quittons donc ces mortels et laissons-les s’étendre ;
Couvrons-les au besoin de quelque voile épais ;
S’ils se plaisent à foutre, ah ! foutons-leur la paix…
C’est qu’ils ont le cœur tendre.
C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;
Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent
Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent
Fouteurs, c’est le moment
Avisons ce massif, suivons à l’aventure ;
Entendez-vous ? Ici, tout le monde est en rut
Voilà de ton ouvrage, infâme Belzébuth !
L’un prie et l’autre… jure.
— « As-tu fini, cochon ! toujours tu me patines… »
Dit un ange chassieux à son lâche amoureux ;
« Que le diable me branle !… il me le fera mieux ;
Que ne vend-on des p… ?
À peine si la tienne, en b. ndant, foutimasse ;
Tu n’es qu’un fanfaron, tous tes baisers sont secs ?
— « Va te faire p. ner, dit l’amant, par les Grecs,
Dégoûtante carcasse !
J’ai beau limer… Dieu sait ! Je me perds dans ta gaine ;
Ton vagin est bien large et grand comme un boisseau.
— « Bah ! voyez donc monsieur ! il est beau son morceau !…
Allons, vite, rengaine. »
Plus loin on s’entend mieux, et le plaisir essouffle
Deux amants qui, poussant l’un l’autre le croupion,
Sans crainte d’écraser quelque innocent morpion…
Va, putain ! — Va, maroufle !
C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;
Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent.
Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent.
Fouteurs, c’est le moment.
Tantôt c’est la charmille ou bien c’est quelque porte
Craquant sous les efforts de vigoureux fouteurs ;
Les latrines, parfois, trouvent des amateurs,
Malgré leur odeur forte.
Sur l’herbe, en un fossé, même au bord d’une route,
Dom Bougre, dans la fange, attrape et fout partout ;
Mères, maris dupés, vertuchoux ! garde à vous !
Car Dieu veut que l’on foute.
Ô vous, disciples de Paphos ou de Sodome,
De Cythère et Lampsaque, à la nuit parcourez
Les bosquets ombragés, les bois, et vous verrez
Des fouteurs pour fantômes.
Et l’odorat pourra vous guider, vous conduire :
Le chien sent le gibier ; pourquoi les libertins
Ne sentiraient-ils pas de même les putains ?
L’odeur du foutre est pire !
Élevons, élevons un temple au dieu Priape,
Il l’a bien mérité ! — Qu’on crépisse ses murs
Du mortier provenu des désordres impurs
Commis pendant l’agape.
À l’aspect de la nuit, venez, accourez tous,
Fouteurs grands et petits ; foutez, puisque l’on fout.
Et vous, mères, amants, maris trompés, jaloux,
Consolez-vous ensemble et foutez entre vous.
C’est l’heure de Vénus favorable aux amants ;
Voici le crépuscule et la nuit qui s’approchent.
Dans l’ombre on voit courir les filles qui raccrochent
Fouteurs, c’est le moment.
Jules CHOUX.
Venez, mesdames les fouteuses,
Et vous aussi, les curieuses,
Venez voir dans cette maison
L’entrefessier d’un gros chanoine,
Les c.....es du bon Marc-Antoine,
Et de Cléopâtre le c...
On y voit aussi la carcasse,
Toujours toute pleine de crasse,
Du premier-né des morpions :
Cet animal pendant sa vie
Sur la motte d’Iphigénie
Fixa son habitation.
On y voit le bonhomme Ulysse
Se plaignant d’une chaude-pisse
Tombée en l’un de ses couillons :
Ce respectable personnage,
Pendant son pénible voyage,
Portait son v.. dans un chausson.
On y voit après de l’urine
De l’impudique Messaline
Conservée en un vieux flacon,
C’est un remède spécifique :
Pour rendre une femme lubrique,
Il lui faut en frotter le c...
On y voit le fouteur Priape
De son v.. enc.lant le Pape
Pendant la bénédiction.
Amis, voyez-vous le Saint-Père,
Comme il trémousse du derrière
En recevant le goupillon ?
On y voit de plus la calotte
Du v.. du célèbre Aristote,
La nuque du fameux Platon,
Trois poils du c.l de Démosthènes,
Trouvés sous les ruines d’Athènes,
Et du foutre du vieux Jason.
On y voit encor Pénélope,
Dedans la cuisse d’Ésope,
Br.nlant le v.. d’un marmiton ;
Cette impudique créature
Le prend, le met dans sa nature,
En lui pressant les deux c...llons.
On y voit enfin Diogènes,
Le plus grand des fouteurs d’Athènes :
Le bougre, pour passer son temps,
À coups de v.., sur une assiette,
S’amuse à casser la noisette
Qu’il offre gratis au passant.
Anonyme.
Ci-gît qui persista toujours
Dans le jésuitique système,
Et qui ne b.ndait à rebours
Qu’afin de s’enc.ler lui-même.
Attribué à Armand GOUFFÉ.
Reviens sur moi ! Je sens ton amour qui se dresse ;
Viens, j’ouvre mon désir au tien, mon jeune amant.
Là… Tiens… Doucement… Va plus doucement…
Je sens, tout au fond, ta chair qui me presse.
Rythme bien ton ardente caresse
Au gré de mon balancement,
Ô mon âme… Lentement,
Prolongeons l’instant d’ivresse.
Là… Vite ! Plus longtemps !
Je fonds ! Attends.
Oui… Je t’adore…
Va ! Va ! Va !
Encore.
Ha !
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Ô ne blasphème pas, poète, et souviens-toi.
Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise,
Son c.l lui fait honneur, encor qu’un brin obèse,
Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi.
Ce c.l (et les tétons), quel nid à nos caresses !
Je l’embrasse à genoux et lèche son pertuis,
Tandis que mes doigts vont, fouillant dans l’autre puits.
Et les beaux seins, combien cochonnes leurs paresses !
Et puis, il sert, ce c.l, encor, surtout au lit,
Comme adjuvant aux fins de coussin, de sous-ventre,
De ressort à boudin du vrai ventre pour qu’entre
Plus avant l’homme dans la femme qu’il élit ;
J’y délasse mes mains, mes bras aussi, mes jambes,
Mes pieds. Tant de fraîcheur, d’élastique rondeur
M’en font un reposoir désirable où, rôdeur,
Par instants le désir sautille en vœux ingambes.
Mais comparer le c.l de l’homme à ce bon c.,
À ce gros c.l moins voluptueux que pratique,
Le c.l de l’homme, fleur de joie et d’esthétique,
Surtout l’en proclamer le serf et le vaincu ;
« C’est mal », a dit l’Amour. Et la voix de l’Histoire,
Cul de l’homme, honneur pur de l’Hellade et décor
Divin de Rome vraie et plus divin encor,
De Sodome morte, martyre pour sa gloire.
Shakespeare, abandonnant du coup Ophélia,
Cordélia, Desdemona, tout son beau sexe,
Chantait en vers magnificents qu’un sot s’en vexe
La forme masculine et son alleluia.
Les Valois étaient fous du mâle et dans notre ère
L’Europe embourgeoisée et féminine tant
Néanmoins admira ce Louis de Bavière,
Le roi vierge au grand cœur pour l’homme seul battant.
La Chair même, la chair de la femme proclame
Le c.l, le v.., le torse et l’œil du fier Puceau,
Et c’est pourquoi, d’après le conseil à Rousseau,
Il faut parfois, poète, un peu « quitter la dame ».
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Ouvre les yeux, réveille-toi ;
Ouvre l’oreille, ouvre ta porte :
C’est l’Amour qui sonne et c’est moi
Qui te l’apporte.
Ouvre la fenêtre à tes seins ;
Ouvre ton corsage de soie ;
Ouvre ta robe sur tes reins :
Ouvre qu’on voie !
Ouvre à mon cœur ton cœur trop plein :
J’irai les boire sur ta bouche !
Ouvre ta chemise de lin :
Ouvre qu’on touche !
Ouvre les plis de tes rideaux ;
Ouvre ton lit que je t’y traîne :
Il va s’échauffer sous ton dos.
Ouvre l’arène.
Ouvre tes bras pour m’enlacer ;
Outre tes seins que je m’y pose ;
Ouvre aux fureurs de mon baiser
Ta lèvre rose !
Ouvre tes jambes ; prends mes flancs
Dans ces rondeurs blanches et lisses ;
Ouvre tes deux genoux tremblants…
Ouvre tes cuisses !
Ouvre tout ce qu’on peut ouvrir :
Dans les chauds trésors de ton ventre
J’inonderai sans me tarir
L’abîme où j’entre.
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,
Leurs quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches
De force assez brutale et de procédés gros.
Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;
Ils ne sentent pas l’ambre et fleurent de santé
Pure et simple ; leur marche un peu lourde va preste
Pourtant, car jeune et grave en l’élasticité ;
Leurs yeux francs et matois crépitent de malice
Cordiale et des mots naïvement rusés
Partent, non sans un gai juron qui les épice,
De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ;
Leur p... vigoureuse et leurs f...es joyeuses
Réjouissent la nuit et ma queue et mon… ;
Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses
Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.
Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle,
Mémoire, pieds, cœur, dos et l’oreille et le nez
Et la fressure, tout gueule une ritournelle,
Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés.
Un chahut, une ritournelle fol et folle
Et plutôt divins qu’infernale, plus infernals
Que divins, à m’y perdre, et j’y nage et j’y vole,
Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals.
Mes deux Charles, l’un jeune tigre aux yeux de chatte,
Sorte d’enfant de chœur grandissant en soudard,
L’autre fier gaillard, bel effronté que n’épate
Que ma pente vertigineuse vers son dard.
Odilon, un gamin, mais monté comme un homme,
Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils
Mieux encor, mais pas plus que de son reste en somme,
Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !
Caresseurs, satin frais, délicates phalanges
Sous les plantes, autour des chevilles, et sur
La cambrure veineuse et ces baisers étranges
Si doux, de quatre pieds, ayant une âme, sûr !
Antoine, encor, proverbial quant à la queue,
Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,
Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue
Et tout mon c.l de son épouvantable épieu.
Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes,
Poitrine blanche, aux durs boutons sucés ainsi
Que le bon bout ; François, souple comme des gerbes
Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi !
Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle
(Il était bien joli quand ça nous arriva) ;
Jules, un peu putain avec sa beauté pâle
Henri, me va en leurs conscrits qui, las, s’en va ;
Et vous tous ! à la file ou confondus en bande,
Où seuls, vision si nette des jours passés,
Passions du présent, futur qui croît et bande,
Chéris sans nombre qui n’êtes jamais assez !
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Cette nuit, de bonheur vous inondiez mon âme ;
Le réveil a laissé mon rêve inachevé…
Quand me donnerez-vous, madame,
La fin de ce que j’ai rêvé ?
Léon CHARLY (Léon CHOUX).
J’ai rêvé d’une vierge impeccable aux yeux froids,
Qui, d’un bond émergeant des moiteurs de sa couche,
Vient accrocher le poids de son corps à ma bouche,
Et pointe sur mon cœur le roc de ses seins droits.
Longtemps pieuse et chaste, elle a porté la croix
De l’orgueil vertueux que nul désir ne touche ;
Mais voilà que le rut s’est éveillé farouche,
Et la chair en révolte a réclamé ses droits…
Elle plaque à ma peau la peau d’un ventre ferme
Et furieusement crispée elle m’enferme
Dans l’effort ingénu de sa lubricité.
Ses canines d’enfant mordent ma chair de mâle…
À moi toute ! Et la fleur de sa nubilité
Pourpre s’épanouit sous l’onde baptismale.
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Eh ! quoi, dans cette ville d’eau,
Trêve, repos, paix, intermède,
Encor toi, de face ou de dos,
Beau petit ami : Ganymède.
L’aigle t’emporte on dirait comme
À regret, et parmi des fleurs
Son aile, d’élans économe,
Semble te vouloir par ailleurs.
Que chez ce Jupin tyrannique,
Comme qui dirait au Revard,
Et son œil qui nous fait la nique
Te coule un drôle de regard.
Bah ! reste avec nous, bon garçon.
Notre ennui, viens donc le distraire
Un peu, de la bonne façon :
N’es-tu pas notre petit frère !
Aix-les-Bains, septembre 1889.
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
En prenant une femme au maintien hébété,
Aussi plate que sèche et plus jaune que blanche,
Tu n’eus pas le bonheur, dont tu t’étais flatté,
De trouver du pain sur la planche.
Léon CHARLY (Léon CHOUX.)
Source vénérienne où vont boire les mâles !
Fissure de porphyre où frise un brun gazon,
Qui, fin comme du duvet, chaud comme une toison,
Moutonne dans un bain de senteurs animales.
Quand un homme a trempé dans tes eaux baptismales
Les désirs turgescents qui troublaient sa raison,
Il en garde à jamais la soif du cher poison
Dont s’imprègne sa peau dans tes lèvres thermales.
Ô Jouvence des cœurs ! Fontaine des plaisirs !
« Abreuvoir où descend le troupeau des désirs
Pour s’y gorger d’amour, de parfums et d’extases !
Il coule de tes flancs, le nectar enchanté,
Élixir de langueur, crème de volupté…
Et pour le recueillir nos baisers sont des vases !
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Non, non ! l’accouplement que je voudrais connaître,
Ce n’est plus aujourd’hui ce coït impuissant
Qui fouille un peu de chair et verse un peu de sang
Au bord d’une blessure où sa langueur pénètre.
Je veux, ô femme, entrer tout entier dans ton être :
Il hurlera d’amour, ton ventre bondissant,
Comme hurle, trop pleine, une mère qui sent
L’effort intérieur d’un géant qui va naître.
C’est mon rêve : je veux dans ton torse en débris
Sentir mes os broyés et mes muscles meurtris
Sous les spasmes vengeurs de ta chair envahie.
Et dans ce rut suprême et ses derniers élans,
Je veux, pour féconder ta vie avec ma vie,
T’éjaculer mon âme et mourir dans tes flancs !
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Vous les appelez des ordures,
Tous ces mots qui, ruisseaux de miel,
Coulent avec de doux murmures,
Des lèvres en quête du ciel !
Vous vous signez lorsqu’on raconte
Ce que signifie être heureux !
Vous vous cachez le front de honte
D’avoir joui comme des dieux !
Vous rougissez de vos ivresses
Lorsque vous êtes dégrisés,
Et vous reniez vos maîtresses
Lorsque repus de leurs baisers !
Quel mal trouvez-vous donc à dire
Ce qu’à faire vous trouvez bon ?
Pourquoi crime un charmant délire ?
Comment caca votre bonbon ?
Ah ! libertins de sacristie,
Dont le cœur à la bouche ment,
Pourquoi recrachez-vous l’hostie
Gobée à deux si goulûment ?
Alfred DELVAU[28].
Autant certes la femme gagne
À faire l’amour en chemise,
Autant alors cette compagne
Est-elle seulement de mise
À la condition expresse
D’un voile, court, délinéant
Cuisse et mollet, téton et fesse
Et leur truc un peu trop géant.
Ne s’écartant de sorte nette
Qu’en faveur du c…,…, seul divin,
Pour le coup et pour la minette,
Et tout le reste en elle est vain.
À bien considérer les choses,
De manque de proportions,
Ces effets trop blancs et trop roses…
Faudrait que nous en convinssions.
Autant le jeune homme profite
Dans l’intérêt de sa beauté,
Prêtre d’Éros ou néophyte
D’aimer en toute nudité.
Admirons cette chair splendide,
Comme intelligente, vibrant,
Intrépide et comme timide
Et par un privilège grand
Sur toute chair, la féminine
Et la bestiale — vrai beau ! —
Cette grâce qui fascine
D’être multiple sous la peau
Jeu des muscles et du squelette
Pulpe ferme, souple tissu,
Elle interprète, elle complète
Tout sentiment soudain conçu.
Elle se bande en la colère,
Et raide et molle tour à tour,
Souci de se plaire et de plaire,
Se tend et détend dans l’amour.
Et quand la mort la frappera
Cette chair qui me fut un dieu,
Comme auguste elle fixera
Ses éléments en marbre bleu !
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
1891.
M. TROPLONG, éleveur.
Comment se fait-il que cet homme
Qui fait d’admirables discours,
Mais que monsieur Troplong on nomme,
Ait réussi dans un concours ?
ROGER DE BEAUVOIR.
Le bal était, dit-on, charmant,
Et les mascarades heureuses,
Mais comme on manquait de danseuses,
On prit des filles chez Constant.
Berthe y vint avec Coralie,
Et Turcas en devint rêveur…
Asseline y vint en Folie,
Et Francis Girard en coiffeur.
Avec ses jolis bras orange,
On y vit le beau Dennery ;
Il suivait madame Desgranges,
Que Gaiffe escortait attendri…
Enfin, pour finir le tableau,
On y vit ma femme en pucelle,
Ma belle-mère en maquerelle,
Et mon beau-père en maquereau[29].
ROGER DE BEAUVOIR.
Je n’aime plus vos chairs de rose et de jasmin,
Ni la peluche de vos pêches,
Fillettes à sang bleu du faubourg Saint-Germain,
Aux reins plus doux que des calèches !
À vos pieds plus cambrés que le col des ramiers,
Les pieds de Margot je préfère,
Où les ongles, comme des dents de charbonnier,
Luisent dans une ébène amère.
Vos conins m’ont paru, sous leurs duvets follets,
Des bouches sans attraits d’éphèbe ;
Mais le c.. de Margot est pareil aux forêts
Et plus noir encor que l’Érèbe.
Ma langue se pourmène en rouge cardinal,
Dans des retraites bocagères,
Où des pâtres l’hommageraient d’un mets frugal
De lait de chèvre et de gruyère.
Je crois entendre aussi les tintins d’un troupeau,
Tant il y tremble de clochettes :
Un Valois n’y serait que le berger Guillot
Avec sa p… pour houlette.
J’y trouverai toujours le boire et le manger
Si vos conins sont chambres nettes ;
Et toujours si joyeux de ma langue héberger,
Il dit au cul : Sonne, trompette !
Ses tétons savoureux comme des bourdelots
Sont comme eux enrobés de pâte ;
Vos nénés sont des fleurs qui trempent dedans l’eau
Et s’effeuillent quand on les tâte.
L’aisselle de Margot est une venaison,
La dépouille d’une mofette,
Le fumier d’un lapin, les grègues d’un Lapon,
L’anus d’un mitron qui halète.
Laissez-moi : je la tiens pâmée entre mes bras ;
La voici qui jouit : « Ah ! merde !… »
Et le trou de son cul me chante un opéra,
Qui doit être de Monteverde.
Je n’aime plus vos chairs de rose et de jasmin,
Fillettes qui sentez la douche ;
Et pour mieux faire fi de leur eau de Lubin,
Margot, chions-nous dans la bouche !
LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.
Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux
Seuls nous représentions le soi-disant hideux
Vice d’être « pour homme » et sans qu’ils s’en doutassent,
Nous encagnions ces c..s avec leur air bonasse,
Leurs normales amours et leur morale en toc,
Cependant que, branlés et de taille et d’estoc,
À tire-larigot, à gogo, par principes
Toutefois, voilés par les flocons de nos pipes
(Comme autrefois Héro copulait avec Zeus),
Nos v..s, tels que des nez joyeux et Karrogheus
Qu’eussent mouchés nos mains d’un geste délectable,
Éternuaient des jets de foutre sous la table.
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Dans un charmant enclos,
Tous deux frais et dispos,
Vivant comme des sots,
Ève trichait Adam aux dominos.
Bientôt ce jeu sut déplaire à l’épouse,
Et, soupirant en fa dièse ou sol,
Dans le jardin, sur la verte pelouse.,
Elle attrapait des moucherons au vol.
Mais cet amusement
Ne dura qu’un moment.
Le conseil d’un serpent
Vint lui montrer un jeu plus séduisant.
Dès cet instant, Adam n’eut plus de trêve ;
Elle voulait jouer dans tous les coins,
Et pour donner du courage à l’élève,
L’histoire dit qu’on lui rendait des points.
Rébecca, mon agneau,
Pour une cruche d’eau
Offerte à des chameaux,
Tu sus gagner un époux, des cadeaux.
Temps fortunés ! où les chefs de familles
Étaient exempts de soucis ennuyeux !
Car ils pouvaient négocier leurs filles
Et conserver leur champagne mousseux.
Brûlante Putiphar,
Sur ton lit de brocart,
Ton coup d’œil égrillard
Croit fasciner et séduire un jobard,
Le pauvre enfant s’épouvante et se sauve ;
Son sang se fige, il est tout éperdu !
Car il croit voir, sous les draps de l’alcôve,
Un animal au poil fauve et tondu !
Ce qui causa sa peur,
Son effroi, son horreur,
Fut l’objet enchanteur
Que je m’abstiens de nommer par pudeur.
Mais n’écoutant que ton brûlant délire,
Tu l’empoignas, ce pauvre jouvenceau,
Par un endroit que je pourrais décrire
Et que les saints ont appelé manteau.
Suzanne, ta pudeur
Ressemble à ce voleur
Qui vante son honneur,
Quand il dédaigne un butin sans valeur.
La chasteté, dont tu fais étalage,
Se fût fondue au souffle des amours,
Si l’onde pure eût reflété l’image
D’un frais visage aux gracieux contours.
Mais jetons un regard
Sur cette pauvre Agar !
Je comprends ses douleurs
Quand Ismaël eut bu ses derniers pleurs.
Je vois râler la malheureuse mère,
Priant le ciel de sauver son enfant.
Dieu, qui l’entend, exauce sa prière
Et fait jaillir l’eau du sable brûlant.
Judith me fait horreur ;
Je renonce à l’honneur
D’obtenir ses faveurs ;
Je veux porter tête et soupirs ailleurs.
Me voyez-vous le pendant d’Holopherne,
Me réveiller, un matin, en sursaut,
Et regarder, d’un œil vitreux et terne,
Ma pauvre tête au milieu d’un ruisseau !
Bethsabée, un époux
Soupçonneux et jaloux,
Est un meuble assommant,
Que l’on emballe au fond d’un régiment.
Ton sort heureux dut faire des jalouses,
Car, pour ma part, je connais cent maris,
S’il dépendait de leurs tendres épouses,
Qui partiraient pour garder le pays.
Abigaïl, mon enfant,
Choisis vite un amant
Pour rallumer les feux
Que t’enleva le lit d’un vieux goutteux.
En te créant, jamais Dieu n’eût pu croire
Que le chef-d’œuvre éclos de son cerveau
Aurait un jour servi de bassinoire,
Pour réchauffer la couche d’un pourceau.
Déborha, ton bijou
N’est pas fort à mon goût.
Conserve ton vieux clou
Pour le fourrer, ma foi ! tu sais bien où.
Ma Dalilah, je viens t’offrir l’hommage
D’un cœur aimant, tendre et respectueux,
De mon amour tu veux avoir un gage…
Tiens, le voilà ! Ce sont de mes cheveux !
Dieu ! que je plains le sort,
L’infortune et la mort
Des filles de Ségor
Et des beautés de la sale Gomor !
Venez à nous, victimes de Sodome,
Nous vengerons plus d’un cruel affront ;
Jeunes beautés, qui ne connûtes l’homme
Que sous l’aspect d’un changement de front.
Dis donc, Loth, mon barbon,
Tu dames, le pion
Aux modernes cochons
Dont j’ai l’honneur de conserver les fonds.
Aucun de nous, fussent-elles gentilles,
N’aurait l’idée et le bouillant désir
De profaner et de souiller ses filles,
Pour se donner un moment de plaisir.
Je conviens que le jus
De beaux fruits défendus
Doit offrir des attraits
Et réveiller le goût des vieux palais.
Vil débauché, non content de trop boire,
Tu distillas ton dernier goût charnel,
Et pour donner du piquant à l’histoire,
Tu fis changer ta légitime en sel !
De ces incestueux
Je détourne les yeux
Pour chercher dans les cieux
Une vierge aux regards radieux,
Mais au lieu d’une on en voit onze mille !
Prions le ciel qu’il les fasse venir,
Pour les semer dans la grande famille,
Car le besoin s’en fait ici sentir !
Descendez à ma voix,
Dignes morceaux de rois.
Il se peut qu’un beau jour
Je sois nommé fournisseur de la Cour.
Ch. BOVIE.
L’impératrice est une rousse,
Mais sa couleur est un trésor,
Car lorsque Badinguet la trousse,
Il découvre la toison d’or.
Attribué à Henri ROCHEFORT[30].
Rondeau.
Le grand Écart veut un c.. bien fendu,
Dit Salomé retroussant son tutu,
Pour « s’envoyer » la Tête prophétique.
Hérode en fit quatre jets spermatiques,
Et le bourrel banda comme un pendu.
Quand le c.. joint sa fente au trou du cu,
De la Provence aux bords académiques,
On peut tenter, fût-on de Lilliput,
Le grand Écart.
Oui, mais, quel c.. ! Acré ! tout est foutu,
Tout y tiendrait, l’Odéon, l’Institut,
Et feu Sarcey, et l’Opéra-Comique !…
Paix ! ce n’est rien, au fait, plus de panique :
Il attendait que Coppée en mourut,
Le Grand Écart…
LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.
Épître badine à un dévot de mes amis.
Dansons, chantons,
Buvons, foutons,
Le temps s’envole,
Je m’en console,
Avec les c..s
Et les flacons.
Jeune bergère,
À table, au lit,
Remplit mon verre,
Br..le mon v...
Crois-moi, compère,
Ainsi l’on vit !
De la tendresse
Et de Bacchus
Tu crains l’ivresse,
Pauvre reclus !
Tu me condamnes,
Et dans un seau,
Comme les ânes,
Tu bois de l’eau ;
L’amour te presse
Sans t’engager,
Ton v.. se dresse
Sans décharger :
Sauver notre âme
Est un grand point,
Mais ne crois point
Que Dieu me blâme :
Je suis chrétien
Plus que toi-même,
Mais mon système
N’est pas le tien.
Je crois qu’un sage
Doit faire usage
Des dons heureux
Qu’il tient des cieux.
Or, à tout âge,
Comme en tous lieux,
Rien ne vaut mieux
Que d’être au large
Lorsque l’on boit,
Mais à l’étroit
Quand on d. ch. rge !
Crois-moi, Sylvain,
Tu te dépouilles
D’un droit divin.
Serait-ce en vain
Qu’on a des c.....es
Et du bon vin ?
Dieu fit la vigne,
Dont il voulut
Que l’homme bût.
Manquer son but
C’est être digne
De Belzébuth !
Dieu fit la fille
Et l’endroit où
Chaque cheville
Trouve son trou.
Quand Dieu commande,
Soumettons-nous.
Par lui je b.nde,
Je bois, je fous !
Nargue des fous
De qui la verge
Brave l’amour
Et b.nde pour
La sainte Vierge
Je ne puis voir
Sans m’émouvoir,
Sous une cotte
Gentille motte
Ou duvet noir ;
Je décalotte
Sans le vouloir,
Et, je l’atteste,
Je le proteste,
Oui, je boirai,
Je banderai,
Je baiserai
Tant que j’aurai
Jeune fillette,
Vieille feuillette,
Bon feu, bon lit,
Bon vin, bon v.. !
Bonté divine !
Tu m’ôteras
Le vin, la p…
Quand tu voudras ;
Mais, je t’en prie,
Dieu qui m’entends,
En même temps
Reprends ma vie !
Que de regrets,
Loin des chopines,
J’éprouverai !
Quoi ! souffrirai-je
Ô sacrilège !
Qu’on me ravît
À la ribote,
Qu’on proscrivît
Dame Gogotte,
Qu’on écrivît
Sur ma culotte :
Ci-gît un v.. !…
Sans foutre et boire,
Quand je vivrais,
Sur mon histoire
Je gémirais,
Je me croirais
Défunt d’avance ;
Je maudirais
Mon existence
Et je dirais :
Dieu de clémence,
Ah ! me crois-tu
Donc la vertu
De passer outre ?
Je ne puis foutre,
Je suis foutu.
ARMAND GOUFFÉ.
Dans la chambre encore fatale
De l’encor fatale maison
Où la raison et la morale
Se tiennent plus que de raison.
Il semble attendre la venue,
À quoi, misère, il ne croit pas,
De quelque présence connue
Et murmure entre haut et bas :
« Ta voix claironne dans mon âme
Et tes yeux flambent dans mon cœur.
Le monde dit que c’est infâme,
Mais que me fait, ô mon vainqueur ?
J’ai la tristesse et j’ai la joie
Et j’ai l’amour encore un coup,
L’amour ricaneur qui larmoie,
Ô toi, beau comme un petit loup !
Tu vins à moi, gamin farouche ;
C’est toi, joliesse et bagout,
Rusé du corps et de la bouche,
Qui me violente dans tout
Mon scrupule envers ton extrême
Jeunesse et ton enfance mal
Encore débrouillée et même
Presque dans tout mon animal.
Deux, trois ans sont passés à peine,
Suffisants pour viriliser
Ta fleur d’alors et ton haleine
Encore prompte à s’épuiser.
Quel rude gaillard tu dois être
Et que les instants seraient bons
Si tu pouvais venir ! Mais, traître,
Tu promets, tu dis : J’en réponds.
Tu jures le ciel et la terre,
Puis tu rates les rendez-vous…
Ah ! cette fois, viens ! obtempère
À mes désirs qui tournent fous.
Je t’attends comme le Messie,
Arrive, tombe dans mes bras ;
Une rare fête choisie
Te guette ; arrive, tu verras ! »
Du phosphore en ses yeux s’allume
Et sa lèvre au souris pervers
S’agace aux barbes de la plume
Qu’il tient pour écrire ces vers…
EL LICENCIADO PABLO HERLANEZ.
Avec deux seins rimant comme ab hac et ab hoc,
La Muse de Rostand a des crêtes de coq.
LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.
Le ventre de la femme est comme un bouclier
Taillé dans un métal lumineux et sans tache,
Dont la blancheur se bombe et descend se plier
Vers sa pointe où frise un panache.
Depuis l’angle d’or brun jusqu’au pied des seins nus ?,
Il s’étale, voûtant sa courbe grasse et pleine,
Et l’arc majestueux de ses rebords charnus
Glisse dans les sillons de l’aine.
Tandis que ciselé sur l’écusson mouvant
Où s’abritent la source et les germes du monde,
Le nombril resplendit comme un soleil vivant,
Un vivant soleil de chair blonde !
Magique bouclier dont j’ai couvert mes reins !
Égide de Vénus, Ô Gorgone d’ivoire
Dont la splendeur joyeuse éblouit mes chagrins
Et rayonne dans ma nuit noire !
Méduse qui fait fuir de mon cœur attristé
Le dragon de l’ennui dont rien ne me délivre,
Arme de patience avec qui j’ai lutté
Contre tous les dégoûts de vivre !
Je t’aime d’un amour fanatique et navrant,
Car mes seuls vrais oublis sont nés dans tes luxures,
Et j’ai donné sur toi comme un soldat mourant
Qui ne compte plus ses blessures.
C’est pourquoi ta douleur t’a dressé des autels
Dans les temples obscurs de mon âme embrunie,
Et j’y viens adorer les charmes immortels
De ta consolante harmonie.
LE SIRE DE CHAMBLEY.
Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
Lesbos où les baisers, languissants ou joyeux,
Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,
Font l’ornement des nuits et des jours glorieux,
Mère des jeux latins et des voluptés grecques ;
Lesbos où les baisers sont encor les cascades
Qui se jettent sans peur dans des gouffres sans fonds
Et courent, sanglotant et gloussant par saccades,
Orageux et secrets, fourmillants et profonds,
Lesbos où les baisers sont comme les cascades ;
Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent,
Où jamais un soupir ne reste sans écho,
À l’égal de Paphos les étoiles t’admirent
Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho…
Lesbos où les Phrynés l’une l’autre s’attirent ;
Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses
Qui font qu’à leur miroir, stérile volupté,
Les filles aux yeux creux, de leurs corps amoureuses,
Caressent les fruits mûrs de leur nubilité.
Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,
Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère ;
Tu tires ton pardon de l’excès des baisers.
Reine du doux empire, aimable et noble terre,
Et des raffinements toujours inépuisés,
Laisse du vieux Platon se froncer l’œil austère.
Tu tires ton pardon de l’éternel martyre,
Infligé sans relâche aux cœurs ambitieux,
Qu’attire loin de nous le radieux sourire
Entrevu vaguement au bord des autres cieux ;
Tu tires ton pardon de l’éternel martyre !
Qui des dieux osera, Lesbos, être ton juge
Et condamner ton front pâli dans les travaux ?
Si ses balances d’or n’ont pesé le déluge
De larmes qu’à la mer ont versé tes ruisseaux,
Qui des dieux osera, Lesbos, être ton juge ?
Que nous veulent les lois du juste et de l’injuste ?
Vierges au cœur sublime, honneur de l’Archipel ?
Votre religion comme une autre est auguste
Et l’amour se rira de l’enfer et du ciel…
Que nous veulent les lois du juste et de l’injuste ?
Car Lesbos, entre tous, m’a choisi sur la terre
Pour chanter le secret de ses vierges en fleur,
Et je fus dès l’enfance admis au noir mystère
De rires effrénés mêlés au sombre pleur…
Car Lesbos, entre tous, m’a choisi sur la terre.
Et, depuis lors, je veille au sommet de Leucate,
Comme une sentinelle à l’œil perçant et sûr
Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate.,
Dont les formes au loin frissonnent dans l’azur.
Et, depuis lors, je veille au sommet de Leucate,
Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,
Et parmi les sanglots dont le roc retentit,
Un soir ramènera vers Lesbos qui pardonne
Le cadavre adoré de Sapho qui partit
Pour savoir si la mer est indulgente et bonne !
De la mâle Sapho, l’amante et le poète,
Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs,
L’œil d’azur est vaincu par l’œil noir, que tachète
Le cercle ténébreux tracé par les douleurs
De la mâle Sapho, l’amante et le poète,
Plus belle que Vénus se dressant sur le monde
Et versant les trésors de sa sérénité
Et le rayonnement de sa jeunesse blonde
Sur le vieil Océan de sa fille enchanté :
Plus belle que Vénus se dressant sur le monde ;
De Sapho qui mourut le jour de son blasphème
Quand, insultant le rite et le cœur inventé,
Elle fit son beau corps la pâture suprême
D’un brutal dont l’orgueil punit l’impiété…
De Sapho qui mourut le jour de son blasphème.
Et c’est depuis ce temps que Lesbos se lamente,
Et, malgré les honneurs que lui rend l’univers,
S’enivre chaque nuit du cri de la tourmente
Que poussent vers les cieux ses rivages déserts ;
Et c’est depuis ce temps que Lesbos se lamente…
Charles BAUDELAIRE.
À la pâle clarté des lampes languissantes,
Sur de profonds coussins tout imprégnés d’odeurs,
Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.
Elle cherchait d’un œil troublé par la tempête
De sa naïveté le ciel déjà lointain,
Ainsi qu’un voyageur qui retourne la tête
Vers les horizons bleus dépassés le matin.
De ses yeux amortis, les paresseuses larmes,
L’air brisé, la stupeur, la morne volupté,
Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,
Tout servait, tout parait sa fragile beauté.
Étendue à ses pieds, calme et pleine de joie,
Delphine la couvait avec des yeux ardents,
Comme un animal fort qui surveille une proie
Après l’avoir d’abord marquée avec les dents.
Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,
Superbe, elle humait voluptueusement
Le vin de son triomphe et s’allongeait vers elle
Comme pour recueillir un doux remerciement.
Elle cherchait dans l’œil de sa pâle victime
Le cantique muet que chante le plaisir,
Et cette gratitude infinie et sublime
Qui sort de la paupière ainsi qu’un long soupir.
« Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ?
Comprends-tu maintenant qu’il ne faut pas offrir
L’holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir ?
Mes baisers sont légers comme ces éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents,
De ceux de ton amant creuseront leurs ornières
Comme des chariots ou des socs déchirants ;
Ils passeront sur toi comme un lourd attelage
De chevaux et de bœufs aux sabots sans pitié…
Hippolyte, ô ma sœur ! tourne donc ton visage,
Toi mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié.
Tourne vers moi tes yeux pleins d’azur et d’étoiles !
Pour un de ces regards charmants, baume divin,
Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles
Et je t’endormirai dans un rêve sans fin ! »
Mais Hippolyte alors levant sa jeune tête :
« Je ne suis point ingrate et ne me repens pas ;
Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète
Comme après un nocturne et terrible trépas.
Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes
Et de noirs bataillons de fantômes épars
Qui veulent me conduire en des routes mouvantes
Qu’un horizon sanglant ferme de toutes parts.
Avons-nous donc commis une action étrange ?
Explique si tu peux mon trouble et mon effroi.
Je frissonne de peur quand tu me dis : « Mon ange ! »
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi !
Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée,
Toi que j’aime à jamais, ma sœur d’élection,
Quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition. »
Delphine, secouant sa crinière tragique,
Et comme trépignant sur le trépied de fer,
L’œil fatal, répondit d’une voix despotique :
« Qui donc devant l’amour ose parler d’enfer ?
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S’éprenant d’un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté !
Celui qui veut unir dans un accord mystique
L’ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
À ce rouge soleil que l’on nomme l’amour !
Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide,
Cours offrir un cœur vierge à ses cruels baisers ;
Et pleine de remords et d’horreur, et livide,
Tu me rapporteras tes seins stigmatisés.
On ne peut ici-bas contenter qu’un seul maître ! »
Mais l’enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain : « Je sens s’élargir dans mon être
Un abîme béant : cet abîme est mon cœur.
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide,
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l’Euménide,
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu’au sang.
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde
Et que la lassitude amène le repos !
Je veux m’anéantir dans ta gorge profonde
Et trouver dans ton sein la fraîcheur des tombeaux. »
Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l’enfer éternel ;
Plongez au plus profond du gouffre où tous les crimes,
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,
Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d’orage ;
Ombres folles, courez au but de vos désirs ;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.
Jamais un rayon frais n’éclaira vos cavernes ;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filent en s’enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.
L’âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et raidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu’un vieux drapeau.
Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,
À travers les déserts courez comme les loups,
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l’infini que vous portez en vous.
Charles BAUDELAIRE.
La femme cependant de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu’un serpent sur la braise
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
— « Moi, j’ai la lèvre humide et je sais la science
De perdre au fond d’un lit l’antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j’étouffe un homme en mes bras veloutés
Ou lorsque j’abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d’émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! »
Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle
Et que, languissamment, je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d’amour, je ne vis plus
Qu’une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !
Je fermai les deux yeux dans ma froide épouvante ;
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
À mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette
Qui d’eux-mêmes rendaient le cri d’une girouette,
Ou d’une enseigne au bout d’une tringle de fer
Que balance le vent pendant les nuits d’hiver.
Charles BAUDELAIRE.
La très chère était nue et, connaissant mon cœur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j’aime avec fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan, elle souriait d’aise
À mon amour profond et doux comme la mer
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D’un air vague et rêveur elle essayait des poses ;
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses.
Et son bras et sa jambe et ses cuisses et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passant devant mes yeux clairvoyants et sereins,
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S’avançaient plus calmes que les anges du mal
Pour troubler le repos où mon âme était mise
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où calme et solitaire elle s’était assise.
Je croyais voir unis, par un nouveau dessin,
Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe.
Et la lampe s’étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre.
Charles BAUDELAIRE.
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage.
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l’esprit des poètes
L’image d’un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l’emblème
De ton esprit bariolé,
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t’aime.
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J’ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein.
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon cœur
Que j’ai puni sur une fleur
L’insolence de la nature.
Ainsi, je voudrais une nuit,
Quand l’heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne
Comme un lâche ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse.
Et, vertigineuse douceur
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma sœur !
Charles BAUDELAIRE.
Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents,
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
Dans l’épaisseur de ta crinière lourde ;
Dans tes jupons remplis de ton parfum,
Ensevelir ma tête endolorie
Et respirer comme une fleur flétrie
Le doux relent de mon amour défunt.
Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre
Dans un sommeil douteux comme la mort
J’étalerai mes baisers sans remords
Sur ton beau corps poli comme le cuivre.
Pour engloutir mes sanglots apaisés,
Rien ne vaut l’abîme de ta couche ;
L’oubli puissant habite sur ta bouche
Et le Léthé coule dans tes baisers.
À mon destin, désormais mon délice,
J’obéirai comme un prédestiné,
Martyr docile, innocent condamné,
Dont la ferveur attise le supplice.
Je sucerai pour noyer ma rancœur
Le népenthès et la bonne ciguë,
Aux bouts charmants de cette gorge aiguë
Qui n’a jamais emprisonné de cœur.
Charles BAUDELAIRE.
Une négresse, par le démon secouée,
Veut goûter une triste enfant aux fruits nouveaux,
Criminelle innocente en sa robe trouée,
Et la goinfre s’apprête à de rusés travaux.
Sur son ventre elle allonge en bête ses tétines,
Heureuse d’être nue, et s’acharne à saisir
Ses deux pieds écartés en l’air dans ses bottines,
Dont l’indécente vue augmente son plaisir ;
Puis, près de la chair blanche aux maigreurs de gazelle,
Qui tremble, sur le dos, comme un fol éléphant,
Renversée, elle attend et s’admire avec zèle.
En riant de ses dents naïves à l’enfant ;
Et, dans ses jambes quand la victime se couche
Levant une peau noire ouverte sous le crin,
Avance le palais de cette infâme bouche
Pâle et rose comme un coquillage marin.
Stéphane MALLARMÉ.
Madame, vous avez l’œil clair comme un beau ciel,
La gorge faite au tour. Un nez substantiel,
Malgré la lèvre mince et la bouche mignonne,
Mais vous avez le cul d’une fière lionne.
Jean MORÉAS.
Cette nuit, j’étais seul, comme Sapphô ; les roses
Transmuaient en parfum le mystère des choses ;
L’amoureuse Luna des soirs de messidor
Se frôlait aux bouquins moirés de pourpre et d’or ;
Horace, Martial, Herrick, Maynard, Catulle
Reflétaient le rayon d’argent qui les adule ;
Je pensais à ta bouche et je faisais des vers
Sur ton double sourire, innocent et pervers ;
Enfin, je m’endormis ; tu visitas mon rêve :
— Ton image commence, et mon sommeil achève,
D’un geste inconscient ; la forme de ton corps
S’empare de ma chair ; tu m’étreins, tu me mords,
C’est bien toi, je te sens fondre en moi, quand tout glisse,
Et je m’éveille en regrettant ce vain délice.
Quand l’aube s’éparpille en oiseaux d’écarlate,
J’évoque dans l’azur le divin Polykrate :
Une île à l’horizon devient Samos ; brigand
Rêveur, amoureux d’art, magnifique, élégant,
Le bon tyran, parmi les roses de Lydie,
Regarde ses danseurs mimer la comédie,
Soupèse des bijoux, cause ou pend tour à tour :
Un Chaldéen lui fait l’horoscope ; sa cour
Invente des plaisirs qui passent la pensée ;
Tendres comme Lykos et savants comme Alcée
Des poètes qui sont de beaux adolescents
Harmonisent leurs vers à leurs doigts caressants,
Et leurs luths lesbiens enivrent de musique
Le prince trop heureux, déjà mélancolique.
— Que m’importe comment ce règne finira ?
Viens, Ibykos ! Allons flâner dans la Laura ?
Nous pourrons essayer des vins, des courtisanes,
Et choisir des mignons en goûtant des bananes.
Edmond FAZY.
contre une petite fille qui souriait aux lecteurs de la Bibliothèque nationale.
Petite fille înelle et monde,
Vous qui riez à tout le monde
Des lèvres et du sadinet,
Que la rougeole vous emporte,
Que l’huissier qui veille à la porte
Vous jette dans un cabinet !
Naguère, avant votre venue,
En cette salle bien tenue,
L’on compilait, l’on compilait…
Nous étions trois cents pour Neuf Garces,
Tassés et sages comme farce
Dedans le ventre d’un poulet.
Nous eussions, dans le même vase,
Bu le Permesse, quand Pégase
Nous portait comme Fils-Aymon ;
Mais aussitôt que vous parûtes
Il s’éleva trois cents disputes
De trois cents vits pour un seul c.n.
Ce maudit conin de pucelle,
Qui n’a plus de poils qu’une aisselle,
À la fois voudrait avaler
Cent cinquante nœuds de poètes
Pendant que le reste, en levrette,
Tenteraient de vous enculer ?
Fi donc ! Madame votre mère,
Qui possède porte cochère
Où votre père est fait cocu,
Ne pourrait tels jeux se permettre
Bien que d’un coup l’on puisse mettre
Dans sa nature et dans son cul.
Droit n’avez qu’à la « petite oie »
Quand, sous le laurier qui verdoie,
Les neuf Sœurs sont neuf Chastetés,.
Et si de « garces » je les traite.,
C’est que j’enrage qu’un poète
N’en ait que des civilités…
Ah ! vous méritez bien mon ire,
Ayant, plus qu’on ne saurait dire,
Renversé l’ordre vénéré ;
Pour vous d’inoffensifs bélîtres
Au nez se crachèrent des huîtres
Et le verbe fututere.
Bien que nourris d’ordure antique,
Vers votre nouvelle boutique
Dévalèrent leurs morpions ;
Vous passez l’onguent au mercure,
Et, bouleversant la nature,
Rendez agiles des cirons !
Un quidam pris entre sa plume
Et son v.t de petit volume,
Tantôt l’un et l’autre alternait,
Quand, esclave de la routine,
Dans l’encrier trempant sa pine,
Il vous écrivit un sonnet.
La Montifaut, vieille tribade,
Voulant vous donner la saccade
À la manière de Psaphon,
Sur sa motte d’un grand module
Improvisait une mentule
Avecque son porte-crayon.
Des espèces de Bollandistes,
À tournure de sodomistes.
N’osaient ciller leurs yeux dévots,
Et, très humbles près de la porte,
Priaient le Ciel que, de la sorte,
Vous tournassiez toujours le dos.
Enfin, tous les v.ts du Parnasse,
Comme anguilles dedans la nasse,
Frétillaient dans les caleçons ;
Les mains qui les croyaient aveindre,
Sous leur fuite se sentaient oindre
Du glissant mucus des poissons.
Et vous conserviez ce sourire
Qu’ont les demoiselles de cire
Aux glaces des barbiers benêts,
Ô vous, plus qu’elles vaine et bête,
Ô vous, plus frivole et coquette
Qu’un papillon sur des genêts !
Stupre d’une âme poétique,
À mon linge géographique,
J’ajoute cet art fescennin !
Moi qui rêvais d’être un Tibulle,
Par Mananda ! que l’on m’encule
Si je n’égale ici Motin !
Fille de la Concupiscence,
Quittez ce Palais de Science,
Allez-vous-en, allez, allez !
Que la paix règne en ma culotte,
Ou, par les Traités d’Aristote,
Je vous décharge sur le nez !
LE PETIT-NEVEU DE BAFFO.
Octobre ! Une chambre d’hôtel.
Sur la douteuse courtepointe
De quels baisers m’as-tu pas ointe,
Ô Douce ! Je le vois bien tel
Ce garni… Le désir m’accointe
De votre corps, brumeux pastel,
Près du mien, suc brun de bétel
De ma bouche à la vôtre jointe
Un jour… et ce nous fut assez,
Mais, de ces souvenirs tassés,
Des joies que nous avons connues
Ne gardez-vous que le décor,
Dites ? Jouerons-nous pas, encore,
À Mesdames-les-Toutes-Nues ?
Ève ARRIGHI.
Frisons d’ébène et tache d’écarlate
Sur fonds d’argent
Et seins aigus d’une belle au corps gent,
Je vous tiens pour beauté fort délicate.
Ventre charnu, lustré comme une agate,
Reins musculeux, vifs comme vif-argent
Frisons d’ébène et tache d’écarlate
Sur fonds d’argent,
Comme un concert, votre splendeur éclate.
Vous me bercez dans un rythme brûlant
Et je me plais, idéal délirant,
À caresser entre cuisses d’ouate
Sur fonds d’argent
Frisons d’ébène et tache d’écarlate.
Joël D…
Heureux qui délaissant les plaisirs de la terre,
Baisant un petit c.l, buvant dans un grand verre,
Emplit l’un, vide l’autre et passe avec gaîté
Du cul de la bouteille au cul de la beauté.
Anonyme.
Je voudrais que ma queue ait la hauteur des monts
Qui déchirent le ciel auguste de leurs fronts.
On me verrait, comme eux, arrêter au passage
Le troupeau changeant des nuages.
Contemplant, sur le dos, leurs aimables dessins,
J’y verrais plafonner des hanches et des seins
Et largement repu de leurs folles caresses,
Je croirais baiser des déesses.
Pierre LI..RE.
Le corps toujours en mouvement,
Décrivant des sinusoïdes,
Ils vont mélancoliquement
Les pauvres spermatozoïdes.
Enfantés dans l’obscurité
En un moment de volupté,
Ils ne connaissent la clarté
Que lorsqu’ils sont dans la cuvette,
Immense et mortelle buvette
Où notre égoïsme les jette ;
Et, pourtant, Dieu qui les créa
Croyait qu’au sortir du méat
Ils s’en iraient sans aléa.
Au fond des vagins mirifiques,
Laboratoires magnifiques
De leur fonction prolifique,
Mais combien sont rares ceux-là
Que selon le désir d’Allah
Aucun injecteur n’immola.
Dénombrez vos infanticides,
Anus rongés d’hémorroïdes,
Tombeaux des spermatozoïdes,
Et dites-nous, ô lupanars,
Vous qui voyez des milliards,
De milliards de braquemards,
Combien parmi la gent qui baise,
Pour tirer leur coup plus à l’aise,
Usent de la capote anglaise !
Et combien sont négligemment,
Au collège ou bien au couvent,
Du bout des doigts jetés au vent !
Ils sont l’effroi des adultères,
La terreur des maris austères,
Et redoutés par les amants
Qui cherchent des coïts avides.
Ils sont bénis par les mamans
Les pauvres spermatozoïdes.
Le corps toujours en mouvement,
Décrivant des sinusoïdes,
Ils vont mélancoliquement
Les pauvres spermatozoïdes.
LE MARIN INCONNU.
Majestueux, droits et rigides,
Assis sur vos bases solides
Au sein des vastes océans,
Phares aux murailles imberbes,
Vous vous dressez, longs et superbes,
Comme des p..es de géants.
Vos lanternes, soleil immense,
S’allumant quand la nuit commence,
S’éteignant quand elle finit,
Sont les glands de phallus énormes
Faisant saillir leurs lourdes formes
Hors des prépuces de granit,
Vous apparaissez dans la brume,
Parmi les tourbillons d’écume
Qui vous font des pubis d’argent.
Et malgré cette rude épreuve
De l’eau froide, vous faites preuve
D’un priapisme encourageant.
Dans les mers intertropicales
Vous bravez les chaleurs fatales,
Les rigueurs d’un soleil ardent.
Pour vous il n’est point de mollesse,
Le chaud comme le froid vous laisse
Toujours en l’air, toujours bandant.
Et devant vos ardeurs oisives,
Les femmes demeurent pensives,
Muettes d’admiration ;
À moins que leurs voix éperdues
Ne déplorent de voir perdues
Tant de belles érections.
Mais les marins font triste mine
En songeant à leur pauvre p.ne
Qui pend si lamentablement.
C’est bien en vain qu’ils se demandent
Par quel moyen les phares bandent
Nuit et jour éternellement.
Morbleu ! faut-il que je le dise :
Ô grands phares, je vous méprise !
Vous n’êtes que v.ts en carton,
Car sous l’eau froide qui vous mouille
Vous n’avez pas même une couille,
Pas le moindre petit rouston.
LE MARIN INCONNU.
Ah ! se faire s..er par une ventriloque !
Et tandis qu’elle aurait ma p... entre les dents
Entendre de son ventre sortir un soliloque
Et des chansons d’amour aux distiques ardents !
Et tandis que sa lèvre humerait mon pr. p. ce,
Que sa langue agirait sur mon gland avec art,
Écouter l’estomac distiller l’hymne russe,
Et croire que je suis pour un instant le Tzar.
Et comme il serait doux pour une âme française,
Au lieu de se pâmer en un coït banal,
D’écouter l’estomac chanter la Marseillaise
Et s’éjouir aux sons du chant national.
Ainsi les raffinés dans Rome et dans Athènes,
Artistes délicats en leurs amusements,
Faisaient l’amour aux sons des musiques lointaines
Et cadençaient leurs coups au son des instruments.
Trop pauvre pour pouvoir me payer des tsiganes,
Ou même pour m’offrir un simple accordéon,
Je vais chercher partout, parmi les courtisanes,
Celles qui dans le ventre ont tout un orphéon.
Mais n’ayant rencontré dans ce monde équivoque
Que des femmes faisant l’amour bourgeoisement,
Et n’ayant point encor trouvé la ventriloque
Qui saura me sucer harmonieusement,
Afin de contenter le désir qui m’affole
Et me donner au moins un peu d’illusion,
Au risque d’attraper une bonne vérole,
Ou d’en sortir couvert d’un tas de morpions.
Depuis le jour de l’An jusqu’à la Saint-Sylvestre,
Je cours obstinément les spectacles forains,
Où triomphalement j’enc.. e l’homme-orchestre,
En battant la mesure avec des coups de reins !
LE MARIN INCONNU.
J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés
D’où semblent couler des ténèbres ;
Tes yeux, quoique très noirs, m’inspirent des pensers,
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière à la bique,
Tes yeux languissamment me disent : Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l’espoir qu’en toi nous avons suscité
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses.
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze,
Une riche toison qui vraiment est la sœur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, nuit obscure.
Charles BAUDELAIRE.
Quand ta main blanche et molle en torsades enchaîne
Les serpents roux de tes cheveux,
Je ne sais quelle chaude et pantelante haleine
Ruisselle de leurs mille nœuds.
Ce n’est pas la senteur des roses ioniennes,
L’encens du baume oriental
Ni cette huile dorée où les Péris indiennes
Fondent le musc et le santal.
Moins chaudes sont, l’été, les brises langoureuses
Qui montent quand la lune luit,
Quand les fleurs vont crispant leurs urnes amoureuses
Aux sombres baisers de la nuit.
C’est un vin capiteux dont la saveur enivre ;
C’est un sperme immatériel,
Un fluide odorant qui tue et fait revivre ;
Feu de l’enfer, ardeur du ciel !
Ce parfum sensuel et nerveux qui s’exhale,
Qui s’acharne à nous obséder ;
C’est le flux d’une chair ardente et virginale,
C’est le parfum qui fait b……
Épiphane SIDREDOULX.
Père Barbançon nous raconte
Les jeux héroïques des rois,
Les prouesses de maint vicomte,
De Dupanloup en qui je crois,
Et des orfèvres qui sont trois ;
C’est fort bien, mais cassons la croûte
En ingurgitant des pivois.
Barbançon, payez-vous la goutte ?
Manneken-Piss, sans fausse honte,
Pisse au nez des bons Bruxellois.
Encore bien qu’il l’ait en fonte,
C’est bon, sais-tu, pour une fois !
Les Poirriers et les Dieulafoye,
Que ce geste point ne dégoûte
D’Esculape appliquent les lois.
Barbançon, payez-vous la goutte ?
Les guerriers que rien ne démonte,
Ni la flèche des Iroquois,
Ni les canons aux gueules promptes,
Baisent les blancs et frais minois
En quête du loup dans les bois ;
Aussi leur bracquemart s’égoutte
D’un rythme chronique et bourgeois.
Barbançon, payez-vous la goutte ?
ENVOI
Invalide au phallus de bois,
Prends avec nous la bonne route
Pour arriver en hauternois.
Barbançon, payez-vous la goutte ?
Jules MARRY.
À mes désirs voici l’heure prospère,
Oui, ce moment va combler tous mes vœux ;
Loin des regards, sans vêtements, ma chère,
Un même bain va nous voir toutes deux.
Fais comme moi, quitte aussi ta chemise
Et de ton sein enlève ce mouchoir.
Ne tremble pas ; crains-tu quelque surprise ?
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.
Tiens, comme moi te voici toute nue :
Grands dieux ! combien tu possèdes d’appas !
Combien aussi ta gorge s’est accrue !
Qu’ils sont jolis les contours de ton bras !
Ah ! tant d’attraits dans peu, je le parie,
De mille amants feront le désespoir :
Laisse-moi les contempler, je t’en prie…
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.
— Plaisantes-tu dans ce moment ? de grâce…
Tes compliments vont me faire rougir !
Si tu savais en moi ce qui se passe,
Ta vue aussi m’inspire maint désir ;
Si, de l’amour, par la douce magie,
D’être homme, ici, j’obtenais le pouvoir,
Qu’avec transport ta fleur serait ravie…
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.
— Ciel, que fais-tu ? — Sur tes lèvres de rose,
Laisse-moi donc cueillir un doux baiser.
— Je le veux bien ; mais tu fais autre chose ;
Pourquoi ta main vient-elle m’agiter ?
De tes baisers je suis toute tremblante ;
Nouveaux désirs me viennent émouvoir…
Finis… ô dieux ! prends pitié, chère amante…
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.
— Mais, de ma main quel doit être l’usage ?
— C’est pour calmer le feu que je ressens.
Jusqu’à ce jour, toi, modeste et si sage,
Tu connaissais ces baisers enivrants ?
De ces couleurs sur ce lieu que je touche,
Que le contraste est ravissant à voir !
— Ah ! que fais-tu ?… où se porte ta bouche ?…
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir.
— Tiens, tu renais ; mais, par mainte caresse,
Tu veux encore expirer dans mes bras ;
Contre mon sein ta main droite se presse,
Et l’autre main me lutine plus bas.
— Oh ! que ton corps soit docile à ma flamme,
De ton amie apprends tout le savoir !
— Épargne-moi ! quels baisers !… je me pâme…
Va, sois tranquille, aucun ne peut nous voir !
Mais maintenant, baignons-nous, douce amie ;
Livrons nos corps au cristal de ces eaux :
Plus qu’un baiser sur ta bouche jolie,
Nos sens émus ont besoin de repos ;
Après, chez toi, feignant quelque migraine,
Un même lit nous recevra ce soir ;
L’amour alors embellira la scène
Et sans témoins il fera son devoir !
Attribué à MURGER.
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Juin 2025
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[1] Se cacher.
[2] Baleine (de corset).
[3] Célèbre bal-jardin de Montparnasse
[4] Autre bal situé à côté du métro “Port-Royal” actuel
[5] Quartier des fripiers, près la rue Saint-Honoré à Paris.
[6] VARIANTE
Et grand papa papahouté
Té du radis noir à papa
Du paradis de Mahomet,
Mettez-vous ça dans le dodo
De la rue Gérando.
[8] Louis Philippe, maire d’Eu.
[9] Les trois pièces qui précèdent sont tirées de « La Masturbomanie ou jouissance solitaire ». — Stances, ornées de 37 gravures, Branlefort, chez Poignet, rue du Bras. — In-12 de six chapitres, 56 pages, publié vers 1840 et orné de lithographies. L’auteur est resté anonyme.
[10] Potion Chopart.
[11] Capsules Mège.
[12] Petits canaux de bois au fond desquels le mercure retient l’or au passage.
[13] La pointe est presque de Corneille…
[14] Autrefois, assistant pétrisseur du boulanger.
[15] Le Midi, hôpital spécial. Variante : de Saint-Louis.
[16] Fracastor, syphiligraphe italien du XVe siècle. — Et poète ; (Note de l’auteur.)
[17] Les Bodegas sont des établissements de mastroquets exotiques où les vins de Cette se vendent en espagnol (aqui se habla). (Note de l’auteur.)
[18] L’Eucalypsinthe ! Rêve d’un liquoriste marseillais qui prétendait avec l’essence d’eucalyptus imiter l’absinthe ! (Note de l’auteur.)
[19] On attribue ce quatrain à Talleyrand. Il est nécessaire de donner la clef de l’énigme. Le poète importunait de ses rimes je ne sais quelle beauté cruelle, qui y répondit en prose qu’elle ferait de ses vers… certain usage. Le galant riposta par la malice assez alerte ci-dessus rapportée. (Note de l’Anthologie satyrique, tome Ier, p. 136).
[20] On n’a pas oublié les aventures postéro-judiciaires de M. de G… et du capitaine V…
Du culte secret tous deux prêtres
Obscuri per sylvas ibant ;
Et, comme nos pieux ancêtres,
Fidem rectumque colebant.
(Note de l’auteur.)
[21] Millant, frère du gros Millant, philanthrope bien connu dans le quartier du Palais Royal. (Note de l’auteur.)
[22] Hématies, globules rouges du sang. (Note de l’auteur.)
[23] Le nerf vague, aussi peu connu sous le nom de pneumogastrique. (Note de l’auteur.)
[24] Sources martiales, ferrugineuses. (Note de l’auteur.)
[25] Soit, mais le temps n’est plus de ces rudes secousses :
Notre œuvre est achevée et veut des mains plus douces.
F. PONSARD, Le Lion amoureux.
(Note de l’auteur.)
[26] Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ?
Charles BAUDELAIRE (Fleurs du Mal),
Un jour, M. Charpentier, jeune rapin, élève de Couture, aborda M. Hippolyte L…s, sous les galeries de l’Odéon, et lui chanta sous le nez ce refrain, parodié d’une chanson ordurière, alors en vogue dans les ateliers :
Cet artiste
Était Hippolyte
L… s d’l’Odéon
Ah ! quel c.. ! (bis)
Vive le Grand Napoléon !
M. Hippolyte L…s parut fort surpris. (Note de l’auteur.)
[27] Le Livre, où parut la petite plaquette intitulée : Les treize sonnets du doigt dedans, publia la note suivante :
« Henri Kistemaeckers, éditeur à Bruxelles, vient de publier Les treize sonnets du doigt dedans, par M. de la Braguette. Le titre indique suffisamment le côté pittoresque de cet ouvrage de trente pages.
« Nous ne le signalerions pas si aisément si ce n’était une curiosité bibliographique, tirée admirablement en cinq couleurs par un typographe anonyme que nous ne pouvons que féliciter sans le nommer. Nous croyons savoir que ces treize sonnets malsonnants pour les oreilles chastes sont l’œuvre de M. Théodore Hannon (???), l’agréable poète des Rimes de Joie, parues l’an dernier. »
[28] Cette poésie marmiteuse, dont l’auteur a hérité de la dixième part de la fistule lacrymale de Henry Murger, est empruntée à la préface du Dictionnaire érotique moderne, publié en 1864 par M. Delvau, sous le pseudonyme Un professeur de langue verte. M. Delvau n’est donc pas un lexicographe d’occasion, comme M. Larchey a pu le supposer après la lecture du Dictionnaire de la langue verte, (Note du Nouveau Parnasse satyrique du XIXe siècle.)
[29] La dernière épigramme de M. Roger de Beauvoir contre sa femme a été la couronne d’immortelles qu’il envoya à la malheureuse agonisante. C’était atroce, mais cela prouve que M. de Beauvoir a un vif sentiment des devoirs conjugaux, pour les autres. Il eût voté, en 1849, l’amendement Pierre Lerous, qu’il invoqua contre M. Avond. Ce cas de pathologie mentale pourrait se définir la monogamie du législateur. — Constant, bordel fastueux, rue Monthyon : spécialité des blondes. — Dennery, auteur dramatique à la grâce de Dieu. — Mme Desgranges, maîtresse dudit Dennery, seul. — Turcas, dit le beau Turcas, petit-fils de Chérubin, frère de la femme du statuaire Duret. — Les autres personnages, filles et gens de lettres inconnus, même de Vapereau. (Note du Nouveau Parnasse satyrique du XIXe siècle.)
[30] Dans l’Anthologie satyrique. Luxembourg, 1877-1878, tome VII, page 93.