Pierre Duc
AUTOUR DE BRAY
Saint-Macaire-du-Bois
Aux confins de l’Anjou et du Poitou
Monographie-recherche sur l’origine de la ferme de Bray et, par extension, contribution à une étude événementielle, historique, ethno-sociologique, biographique, généalogique, démographique et religieuse de Saint-Macaire-du-Bois jusqu’en 1870.
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Table des matières
Principales références abrégées utilisées dans cet ouvrage comme renvoi aux sources
Un système économique peu rentable
La crise frappe aussi les seigneurs
Gibot, dernier seigneur de Bray
Durcissements révolutionnaires
Un Comité de Surveillance ad hoc
Des migrateurs poussés par les brigands
Des champs et des gardes-champêtres
Aigle impérial contre drapeau blanc
ANNEXE II Gallia Christiana (1720)
ANNEXE III Testament de Renée du Plantis (ADML E 3920)
ANNEXE IV Aveu de Brignon (H 1406 ADML) 1683.
ANNEXE V Morts et moyennes d’âge de mort (d’après RPSM).
ANNEXE VI Famille Ragot à Bray
ANNEXE VII Foyers mentionnés entre 1768 et 1778 (RPSM).
ANNEXE VIII La vigne, le vin et les vendanges à Saint-Macaire (RPSM et RDC).
ANNEXE IX Métiers cités au XVIIIe siècle.
ANNEXE X Les chemins de 1620 existent encore en l’an 2000.
ANNEXE XI Testament de M. de Saint-Macaire, 19 mars 1694, ADML E 3913.
ANNEXE XII État de la seigneurie de Saint-Macaire en 1711. (IE 1140 ADML)
ANNEXE XIII Morts de l’épidémie de 1740.
ANNEXE XIV Vente nationale de Bray (19 juillet 1796, I Q 532, ADML)
ANNEXE XV Démographie à Saint-Macaire.
ANNEXE XVI Liste des 10 propriétaires les plus imposés en 1830 (RDC).
ANNEXE XVII Réfugiés de 1794 à Saint-Macaire (RDC).
ANNEXE XVIII Notes du Curé Reine
À propos de cette édition électronique
« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… » Ce sont les vers de Joachim du Bellay qui me viennent à l’esprit à la lecture de l’ouvrage de Pierre DUC. Aussi lointains et aventureux que soient les chemins de la vie, ils sont impuissants à nous faire oublier qui nous sommes, d’où nous venons et quelles sont nos racines.
En faisant revivre sous nos yeux la cité de Saint-Macaire-du Bois, petite agglomération de hameaux dispersés, aux confins du Poitou et de l’Anjou, Pierre DUC a voulu retrouver ses racines. Emporté par sa recherche, il nous fait partager aujourd’hui une part de mémoire qui saura toucher le lecteur, soucieux de conserver, aussi infimes soient-elles, les traces du passé. En exhumant archives et documents, Pierre DUC remet en perspective les petits riens de la vie quotidienne d’une commune rurale, ballottée par les vents de l’histoire, de ses origines à 1870. Dans son propos introductif, l’auteur écrit : « Alors Saint-Macaire apparaissait comme le type même du coin de survie où l’on attend la mort depuis des générations sans rien entreprendre, où tout semble voué à l’échec ». Constat terrifiant qui fait peu de cas des forces de l’homme à réaliser, créer et entreprendre pour façonner son destin. Heureusement, au fil du récit, les témoignages, les anecdotes, les événements, petits et grands, viennent contredire cette première impression. En réhabilitant le rôle d’hommes et de femmes, de toutes conditions et de toutes origines, acteurs anonymes de leur époque, ils illustrent les aventures d’une communauté humaine emportée par l’évolution des idées, le sens du progrès, les grands événements nationaux ; autant d’éléments qui accompagnent et influencent la marche de l’existence.
Tour à tour anthropologue, historien, géographe ou sociologue, Pierre DUC a effectué un minutieux travail de recherche fort utile à l’entretien de la mémoire d’une histoire locale que les préoccupations du temps présent ne doivent pas nous faire oublier, tant nous pouvons y puiser une meilleure connaissance de nous-mêmes.
Hervé de CHARETTE
Député de Maine-et-Loire
Ancien Ministre des Affaires Étrangères
ADML : Archives départementales de M. -&-L., rue de Frémur, Angers.
CASS : Carte commencée vers 1740 par César François Cassini de Thury et terminée par son fils, dite Carte de Cassini.
CS : Cahier du Comité de surveillance révolutionnaire de Saint-Macaire
DB : Dictionnaire biographique.
DHGBML : Dictionnaire Historique, Généalogique et Biographique de Maine et Loire de Célestin Port rédigé entre 1869 et 1678.
DT : Dictionnaire toponymique.
EAMH : Entretiens de 1985 avec M. Houet, curé de Saint-Macaire en 1963.
NDCR : Notes du curé Reine et autres curés de 1828 à 1868 conservées à l’Évêché d’Angers.
RDC : Registre des délibérations communales de la commune de Saint-Macaire conservé en Mairie.
RHPP : Recherches historiques de Michel Panneau sur le Puy Notre-Dame.
RPE : Registres paroissiaux d’Érigné.
RPP : Registres paroissiaux du Puy-Notre-Dame, inventaire de Célestin Port conservés aux Archives Départementales de M. -&-L. sous la cote BIB 1811.
RPSM : Registres paroissiaux (1646-1793) de Saint-Macaire du Bois conservés en Mairie.
SDLH : Jean-Charles Sauzé de Lhoumeau, L’Abbaye deSaint-Léonard de Ferrières. Paris, Picard 1925.
SMD : Fonds privé Derouard.
Je tiens à remercier ici Mme Josette Michelet et MM. Jean Taillée, Xavier de Boutray et Christian Béville, de l’aide et des facilités qu’ils ont, à chaque instant, eu l’amabilité de m’accorder en tant que maires de la commune, ainsi que de l’intérêt qu’ils ont toujours su porter à ces recherches. Ma gratitude va aussi aux habitants de Saint-Macaire-du-Bois pour leurs précieuses indications. Je souhaite enfin rendre hommage au travail inlassable de plusieurs générations d’agents des Archives Départementales qui s’activent sans cesse, dans l’ombre, à inventorier et à classer les documents.
Les « Notes du Curé Reine », données en dernière annexe, serviront fort utilement d’épilogue à cette étude mais aussi de complément chronologique, donnant d’amples renseignements sur l’église et les paroissiens. Il aurait été vain de les plagier alors même qu’elles existent et que l’Évêché d’Angers nous a donné l’autorisation de les publier.
« Au début, dit en latin le curé Honoré, Dieu créa le ciel, la terre, et Saint-Macaire ». Ces quelques mots illustrent bien à la fois l’immense point d’interrogation posé sur le passé de cette commune, mais aussi la piètre qualité des sources à laquelle nous avons été confronté lors des premières saisies de renseignements.
Plusieurs prêtres de cette paroisse ont, un jour, commencé à griffonner quelques notes historiques après la Révolution de 1789. Quelle chance cela aurait pu représenter pour la postérité si, déjà, leurs prédécesseurs de l’ancien régime avaient eu ce souci de l’anecdote. Mais ces curés, Reine, Tranchant, Ollivier et Babin [2], qui avaient matière à recueillir une tradition orale encore certainement vivace, ne surent ni attester leurs sources, ni faire une synthèse de leurs relevés.
Le premier à se poser vraiment des questions, à pousser plus loin ses investigations et à repenser plus profondément et plus radicalement les péripéties douteuses de l’histoire ancienne de Saint-Macaire, fut Monsieur le Curé Houet, qui, amassant notes, détails et controverses au temps de sa prêtrise macairoise, passionné ensuite par des recherches en pays baugeois, nous a gentiment fait part de ses réflexions [3], puis s’est éteint brusquement dans sa paroisse du Fougeré en bordure de la Sarthe.
« Autour de Bray » [4] est le titre de cette étude. Ce ne fut que simple curiosité, au tout début, sur l’origine de cette maison acquise en 1970. Le hasard voulut que, dans ce que l’on appelait – et que l’on appelle toujours – « Le Célestin Port » [5] chez certains initiés angevins, figurât un mince article sur Bray avec quelques références. De fil en aiguille et de parchemin en archive, la démarche s’élargit et l’accumulation de notes, surtout pour les XVIIe et XVIIIe, devint rapidement pléthorique. Germa alors le besoin de livrer une synthèse de toute cette quête.
L’élan initial faillit bien être brisé par une curieuse lacune conjuguée à une ignorance de néophyte : il était impossible de trouver dans le moindre recoin des registres paroissiaux [6] une trace quelconque des propriétaires de Bray. Seuls, fermiers ou domestiques de la dite seigneurie y étaient consignés. L’absence des seigneurs sur un siècle et demi paraissait peu crédible. Le hasard, la chance et la passion eurent raison de cet échec qui obscurcissait davantage le peu de clarté déjà disponible dans la chronique de Bray : ils étaient protestants depuis 1525 !
Et puis, ô déception, au détour des prospections d’archives, rien de particulier ne venait égayer la vie peu excitante de ce village sans histoires. Ni guerre, ni bataille, ni célébrité, ni incident n’agrémentaient de faits saillants le long cortège monotone des baptêmes, mariages et sépultures laconiquement plaqué sur les feuillets illisibles des registres. Les curés, insensibles et trop mal rétribués ne se contentaient d’y inscrire que le strict minimum, ponctuant le calendrier de la vie macairoise de lignes aussi succinctes que : « Ce jourdhuy cinquième de may a este enterre un enfant à nicolas Beaufour ». Un point (et encore !), c’est tout.
Décidément, ce pays ne recelait aucun trésor de faits divers. Un lent processus de misère semblait s’y être forgé depuis le défrichage de la forêt [7]. Non, les terres n’étaient pas bonnes, et les sols trop humides, et puis les chemins toujours bourbeux, les travaux pénibles, rendaient les habitants bien malheureux.
Alors Saint-Macaire apparaissait comme le type même du coin de survie où l’on attend la mort depuis des générations sans rien entreprendre, où tout semble voué à l’échec. Et c’est cette absence de vie, cette résignation que la dissection va finalement mettre en évidence, cette pauvreté, ce destin minable d’une petite localité qui n’a rien pour elle, cette constatation de gens sans gloire, ballottés entre Poitou et Anjou, un jour aquitains, angevins le lendemain, sans appuis, déshérités. Mais la découverte d’un tel village, sans traditions, sans folklore, délaissé par ses seigneurs, abandonné par son député de 1790, peuplé de miséreux perclus de dettes, réquisitionné comme les autres par la République et versant dans le « républicanisme » par force, intérêt ou inanition, ne peut que contribuer à un nouvel éclairage de l’histoire de nos campagnes. Par-delà les quelques personnalités que cette recherche met en avant, elle permet aussi de réhabiliter grand nombre de pauvres gens, des hommes et des femmes qui n’ont pas eu voix au chapitre de leur vivant.
À leur arrivée dans le Poitou, en 56 avant J. C. et peut-être moins, les légions romaines trouvent, pour une fois, la tribu indigène assez docile. Duratius, chef des Pictes poitevins, s’avère être un fameux diplomate allié des romains. Non seulement il a déjà unifié un pagus immense au sud de la Loire, de Poitiers à la côte atlantique, mais il s’est aussi concilié les Ambiliates qui travaillent à la solde des Pictes, ce que l’on appelle communément des « clients » [8].
Domiciliés entre Dive et Sèvre Nantaise, les Ambiliates, établis là avant ou après les Pictes, sont la souche probable du sang méditerranéen qui coule encore dans les veines de nombreux habitants de cette région où existait, bien délimitée entre ces deux fleuves, une législation spéciale dans la loi féodale du Poitou concernant un droit particulier d’héritage [9]. On a beau expliquer trop souvent ces teints basanés, que l’on retrouve nombreux dans cette petite région, par le douteux leitmotiv « les arabes sont passés par là », il demeure difficile d’attribuer une quelconque valeur de tradition orale à cette boutade. Il est tout aussi probable que les Ambiliates aient été une population ibérique nomade pré-gauloise réduite en esclavage par les Pictes. Des traces d’armes en cuivre de l’âge du bronze, attribuées à des Ibères, ont été retrouvées dans la région de Saumur et jusqu’en Bretagne, témoignant d’un courant culturel des Pyrénées à l’Armorique [10]. Localisés entre les tribus Andes et Pictes, peuples d’Oc avant la lettre, les Ambiliates avaient pour chef-lieu Thouars ou Doué La Fontaine. Thouars, qui fut, dans le pagus poitevin, la métropole la plus importante de l’époque pré-féodale, aurait pu devenir la capitale du Poitou [11] si elle ne s’était trouvée au cœur du pays des Ambiliates. Le berceau de cette peuplade pourrait aussi avoir été Ambillou-Château qui porte directement leur nom.
Alors que le village de Saint-Macaire [12] est situé en pleine zone ambiliate, il serait vain aujourd’hui d’y chercher un soupçon de trace de ce teint particulier dans le faciès des habitants survivants, alors que, à quelques kilomètres dans les Deux-Sèvres, il est de notoriété que cette pigmentation est majoritaire. La difficulté de vivre qui a sévi de tous temps dans cette paroisse de Saint-Macaire a constamment fait fuir des générations de populations qui se sont périodiquement renouvelées.
Saint-Macaire, qui n’est pas encore « du Bois », n’est pourtant rien d’autre qu’une immense forêt de Montreuil à Cholet, et d’Argenton-le-Château à Brissac [13], une forêt que défrichent et découpent les ambiliates gaulois pour des gaulois pictons. Paradoxalement, pour que Saint-Macaire devienne vraiment « du Bois », il aura fallu attendre que le défrichage soit totalement mené à bien, et que, à l’époque moderne, désormais plantées dans un désert sylvicole parfait, la dénomination Saint-Macaire du Bois et sa pancarte soient enfin érigées en plaque commémorative d’une époque sylvestre révolue [14].
C’est là donc qu’est le bois de Brignon, peuplé de chênes druidiques [15], traversé d’est en ouest par le chemin de Montreuil à Cholet et, du nord au sud, par la voie gauloise et romaine qui va de Doué à Argenton [16]. Ce massif forestier profond sert et servira encore longtemps de refuge, car, à proximité, il n’y a ni souterrain, ni place forte, ni oppidum. Le ruisseau de Brignon [17], alimenté par plusieurs sources au départ de la forêt, déambule en méandres savants et il est facile de penser, l’eau courante étant l’une des nécessités vitales, que la première vie humaine à Saint-Macaire se sera organisée le long ou à proximité de son cours. Dans cette zone humide persistante, on peut avancer qu’une cité lacustre [18] naturelle a longtemps coexisté dans les bas-fonds avec un grand domaine gallo-romain sur les terres hautes. De cette importante villa, il ne reste que le nom, La Grand-Cour, et quelques ruines bien plus récentes. Le Clos de la Ville, toponyme encore vivace sur le cadastre actuel, est situé auprès des vestiges de cette ferme.
Flanquée de ses trois Baffries et de sa source, non tarie aujourd’hui (le lavoir, placé au centre du périmètre), la villa était reliée au bourg des Verchers et à l’autre domaine gallo-romain des Fontaines [19] par une voie directe dont le village actuel de La Vouie rappelle l’existence [20]. Une trace de camp romain rectangulaire ou de retranchement gaulois entouré de fossés subsiste dans les Grands-Bois, non loin de La Basse-Baffrie. Les chemins ou délimitations qui pouvaient circonscrire le grand domaine de la Grand Cour représentent une surface d’une soixantaine d’hectares. Il apparaît donc que les plus vieux habitats macairois construits en dur étaient situés en bordure de la forêt-refuge dans cette partie actuellement très peu peuplée.
De ce pagus organisé, en quelques siècles, des christianisateurs comme Hilaire et Martin vont faire un bastion chrétien, posant des jalons le long des grandes voies romaines, s’efforçant de remplacer les symboles des cultes païens par des oratoires ou des croix. À Cix, que l’on dit être à l’origine de l’ancienne ville du Puy-Notre-Dame [21], les gaulois ont édifié un temple en l’honneur de la déesse des moissons, Cérès, dont des évangélisateurs tolérants, comme Martin, ne font pas disparaître l’effigie [22]. Macaire pourrait être l’un de ces missionnaires de la région, mal connu, qui serait venu en 387 dans le Comminges [23], et qui a laissé son nom à trois églises de France, Saint-Macaire-du-Bois, Saint-Macaire-en-Mauges et Saint-Macaire-en-Gironde.
L’absence de sources écrites et de notoriété officielle conduit à l’idée que notre Saint-Macaire n’a jamais été une place forte convoitée, ni un haut lieu agricole, ni enfin une église très renommée, et l’on peut estimer que les barbares ont souvent dédaigné ces maigres cabanes dont les habitants gagnent la forêt en attendant que passe le danger.
Au début du VIIIe siècle, les arabes sont là [24]. Depuis l’Espagne jusqu’à Bordeaux, ils sont chez eux. Ils possèdent Narbonne. S’ils remontent vers Poitiers, ils n’envahissent pas. Le téléphone arabe les a seulement informés de la présence du riche trésor de saint Martin conservé dans la bonne ville de Tours, et, comme ils sont à l’affût de la moindre occasion, ils veulent simplement pousser un peu plus au nord leur razzia touristique car les biens d’église sont nombreux dans toute la région. Par ailleurs, perpétuellement lancés en des luttes fratricides, s’alliant au besoin avec les chiens d’infidèles, certains clans mauresques courent après leurs traîtres de frères afin de leur donner une leçon.
Après la célèbre bataille de Poitiers [25], Charles-Martel, qui est simplement venu leur interdire l’accès à Tours, ne les poursuit pas [26]. L’engagement n’a pas duré longtemps. C’est le Ramadhan, les musulmans n’ont ni mangé ni bu depuis l’aurore, et il est nécessaire, selon la loi islamique, de mettre les morts en terre avant que le soleil ne disparaisse derrière l’horizon. De toute façon, côté chrétien ou musulman, il faut se dépêcher d’ensevelir les corps ensanglantés, ne serait-ce que pour empêcher ces cadavres encore chauds de faire le régal des loups. Leur chef principal Abderrhamane ayant été tué, les arabes ne sont plus unanimes en l’absence de leur meneur de jeu et ils finissent certainement par se débander. Mais personne ne leur interdit de rester dans le pays, les cartes de séjour ne sont pas encore inventées et l’immigration n’est pas contrôlée. Quand ils ne se fixent pas définitivement, comme certains [27], dans la région, ils continuent leur tourisme butineur pour essayer de ne pas repartir trop bredouilles et de subtiliser quelques biens ecclésiastiques – et Dieu sait s’ils sont nombreux – appartenant à une Église dont ils ne respectent point l’autorité, et ne faisant d’ailleurs en cela que copier le comportement de nos bons seigneurs locaux plus anciennement immigrés. Notre terre de France aurait donc déjà acquis sa tradition d’accueil que certains lui reprochent maintenant !
Le VIII e siècle est aussi l’époque de la première construction de l’église de Saint-Macaire [28], trois siècles après le séjour ou le passage éventuels du saint, en chair et en os, sur les lieux-mêmes de la fondation. Il s’agirait même, selon certains auteurs, du premier siège de l’archidiaconé de Thouars [29].
En 762, Pépin s’empare de Doué, et Waifre, Duc d’Aquitaine depuis 748, est assassiné en Périgord en 768. Charlemagne nomme son fils, Louis, roi d’Aquitaine en 781 et celui-ci résidera de temps en temps à Doué, entre 794 et 834, dans sa villa royale dont il ne subsiste rien[30].
Au IXe siècle, les envahisseurs normands quadrillent si bien le terrain qu’ils finissent par faire irruption dans la plaine de Saint-Macaire, entre marécage et forêt, attirés par les seules richesses de la Grand-Cour ou de la Cochonnerie [31] et, au passage, boutent le feu à l’église [32]. Cette dernière ne sera pas réparée tout de suite et il est fort plausible que l’archidiaconé se soit alors déplacé vers Thouars [33]. Cette ruine de l’église, précipitant la déchéance de biens ecclésiastiques tout récemment acquis, met fin à une période de relative prospérité qui ne se représentera guère à Saint-Macaire. Trois derniers vestiges en tout et pour tout, trois sarcophages, nous viennent de cette époque révolue. Le premier a été trouvé à la Minauderie avec une épée à l’intérieur [34]. Un autre a été dégagé, dans les années 60, le long d’un contrefort de la nef de l’église, côté cure, lors du creusement d’un fossé et reste enterré sous un mur. Enfin, il en existe un, de toute beauté, placé dans la cour de l’ancienne maison Sanzay, n’ayant effectué, en une dizaine de siècles, qu’un court déplacement depuis le premier cimetière dont il est issu. Ayant servi d’abreuvoir, il s’est malheureusement cassé en deux sous l’effet de quelque gel hivernal.
Il convient de souligner, à ce stade de notre démarche, l’importance de la situation catastrophique imposée à certaines contrées par une administration qui adopte, pour être plus tranquille, la recette de la zone tampon déjà créée autour de l’empire carolingien. Le malaise engendré par cette politique du coussin d’air aura des conséquences durables et néfastes sur ces régions qu’on appelle les Marches. Tour à tour militarisées, démilitarisées, remilitarisées, prises, perdues et reprises, elles sont devenues des enjeux de chantages, des espaces intermédiaires où personne ne songe à se mouiller. Le résultat, pour notre paroisse, est à la mesure de la logique espérée : située dans la Marche commune Anjou-Poitou, elle dépend, au XVIIe, de l’évêché de Poitiers, de l’archidiaconé de Thouars, de l’élection de Loudun et du district de Saumur. Mais au XVIe, elle relevait de la châtellenie et du ressort judiciaire de Thouars, faisant partie du bailliage de la Petite-Marche. Gageons qu’à cette époque, étant donné l’éloignement de ces localités entre elles, les administrés n’avaient pas régulièrement de trop grandes formalités paperassières à régler en chaîne dans ces différents bureaux, compte tenu surtout qu’ils devaient déjà certainement se rendre au proche marché de Doué une fois par semaine, selon une habitude conservée de nos jours…
Le Xe siècle est marqué par une incursion angevine dans cette Marche de Poitou. Méron en Montreuil appartient à Geoffroy Grisegonelle en 950, Foulques Nerra donne le château de Montreuil, achevé depuis cinq ans, à la famille Berlay en 1025 [35] et c’est alors que l’histoire de Saint-Macaire va enfin commencer à s’animer, non pas que les sources écrites abondent subitement, mais l’arrivée des Berlay [36], seigneurs de Montreuil et propriétaires d’une partie de la forêt de Brignon, fait jaillir un point de repère à l’orée de ce XIIe siècle.
Quant on veut voir le pays, il suffit de grimper le chêne à La Balain [37] et l’on se trouve aussi haut perché que les voisins du Puy, là-bas vers orient. Les bois de Brignon séparent la province d’Aquitaine, au midi, de celle d’Anjou, au nord.
De mémoire d’homme et de bouche à oreille, cette forêt a toujours porté le nom de Brignon [38]. On dit qu’il y a là plus de dix mille arpents, mais personne n’a le droit d’y mener ses gorets. Et pourtant la glandée serait belle et les fagots bienvenus. On ramasse bien en cachette quelque menu bois mort en bordure, mais il faut se méfier du garde de Giraud Berlay, le seigneur de Montreuil [39].
Hauts et forts sont les chênes de Brignon et, lorsque l’on se tourne vers l’est, c’est Notre-Dame du Puy, toute neuve, qui s’impose au regard [40]. On domine l’église de Saint-Macaire, posée au bord de la plaine d’alluvions qui va de Messemé à Bouillé-Loretz [41]. Et partout, ce ne sont que brandes, ajoncs, joncs et petits bosquets, flanqués de cabanes de serfs peu affranchis.
Alors, une singulière mouche de piété généreuse et de calcul dévot vient subitement piquer les seigneurs. La mode est aux libéralités accordées pour les repos des âmes de ces messieurs-dames angevins qui viennent s’enfoncer en Poitou. Un défrichage pieux vaut bien la paix éternelle sans doute.
Or, bien au contraire, c’est la mauvaise conscience qui donne le plus souvent des ailes à cette charité. Depuis des générations, les forts éliminent leurs rivaux dont ils pillent les cantons. Récupérant ainsi nombre de fiefs ecclésiastiques qui leur brûlent aussitôt les doigts, les seigneurs, malgré leur peu de moralité, s’empressent de leur trouver une destination tranquillisante. On assiste donc plutôt à une restitution ou à une redistribution régulière de biens provisoirement confisqués, et lorsque les terres repassent du Poitou à l’Anjou, ou vice versa, les moines, les abbés, les évêques en reprennent toujours possession avec satisfaction. Et si les mentions écrites qui nous restent sont plus volontiers celles de transactions d’ordre religieux, on le doit uniquement à la parfaite organisation des congrégations et à une meilleure conservation des archives ecclésiastiques.
Dame Grécie de Montreuil, la première, offre la terre d’Asnières [42] aux moines de Saint-Nicolas d’Angers, mais son fils Giraud, peu satisfait du résultat de ces frères qui n’ont encore rien fait pour mettre cette friche en valeur, installe à leur place les Tironnais [43]. L’église du Puy-Notre-Dame est à peine achevée, et quelle effervescence, quel branlebas de fondations. Geoffroy et Jodouin, seigneurs de Doué, ne veulent pas être en reste. Ils donnent le bois de Ferrières à la congrégation de Tiron [44]. Ce que voyant, et qu’à cela ne tienne, escalade pour escalade, Giraud II Berlay fait appel à d’autres religieux, poitevins cette fois, ceux de l’Absie-en-Gâtine [45], une abbaye toute nouvelle, et leur donne, vers 1138 [46], une grange dans la forêt de Brignon.
Son fils Giraud, troisième du nom, nous rapporte cette fondation faite à Méron [47], lors d’une controverse qui l’oppose, vers 1180, à Jean, premier abbé de Brignon et à Jostenus, premier abbé de l’Absie : « Moi Berlay, seigneur de Montreuil, fait connaître à tous mes fidèles que mon père Giraud donna aux frères de l’Absie tout le gast [48] dans son bois qu’on appelle Brignon pour édifier ou planter ou semer ou faire de la manière qu’ils voudraient en présence de l’évêque de Poitiers dans l’enceinte de Méron… Il ajouta ensuite les prés qu’il possédait depuis le gué de Sanzay jusqu’au gué de Taizon [49]. Puis il y eut une controverse entre moi Berlay et l’abbé selon laquelle je ne voulais pas des chèvres qu’il avait en cet endroit car elles détruisaient toute la forêt »… Deux évêques, Guillaume, pour le Poitou et Raoul, pour l’Anjou, représentent les deux provinces lors de cette mise au point [50].
Quelques transfuges de l’Absie en Gâtine sont déjà à pied d’œuvre à la grange de Brignon que leur a donnée Giraud II. Sous la houlette du premier abbé [51], ils commencent par délimiter leur territoire et entaillent de croix quatre chênes aux quatre points cardinaux : au nord, le chêne d’Aulnis, à l’ouest le chêne du carrefour de la Potterie, au sud le chêne de la Herse et enfin, en remontant vers l’est, le chêne dit de Chambernou [52]. Cette importance accordée au chêne pourrait apparaître comme une survivance de pratique druidique ou gauloise.
Qui d’autre que des moines aurait pu exploiter ce gast, cette terre inculte qu’on leur a léguée, sans y entreprendre des travaux importants. Et ils sont capables, ces diables de moines. Ils retroussent leur froc noir et leurs manches de bure, les cinq religieux, et ils se mettent le cœur à l’ouvrage. Cinq [53], cela suffit bien pour la friche d’une soixantaine d’hectares qu’il faut nettoyer et les quelque vingt hectares de bois à mettre en valeur [54], d’autant qu’ils engageront un peu de main d’œuvre locale.
Pour déterminer le nom de la nouvelle fondation, on ajoute l’appellation gauloise de la forêt au nom de l’abbaye de Gâtine dont elle dépend, puis on la place sous la protection de Notre-Dame. On obtient ainsi tout naturellement : « Notre-Dame de l’Absie en Brignon » [55]. L’abbé de l’Absie des Deux-Sèvres conserve, de par l’antériorité de son établissement, une prépondérance hiérarchique sur celui de Brignon pendant les XIIe et XIIIe siècles. C’est en effet encore avec Jostenus que Berlay traite l’affaire des chèvres en 1180, et le premier abbé de l’établissement des Deux-Sèvres est présent lors de toute procédure officielle.
Les droits des frères de l’Absie en Brignon sont définis dans le détail : « Item lesdroits que nous avons d’avoir et prendre en lesdits bois de Brignon tous les bois necessaires pour nos maisons gens et dependances de nostre hostel et tous nos usages necessaires et de nos serviteurs de nostre licence avec droit de faire paistre et pasturer ce qu’il nous plairoit et en quelque lieu nous voudrions desdits bois de Brignon toutes et chacunes nos bestes animales, belines, porchines et chevalines et autres sans exception contredit ni empêchement fors et excepté chevres. Item avons droit d’avoir et prendre toutes les places vides et en gast estants au dit bois de Brignon et icelles places faire labourer planter et cultiver si bon nous semble et attribuer à nostre domaine et en cas que tout le bois de Brignon seroit mort ou en gast et ruine toute la terre en quoi le dit bois est nous le pouvons et pourions prendre et nous en saisir et attribuer franchement et quittement sans aucun contredit ny controverse et y planter semer et edifier maisons et y avoir hommes et y faire tout ce que nous voudrions comme en nostre propre lieu et domaine » [56].
Une grange, de l’eau, du bois et des bras vaillants, et rien ne presse. Les moines font des fossés de drainage, creusent l’étang et quelques mares pour leurs besoins en argile. Utilisant les chênes de la forêt comme poutres et soliveaux pour leurs maisons, ils construisent l’abbaye à la mode cistercienne. Ils font apporter les tuffeaux des caves du Puy-Notre-Dame et la pierre dure de Baugé-les-Fours ou de Chauvigny. Les moellons de l’abbaye seront scellés à la chaux, ceux des murs ordinaires à la terre glaise.
Les deux implantations de Ferrières et Brignon s’avoisinent sur le terrain et coïncident dans le temps. Leurs terres et leurs bois se touchent. Leur sort est désormais lié. De simple grange ou prieuré, elles prennent de l’embonpoint et passent « abbayes » avec une vraie église [57]. Leur notoriété est faite. Le nombre de religieux pourrait alors s’accroître dans de faibles proportions tout en restant dépendant de la conjoncture et de la santé de l’établissement. Elles reçoivent des dons de divers seigneurs qui, indûment, s’en attribueront plus tard la fondation et l’entretiendront de quelques petits subsides. Ce sont les seigneurs de Thouars, de Lusignan, de Bressuire, de Montbron et d’Argenton [58]. Guillaume de Beaumont, en (grand) -seigneur de Bressuire, ajoute en 1246 une rente perpétuelle de quelques sous à plusieurs abbayes, dont Brignon, pour célébration d’un service funèbre annuel le jour anniversaire de sa mort [59].
Bien à l’abri des vents d’ouest dominants, ce gast exposé au soleil levant promet un micro-climat satisfaisant [60], mais la terre, la terre une fois labourée, que donnera-t-elle ?
Pourtant, au XIIIe siècle, et cela peut paraître bizarre, le vin est une production reconnue à Saint-Macaire, et Régnauld, le prévôt de Thouars obtient à perpétuité le droit de percevoir une redevance sur le vin vendu dans cette paroisse [61]. Il s’agit, bien sûr, d’un vin de consommation courante dont les barriques seront écoulées dans l’année. Il faut préciser que la vigne représente à cette époque, pour l’Anjou et la Marche, la seconde ressource agricole après les céréales [62]. Pourtant, que l’appellation viticole Saint-Macaire n’ait été alors qu’une vulgaire piquette à consommer rapidement, et qu’il fût recommandé de l’étendre d’eau avant de la boire, se conçoit aisément, ce produit n’ayant véritablement été destiné pendant longtemps qu’à des catégories socio-professionnelles peu exigeantes, à celles dont les contrats de travail mentionnent « nourriture et boisson comprises ». L’expression « accepter de mettre de l’eau dans son vin » date certainement de cette pratique de baptême, rendue d’ailleurs tout aussi nécessaire par le souhait, parfaitement justifié, de préserver les facultés du travailleur intactes.
Maison-Neuve, Sanzay, la Maison Roger et Bray possèdent des vestiges de pressoirs de type « casse-cou » du XVe, prouvant ainsi l’importance encore attachée à la vigne et au vin à cette période[63].
La grande forêt est partagée entre le seigneur de Montreuil et celui de Passavant qui détient aussi la ferme de Bois-Ménard [64]. Ameline de Berlay, fille de Giraud II, mariée à Guillaume Talbot, sieur de Passavant, se rend souvent en pélerinage au lieu-dit du Bas-Mureau, près de Cléré, à l’endroit où sourd une fontaine, sur le lieu de naissance du père d’Hilaire, saint Francaire, dont le sarcophage restera longtemps caché dans une proche caverne. Ameline prend un grand contentement à boire l’eau de la fontaine où plusieurs miracles se sont produits [65].
C’est la famille Sanzay [66] qui possède les terres à l’est de l’église de Saint-Macaire et le doyen de Thouars qui gère la partie ouest autour du Doyenné [67]. Côté liturgie, on a vraiment le choix. Chacun, en fonction de son habitat dispersé, peut aller à la messe à Saint-Macaire, à Bouillé-Loretz [68], au Puy-Notre-Dame, et, si l’on est matinal, on peut essayer Ferrières, Brignon ou la Lande. Les églises parsèment la campagne de leurs clochers carillonnants et cette multiplication des prestations religieuses au mètre carré, offertes à un maigre peuplement potentiel de pratiquants, éparpille quantitativement et qualitativement les manifestations de foi populaire.
Nos deux jumelles monastiques ont l’insigne honneur, sans le savoir d’ailleurs et sans donc en tirer légitime fierté, de recevoir la visite du futur pape Bertrand de Got qui apprend sa nomination, en date du 5 juin 1305, pendant le voyage qu’il a entrepris dans la région. Bertrand, en effet, dîne et couche à Ferrières en mars 1305, puis, le lendemain, après une courte halte à Brignon, se dirige vers Le Puy-Notre-Dame [69].
Les jours de tranquillité sont révolus. Les Anglais s’installent au Puy et au Vaudelenay [70] en 1359. Mieux renseignés que l’on ne pourrait le croire, malgré la barrière de la langue, ils se sont fait traduire le dicton local : « Riche Chambon, noble Ferrières, pauvre Brignon » et, ne respectant en rien l’ordre alphabétique, ils commencent par Chambon, pour sa notoriété [71]… À la fin de la première partie des hostilités de la guerre de Cent ans, malgré les comtes de Thouars et de Montreuil, les Britanniques font d’une abbaye deux coups en pillant et en incendiant les deux petites jumelles, histoire de ne pas faire de jalouse [72]. La ville de Bouillé-Saint-Paul, près de Chambon, a dû vivre aussi des moments difficiles car elle demande le droit de se fortifier, ce qu’elle n’obtiendra qu’en 1446, à la fin de la guerre de Cent Ans [73]. Ce conflit a considérablement décimé les populations et, même pendant l’accalmie intérimaire, la sécurité est restée très précaire avec les allées et venues d’anglo-gascons désœuvrés et de routiers peu sympas qui hantent les campagnes.
Une autre promenade de piété donne la chance, une fois dans sa carrière, de pouvoir apercevoir, furtivement comme pour tout chef d’état, sa majesté Louis XI qui aime Notre-Dame du Puy et s’en vient par Ferrières en avril 1470 [74]. La vierge du Puy attire quand même bien trop de monde. Pour le roi, passe encore, mais elle amène aussi tellement d’autres catégories de pèlerins plus indésirables les uns que les autres, les anglais, les soudards, les brigands, toute une soldatesque qui vient régulièrement traîner ses guêtres dans la contrée.
On assiste alors, au XVe siècle, à une recolonisation poitevine. Les Sanzay ont, sans doute -avant ou depuis le passage des Normands et le transfert de l’Archidiaconé à Thouars [75]-, accaparé les terres près du bourg et une partie de celles du Doyenné. La venue de cette famille de Sanzay à Saint-Macaire et dans toute la région n’est pas clarifiable, d’autant que l’un des leurs essayera, avec la complicité des moines de Ferrières [76] qui lui fabriquent une fausse charte, de faire remonter ses ancêtres aux ducs d’Aquitaine. Les moines prétendent en effet qu’une charte de Louis Le Pieux affirme la première fondation de Ferrières vers 800 par l’un des ancêtres de Sanzay, comte de Poitiers, afin de réparer sa fugue de Saint-Martin de Tours et son mariage avec la fille d’un autre comte poitevin.
Le feuillet est glissé dans les Archives d’Aquitaine qui reprennent cette origine [77]. Beaucoup plus tard, en 1584, René Ier de Sanzay sera qualifié par sa veuve de « hault et puissant seigneur messire duc compte de Sansay en son vivant chevallyer de l’ordre du Roy messire gentihomme ordinayre de sa chambre gouverneur et lieutenant general pour sa maresche dans sa ville et chasteau de Nantes en bretagne »… ni plus ni moins. René II de Sanzay, quant à lui, essayera de consolider la supercherie en s’intitulant, dès 1588, « Vicomte héréditaire et parageur de Poitou » [78], puis, dans un acte du 23 septembre 1590, « sire et comte de Sanzay, vicomte hérédictaire du Poictou, chevalier de l’ordre du Roy » [79].
Il apparaît donc facile à cette époque de se fabriquer une généalogie. En tout cas, les Sanzay paraissent avoir bien manœuvré, et si, comme nous le croyons, ils sont descendants d’un calife resté dans le Poitou après la bataille de Poitiers, ils ont réussi la meilleure opération qui soit en légalisant les terres qu’ils ont subtilisées à l’Église et en s’élevant dans la hiérarchie sociale par tous les moyens. On ne saura dire si la fabrication du toponyme Sanzay a précédé celle du patronyme, mais les relevés prouvent déjà que ce toponyme est antérieur au XIe, et compte tenu du nombre important de lieux-dits dont la famille a pris le nom, ou auxquels elle a donné le sien, le terme Sanzay paraît être l’un des plus anciens de la région [80].
À une époque indéterminée de reconstruction, ou de reprise de possession manu militari [81] des terres ecclésiastiques de Saint-Macaire, un Sanzay ordonne que l’on désculpte du tuffeau, au fond de l’église de Saint-Macaire, les anciennes armoiries des La Trémoille [82] qui règnent sur Thouars depuis 1483. Il étale les siennes au-dessus, comme il l’a déjà fait dans l’église du village de Sanzay, où il a aussi sa demeure, à une journée de marche dans la Marche [83]. « D’or à trois bandes d’azur, à la bordure de gueules, un écu sur le tout en abîme, échiqueté d’or et de gueules », le blason est toujours bien conservé dans notre église. L’humidité et le salpêtre [84] ne peuvent remonter à la hauteur où il a été placé, et, si l’on regarde de plus près, il est facile de s’apercevoir qu’il s’agit en fait du remplacement d’un tuffeau par une pierre dure de Chauvigny présculptée, ce qui évite tout danger de dégradation. Cette reprise de l’église liée, de toute évidence, au reflux définitif de l’Archidiaconé vers Thouars, pourrait résulter d’un affaiblissement passager des La Trémoille ou d’un arrangement poitevino-poitevin.
Le sieur Gauvin s’installe à la Gauvinière [85]. Ce bailliage de la Petite Marche devient un coin – aux deux sens du terme – d’Aquitaine enfoncé en Anjou et rien n’y pourra changer. Jean Pinguet possède la Guéritière entre la Planche et la Gotte-Fraîche, François Nepton, dont l’épouse, Adeline de La Boyzellière, a un fort joli nom, tire les bénéfices de Pancon. Les Haies-Chotard forment une petite agglomération entre Chambernou et les Baffries, et Bray appartient au poitevin Boussiron [86].
Le 7 mai 1552, haut et puissant messire René de Sanzay, chevalier de l’ordre du roi, sieur de Sanzay en Poitou, du Plantis [87] qu’il tient de son épouse, des Marchais et de Saint-Macaire, se rend avec maître Huot, notaire royal à Angers, chez Françoise Bourgeois et Élie Dufay, son mari, sieur de la belle propriété du Jau près de l’église d’Érigné, mais qui sont tous deux, ce jour-là, pour traiter l’affaire, en leur domicile angevin citadin.
D’affaire, il s’agit bien. Françoise achète Saint-Macaire, dont René de Sanzay veut se débarrasser. La cinquantaine d’hectares ne rapporte certainement plus les 320 livres par an toutes charges déduites que promet René [88]. En effet, soit que le bail à ferme ait été réévalué avec la complicité d’un fermier, soit que les terres soient vraiment très productives, il est impensable qu’on puisse obtenir un tel rapport avec tous les problèmes inhérents aux systèmes de fermage ou de métayage, aux crises, aux guerres et à la dépopulation régulière qui détériorent les équilibres économiques et engendrent automatiquement des retards de paiements très conséquents.
Quoi qu’il en soit, René brade sa seigneurie pour 4000 livres. Maître Huot lit l’acte : « Ledit sieur vendeur a vendu quitté ceddé delaissé et transporté la terre fief et seigneurie dommaynes mestairies closeryes vignes terres prez bois estangs garannes et apartenances de saint macquaire scituée et assise en ce pais danjou ressort de saumur [89] et tout ainsy que ladite terre et seigneurie de saint Maquaire se poursuit consiste et comporte tant en fief seigneurie justice juridiction cens rentes et debvoirs… les dites choses vendues sont tenues des baronnies de doué et saint Mars et la pille par moitié et chargee a foy et hommage et que ledit sieur vendeur a declare promis et assure a ladite achapteresse valloir la somme de trois cens vingt livres de rente ou revenu annuel touttes charges desduites… la dite presante vendition estre faicte pour le prix et somme de quatre mil livres paiez baillez contez et nombrez manuellement contant en presence et au veu de nous notaire » [90].
Il faut que Françoise matérialise l’origine de ses liquidités. On doit savoir d’où vient l’argent. Elle assure alors que les deniers[91] proviennent de bénéfices d’une autre seigneurie, celle de Louvaines, qu’elle avait acquise de Mathurin de Montallant, chevalier lui aussi, sieur de Chamballé. Son mari, Élie Dufay se porte garant de la véracité de la provenance de l’argent et le notaire, selon l’habitude, prend la bourse, la regarde, la soupèse et la donne aux acquéreurs qui comptent les pièces. Il y a là « douze cens escuz solz du poix de deux deniers quinze trante piece a quarante six solz piece cent escuz a quarante quatre solz piece et deux cens double ducatz aussi d’or et de poix a quatre livres dix huict piece et la somme de quarante livres tournoiz en monnaye douzains bons et a presant aiant cours » [92].
René de Charnières, licencié es lois et Nicolas Rivault, marchand, signent comme témoins avec René de Sanzay, Françoise Bourgeois, son mari Élie Dufay et le notaire Huot. La femme de René de Sanzay, Renée du Plantis, est absente. Le 8 mars dernier, son mari lui a donné procuration pour le représenter en toute affaire [93]. Le contrat d’acquêt est donc fait, mais les problèmes surgissent, et la vente ne sera effectivement réalisée que beaucoup plus tard. Renée du Plantis ne donne son accord que le 10 mai 1555 et, malgré tout, la cession ne peut encore se faire. En effet, René II, le fils ainé, expulse ses parents de leurs châteaux de Sanzay en Poitou et de Saint-Maixent et bloque l’héritage sous bénéfice d’inventaire. Pendant ce temps, les Huguenots s’installent dans la région et établissent leurs quartiers d’hiver au Vaudelenay [94].
Les Huguenots ne sont pas là par hasard. Ils sont en terrain à demi-conquis. La religion prétendue réformée fait de plus en plus d’adeptes dans le Poitou, dans toutes les couches de la société, au gré de réseaux difficiles à appréhender, d’influences certaines des seigneurs eux-mêmes engagés sur cette voie par plus illustre qu’eux. Par exemple, la fille de Louis XII, Renée de France, née à Blois en 1510, participe activement à la promotion et à l’affirmation du protestantisme dans la contrée. D’Italie, car elle a épousé le duc de Ferrare, elle règne sur une cour de partisans entièrement dévoués à Calvin, dont elle a fait son directeur personnel de conscience [95].
Si ce dernier vient en Poitou en 1534, c’est Renée qui le protège de loin en le recommandant auprès des familles poitevines de ses amis et de ses fidèles collaborateurs qui peuvent localement l’accueillir et lui organiser sur place prêches et démonstrations : La dame d’atours de Renée de France, Michèle de Saubonne, est mariée à Jean de Parthenay, l’archevêque. Tous deux souhaitent faire, de leur grand château du Parc Soubise près de Mouchamps, un havre de paix pour les Huguenots [96]. D’autre part, Jean Boussiron, né d’une famille poitevine et saintongeoise, sieur de Grandry en Poitou et de Bray, est, depuis 1528, échanson à la cour de Ferrare [97]. Renée de France ne manque donc pas d’adresses poitevines amies où Calvin pourra, on s’en doute, trouver assistance, gîte et couvert.
La fille de Jean Boussiron, Françoise, elle aussi attachée au service de la duchesse, a une grande réputation de beauté et de culture. Ayant côtoyé Calvin et Marot à Ferrare vers 1535, elle épouse en 1539 un médecin allemand, Jean Senft alias Sinapius, professeur à Tubingen, et son épithalame est publié à Bâle à l’occasion de leurs noces [98]. Christophe Boussiron, frère de Françoise, succède à son père à la sommellerie de Ferrare et aux titres de seigneur de Grandry et de Bray. Ses fonctions le retiennent sur le Pô où, taste-vin tâtillon, il sert à boire, et du meilleur s’il vous plait, à la table de Ferrare. Lorsque Renée de France se retire à Montargis en 1560, le clan Boussiron la suit et se rapproche de ses propriétés.
De son union avec Gabrielle Le Rousseau, Christophe Boussiron a un fils, René. Ce dernier, bien qu’élevé à la cour de Ferrare et de Montargis, n’a pas du tout l’étoffe d’un courtisan. Il aime la bagarre, cultive les raisins de la colère protestante et prend part aux guerres de Religion dans les rangs Huguenots. Il se fait si bien remarquer au combat d’Esse sur Vienne en 1569 et au siège de La Rochelle en 1573 qu’il est nommé gouverneur de Marans. L’aisance et les facilités provisoires qui résultent de sa situation lui permettent de compléter les seigneuries de Grandry et Bray par celle de Pellouaille. Hélas, dans une escarmouche, un Poitevin de ses anciens amis, dénommé Pierre Grignon de La Pélissonnière, le reconnaît et lui fracasse la tête d’un coup de pistolet, d’un coup de feu, et non de crosse, cela s’entend. À Charlotte Savary, sa femme, René laisse deux fils, Charles et Jacques. Charles ressemble à son père, en ce qu’il se distingue sur le champ de bataille religieux aux côtés de Philippe de Mornay, notamment le 14 mars 1590 à Ivry-La-Bataille. Seigneur de Grandry et Bray, il est nommé député pour la province d’Anjou à l’assemblée protestante de La Rochelle en 1616 [99].
À l’époque de sa députation, Charles réside à Saumur et doit faire quelques incursions à Bray, ne serait-ce que pour prélever quelques chapons ou quelques pipes [100] de vin. Lorsqu’il est parrain de Louise Lafite à Chinon le 12 avril 1615, il porte le titre bien vague d’écuyer [101]. Après sa sépulture à Saumur en 1624, son frère Jacques, puis la fille de ce dernier, Suzanne, continuent de tirer les bénéfices des terres de Bray et de Grandry.
Si l’expansion et la notoriété soudaine des Boussiron au XVIe siècle s’expliquent, en premier lieu, par leur assiduité à la cour de Renée de France, elles sont aussi la résultante de leur conversion et de leur soutien à la religion réformée et vont de pair avec la force, peu tranquille, des huguenots au sud de la Loire, réunissant ainsi toutes les conjonctions particulières favorables, en un lieu donné, à l’édification d’une fortune momentanée.
Bray protestant s’est séparé de Sanzay au début du XVIe siècle [102] et l’étau semble se resserrer autour de la seigneurie catholique avec l’avènement, en face à Maison-Neuve, de Claude IIème de Bussy [103]. Fruit du mariage de Claude Ier avec Cécile de Turgis en 1540, Claude IIème est l’un des compagnons du roi de Navarre qui lui accorde des lettres de sauvegarde pour lui et sa famille [104]. Lorsqu’il meurt, le 14 février 1613, il y a « une belle compaignée à sa sépulture » protestante à Saumur [105]. Le fait que son père et son fils aient été de purs catholiques prouve bien qu’il s’agit là, pour Claude IIème, à la fois d’un coup de tête, d’un besoin de marginalisation ou de différenciation, d’une sorte de recherche d’aventure pour un rural aisé à qui la vie provinciale n’apporte plus rien d’exaltant. Et l’on peut rapprocher cette attitude, courante dans le Poitou et au sud de la Loire chez certains hobereaux de campagne, de l’audacieux pari dans lequel se jetteront plus tard les « cadres » des Blancs de 1793.
Par contre, son fils Claude IIIème, élevé, on s’en doute, dans le droit chemin, essayera de se faire enterrer dans l’église de Saint-Macaire trente-sept ans plus tard. La sépulture soulèvera certainement un tollé de la part du vrai seigneur de Saint-Macaire. Elle fera perdre tout son impact à ce geste de retour au bercail, politiquement et publicitairement peu innocent, alors que le conflit religieux bat encore son plein.
Bray dès 1525, et Maison-Neuve dès 1560, sont donc, à Saint-Macaire, deux fiefs voués au protestantisme mais où l’échanson Christophe et le parjure Claude IIème, comme d’ailleurs la plupart des seigneurs, ne résident jamais. En général, ce sont leurs fermiers qui occupent les lieux et leur réservent, en cas de besoin de passage, une ou deux chambres confortables, toutes prêtes, avec les domestiques de la maison, à accueillir le maître. À cet égard, il paraît fort intéressant de noter que les seigneurs protestants n’exigent pas impérativement des fermiers et du personnel de service choisis parmi leurs coreligionnaires [106].
Les troupes de Coligny, fortes de trente mille Huguenots, viennent stationner au Vaudelenay au début décembre de l’année 1568. Pendant toute l’année 1569, ils « rayonnent » entre Doué, Saumur et Thouars [107], utilisant à leur gré les églises pour leur culte, rançonnant et effrayant les populations rurales plus exposées et dévastant les richesses ecclésiastiques. Au bout d’un an d’exactions et de pillages rigoureux, et avant de quitter provisoirement le pays le 29 septembre 1569 pour aller essuyer une cuisante défaite à Moncontour le jour suivant [108], la tradition assure qu’ils se sont heurtés aux ligueurs au lieu-dit Champ Noir, cette vaste plaine située entre Saint-Macaire, la Raye et Argentay, et qui tire peut-être son nom de ce mauvais jour. Il est donc certain que, vainqueurs de l’échauffourée, les Huguenots s’en prennent alors aux propriétés de René de Sanzay, qui, catholique [109] et conseiller du Roi, défend Nantes avec succès contre les protestants, et qu’ils mettent le feu à la seigneurie et à l’église [110].
Lorsque les parpaillots s’en retournent vers Vaudelenay par Argentay, la fumée derrière eux monte de deux foyers concomitants, de la seigneurie à droite et de l’église à gauche. Les charpentes s’écroulent dans un nuage noir qui peut se voir de loin et qui servira de leçon. Les deux bâtiments ne s’en remettront jamais. Cela tombe mal pour René de Sanzay qui a déjà vendu son domaine à Françoise Bourgeois depuis sept ans et qui attend toujours une décision de justice pour en régler définitivement les modalités. Il faudra donc redonner un aspect normal à ce tas de décombres qui lui appartient encore et dont seuls les murs calcinés et les parties souterraines n’ont pas souffert. De plus, en tant que seigneur fondateur de l’église, qui y entretient un desservant, il lui revient aussi de rétablir le culte dans l’édifice religieux.
La forêt, encore une fois, a bien servi et les paysans anxieux reviennent les premiers en observateurs. Ils n’ont plus, image bien trop répétitive, qu’à constater les dégâts et à mesurer l’étendue du travail qu’il va maintenant falloir fournir pour combler le déficit. Le paysan découvre les méfaits un à un. Il faut encore tout recommencer. Les bestiaux qu’on avait presque fini de payer à prix fort s’en vont maintenant tranquillement, poussés vers d’autres horizons par les hallebardes des soudards. De la chaumière ou de la cabane, il ne reste parfois qu’un tas chaud et fumant. Même les quelques rares outils ont disparu et le chaudron quotidien s’est envolé dans la roulante de guerre. Le puits est infecté et des cadavres d’animaux nagent sur la mare abreuvoir.
On se reprend à espérer des jours meilleurs, lorsque la colère divine sera passée. Le fermier accordera-t-il des facilités pour les dettes de l’année déjà lourdes à supporter en temps normal. Le seigneur, lui aussi, doit se refaire une santé… Comme d’habitude, on retrousse les manches et on se remet au travail, mais avec l’envie de tout laisser tomber, de partir, comme certains, avec les gens de guerre, d’aller à l’aventure tenter de toucher quelque solde et de se payer en plus sur l’habitant, de s’offrir à l’occasion quelque bonne ripaille.
Finalement, comme d’habitude, on reste, on est attaché à cette terre. Les misères, les calamités demeurent le lot quotidien. On doit tirer le diable par la queue et laisser faire cette force brutale qui revient régulièrement saccager. D’ailleurs, après avoir fait les frais des esprits échauffés, il faut encore pâtir du climat déréglé. Tout semble se liguer à nouveau contre le paysan. À peine remis de l’hiver 1565 qui avait tout gelé, du vandalisme huguenot de 1569, voilà que la sécheresse de l’été 1578 ruine ses espoirs. Juin 1580 apporte la grêle, puis les chenilles s’en mêlent.
C’est alors que les soldats reviennent, puis repartent. S’il fait beau en 93, cela pourra aller. Non ! Le 27 mai, les grêlons broient encore les jeunes pousses. Une année de labeur pour rien. Pour 94, tout s’annonce bien jusqu’en juin, mais soudain, la pluie, que l’on souhaitait légère, inonde les champs et gâte la moisson. D’actions de grâces en supplications, les femmes font des permanences à l’église, avant, après, pendant les batailles et les calamités. Si l’on ajoute à tout cela la maladie, la contagion qui, en 98, enlève tous les derniers bras valides, on voit bien que l’on n’y peut rien, que l’on tombe sans cesse de Charybde en Scylla. C’est la fin du siècle, la fin du monde, la fin des misères [111].
L’honorable vieillard René de Sanzay meurt dans l’année qui suit l’incendie de sa seigneurie de Saint-Macaire [112]. Il laisse cinq garçons à Renée du Plantis. L’aîné, René, est depuis 1560 en désaccord avec la famille, ayant expulsé ses parents de leurs châteaux de Saint-Maixent et Sanzay en Poitou [113] tout en se faisant remarquer dans les rangs des catholiques, semblant vouloir être, avant l’heure, chef du clan. À la mort de son père, il prend la succession sous bénéfice d’inventaire et se désolidarise complètement de sa mère. Il empêche ainsi le partage de la succession entre les autres frères : Christophe, le cadet, préféré de Renée, sieur de Saint-Macaire, Charles, sieur d’Ardanne, Claude, sieur de Cossé et Anne, sieur de Maignannes.
Claude meurt en 1580 et sa femme, Marguerite de La Motte, une normande, demande sa part. Christophe se contente de lui préciser que Claude est sur la liste du bénéfice d’inventaire mais que la succession est toujours gelée. Renée fait son testament en 1584 sans avoir pu récupérer ses terres de Saint-Maixent et de Sanzay en Poitou [114]. Des procès sont engagés contre René l’aîné, pour lesquels Christophe se déplace incessamment et engage des frais que sa mère lui rembourse en 1587 lors du règlement de la situation. Christophe assistera notamment aux Grands Jours de Poitiers, sorte de foire à la justice, instaurée en 1405, lors de laquelle une concentration de juges met à jour les dossiers judiciaires en suspens depuis longtemps et obtiendra, semble-t-il, réparation [115]. En 1594, Renée est toujours vivante et elle révoque son testament [116], mais Christophe est encore seigneur de Saint-Macaire. Les 4000 livres payées pour la seigneurie n’ont certainement pas été rendues à Françoise Bourgeois puisque la terre échoit enfin vers 1600 à la fille de celle-ci, Jacquine Dufay [117].
Deux seigneuries, en tout cas, Bray et Maisonneuve, semblent avoir été épargnées par les Huguenots [118] qui n’ont pas dû dédaigner, par contre, nos deux jumelles monastiques [119]. Ils connaissent, eux aussi, le dicton. Non contents de piller, ils mettent le feu sous le regard tendu des moines camouflés dans les arbres de leur bois, ayant remonté le froc, ce jour-là, pour prendre plus facilement leurs jambes à leur cou à l’approche des pendards. Chacun a sa cachette numérotée (de 1 à 5 seulement), son chêne séculaire hospitalier, sa frondaison salvatrice qu’il rejoint à chaque alerte, priant et recommandant son âme à Dieu [120].
La Guéritière a changé de propriétaire et c’est maintenant François de La Fontaine, seigneur de Bouillé-Loretz, qui possède cette ferme importante [121]. Tristan Ayrault est sieur de la Bâtardière et voisin des Gauvin [122].
La lutte religieuse n’est pas terminée et la Loire conserve son image de frontière. Ainsi Henri III écrit-il depuis Blois au duc de Nevers une lettre datée du 28 septembre 1588 : « Mon cousin le roy de Navarre est venu avec quatre cents chevaux suivi de deux mille cinq cens arquebusiers jusquà Douay pensant surprendre quelques-uns de nos régimens qui avaient pu passer la rivière Loire, mais pour le bon ordre et la diligence du sieur de Richelieu, son voyage est demeuré inutile » [123].
Entre 1595 et 1597, une assemblée protestante générale ou générale protestante siège deux fois à Saumur qui reste l’une des plaques tournantes des réformés sous l’influence croissante de Moïse Amyrault et de Duplessis-Mornay [124].
Les disparitions de Charles Boussiron et de Claude IIème de Bussy, l’avènement d’un nouveau seigneur à Sanzay, un retour progressif à la catholicité ramènent quelque peu le calme sur les terres de Saint-Macaire et les paroissiens peuvent procéder tranquillement à la reconstruction de l’église [125].
De tous les pauvres qui courbent l’échine dans le bailliage de la Petite Marche qui dépend à nouveau de la Vicomté de Thouars, ceux de Saint-Macaire sont encore les plus mal lotis. Au Puy, aux Verchers, au Vaudelnay, tout va bien mieux. Les terrains sont meilleurs, l’humidité moins perforante et la vie, en général, moins dure.
Ici, à Saint-Macaire, les sols sont tellement marécageux que l’eau sourd de partout. Les chemins s’y pratiquent si mal que personne n’ose aventurer sa carriole au creux des haies sans encourir le risque de passer des heures à désembourber [126]. Si cela représente un inconvénient majeur pour les marchands et le commerce, ce peut devenir un avantage, en revanche, lorsque les hordes armées approchent. Elles évitent de venir y enliser les affûts de leurs canons.
Les gens, eux, ont, de toute façon, l’habitude des meilleurs passages et enlèvent les sabots pour traverser le gué de la Planche ou celui de Brignon. Le seigneur peut monter au Puy à cheval directement de l’église par Champ-Noir. D’ailleurs tout le monde emprunte ce circuit pour éviter de se crotter. De Champ-Noir, on est aussitôt à la Raye, et de là, quelques enjambées mènent à la colline du Puy.
Le vent du nord amène la tinte de la nouvelle cloche des Verchers, bénite le 19 décembre 1604 sous le haut parrainage de Pierre de Bussy-Fontaines [127], père de Claude IIème le protestant, et qui aura bien du mal à racheter la faute de son rejeton renégat. Depuis la vente de Sanzay, les Bussy font figure et office de seigneurs du village. Leurs demoiselles et dames, Pierre, Claude Ier ont vaqué aux soins de la paroisse et représenté la hiérarchie locale, Maison-Neuve oblige.
À deux pas de là, Monsieur Demourant [128], nouveau doyen de Thouars et à la fois curé, par tradition, de Saint-Macaire, vient prendre possession, ou, tout au moins, retirer les bénéfices du Doyenné dans le courant de l’année 1610. Mais ce n’est pas lui qui s’abaisse à dire la messe des petits, ne se déplaçant que pour la grande pompe des grands. Quant au curé du Puy-Notre-Dame, Joseph de Salles [129], on murmure qu’il est de la même famille que les actuels propriétaires absents de la seigneurie de Saint-Macaire, une famille originaire du Haut-Segréen [130]. Ce serait un certain Raoûl de Salles, déjà sieur de La Plesse et de Lescoublère [131], qui a part, dit-on, dans cet héritage. On ne l’a encore jamais vu ici, car il habite le château de Maligné [132], mais on le sait par les fermiers qui prennent les levées.
Comment la seigneurie de Saint-Macaire a-t-elle bien pu, en partie, passer sous le contrôle de Raoûl de Salles en 1616 ? Il faut en fait, comme dans la majorité des cas, se tourner vers les femmes, et prendre en compte leur longévité, pour bien comprendre le transit de cette seigneurie.
On se souvient de la vente qu’en avait fait, en 1552, René de Sanzay à Françoise Bourgeois, épouse d’Élie Dufay, propriétaires du Jau à Érigné. Jacquine Dufay, leur seul enfant, s’est mariée en premières noces à Jacques Clausse, sieur de Néry et gouverneur des Ponts-de-Cé, dont elle a deux filles, Jacquine (Jacqueline) et Judie (ou Judith) Clausse. Jacquine Dufay épouse en secondes noces Charles Gencian, sieur d’Érigné [133], et Jacqueline Clausse convole en 1614 avec Raoûl de Salles. Le Jau et Saint-Macaire restent donc la propriété, en propre, des trois femmes. Même si, de 1613 à 1616, Charles Gencian, puis en 1616, Raoûl de Salles, sont affublés du titre de sieurs de Saint-Macaire, ils ne le doivent qu’à Jacquine et Jacqueline. Plus tard, en l’absence d’héritiers directs Dufay, les deux seigneuries seront partagées en indivis, entre les Gencian et les de Salles. La branche de Salles viendra s’éteindre à Saint-Macaire au XVIIe et les Gencian en resteront les seuls titulaires.
Arrive alors l’hiver 1614-1615, le plus enneigé de toutes les mémoires de vieux : « Le vingt-troisième jour de febvrier, la nuit dont la feste de saint Mathias estoit le lendemain, jour de mardy, tomba une si grande quantité de neige qu’elle combloit les plus creux chemins et le vendredi suivant vingt-sixième redoubla ladite neige de fasson quelle estoit si grande que personne ne pouvoit sortir hors de sa maison qu’avec grande difficulté. Lesdites neiges durèrent depuis ledit jour vingt-trois jusques à la feste de l’Annonciation de la Vierge vingt-cinq mars et au dégel et descoullement desdites neiges les fleuves et rivières enflèrent d’une telle façon que les hommes citadins des vallées et marais pançoient que ce fust un nouveau déluge. La levée rompit en cinq endroits ; les ponts de saumur furent emportez par la fureur des eaux. Chose remarquable, une croix signe des gens de bien érigée sur lesdits ponts demeura entière sur son ferme en despit des religionnaires calvinistes. Je crois que cest orage a sévi en punition de leurs crimes. Prions Dieu pour leur conversion. Les antiens nous raconte qu’il y a environ cinquante ans qu’il fist aussi de la neige que l’antiquité n’avait point veu plus grande mais que celle-cy surpassait en grandeur et dura plus longtemps » [134].
Coïncidence curieuse, Urbain de Salles, unique fils de Raoûl et futur seigneur de Saint-Macaire, choisit la deuxième soirée de neige, celle du 24 février, pour voir le jour à Maligné, ainsi que le raconte sa grand-mère, Jacquine Dufay : « Le mardy a huict eures du soir, vinct e quatrième jour de fevryes jour de Saint Matyas sis sans quinze fut né le fis de ma fille de La plese monsieur de Lecoublerie moy lavons tins e le père a voullu quil ait non matias a quose de la fete batize le dernies jour de fevries » [135].
La signature du traité de Sanzay, alliance officielle des calvinistes avec les grands du royaume contre Louis XIII, le 2 novembre de cette même année 1615, relance les Huguenots en Anjou. Pour y avoir déjà sévi en 1569, ils connaissent bien le Vaudelnay et reviennent camper sur les lieux de leurs crimes. Une femme étrangère à la région, enceinte, attirée au Puy-Notre-Dame par les bienfaits de la ceinture de la Vierge, a maille à partir avec eux le 22 novembre : « La mère ne pansoit faire ses couches en ce lieu mais aiant esté vollée de quelques mulletz et chevaulx par l’armée de M. le Prince et de Longueville dessandue en ses quartiers en se second mouvement, voulut courir après et aiant esté outragée par lesdits soldats, empeschée comme elle estoit, accoucha en ce lieu et paroisse » [136].
Le 27 suivant, il est encore question d’eux. On baptise dans la collégiale du Puy le petit Jean Vauvert, dont les parents, paroissiens du Vaudelnay, sont venus se réfugier au Puy-Notre-Dame « pour leur conservation de l’armée du Prince de Condé et de Longueville qui ce jour mesme ont passé aux pied de ses murailles (Le Puy) pour s’en aller en Poitou » [137].
Ni Charles Gencian qualifié de sieur de Saint-Macaire en 1616 [138], ni Raoûl de Salles ne semblent vraiment s’intéresser à la seigneurie de Saint-Macaire. Il est difficile de savoir qui en a reconstruit les bâtiments à la hâte. Il est probable que Christophe de Sanzay ait été mis en demeure de livrer un logis correct à Françoise Bourgeois après l’incendie de 1569 alors qu’il en est encore dit sieur en 1600.
De l’ancienne seigneurie de Sanzay il ne restait que le gros œuvre, dont les murs épais sont encore visibles dans les caves, et une sorte de crypte-prison, aujourd’hui partiellement murée, qui semble s’en aller en souterrain sous Champ-Noir. La mauvaise qualité de la restauration faite au XVIIe à cette seigneurie témoigne d’un budget restreint. On a l’impression que les toits, tout comme celui de l’église, ont été diminués de hauteur et que la partie supérieure des murs a été rognée. En effet, alors qu’elle est déjà vendue, point n’était besoin d’en faire une demeure aussi rutilante que celle des de Bussy, en face, à Maison-Neuve.
Paradoxalement, pour que Jacqueline Clausse trouve de l’intérêt à cette seigneurie, il faudra que Tristan Ayreau, seigneur de La Bâtardière, dépose une contestation de territorialité et de fondation de l’église devant notaire royal en décembre 1617, que Raoûl de Salles meure le 7 mars 1620 et que sa mère s’éteigne à Érigné le 13 décembre 1626 pour être inhumée dans le caveau de ses aïeux à La Trinité.
En effet, Blanc Ayreau, défend depuis déjà quelques années une thèse reprise par son fils Tristan. Il prétend que l’église de Saint-Macaire « n’est point assise audedans de la dite seigneurie de Saint-Macquaire mais qu’au contraire est située dans la pretandue chastellenie et haute justice du Doyen et Curé de Saint-Macquaire, tenue du Compte de Sanzay qui relève du Roy a cause de Poictiers, que la dite seigneurie de Saint-Macquaire est séparée d’un grand chemin public avecque la prétendue chastellenye dudit Doyen Curé de Sainct Macquaire que le lieu ou l’église est construite est en poitou et à cause de ce la maison adjacente ne contribue pour le sol au dela du chemin et dedans l’étendue de la dite seigneurie de Saint-Macquaire la Gabelle a lieu [139] qui ni la dite constituante (Jacqueline Dufay) ny le dit doyen curé ne sont point fondateur de la dite église d’un sou. Les habitants dudit Sainct Macquaire acheteront le fonds de la dite église et contruyront et la feront bastir a leurs deppans tellement que nul aultre ne se peuvent attribuer la quallité de fondateur de la dite église de Saint-Macquaire » [140].
Ayreau assure par ailleurs que les armes du Comte de Sanzay « qui se sont trouvées gravées dedans le principal pignon » ne sont pas une preuve de la fondation mais seulement de la suzeraineté exercée par la châtellenie du doyen de Saint-Macaire [141] sur le comte de Sanzay.
Ce qui paraît plus troublant dans cette affaire, c’est qu’un protestant, Charles Boussiron, seigneur de Bray, ait été le premier, vers 1617, à combattre les thèses de la famille Ayreau et à prendre fait et cause pour les droits de la seigneurie catholique de Saint-Macaire sur l’église ! De fait, Charles Boussiron avait, unilatéralement, engagé sur ce sujet un procès contre Tristan Ayreau en y faisant citer la mère de Jacqueline Clausse, Jacquine Dufay, alors propriétaire en titre. Il faut dire que le jugement rendu favorisait aussi Boussiron :
« Nos ditz seigneurs dudit parlement ont remonstrez qu’a cause de la dicte terre et seigneurie et chastellenie de St Macquaire elle est patronne et fondatrisse avec le dit sieur de Grandry [142] de l’église paroissiale dudit lieu de Saint-Macquaire a son bancq et la sepulture de ses prédecesseurs dans le chansceau [143] de la dite église dont elle est en bonne possession et tous autres droitz honneurs et préminences qu’a patron et fondateur d’eglise appartiennent sans que ses predécesseurs et elle y avait esté troublez par aulcuns des paroissiens dudit lieu » [144]. On s’en doute, Tristan Ayreau fera aussitôt appel, sans suite apparente.
Raoûl de Salles meurt le 7 mars 1620. C’est la consternation. Jacquine Dufay consigne ces quelques mots au dos du contrat de mariage : « Contrat de mariage de ma fille Jacqueline. Il epouserent le mardy huittyeme davril sis sans XIIII. Monsieur de la plese est mort le samedy matin septieme de mars mil sis sans vinct. Il a laise ung fis e une fille. Il ont ete ansamble que sainq ans huict mois » [145].
Une autre mention de la possession de Saint-Macaire par un membre de la famille de Salles est celle faite dans les registres de l’église collégiale de Martigné-Briand. En effet, par deux fois, quelques mois après la mort de son frère Raoûl, Claude de Salles y est appelé « Claude de Saint-Macaire » : le 20 septembre 1620, lorsqu’il récompense un choriste après les matines, et en octobre 1620, lorsqu’il défend les chanoines contre le curé [146]. En 1604, Claude de Salles apparaît comme un sieur de Maligné [147] et de Lescoublère très « culturel », donnant en 1604, « un tableau narratif et liturgique de la Nativité de Notre Seigneur à placer sur l’autel de Notre-Dame » et qui, « pour porter à l’augmentation de l’Église de Martigné a présenté un tableau de plate peinture représentant la Nativité de Notre Seigneur qu’il a dit avoir fait faire exprès » [148]. La signature de Claude, particulièrement intéressante car extrêmement ouvragée, dénote une sureté calligraphique hors-pair [149].
Jacqueline Clausse habite Maligné avec ses deux enfants, Urbain et Jacqueline qui est née en 1618 [150]. Jacqueline Clausse reprend le dossier Saint-Macaire. Le mercredi 29 novembre 1623, elle se rend à la Cour de Saumur après un court passage à la seigneurie de Saint-Macaire et sans doute à Bray, chez Charles Boussiron. Elle relance l’affaire Ayreau, dont l’appel n’est toujours pas jugé, et réussit à faire condamner Tristan Ayreau à reconnaître « ses droits de possession de patronnage et de fondation de la dite église » et surtout à payer les frais de l’édit du Roy dans les trente jours.
Un mystère demeure. Quelles raisons ont poussé Charles Boussiron à soutenir le seigneur en titre ? Il paraît pourtant impensable qu’un prostestant poitevin puisse s’allier à une angevine catholique dans une telle intrigue géographique. Une petite phrase de la minute effleure le point crucial occulté par le manque de sources plus anciennes : « Lesquels faitz ont esté passez et articulez pour penser destourner et troubler la dite constituante et le dit seigneur de Grandry son copartageant en leurs droitz de possession du patronnage et fondation de la dite église et aultres droitz qui leur appartiennent a cause de la dite terre de Saint-Macquaire ». De toute évidence, Charles veut faire triompher un droit seigneurial dans lequel il semble impliqué, ce que Jacqueline ne conteste pas. Cela porte à penser que Bray et Sanzay ont pu être étroitement liés dans le passé. Ce sera certainement à la suite de ce différent que, le 20 avril 1627, le sénéchal du duché de Thouars fait planter au bout du cimetière, au carrefour du grand chemin du Puy-Notre-Dame, un poteau aux armes du duché-pairie de Thouars, comme « étant ledit bourg et paroisse en la juridiction et châtellenie de Thouars et Ferrière, en marches communes d’Anjou et de Poitou » [151]. Il rétablit ainsi la prééminence de Thouars (La Trémoille) et déplace vers l’abbaye de Ferrières l’ancienne hiérarchie écclésiastique de l’archidiaconé et du doyenné.
Quoi qu’il en soit, sa mère allant sur les 70 ans, Jacqueline pense de plus en plus que la seigneurie de Saint-Macaire est pour son fils Urbain, et elle la fait déjà sienne.
En cet été 1625, les villes de toute la province sont touchées par la peste. Poussés par une disette concomitante, les habitants du sud de l’Anjou et du Poitou envahissent les villes pour mendier sans crainte du péril. Cibles privilégiées de la maladie, ces cohortes de malheureux remplacent, dans les villes, les bourgeois affolés qui fuient. L’hiver repousse la contagion, l’été la ravive. Mais, même si en 1631 la peste frappe Montreuil-Bellay [152], le fléau n’accable pas vraiment les campagnes, surtout à Saint-Macaire où les maisons sont tellement éloignées les unes des autres que les haies empêchent le mal de courir.
Jacquine Dufay est vieille et ne bouge plus de sa maison du Jau. Le 16 janvier 1626, une collation est faite à l’original de l’acte de vente de la seigneurie de Saint-Macaire passé en 1552 entre René de Sanzay et Françoise Bourgeois. Le 13 décembre 1626, Jacquine s’éteint [153] et Jacqueline fait aussitôt aveu à la baronnie de Cinq-Mars-La-Pile de sa châtellenie de Saint-Macaire :
« Je damoisselle Jacquelline clause [154] veue de defunt raoule dessale vivant equier sieur de la plesse confesse estre sujete et avoue tenir de vostre baronnie de la pille st mars [155] tant en fief que domaine à foy et homage simple la motie par aindivie de ma charelenie ter et fief de ma seigneurie de Saint-macquaire consistant en domaine maytairie glonzoies [156] terres labourable ou non labourable pre bois fuis [157] garrane sans [158] et rante et devoirs apartenance et depandance avecq le droit de fondation et droit honnorificque bans dans le cœur du dit st macquaire dime aynfeodée tiers et quarst des fruit vante et yssus que je droit de prandre sur tout les sujet de madite tere avecq droit de haulte basse et moienne justise audit lieu par prevantion avecq vous seaux à contraits four à ban boisseaux[159] mesure apeinte de vin que je ausy droit davoir et encore et audedans de mon dit fief et bourg de st macquaire ».
Jacqueline poursuit en décrivant la seigneurie [160]. « Premièrement, s’ensuivent les choses que je tiens en mon propre sans autrement en faire division ni séparation de ce qu’il peut être de la dite moitié, c’est, à savoir, ma maison seigneuriale dudit Saint-Macaire consistant en un corps de logis, chambres hautes et basses, greniers, pressoirs, sellerie, étable, cours, aireaux, jardins, ouches [161] tenant ensemble et contenant comme à l’estimation deux septrées de terre ou environ [162], joignant d’un côté et d’un bout la maison, jardin et clos de Maison-Neuve, le chemin entre deux tendant à aller de Maison-Neuve au bourg de Saint-Macaire, de l’autre côté et de l’autre bout, la pièce de terre appelée Champ Noir dépendant de ma dite seigneurie et comme l’on va de ma maison de Saint-Macaire au bourg de l’église dudit lieu ».
Jacqueline, avec l’aide du fermier, va ensuite énumérer, en précisant bien leurs positions respectives, toutes les terres qu’elle possède en propre et, plus important, rappeler les différentes ponctions inhérentes à chaque parcelle rétrocédée.
« Item, la dite pièce de Champ Noir contenant dix-neuf septrées ou environ [163] joignant d’un côté le chemin tendant à aller au dit bourg et église de Saint-Macaire au grand cimetière [164] du dit lieu et au Puy-Notre-Dame, d’autre côté le chemin comme l’on va du dit Puy à l’abbaye de Lassée en Brignon d’un bout au grand cimetière et jardins des héritiers Antoine Martin et Abel Renart et Mathurin Sapinault d’autre bout ».
La pièce de Champ-Noir représente à elle seule pratiquement le tiers des terres de la seigneurie. C’est un fameux morceau dont on est fier et, qu’à juste titre, l’on cite toujours en premier dans les inventaires qui, invariablement concentriques, partent de la maison pour s’éloigner vers les autres paroisses. Les fermiers sont capables de reconstituer parfaitement chaque pouce de terrain. La mémorisation visuelle remplace le meilleur des plans cadastraux. Après avoir mentionné les grandes parcelles, le spécialiste continue quartier par quartier en suivant le fil des yeux. On peut se fier à cette géographie de terroir que chacun connaît sur le bout des doigts, et sur laquelle tous sont d’accord. Du plus vieux au plus jeune, on sait qui met en valeur le moindre arpent malgré un morcellement à en perdre la mémoire. Par exemple, Madame de Salles possède « dans le Grand Champ Morin 28 boisselées prenant depuis la vigne à Guillot à prendre par la moitié de la doue et 22 boisselées de l’autre côté sur quoi il faut rabattre la friche et les deux planches à Guillot, le tout cordelé par Monsieur du Vivier » [165].
La propriété de Sanzay compte, alors, environ 55 ha, dont 10 en vignes, 40 en terres labourables, 5 en prés et 1 en taillis [166]. Le fermage porte sur 31 ha des meilleures terres réservées par Jacqueline et lui rapportera environ 300 livres [167] toutes charges déduites. Le reste est exploité de père en fils par une quarantaine de travailleurs moyennant le paiement de droits seigneuriaux.
Sur toute l’étendue de la seigneurie, quelques terres n’ont pas réussi à se faire un nom et il est désormais trop tard pour leur en donner un. L’époque en est passée [168]. Sept parcelles seulement sur trente-trois n’ont pas été baptisées et les gens disent : « la vigne de Sanzay, le pré de Sanzay », appellation Sanzay d’origine qui colle à la peau de chagrin de cette terre et de cette seigneurie [169].
Les noms de lieux-dits sont tellement bien choisis, tellement gouleyants à phonétiser, simples et en même temps si expressifs, souvent si frappants ou choquants à plaisir qu’on les retient bien de toute façon : Champ-Noir au goût sinistre, Les Pinardries fabriquées de toutes pièces, La Grippe Surdent énigmatique et surprenante, La Croix des Manivelles tellement technologique, et tant d’autres dénominations qui se fixent définitivement dans les mémoires à l’époque de l’enfance où l’on devrait apprendre à lire, formant ainsi un répertoire géographique familier, une bible du terroir utilisée quotidiennement, faite de mots nouveaux, tirés à part, autonomes, agréables à babiller. La Garenne du Gland, Bussily, Bois Sailly chantent une poésie visuelle et véhiculent, parmi les termes habituels frustes et monotones, un langage magique qui fait passer, à sa simple évocation, une image de la terre essentielle, vitale pour tous ces esprits ruraux qui n’ont pas beaucoup d’autres points de repère.
Dans son aveu, Jacqueline passe ensuite à l’inventaire d’autres recettes non moins négligeables, celles qui sont payées en argent ou en produits de la ferme : « Item, s’ensuit la déclaration des cens, rentes et devoirs à moi dûs à cause de ma dite terre et fief et seigneurie de Saint-Macaire, tant par deniers, chapons, poules, blé, froment seigle et avoine, le tout mesure de Thouars et Doué par les dites personnes frescheurs ci après nommés, aux terme Saint-Michel qui est au mois de septembre, pour les choses héritées qu’ils tiennent de moi, sies en mon dit fief » [170].
En totalisant ces recettes, on obtient 21 chapons, 174 boisseaux 3/4 de froment, au grain près, et 19 sols 63 deniers par an.
Ils sont quarante-six, en cette année 1626, à détenir le droit de travailler provisoirement sur les terres de Jacqueline Clausse et, ainsi, à devenir redevables des droits seigneuriaux encaissés par le fermier (ou receveur) pour Jacqueline. Leurs noms paraissent majoritairement angevins, plutôt maugeois, comme ceux de Daviau, Guérineau, Blancheteau, Mestreau, ou plus méditerranéens tels ceux de René Gadras ou de Gilles Doc.
On leur prélève ces redevances, soit en nature sur les récoltes (terrage), soit sous forme d’argent ou de produits de la ferme équivalents (cens). Si le terrage représente toujours une grosse ponction pour le tenancier, parfois le tiers ou le quart pour la vigne, mais plus généralement le sixième ou le septième des fruits, sans compter la dîme, il n’en va pas de même pour les redevances en espèces ou en produits divers qui semblent devenues plutôt symboliques. Le mécanisme du terrage, fixé à l’époque des défrichements du XIe siècle, a, malgré le temps, parfaitement conservé toute sa valeur initiale de rapport dans la mesure où il est indexé sur un rendement qui n’a pratiquement pas évolué depuis plusieurs siècles. Le cens, par contre, sorte de loyer calculé une fois pour toutes lors de la première attribution de la terre, s’est fortement dévalué de génération en génération et ne rapporte plus rien au seigneur.
Les tenanciers ne sont pas tous égaux devant la retenue liée au lopin qu’ils exploitent. Déjà, sur une même terre appartenant au même propriétaire, il n’est pas rare de constater des écarts conséquents. Ainsi l’on passe facilement, d’un sillon à l’autre, du tiers au septième des fruits. Mais il existe des différences bien plus marquées entre les régimes appliqués par divers seigneurs. Ainsi, pour le raisin, cela peut-il aller du tiers, plus la dîme, au quart sans la dîme, et pour les céréales, du tiers au septième, ce qui représente une inégalité désespérante. Le tenancier doit laisser une grappe de raisin sur trois !
Même si le prélèvement reste proportionnel à la récolte effectuée, le tiers des fruits s’avère être une soustraction démesurée pour des terres peu rentables. Jacqueline en a d’ailleurs parfaitement conscience puisqu’elle précise qu’elle a trouvé la situation telle quelle : « les dites vignes de la seigneurie trouvées au tiers et dîme de la vendange » [171]. Contrairement aux habitudes locales, la majeure partie des terrages consentis par la seigneurie de Saint-Macaire sur ses vignes ou ses terres, probablement établis par la famille de Sanzay, sont au tiers ou au quart des fruits, plus la dîme.
Pire, le Pré Dion [172], un clos de vigne pourtant situé en pleine zone humide, rassemble l’ensemble des conditions défavorables pour les héritiers Besnardin et Guérineau qui le font valoir : un cens de huit chapons annuels, une moitié de la superficie tenue au tiers et dîme des fruits, l’autre moitié au quart et dîme, le tout rendable au pressoir du seigneur ! Que restera-t-il aux pauvres héritiers d’une parcelle si peu rentable ?
En fait, plus le prélèvement est important, plus la récupération des rentes par les receveurs (qui sont souvent les fermiers) est difficile, et ces derniers doivent y consacrer tout leur temps. Cependant, c’est encore le fermier qui semble être le plus à même de tirer son épingle du jeu d’un système économique aussi peu réaliste et dont la collectivité ne retire, en définitive, aucun profit. Alors, le fermage peut apparaître comme une institution contestable pour l’ensemble de l’échelle sociale qui est censée en vivre. Il semble pour le moins illogique, en fixant d’avance les bénéfices, – en l’occurrence le montant du fermage prévu dans un bail gelé sur trois ou cinq ans -, de toujours réussir à faire coïncider prévisions et résultats.
De son côté, le paysan ne parvient jamais à joindre les deux bouts. Ainsi, à Thouars, Montreuil, Le Puy-Notre-Dame, « les pauvres gens ne mangent que du pain fait de racines de fougères et de glands » [173]. Ce n’est pas mieux au sommet de l’échelle. Le seigneur encaisse, en principe, le fermage convenu qui ne représente jamais plus que 3% de l’investissement consenti. Au niveau intermédiaire enfin, surtout s’il est aussi receveur et qu’il peut, de ce fait, « magouiller » sur les rentes et les terrages, le fermier a parfois la faculté de réaliser quelque plus-value, selon la conjoncture. En général, il dépense aussitôt les excédents en achat de domaines et devient ainsi à son tour détenteur d’un fief qu’il baille à de nouveaux fermiers. Mais on se rend finalement compte que ce système n’est générateur d’enrichissement, pour le seul fermier, qu’en période très favorable, car tout repose sur un équilibre précaire : celui du climat. Que la récolte vienne à grêler, à geler, et tout le processus devient inopérant.
Pourtant, nombreux sont les nouveaux candidats à tenter leur chance, à rêver, à croire à la fortune. Journaliers, laboureurs, même ne sachant lire, s’essayent à affermer de petits fiefs pour quelques livres – il y en a pour toutes les bourses. Mais ces cas de réussites sont rares. Ils retombent inévitablement sous la coupe de grands fermiers expérimentés dont le bagage intellectuel et les liquidités sont nettement supérieurs, et qui savent alors parfaitement exploiter les erreurs de gestion de ces ambitieux en leur concédant quelque savant métayage à vie.
À ce titre, la famille Quétineau, du Puy-Notre-Dame, est l’exemple notoire d’édification de fortune par le fermage depuis le XVIe jusqu’à la Révolution. Elle a fourni plusieurs générations de fermiers expérimentés qui monopolisent les revenus des grandes seigneuries de la région [174].
Pourtant, le recouvrement des créances par le receveur ou le fermier est une œuvre pénible, voire inhumaine. Et il n’est pas rare que des délais assez longs soient accordés. Ainsi, sur un papier de Bray de 1542, trouve-t-on trace du paiement d’un arriéré de dix-sept ans : « Reçu de François Soyer treize boisseaux et demi et un quart de chapon de cens pour l’année 1525 » [175]. Ces effets de bonté du fermier-receveur ne lui attirent pas pour autant la reconnaissance des tenanciers. Sa rapacité seule reste la hantise des pauvres. Le seigneur, bien à l’abri derrière ce tampon relationnel avec la population, peut ainsi se laver les mains de toute méchanceté à l’égard des manants. Au contraire, il a ainsi toute latitude pour rester en bons termes avec les petits et se laisser aller à des gestes toujours bien interprétés.
Le curé Demourant, doyen chanoine de Thouars et curé de Saint-Macaire, est désigné, le 28 novembre 1632 pour renforcer l’équipe des exorcistes « des filles du monastère Sainte-Ursule de Loudun, travaillées du malin esprit ». La possession cesse comme par enchantement dès le 24 décembre. Mais le curé Urbain Grandier, prêtre libertin, est désigné comme le bouc émissaire à la fois politique et religieux de cette crise locale de mysticisme. Demourant prend à cœur son rôle de représentant de l’évêque de Poitiers sur toute cette affaire qui le tiendra occupé pendant une dizaine d’années. Il assiste assidûment aux exorcismes pratiqués sur les ursulines et se fait l’ennemi déclaré de Grandier au procès duquel il siège sans voix délibérante. Le 7 juillet 1634, alors que sœur Claire tente de fuir de l’église pendant une séance d’exorcismes, Demourant la rattrape de justesse. En septembre 34, il est dépêché chez l’évêque par le procureur de Loudun pour solliciter le renfort des jésuites. En 1637, la chemise de la Supérieure Jeanne des Anges portant des marques divines, il achemine le vêtement à Tours pour divers tests. Dans cette affaire, Demourant défend la thèse de l’évêque, à savoir que l’église ayant déterminé une possession, il est impossible de douter et de revenir sur le procès de Grandier. Il se heurte à quelques jésuites ou personnalités qui remettent régulièrement en cause le manège des Ursulines. Mais chaque fois qu’un indice défavorable à la thèse de l’Église surgit pendant les exorcismes publics, Demourant arrête les manipulations. En 1638, il accompagne Jeanne des Anges, enfin dépossédée, dans le périple du pélerinage qui la mène de Loudun à Rueil (chez Richelieu) en passant par Tours et Paris. Le 29 mai, ils passent la journée chez Anne d’Autriche à Saint-Germain en Laye et arrivent le 11 juillet sur le tombeau de Saint-François-de-Sales à Annecy, objet du voyage et du vœu de la supérieure. Le pauvre Grandier, désigné comme l’agent du diable, sera offert en holocauste d’apaisement et condamné au bûcher [176].
Un regard vers Le Puy nous apprend qu’un certain Joachim Descartes possède la seigneurie de Chavannes. Il s’agit du père du philosophe. Il la cèdera bientôt à une famille protestante, les de La Muce, en 1638 [177].
Urbain de Salles a grandi, il a maintenant vingt-trois ans. Jacqueline, sa sœur, est entrée comme novice au couvent du Perray à Angers [178]. Le 7 mai 1638, dans l’année de ses vingt ans, sa mère règle sa pension et son noviciat avec la sœur supérieure, Catherine Grongnet de Vassé. Puisque Jacqueline « meurt de dévotion au service de Dieu », l’abbesse accepte de la recevoir aux conditions suivantes : « vivre et mourir en l’abstinence en la règle et statut de l’ordre de Citeaux comme les autres religieuses sœurs de chœur », et 800 livres par an dont aucune restitution n’est prévue de son vivant ni après son décès. 500 livres seront versées le 7 mai, puis les 300 livres restantes à la fin du noviciat [179]. Le prix de la pension prouve au moins que ce n’est pas l’indigence, pour l’instant, qui a conduit la famille à mettre Jacqueline de Salles au couvent.
Jacqueline Clausse et Urbain restent seuls et se décident enfin à habiter Sanzay, la seigneurie de Saint-Macaire.
Urbain signe, au Puy-Notre-Dame, peut-être pour la première fois sur un registre paroissial, en tant que parrain, le 26 juillet 1644 [180]. Il suit en cela l’exemple de son voisin de Champ-Noir, Antoine Fresneau, maître chirurgien du Roy en ses armées, qui a été parrain le 9 mai de sa nièce Étiennette, fille de Julien Fresneau, l’un des notaires de la petite ville [181].
Et puis Urbain y prend goût, le bougre. Puisque les registres de Saint-Macaire ne sont pas ouverts – il va d’ailleurs en toucher un mot à son vicaire, il récidive le 8 mars 1645 au Puy [182], parrain derechef avec une gentille marraine, demoiselle Anne de Goulard, fille de M. de la Grange Vermière. Urbain a tout juste trente ans.
L’histoire du registre travaille Urbain et il fait savoir au vicaire de Saint-Macaire, Bertrand, et au prêtre desservant Claude Morin, que c’est la loi depuis belle lurette [183], que c’est vraiment obligatoire et que tous leurs collègues en tiennent un à jour depuis quelques dizaines d’années, même s’ils sont, comme c’est le cas à Saint-Macaire, au régime de la portion congrue.
Alors Bertrand commence à recopier consciencieusement, mais succintement, la vie et la mort à Saint-Macaire, de ses moyens intellectuels tout simples et de sa plus belle écriture de cochon [184]. Les gens importants vont pouvoir s’y manifester et l’on saura enfin à qui l’on a affaire. D’Urbain de Salles à toute la famille de Bussy qui fréquente de près ou de loin Maison-Neuve, Marie, Marguerite, Gilberte, Jacqueline et Claude IIIème le patriarche, les honnêtes hommes de la région, marchands ou fermiers, Antoine Fresneau, Antoine Falloux sieur de la Bafferie, François Guéniveau, nouveau propriétaire de la Bâtardière, tous, sachant signer, viennent apposer leurs noms au bas des actes sur les registres paroissiaux tout neufs. Les sacrements, c’est sacré.
Et pan ! Dès la première année, on enregistre un crime : « Le 28 juillet 1646 a esté enterré un valet à M. de La Motte qui a esté tué d’un coup de fusil ». Vengeance religieuse ? La vie commence à s’animer et la mort à sévir. Deux enfants à Matthieu Renard et Louise Brissonet, habitants du bourg, nés d’une portée qui n’a pas touché terme, sont cependant baptisés le 17 novembre 1646. Ce sont aussitôt des traces d’épidémie qui transparaissent des registres : Loïc Maufray, par exemple, meurt le 18 octobre 1647. Son fils de sept ans le 22 octobre et sa fille le 29 novembre disparaissent aussi.
Urbain est l’un de ces animateurs. Il vient à point nommé prendre son dû et relever les Bussy de leur long intérim [185].
Mais c’est seulement le 20 août 1647 qu’Urbain couche pour la première fois son autographe sur le registre de Saint-Macaire. Parrain d’un certain Urbain Dubois, dont le prénom est choisi en connaissance de cause, il est encore accouplé pour la circonstance à une marraine-fille-à-marier, Gilberte de Bussy, toute proche voisine et de bonne famille [186]. Mais point question de s’unir à ceux de Maison-Neuve qui ont en partie usurpé leur rôle de seigneur honoraire. D’autre part, leur fortune et leur niveau de vie étaient sensiblement inférieurs à ceux de leurs vis-à-vis.
Et l’année suivante, dans la chapelle de La Poupardière [187], Urbain épouse Félix de Girois le 20 février [188]. Jacqueline Clausse a reconnu Urbain comme son fils aîné et principal. Elle lui donne les terres de la Plesse et la maison de Maligné, donation sur laquelle sera prise la pension viagère de sa sœur Jacqueline. De plus, sa mère le « rend quitte de toutes les nourritures et entretiens passés ».
De son côté, Catherine Caylus, mère de Félix et veuve depuis deux ans, donne à sa fille la Poupardière en y conservant malgré tout certains avantages : Elle se réserve une partie de la maison, la « moitié du côté droit en entrant par le grand escalier, ensemble la moitié du jardin du même côté, l’usage de la boulangerie et écurie ». Par ailleurs, elle garde pour elle les fiefs, seigneuries et fermes de Semblançay, de Bois-Chaveau et la Clôserie de Sanzay [189] ainsi que 270 livres de rente annuelle sur la terre de la Poupardière. Elle fait aussi imputer sur la part léguée les 620 livres de la pension de sa fille Madeleine, religieuse au Mans. Enfin, elle pourra éventuellement vendre des meubles à concurrence de 1000 livres.
Bien plus intéressée que Jacqueline, Catherine pose encore quelques conditions aux jeunes mariés : « Pourra la dite de Caylus demeurer avec les futurs si bon lui semble à la charge d’être nourrie, elle, une femme de chambre, un laquais et un cheval pour la nourriture et entretien desquels elle payera ou déduira des 300 livres qu’elle s’est réservée chacun an et en cas qu’elle ne voulut avoir de valet ou de cheval rabattra par chacun d’eux la somme de 50 livres par chacun an ».
Enfin, en cas de décès de l’un des conjoints, Urbain, survivant, aura 500 livres. Si c’est Jacqueline, elle pourra emporter les meubles de sa chambre, ses vêtements, ses bagues et joyaux, ses habits de deuil et sa haquenée.
Maman de Salles reprend solidement les rênes de la paroisse et le fait savoir. Elle intente un procès contre Suzanne de Boussiron, dame de la terre et seigneurie de Bray et du fief du Châtelier-Portau. Suzanne n’a pas réglé à Jacqueline la rente annuelle du Châtelier-Portau que, curieusement, elle tient du seigneur de Saint-Macaire. Pourtant fille de Jacques Boussiron, dont le frère fut l’ancien allié de Jacqueline dans l’affaire de la fondation de l’église, Suzanne n’a plus la confiance de Jacqueline qui va jusqu’à demander au sénéchal de Saumur de faire saisie sur le fief. Jacqueline prétend que la dame de Bray et de Saint-Fulgent a manqué à ses devoirs et exige que Suzanne fasse à nouveau aveu du Châtelier-Portau à la seigneurie de Saint-Macaire. Alors Suzanne gagne du temps, comme dans toutes les affaires de l’époque, en prétextant que ce n’est pas à elle de payer cette rente, mais plutôt à son fils. Son curateur, Messire Abraham de Tinguy, Chevalier, seigneur baron de Nesmy, demeurant au bourg de Saint-Fulgent [190], a été chargé de faire appel. Rien ne va plus donc entre Bray et Sanzay.
Puis Jacqueline est encore marraine le 24 novembre 1648 avec le vicaire Bertrand. Le 26 juillet 1649, Urbain signe à nouveau au registre des parrainages avec Françoise Suriette, demoiselle de la Guéritière [191].
Les autres parrains et marraines sont d’honorables personnes, fermiers, religieux ou haut personnage de passage, qui ne dédaignent pas faire ce petit plaisir aux petites gens. Au bas des actes, on trouve régulièrement des civils : Mlle de Saint-Macaire, Mlles de Bussy, Jacques Quétineau, sieur de La Gloriette et Jean Ragot, docteur en médecine-fermier qui se succèdent, bail après bail, au fermage de Bray. On remarque très souvent les religieux de Brignon : Dom Jacques Moneuse, prieur, Michel Ruby, infirmier [192] ou Jacques Perraudeau, sacristain, qui viennent souvent à l’église quand l’on ne va pas directement en Brignon célébrer les sacrements, ou enfin des militaires comme le sergent royal Maître François Martin.
Claude IIIème de Bussy, seigneur des Fontaines et de Maison-Neuve, fervent catholique malgré l’incartade huguenote de son père, s’éteint le 29 septembre 1650 à Maison-Neuve et tout naturellement, demande à être enterré dans l’église. Cela ne semble pourtant pas un privilège, puisque depuis trois ans, quatre inhumations ont déjà été pratiquées à l’entrée, sous l’auvent, à des périodes où le gel ne durcissait point le sol du cimetière. Il s’agit de Marguerite Dubois, d’un enfant mort-né à Monsieur Ragot, d’une servante de la seigneurie de Sanzay et du conjoint de la première nommée, Pierre Dubois [193].
Claude IIIème de Bussy obtient une concession dans la travée droite mais si cette sépulture est bien annoncée par le curé comme ayant été faite dans l’église, la pierre tombale actuelle n’indique que le nom de Monique Rigault, son épouse [194].
Les ravages de la contagion ne se sont pas trop fait sentir à Saint-Macaire. En 1649, année de la petite peste, on n’enregistre guère plus de morts, 40, qu’en 1647 où déjà 38 cadavres avaient été ensevelis [195].
Mais la famine, la disette font irrémédiablement errer les mendiants. Heureusement qu’il se trouve des âmes charitables pour leur donner quelque morceau de pain et un tant soit peu de réconfort. Ainsi, Jacques Quétineau et Perrine Goupil, pour lors fermiers de Bray, ont recueilli Mathurin Hurt et Françoise Jonche, pauvres mendiants passants. Il faut dire que l’état de la mère requiert un minimum de soins. Elle accouche à Bray d’un petit François aussitôt baptisé à l’église [196].
C’est la veille de ce baptême que Claude Bertrand a enfin dévoilé sa biographie sur le registre. C’est un moine de l’ordre de Saint-Benoît et de l’abbaye de Forêt-Moutier en Picardie, quatre lieues au-delà d’Abbeville. Bertrand célèbre un autre baptême le 7 octobre 1651 à Saint-Macaire, avec la permission de l’évêque de Poitiers et l’autorisation de Demourant, doyen de Thouars et curé de Saint-Macaire.
Quant au petit mendiant, Jacques Quétineau laisse le soin à deux de ses domestiques, Charles Proin et Françoise Chevalier, d’en être parrain et marraine.
Jacques Quétineau n’occupe Bray que depuis la Toussaint 50. Il a pris la place de Jean Ragot, fermier précédent des héritiers Boussiron et de Suzanne Boussiron [197]. Jean Ragot disparaît alors provisoirement de Saint-Macaire avec sa famille qui serait plus nombreuse si sa femme, Jacquette Guillé, n’accouchait régulièrement de morts-nés. Elle lui donne en général un enfant par an : Louis en 47, un mort nouveau-né en janvier 48, un autre en juin 49 qui ne passe pas le cap des cinq jours, et Jean en 50. Malgré tout, la pauvre femme résiste bien et retombe enceinte aussitôt.
Le vicaire Bertrand qualifie ces enfants nouveaux-morts-nés d’ » anbron » ou d’ » enbruon ». Il désirait certainement écrire embryon, ayant de lointaines réminiscences d’un grec approximatif.
Quoi qu’il en soit, les années 50, 51 et 52 sont, du double au simple, bien moins meurtrières pour les enfants que 1646. Un petit Urbain IIème nait au foyer de Salles en 1650 et, le 26 août 1652, une petite Jacquine-Félice, mais ils ne sont point baptisés à Saint-Macaire [198].
Monsieur Demourant est venu encaisser une dernière fois la dîme des terres et les revenus de l’église et du Doyenné [199]. Doyen du chapître de Thouars et curé primitif de Saint-Macaire depuis déjà 43 ans, il meurt au Doyenné le 26 juillet 1653 à l’âge de 75 ans. Il n’est pas enterré dans l’église de Saint-Macaire, ni à Thouars en grande pompe. Il se contente du cimetière paroissial. C’est la moisson, il fait chaud. Quelques chopines aidant, le trou est vite creusé.
Qui remplacera Demourant ? Messire Jacques Robin qui signe, une seule fois, en 1654, prêtre doyen de Thouars, curé de Saint-Macaire ou Jean de La Ville qui assure, le 25 août 1653, avoir été nommé par messieurs du chapitre Saint-Pierre de Thouars, ou bien encore Philippe Porcheron [200]. Bertrand, pour sa part, cède sa place à un nouveau vicaire, Mathurin Barbin, en octobre 53. Claude Morin reste.
Les gens se plaignent de la cherté du coût des sacrements [201], mais le vicaire n’y peut rien, ce n’est pas lui qui fixe les tarifs et il en va si peu dans sa poche. Il est même très souvent obligé de faire crédit. Il serait d’ailleurs très facile de dire qui a (ou n’a pas) réglé les honoraires car le vicaire met un croix en marge des actes payés. Les croix sont rarissimes… mais nous ne citerons pas de noms pour ne pas faire de tort.
La panoplie des cérémonials de sacrements est cependant bien adaptée aux goûts et aux bourses. Depuis l’enterrement de première classe avec procession, tambours et trompettes, jusqu’à la sépulture à la sauvette dans un coin abandonné du cimetière, il y a toute possibilité de panachage entre les différentes prestations proposées : catafalque, laudes, nocturne, messe chantée ou basse, tentures, chandeliers, grands convois…
Par contre, certains font des dons juteux pour leur repos éternel. C’est le cas de Nicolas Beaufour qu’on a enseveli le 3 novembre 1647 et qui a laissé à l’église de Saint-Macaire une pièce de terre sise à la Lande, à la charge de lui chanter un service au jour anniversaire de sa mort. Celui qui jouira de la dite terre devra bailler trente sous par an. La donation a été faite en présence de témoins chez le notaire Sapinaud [202].
René Cruchon, que l’on a enterré le 14 juin de la même année, a aussi chargé de lui faire dire une messe le jour des prônes, le lendemain de la Saint-Martin du mois de novembre.
Pendant combien de temps ces legs seront-ils respectés ? Ad vitam aeternam, pensent les donateurs. Ils se trompent lourdement. Le temps aidant, l’oubli venant, les trente sous sont vite investis dans d’autres priorités [203]. En fait, les vicaires s’en soucient peu, ils vont et viennent, souvent remplacés par des religieux, comme Michel Ruby.
Bray, à cette époque, est encore une grande seigneurie. Elle compte certainement plus de 70 ha et le Bois de Bray, qui atteint une dizaine d’hectares, – aujourd’hui réduit à sa plus simple expression -, va de la ferme au carrefour du tilleul [204], protégeant les bâtiments des vents d’ouest dominants [205]. À titre d’exemple, Brignon représente 68 ha et Sanzay 55. L’ensemble du domaine de Bray est pratiquement d’un seul tenant, autour des bâtiments, depuis le ruisseau de Brignon jusqu’au Petit-Bray et du chemin de la Bafferie aux terres du Doyenné. Les bêtes sont mises à paître en bas le long du ruisseau dont les berges, sur toute sa longueur, sont généralement réservées par tous les paysans aux pâtures. La maison actuelle date du XVIIe, mais des murs de dépendances et une porte du XVe, ainsi que des charpentes de réemploi et le pressoir casse-cou, attestent de plusieurs reconstructions partielles. Le blason effacé, les fours à pain, la prison datent de l’époque Boussiron (XVe-XVIe). Enfin, sous le hangar actuel en tôle ondulée, on peut remarquer un bandeau de moulures au-dessus d’une porte du XVIe entrant dans un vestibule à plafond voûté. Ces deux éléments sont en vogue dans les hôtels particuliers à la fin de la Renaissance.
Bray existe donc depuis longtemps et a précédé la dénomination du village portant son nom, l’Humeau de Bray [206]. Il est possible que cette terre de Bray, au même titre que la seigneurie de Saint-Macaire, ait été d’origine ecclésiastique et que Sanzay et Bray aient fait partie d’un vaste ensemble subtilisé au XIe ou XIIe à l’Archidiaconé de Thouars. L’alliance Sanzay-Bray dans l’affaire de la fondation de l’église en est peut-être la seule et dernière trace.
Le desservant de Saint-Macaire, Mathurin Barbin, ne reste pas longtemps au presbytère. Le temps d’expédier un baptême somptueux avec Jacqueline Clausse le 28 mai 1654, d’enterrer dans l’église – pour cause de gel – Nicolas Milland en janvier 55, d’assurer, toujours avec l’aide de Claude Morin, prêtre sacristain à demeure, quelques sacrements jusqu’au 3 mars, et le voilà relevé de ses fonctions par Thomas Riou le 22 avril 1655 [207]. Claude Morin secondera Riou encore quelque temps.
Et c’est à ce dernier que revient l’insigne honneur de conduire au cimetière la maîtresse de Saint-Macaire, Jacqueline Clausse de La Plesse et de Salles, le 29 janvier 1656. Jacqueline n’aura passé qu’une douzaine d’années au village.
Les Bussy ne sont pas représentés à la sépulture. La mésentente doit régner depuis que les Bussy, ayant certainement quelque peu usurpé le rôle de seigneur alors que les Salles viennent de s’installer, ont voulu faire ensevelir le corps de Claude IIIème dans l’église.
Après la mort de sa mère, Urbain Ier, 41 ans, reste seul avec Félice de Giroys, Urbain et Jacquine. Puis Félice lui donne, l’année suivante, une deuxième fille, Félix.
Trois ans plus tard, le 30 décembre 1659, la mort frappe à la porte d’en face, à Maison-Neuve. C’est le tour de Monique Rigault, veuve de Claude IIIème, pour laquelle, sans doute encore à cause du gel, on obtient la permission d’une sépulture dans l’église, à côté de son défunt mari. Monique Rigault n’a jamais trempé dans les affaires protestantes. On lui fait faire une belle pierre tombale, encore visible et déchiffrable aujourd’hui, qui n’atteste nullement de la présence, sous la dalle, des restes du seigneur aux côtés des cendres de Monique. Le fossoyeur n’a aucune peine à creuser cette terre, d’habitude si argileuse et si collante à la pioche, pour déposer le cadavre de Monique dans le coin gauche de la travée droite, dit transept. « Ci-gît, dit la plaque, Monique Rigault, vivante épouse de Monseigneur Claude de Bussy, écuyer seigneur de Maison-Neuve et des Fontaines ».
Réciproquement, et pour cause, les Salles ne sont pas présents à cette cérémonie [208].
« Une année bonne, l’autre non », allègue-t-on souvent à cette époque chez les paysans. On tient régulièrement compte de cette alternance dans la vie, on ne fait jamais de projets hâtifs, et même si tout va bien à certaines périodes, on courbe le dos et on attend le prochain choc. Le dicton a beau tenir bon par ouïe-dire [209], les années, à Saint-Macaire, se suivent et se ressemblent. La mort, la misère, les pénuries, la disette, la famine, les gelées, les fléaux, les exactions des soldats, les épidémies, tout ce lot quotidien ne varie guère d’une année sur l’autre. Cependant, et seulement peut-être depuis l’an 1655, il est possible d’observer une très légère régression du nombre des sépultures et une augmentation sensible des naissances.
Mais tout à coup 1659 est bien noire : 45 morts, dont Madame de Bussy. Depuis 13 ans que l’on inscrit à registres ouverts, jamais il n’y a eu autant de décès en une seule année, pas même en 49, année de la petite peste [210]. Pourtant, tant de femmes sont grosses que l’on s’attend à un record de nouveaux-nés pour 1661, comme si les bouches à nourrir des drôles ne s’ouvraient pas déjà en assez grande quantité, comme si la misère n’était pas suffisante. Cela fera, bien sûr, des bras supplémentaires pour le labour des champs. La prospérité pourrait-elle revenir ? Mais Dieu décide malheureusement de tout et l’on a à peine le temps de s’apercevoir d’une mince amélioration fugitive que de nouveaux malheurs reviennent annihiler tous les espoirs. On ne trouve plus à manger, les récoltes ne donnent rien, pas même de quoi semer l’an prochain, ni de quoi tenir cet hiver.
65 morts en 1661 et 47 naissances : si, pour la mortalité, on est largement au bord du gouffre, on atteint, cette année-là, la démographie la plus galopante de tous les temps à Saint-Macaire. Mais les conditions de vie se dégradent partout et dans tous les domaines, à un tel point que 1662 sera l’année de la mort à Saint-Macaire avec un sinistre bilan de 89 décès. 5 mariages et 8 naissances, en tout et pour tout, complètent le tableau particulièrement catastrophique de 1662 [211]. Tous les records sont ici pulvérisés dans le mauvais sens. Alors il faut redemander pardon à Dieu, faire de nouveau les prières adéquates en allumant sans cesse des cierges de cire coquille d’œuf aux autels étincelants.
Puis, curieusement, comme pour réparer des mauvaises années l’irréparable outrage, pour compenser ce manque à naître, 16 mariages sont célébrés en 1663. Cela donne aussitôt un « coup de jeunes » à la population, avec 43 nouveaux-nés en 1664.
En regardant les statistiques de 1646 à 1666, on se rend compte qu’une moyenne de 28, 7 sépultures, 7, 95 mariages et 29, 15 naissances « viables » par an ne procure à la paroisse qu’un accroissement relatif de + 1, 55 % par an sur 20 ans, c’est à dire 9 personnes supplémentaires [212]. Et si l’on ne prend que les dix premières années, avec 224 morts pour 300 naissances réelles, on obtient une augmentation de la population de + 25, 34 %. Par contre, les deux années difficiles, 1661 et 1662, fournissent la triste hécatombe de – 45 % d’accroissement.
L’été, on meurt jeune de diarrhées et de toxicoses, et l’hiver, on s’éteint vieux, de froid ou de maladie. La moyenne d’âge de mort de l’année 1679 est à cet égard édifiante puisque, d’avril à septembre, elle s’établit à 16, 5 ans, alors que le reste de l’année elle avoisine 35 ans [213].
Et il n’est rien de plus cruel que de voir sans cesse les enfants « sous-bas-âge » payer ainsi de leur simple petite vie toute neuve une misère généralisée. Témoins ces chiffres tragiques : 64, 5% [214] des morts de l’année 1661 et un tiers de celles de 1662 sont des enfants ! S’ils ont été baptisés à la hâte, souvent par la sage-femme, certains sont cependant dotés d’un prénom. De ces enfants que l’on n’a même pas eu le temps d’ondoyer à la sortie du ventre maternel, le curé dit : un fils à, une fille à. Dans le cas où le sexe du nouveau-mort-né ne lui a pas été communiqué, le prêtre se contente de la mention : un enfant à. Car les enterrements se succèdent, le temps presse et c’est l’une des occupations principales du curé et du fossoyeur. Sur l’ensemble de l’année 1662, l’hécatombe représente une mort tous les quatre jours, avec un épicentre d’un décès tous les deux jours en mai ! [215]
La crise de subsistance fait-elle refluer Urbain de Salles vers la Loire ? En tout cas, en 1662, il demeure à la Poupardière [216]. En ces années difficiles, Urbain pourrait avoir à regretter les différentes mises de fonds effectuées ici ou là, par exemple par Charles de Gencian et sa mère, qui avaient mis en 1641 « deux cents livres de principal à la disposition des prêtres, chanoines, curé, vicaire, chapelain et communauté de l’église de la Trinité d’Angers », ce qui doit produire, en 1662, onze livres deux sols et trois deniers de rente annuelle en faveur des religieux. Le 15 octobre 1602, déjà, René de Salles avait lâché 274 écus de principal pour une rente de 65 livres au profit des doyens et chanoines de l’église d’Angers.
Ces années noires représentent une catastrophe pour tous les travailleurs sur lesquels repose entièrement le système économique, et personne, – qu’il soit journalier, fermier ou métayer -, ne peut, à son niveau, rien donner de plus à la collectivité. On est alors certain qu’aucun bénéfice ne rentre dans les caisses du seigneur et que les prix fixés par les baux ne sont pas respectés. Ainsi, de répercussion en répercussion, la crise se généralise. Les rentes ne sont plus servies. Les plaintes sont légion. La justice, déjà lente en période d’abondance, débordée par l’avalanche d’affaires à traiter, ne peut endiguer le flot de procès. Il faut encore tabler sur des jours meilleurs, – ne serait-ce qu’engranger une récolte de blé moyenne, pour tenter de reprendre le dessus. Un équilibre précaire pourrait revenir.
En attendant, on vend quelque maison, quelque mobilier, si l’on en possède, et surtout, à tous les niveaux, on s’évertue à faire patienter ses créanciers, qui emploient, de leur côté, la même tactique avec leurs fournisseurs. L’engrenage fonctionne à merveille mais tout est bloqué et ce sont toujours les pauvres manants qui font les frais de cette situation.
À Brignon, la charge de la sacristie (dite secrétinerie [217]) est tenue par Jacques Perraudeau. Michel Ruby, autre religieux de cette abbaye, vient souvent officier à l’église de Saint-Macaire et, après Dom Jacques Moneuse qui cède les bulles de son abbaye en 1649, c’est Robert Constantin [218] le prieur et grand vicaire de Brignon.
La route qui mène à la Lande des Verchers s’appelle le chemin des Hospitaliers puisque c’est à cet ordre qu’appartient La Commanderie [219].
Le curé Riou n’est pas très enclin aux précisions sur le registre. Pour les sépultures, il se contente d’indiquer le nom, le lieu d’habitat, et d’ajouter, partisan du moindre effort, « enfant, vieil homme, vieille femme ».
Suzanne de Boussiron gouverne Bray dont la ferme voit le retour d’un deuxième Jean Ragot désormais docteur en médecine [220]. Sa femme accouchera dans de meilleures conditions que Jacquette. La signature de ce Jean, ferme, équilibrée sur les registres, subsiste encore imprimée dans l’un des tuffeaux de l’écurie de Bray. À côté, une phrase gravée de la même main rappelle que l’on a mené la vache au taureau : « Petite menée au veau » [221].
Suzanne de Boussiron a quelque souci. Son fils René Bertrand met le Poitou à feu et à sang. Son nom figure dans le rapport que l’intendant Colbert de Croissy fait au roi en 1667 : « J’ai informé contre les sieurs de Saint-Fulgent et d’Arailles… Le sieur Bertrand de Saint-Fulgent, de la R. P. R., fort violent, presque toujours ivre… Votre Majesté a trouvé bon qu’il allât servir dans les armées en Hongrie… »
On le qualifie de Gilles de Retz de Saint-Fulgent [222] : « Le sieur Bertrand de Saint-Fulgent, âgé de 25 ans ou environ, professe la religion prétendue réformée ; mais en effet il ne connaît ni Dieu ni religion. Quand il est hors de vin, il paraît aucunement raisonnable, mais il est presque toujours ivre, et dans le vin il est capable de toutes sortes de cruautés, de violences et de vexations. Il en a tant commis et commet encore tous les jours de différentes manières dans sa terre de Saint-Fulgent et aux environs, qu’à bon droit on le peut appeler le tyran et le fléau des pauvres de ce pays-là. Il est toujours accompagné de bohémiens à qui il donne retraite chez lui pour partager leur butin. Il a encore avec lui plusieurs sergents faussaires qui font tous les jours mille méchancetés et friponneries aux pauvres paysans, supposant de fausses dettes, de faux exploits et de fausses sentences en vertu desquelles ils enlèvent de celui qu’ils veulent piller tout ce qui leur plait, sans que celui qui souffre puisse ou ose se plaindre. Enfin c’est un homme contre lequel la Province s’écrie si généralement et si unanimement que nous nous sentons obligé, après avoir tiré un mémoire, que nous avons, de ses principaux crimes, de dire qu’il est de la bonté et de la justice que le roi doit à ses peuples, de les débarrasser de ce fléau [223] ».
En 1670, un chirurgien est établi à Saint-Macaire [224], Hiérôme Arnault, sans doute à Champ-Noir, marié à Louise des Landes et dont la fille Marie Arnault sera une bigote remarquable, de toutes les messes, mariages et sépultures jusqu’à sa mort, le 29 novembre 1722.
Le 2 février 1672, M. et Madame de Gencian se promènent dans l’enclos du château d’Érigné, près de l’église. Il est minuit. La croix du clocher tombe soudain entre les deux époux sans dommage pour eux [225]. Heureusement qu’ils ne se serraient pas de trop près…
Au cours de problèmes financiers, dûs à la succession des Girois, Urbain Ier doit 1625 livres à son fils. Il lui cède donc, le 14 mars 1676, les meubles et bestiaux de la Poupardière dont on fait un inventaire précisément évalué. Le détail du mobilier donne l’occasion de se faire une idée plus précise du train de vie d’une petite seigneurie.
La batterie de cuisine est composée de vaisselle d’étain tant plate que creuse, de quincaillerie, de chenêts, rôtissoire, pesée, barre de fer, pots de fer et de fonte, poëlles, poëlons, chaudrons et autres récipients évalués à 300 livres.
La table de cuisine, ronde, un coffre à dossier et six chaises de jonc, valent 100 livres, tandis qu’une douzaine de cuillers et une douzaine de fourchettes, une salière, une écuelle à oreilles, le tout d’argent, est estimé 200 livres.
À côté de la cuisine, une petite chambre renferme un lit garni d’une paillasse et d’une couette en laine, d’une couverture et de rideaux, ainsi qu’un coffre en bois de noyer fermant à clef, mobilier dont la valeur ne dépasse pas 30 livres.
C’est dans ce coffre en noyer qu’est serré le linge de maison : cinq douzaines de serviettes de lin, cinq douzaines de serviettes de grosse toile, quinze nappes de lin, huit nappes de grosse toile et deux douzaines de draps. Ce linge représente 127 livres.
Il y a aussi une salle basse où sont rangés pêle-mêle une paire de chenêts de fer garnis de quatre pommettes de cuivre, une barre de fer, une table ronde et une douzaine de chaises paillées, grandes et petites, un lit de repos avec son tapis et ses oreillers, ainsi qu’un buffet. Ce bric à brac ne donne que 16 livres.
En montant dans la plus grande chambre de la Poupardière, ornée d’une vieille tapisserie de[1]Bergame, le notaire royal recense trois lits, le premier garni d’une paillasse et d’une couette, le deuxième d’une couverture blanche et de rideaux de serge verte. Le troisième est petit, avec une couette, une couverture et des rideaux de serge assortis. Une paire de grands landiers en cuivre et une paire de petits en fer permettent d’y voir clair la nuit. Quant aux autres meubles, ils ferment tous à clef : une paire de grandes armoires en chêne « à quatre fenêtres », un petit cabinet à une fenêtre, un petit cabinet d’Allemagne et un bahut. Un tapis de Turquie et quatre chaises paillées complètent le mobilier de cette chambre principale, estimé à 200 livres.
Une autre chambre ne comporte pas de lit mais sert, au moyen de trois coffres et d’un bahut d’une valeur de 10 livres, de rangement au linge : trois douzaines de draps de crin et de lin, huit livres de fil de lin blanc et 28 aunes de toile de lin neuve sont comptés pour 50 livres alors que 620 livres (310 kg) de fil de crin représentent 30 livres.
On se transporte dans la chambre grise, décorée d’une vieille tapisserie de « hault lisse », où se trouvent un grand lit entièrement garni, avec paillasse, couette, matelas, oreillers, couverture et rideaux de serge grise, un petit lit avec paillasse, couette et couverture de serge, deux grandes tables, un cabinet d’Allemagne, six chaises et deux petits chenêts de fer garnis de pommettes de cuivre, ce qui procure, pour cette chambre, la somme de 150 livres.
La troisième chambre, dite « salle haute », contient une vieille tapisserie de Bergame, une paire de chenêts de fer à pommettes de cuivre, un lit garni avec courtepointe et rideaux de serge violette, une table, un vieux coffre en noyer qui ferme à clef, six chaises tapissées et une horloge. Cette chambre augmente la somme de 180 livres.
Il y a aussi la chambre rouge, avec deux chenêts à pommettes de cuivre, un lit garni complet avec rideaux de broderie rouge, un autre petit lit agrémenté de rideaux de serge rouge, une table, un tapis de Turquie, cinq chaises tapissées de broderie et une tapisserie de hault lisse, l’ensemble étant évalué 200 livres.
Une cinquième chambre comprend un lit complet garni de serge grise et une chaise de bois donnés pour 20 livres.
À côté de la chapelle, une sixième chambre renferme une paire de chenêts de fer, un lit garni à rideaux de serge rouge, deux tables, un petit cabinet et un petit bahut ainsi que six chaises paillées, le tout estimé à 50 livres.
La couchette, la couette et le traversin de la chambre du palefrenier, petite pièce contigüe à l’écurie, donnent 10 livres supplémentaires. Dans la chambre de la métairie, par contre, la même paillasse du métayer dispose, en sus, d’une couverture, et elle est donc facturée 12 livres.
La cave renferme seize pipes de vin blanc d’une valeur de 620 livres [226]. Le grenier contient quinze septiers [227] de froment et de méteil et six septiers d’orge, mesure de Longué, qui procurent encore 100 livres. À l’écurie, deux pouliches et trois poulains ne rapporteront que 100 livres, tandis que dans l’étable, seize têtes, tant vaches que « taurilles », sont estimées 250 livres au total. Il faut y ajouter les six gorets qui gambadent dans la cour, de 5 livres chacun.
Enfin, on n’oublie pas les 45 livres de la charretée de foin stockée dans la grange.
Les biens cédés par Urbain à son fils représentent donc une valeur de 2780 livres.
Le nombre total de chaises disséminées dans la maison, 46, paraît important mais l’on ne semble en utiliser régulièrement que six à la cuisine autour de la table ronde. Le nombre de couverts d’argent ne permet pas d’ailleurs de dépasser douze convives. On n’utilise pas de couteaux et l’on mord à même la viande. La cuisinière et le valet d’écurie disposent chacun, pour dormir, d’une petite pièce attenante à leur lieu de travail, mais le valet, qui bénéficie de la chaleur animale, n’a pas, à la différence de sa collègue, la couverture fournie par la maison.
La décoration, dans la maison, ne semble pas trop sommaire puisque trois tapisseries, – dont deux italiennes, deux tapis de Turquie et une horloge agrémentent l’ambiance de la Poupardière. Cinq chambres, dont trois ont leur propre couleur, sont meublées avec goût, certaines chaises sont tapissées. C’est la chambre du seigneur qui paraît la plus cossue avec trois lits, des rideaux verts, une tapisserie de Bergame et un tapis de Turquie, deux armoires, deux secrétaires, ainsi qu’une cheminée et deux landiers de cuivre pour lire et travailler. Un effort est donc consenti pour le décor et pour l’assortiment des couleurs, marquant ainsi une certaine aisance.
En juin 1676, cela ne va toujours pas mieux financièrement pour les deux Urbain puisqu’une certaine Roberte Pellion leur rachète une rente débitrice de trente cinq livres avec sept cents livres de principal [228]. Agnès de Salles, veuve de René du Tertre, qui avait déjà vendu l’Escoublère en 1671 et qui demeure à Saint-Maurille d’Angers, est présente lors de la signature de l’acte et participe à l’emprunt.
Il faut aussi payer la pension de Jacqueline au Perray d’Angers. C’est d’ailleurs Agnès qui va porter un peu d’argent, le 12 décembre 1677, à la sœur abbesse Marie de Courtavel [229] qui accepte volontiers les 106 livres 16 sols, mais qui porte encore au débit d’Urbain de Salles 207 livres 14 sols qui auraient déjà dû être versés en novembre 1677 [230].
Pendant ce temps-là, la dysenterie[231] fait année après année des ravages conséquents dans les rangs des paroissiens et surtout chez les enfants. Par deux fois, en 1676 et 1678, l’épidémie frappe Saint-Macaire à l’automne. La moitié, exactement, des victimes sont des jeunes nés de quelques semaines voire d’un ou deux mois. En 1676, la contagion débute vraiment en août et n’atteint son paroxysme qu’en octobre avec quatorze décès. Le village des Ajoncs, qui donne douze morts, est le plus touché. Viennent ensuite le Monis et les Bouchettes avec six morts, l’Humeau de Bray et Chambernou avec cinq. Deux familles sont particulièrement visées : les Laurendeau, des Bouchettes, avec deux enfants et un adulte, et les Doc, des Ajoncs, avec quatre enfants dont deux jumeaux.
En 1678, la maladie débute pareillement en août avec huit décès, se relâche en septembre, n’emportant que deux jeunes et un adulte. Mais elle reprend de plus belle en octobre qui sera, comme en 1676, le mois le plus meurtrier avec le même nombre de morts, quatorze. C’est le hameau des Bouchettes qui fournit le plus grand nombre de cas (12) avec la Baffrie (8) et le Bourg (7) et les Laurendeau qui payent derechef le plus lourd tribût puisque la mère, son nouveau-né et deux neveux sont emportés. La famille Guillon, au Bourg, perd aussi 3 adultes et un enfant[232].
Pourtant, et heureusement, les affaires continuent. René Bertrand, seigneur de Saint-Fulgent, et de Bray depuis son mariage avec Suzanne de Boussiron, vient lui-même depuis le Poitou traiter le bail de la dîme du Bouchet qui dépend de Bray. Alors que Pierre Quétineau quitte ce fermage après l’avoir détenu cinq ans, Gilbert Charbonneau, marchand serger qui demeure au Bouchet, prend la suite pour cinq années consécutives de 1678 à 1683. Il s’agit pour lui de prélever « une dîme, vulgairement appelée la dixme du Bouchest », sur le blé, le vin, le lin, les chanvres et les légumes primeurs produits sur les terres du Bouchet qui appartiennent à René Bertrand. Un prix forfaitaire annuel de 150 livres, payable en deux fois, est fixé d’un commun accord, devant deux témoins : un laboureur de Saint-Macaire, Mathurin Gourin, et le fermier de Bray, Séverin Sapinault [233].
Gilbert Charbonneau gardera-t-il ce privilège deux années supplémentaires ? Personne ne voudrait-il du bail à ce prix ? Toujours est-il que, sept années plus tard, en 1685, la dîme est adjugée à Pierre Rousseau, marchand demeurant au Bouchet pour seulement 120 livres annuelles. Pourtant, aux prélèvements habituels, on a ajouté le quart des fruits des petits clos de vignes situés autour du hameau.
Nicolas Cartier et Étienne Lancelot sont deux notaires royaux, garde-scels à Saumur et résidant à Longué. Ils règlent la signature du contrat de mariage d’Urbain IIème avec Claude Nau, le 17 janvier 1681.
Côté de Salles, selon les apparences, seuls les deux Urbain ont fait le déplacement de Saint-Macaire à Longué. Pourtant, la sœur cadette d’Urbain IIème, Jacquine, promise à Jacques Nau, est certainement venue. Par contre, la famille Nau est au grand complet puisque l’affaire se tient chez Jacques Nau, l’oncle paternel de Claude, dans sa maison de la Hurtaudaye. Il y a là les parents de Claude, René Nau et Claude de Beaupou, Jacques Nau, maréchal des logis de la compagnie des gendarmes du Roy de Bourgogne, François Nau, oncle paternel, seigneur des Rues, Rémy de Beaupou, oncle maternel, bailli de Fourchault, demeurant à Tours.
La cérémonie religieuse est fixée au 11 février, à Saint-Macaire. Mais pour l’heure, on discute des dotations et du contrat. Si Claude et Urbain se promettent la foi du mariage en face de la sainte Église, ils n’entreront en communauté de biens que le jour de la bénédiction nuptiale. Il est convenu que Urbain ne prendra que les droits maternels échus et les droits paternels à échoir. Claude n’aura que ceux à échoir. De plus, nonobstant la coutume d’Anjou sur la communauté de biens, à laquelle ils ont dérogé, les dettes passées des futurs ne seront pas prises en considération. Elles seront acquittées par celui qui les a contractées, sans que le bien de l’un puisse être employé au paiement des dettes de l’autre.
Comme avance des droits paternels et maternels à échoir, les parents de Claude promettent la somme de 6000 livres dont ils donnent aussitôt la moitié à Urbain. Les 3000 livres restantes lui seront remises huit jours après le mariage.
Pourtant, de cet argent frais, n’entreront dans la communauté que 500 livres. Le surplus de 5500 livres devra être employé en achat de bons héritages qui sont censés rester en propre à Claude et aux héritiers qu’elle aura d’Urbain. Même en cas de renonciation de Claude ou de ses héritiers, tout ce que Claude aura apporté à la communauté sera repris, y compris ses habits, son linge et ses bagues, et les 500 livres seront mobilisées. Toujours en cas de renonciation, les dettes contractées pendant la communauté seront apurées par le seul Urbain, par ses héritiers ou ayants-cause. En cas d’aliénation de ce qui sera propre aux deux époux, la future épouse prendra sur les biens communs, et, à défaut, sur le propre d’Urbain.
Si Urbain IIème meurt, un douaire est assurée à Claude. Par contre, au cas où Urbain IIème disparaît avant son père, Claude renonce au droit de demi-douaire que lui donne la loi.
Les deux témoins appelés, Toussaint Métayer, sieur des Chesnaies et René Raimbault, simple laboureur de Longué, fils de Pierre, n’ont plus qu’à constater l’accord des deux parties et le contrat est signé [234].
L’esprit de précaution dont s’est entouré la famille Nau lors des dispositions de l’accord montre qu’il doit y avoir de sérieuses raisons de se protéger ainsi d’éventuelles dettes qu’auraient contractées les Salles. Et cela se vérifiera.
Par ailleurs, Urbain IIème ne paraît pas en bonne santé, il est infirme. Lorsque le notaire calcule, plus tard, la pension qu’aurait pu payer Urbain en vivant aux crochets de son père, il assure qu’elle ne « pouvait être grosse puisqu’il ne faisait aucune dépense dans la maison de son père, n’ayant aucun équipage, aussi n’en pouvait-il avoir n’estant pas de transport facile. Il se tenait au logis, comme un fils de famille dans la maison paternelle de manière qu’il n’y avait aucun extraordinaire ». À ces économies forcées s’ajoute le fait « qu’il se fait peu de dépense à la campagne ». On aura deviné qu’il s’agit, pour le notaire, de minorer la somme réclamée par les créanciers [235].
En juin 1681, Urbain IIème et sa sœur Jacquine procèdent au partage de leur succession et Urbain IIème renonce à la communauté de biens de ses parents en 1683. Jacquine épouse Jacques Nau le 12 mars 1682 à Saint-Macaire et Felix meurt en 1686.
Le 4 octobre 1690, Urbain Ier s’éteint à l’âge de 70 ans. Il est inhumé dans l’église. Si la cérémonie, bien que solennelle, et les divers services annexes ne reviennent qu’à 400 livres, c’est déjà beaucoup pour l’héritier, d’autant qu’arrivent en chaîne nombre de factures impayées : une centaine de livres pour frais divers d’actes, un câble de pressoir à 8 livres, quinze pipes de vin à 8 livres la pipe [236]. Les vendangeurs n’ont pas été rémunérés et il faut débourser encore 14 livres. Le boucher René Pontdavy réclame 24 livres pour la viande qu’il a fournie, Mathurin Sapinault 21 livres pour des fagots « venus et conformés », et René Sauvestre 14 livres pour deux « tombes » [237] de pierre (s) que le père avait commandées.
Mais Urbain et Claude Nau ne sont pas au bout de leurs peines. Il avait bien fallu quelques médicaments pour soulager le vieillard et l’apothicaire Volant demande 10 livres, le chirurgien de Nueil, Léonard Royand, 120. Les derniers costumes taillés par Angibaud, le maître tailleur, et le tissu, n’étaient pas encore réglés. Il faut sortir à nouveau 49 livres.
Et ce n’est pas fini, c’est le défilé à Sanzay. Le domestique La Verdure, longtemps au service du père de Salles, a été mis en apprentissage chez Girardeau auquel 54 livres sont dûes. Mathurin Gourin a labouré un champ et c’est encore 7 livres qui partent. On dirait qu’ils se précipitent tous, qu’ils ont peur de ne jamais être payés malgré les quittances qu’ils ont fait faire [238].
Sans compter le clergé qui vient aussi tendre la main : 16 livres pour 4 années de cens au curé de Saint-Macaire, 14 livres au chapitre de Martigné, 103 livres aux Jacobins d’Angers. C’est donc, ajoutés à quelques autres arriérés, deux milliers de livres qu’il faut trouver incessamment.
Alors on fait les comptes. Le mobilier du père, estimé rapidement le 20 octobre, – preuve que l’on a besoin d’argent frais, ne rapporterait que 1973 livres, les terres de Saint-Macaire donnent environ 400 livres par an, mais seulement la moitié à la Toussaint. Il y a enfin les rapports des fermes de Maligné, 140 livres, et celles de la Crochetière, 200.
Cela suffira tout juste. Les récoltes n’apportent rien. Bien au contraire, « dans le carême de cette même année, on défendit de manger des pois parce qu’ils étaient remplis de vers tant la saison a été si contraire à tous les fruits de la terre [239] ». Faudra-t-il se résoudre à vider la maison de Saint-Macaire d’une partie de ses meubles ? On peut le supposer, d’autant que Jacquine, dame de La Hurtaudaye, meurt en 1692. Le drap mortuaire est payé par son frère Urbain qui reste le seul descendant de cette branche de Salles.
Bien qu’apparemment en forme – du moins intellectuelle, Urbain IIème fait son testament le 19 mars 1694, à 44 ans, soit un an avant sa mort. Le couple est sans enfants. Pour la grande amitié conjugale qu’il y a toujours eu entre lui et Claude, pour toute l’assistance qu’il a reçue d’elle, il lui fait don de tous ses meubles ainsi que de la tierce partie de la terre et seigneurie. Mais Claude devra alors assumer les dettes personnelles et mobiliaires de son mari. Le curé de Saint-Macaire, Bourgeteau, est témoin ce jour-là à Longué.
Et Urbain IIème meurt le 27 février 1695 à Saint-Macaire. Selon ses dernières volontés, un cercueil de bois est confectionné et porté en procession solennelle sur les cent mètres qui séparent la maison de Sanzay de l’église où il a demandé à être enseveli, accompagné du curé et des chapelains ou prieurs qui chantent les hymnes adéquats pour le repos de son âme. Seize pauvres de la paroisse escortent le convoi funèbre, arborant chacun un cierge allumé pesant une livre de cire jaune ou blanche, et recevant chacun, pour leur peine, une aune et demie [240] de serge grise et 15 sols. Ce n’est pas tout. Le cérémonial est déclenché. Un service solennel de quarante messes basses commence le lendemain de sa mort. Trois messes chantées à diacre et à sous-diacre seront dites pendant vingt ans le jour anniversaire de son décès. Enfin, pour obliger les pauvres de la paroisse à prier Dieu pour le repos éternel de leur seigneur, il leur sera distribué dix septiers de blé dans l’année [241].
À la mort d’Urbain IIème, les meubles et acquêts sont épuisés, et Claude Nau ne peut recevoir de douaire que sur ce qui restera une fois toutes les dettes payées. Malheureusement, la dette du fils au père est estimée à 10312 livres 14 sols 6 deniers, à laquelle on ajoute 3346 livres en propre. Après déduction faite de 2657 livres 2 sols 6 deniers des sommes payées par le fils pour son père, la créance représente encore 11 000 livres 17 sols 6 deniers. [242]
Qui va supporter ces frais ? Ce sera la ligne paternelle et donc Joachim Gencian, sieur d’Érigné et de Murs.
En tout cas, le premier juin 1695, Claude Nau, demeurant maintenant à Longué, renonce à la fois au testament d’Urbain et à la communauté de biens, pressentant, et elle ne s’en cache pas, que cela lui sera plus une charge qu’un avantage. Elle préfère que les dispositions préconisées par son mari soient remplacées, sur ses deniers dotaux, par une simple clause de douaire, de logement et habitation fournis par les héritiers [243].
Joachim Gencian prend la plume sous l’effet de quelque remarque du Marquis de Fouville. Il lui répond qu’il n’a rien à voir avec les problèmes de succession de la veuve du seigneur de Saint-Macaire. Selon lui, deux raisons principales ont empêché ce règlement : « la première que les héritiers maternels n’ont pas voulu convenir de la valeur des biens des deux lignes pour régler le paiement des dettes et du douaire, parce que n’y ayant ni meubles ni acquêts pour les payer, il est indubitable qu’elles doivent être payées sur tous les biens au sol la livre. La deuxième qu’ils prétendent sans raison une action de reprise de quelques deniers dotaux de la mère qui ont été confondus en la personne du fils quoi qu’il n’ait accepté la succession du père que sous bénéfice d’inventaire, parce que cette acceptation exemptait bien M. de Saint-Macaire de payer plus de dettes que son père ne lui avait laissé de bien ».
Pour Gencian, ces questions peuvent être réglées à la cour de Saumur si l’on nomme des experts pour faire estimer les biens de chaque ligne, ce qui occasionnera des frais considérables mais c’est aussi pour lui la seule façon de « régler le douaire à la veuve le plus entièrement que faire se pourra ».
Au marquis qui lui rappelle que le comte d’Aubigny [244] a certainement part dans l’héritage, Joachim répond ceci : « Il est vrai qu’il est descendu de Judith Clausse fille de Jacques Clausse gouverneur des Ponts-de-Cé et de Jacquine Dufay dame d’Érigné et de Saint-Macaire, notre bisaïeule, de laquelle défunt M. de Saint-Macaire était aussi descendu par Jacqueline Clausse, son aïeule, sœur de la dite Judith. Mais la dite Jacqueline Dufay fut mariée en deuxièmes noces avec Charles Gencian mon bisaïeul dont Charles Gencian, mon aïeul est issu. Et par conséquent je suis descendu du fils aîné de Jacqueline Dufay et MM. d’Aubigny et de Saint-Macaire ne sont descendus que des filles de son premier mariage et la terre de Saint-Macaire est de son estoc dont j’en suis l’aîné. Je veux bien à tel jour qu’on voudra m’indiquer me trouver à Saumur pour convenir de la valeur des terres ou les faire estimer et même convenir d’arbitres pour régler toutes les questions de part et d’autre ».
Même si les problèmes religieux ne sont pas définitivement écartés, la campagne s’organise mieux au sortir des luttes fratricides.
Pressés par la normalisation, les dragonnades et par la croisade de prêtres catholiques peu intelligents et mal formés, beaucoup de protestants émigrent à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes [245]. Certains refusent de trahir leur foi, et, surtout en Poitou, sont pendus ou envoyés aux galères. Les plus sages, ou les plus intéressés, souhaitent se maintenir sur leurs terres et conserver leurs activités économiques. Alors ils se convertissent pour éviter tout tracas [246]. Bon nombre d’abjurations solennelles ne sont faites alors que pour continuer à vivre en toute quiétude au sein de la paroisse et vaquer tranquillement aux occupations. Au Puy, par exemple, Barthélémy Fournier, sieur du Mesnil et fermier de Chavannes, abjure publiquement la religion réformée le 7 octobre 1685 et son fils Pierre, quatorze ans, fait de même le 14 octobre. Le fermier va jusqu’à faire baptiser sa fille l’année suivante.
Son abjuration, réelle ou fausse, lui vaudra d’être assassiné devant la porte de sa maison le 20 avril 1695. L’affaire est récupérée, on s’en doute, par les catholiques qui l’enterrent en grande pompe dans le cimetière du Puy sous le portique de la chapelle Saint-Sauveur. Déjà, en 1686, à Saumur, Jean Druet « professeur de philosophie dans l’Académie de ceux qui faisaient ci-devant profession de la Religion prétendue réformée, après avoir fait abjuration de l’hérésie de Calvin, ayant été enterré dans les Chardonnets par sentence des juges pour n’avoir pas donné les marques suffisantes de sa sincérité, a été exhumé dans le cimetière de Saint-Nicolas [247] ».
À Saint-Macaire, la seigneurie est dans un bien triste état. Depuis la mort d’Urbain, Claude Nau réside alternativement à Sanzay et à la Poupardière. C’est André Doc, laboureur des Ageons, qui gère la moitié des terres de Sanzay et, en tant que tel, il se fait rappeler à l’ordre par le baron de Doué, Armand Louis Gouffier, l’autre moitié concernant le baron de Cinq-Mars-La-Pile [248], tous deux se partageant l’aveu de la seigneurie de Saint-Macaire. André, qui vient de tenter sa chance au fermage, doit débourser 200 livres pour la moitié du bail, dont 100 comptant le 29 juillet 1695 et 100 livres dans les 15 jours.
Seulement André n’a pas le premier sou pour continuer à obtenir le fermage de Sanzay et c’est Claude Nau qui lui avance 100 livres pour le premier paiement. Le 2 août, il avoue que l’argent provient de Claude et, du côté adverse, on est embarrassé. Fournier, agent du baron de Doué, ne lui met pas le couteau sous la gorge exigeant seulement des intérêts sur les 100 livres restantes.
C’est donc seulement le 8 mai 1698 qu’André Doc finit de s’acquitter de la dette, ne remboursant finalement qu’onze livres supplémentaires d’intérêts sur les 100 livres qu’il assure encore provenir de Claude Nau. Il s’avère en fait que les 211 livres prêtées à André seront remboursées à Claude Nau sur la succession du seigneur de Saint-Macaire lorsque celle-ci sera réglée. Ce type de cession de bail déguisée, en faveur d’un bon laboureur que Claude veut aider à démarrer mais qui ne réussira peut-être pas, témoigne de l’utilisation judicieuse que peut faire une femme de la conjoncture liée aux problèmes de succession.
En 1700, tout est réglé. André Doc est rentré dans le rang [249] et Joachim de Gencian, encore vert à 56 ans, s’occupe personnellement de la seigneurie qui, en deux années, est retombée dans le giron de sa famille. Il a de l’expérience, le vieux, en matière de seigneuries, de terres et de bâtiments. Déjà « sieur d’Érigné, le Jau, Murs, le Vau de Denée, la Brossinière, Orvault, la Garenne, Lanserre et autres lieux », il ajoute à cette liste impressionnante les ruines de Saint-Macaire.
En 1700, il reprend en mains cette seigneurie que le fermier précédent, François Menoust, profitant sans doute du manque d’intérêt des héritiers pour cette lointaine propriété, a laissé dans un état lamentable [250]. Joachim change de fermier. Il ne veut pas de ces André Doc, de ces François Menoust, de tous ces non-professionnels qui tentent leur chance sans savoir écrire. Par contre, Denis Bineau et Louise Gallais, par exemple, qui habitent Bray et en exploitent les terres, et bien d’autres encore comme Pierre Quétineau, fermier de la Baffrie, ont excellente réputation. Mais est-ce suffisant ?
Joachim choisit Bineau. Ce dernier, en fin connaisseur, est prudent. En tant que voisin parfaitement au courant de l’état des lieux, il tient à faire constater les avaries sur les terres, le jardin et les bâtiments d’exploitation ou d’habitation. En parfait accord avec Joachim, la seigneurie est passée au peigne fin et chaque détail est consigné dans le mémoire que rédige Bineau auquel rien n’échappe, du fossé comblé au moindre pouce de terrain en friche, de la haie dégarnie à la taupinière qui émerge d’un pré.
Il est patent que Denis Bineau accapare alors les fermages : Bray en 1699, Sanzay en 1700 [251]. Non content de ces deux gros baux, il prend encore la ferme de Brignon en 1711.
Si Joachim de Gencian meurt en 1703, Denis garde le bail de Sanzay. L’année 1709 sera difficile. « Le froid, dit le curé de Saumur, a été si grand au mois de janvier et au commencement de février que les noyers, les figuiers, les grenadiers, les orangers, le myrtes, les cyprez, les romarins, les amandiers sont presqu’entièrement morts. Les froments sont aussi morts dans presque toute la France. Les seigles ont été fort endommagés. La famine a été générale ». On se hasarde, en mars, à re-semer sur les bords de la Loire des froments qui réussissent bien à lever. Malheureusement, les 16 et 17 juin, le fleuve déborde et tout est perdu [252].
Le fils de Joachim, Guy, fait le point avec Denis le 15 juin 1711 sur les travaux réalisés et sur l’état des bâtiments [253] dont, cependant, Denis n’a certainement cure puisqu’il habite Bray. Guy achète les matériaux nécessaires aux nouvelles réparations que Bineau fera effectuer à ses frais [254].
Et pourtant, – c’est sans doute ce qu’a pensé Bineau rétrospectivement, cela n’a servi à rien de faire de gros travaux en 1711 puisque, à la fin de l’année, un terrible ouragan assaille la région. « Le 10 décembre, dit le curé du Puy, il arriva le plus terrible vent ou houragan qui eut esté veu de vie d’homme ; il renversa dans cette ville plus de cent cheminées, découvrit toute l’église, mais principalement la grande galerie. Il n’y eut maison et grange qu’il ne fracassat ; la grange du prieuré fut renversée ; le clocher de Saint-Loup de Thouars, le clocher de Saint-Nicolas de Saumur et celui de Vernantes furent jettés par tère sur les dix heures du matin que cet terrible vent redoubla ; les vitres furent la plupart rompues, les murailles presque toutes renversées. Il commença dès la minuit et dura jusqu’à deux heures après-midi [255] ».
Si la réputation de Bineau est bonne, c’est aussi qu’il sait la soigner. Le seigneur de Bouillé, René Prosper Collasseau est parrain d’une de ses filles en 1708. Bineau et son épouse, eux-mêmes, sont parrain et marraine ensemble huit fois entre 1708 et 1711. Côté clergé, Denis fait le nécessaire avec les moines de Brignon dont il prend la ferme. Avec Bray qui avoisine un débours annuel non garanti de 1000 livres, puis Sanzay qui ne doit pas en dépasser 500, il s’adjuge encore un gros morceau avec le revenu temporel de Brignon qui frôle les 2000 livres de fixe.
Pour Brignon comme pour les autres baux, le rôle astreignant du fermier Bineau comporte trois volets principaux : il doit d’abord encaisser les cens sur les diverses tenures concédées par le seigneur abbé aux petits exploitants, puis récupérer les autres fermages et métayages des fermes de moindre importance auprès des sous-fermiers à qui l’abbé les a baillées. De ces deux premiers exercices, Bineau est tenu de retirer, pour le reverser intégralement tels que les contrats l’avaient définis, un solde positif de 1370 livres annuellement. Enfin, il doit faire mettre en valeur le reste des terres de l’abbaye et de la Grange de Brignon, surtout les vignes [256], moyennant une somme forfaitaire de 1200 livres pour le seigneur abbé et de 103 livres à chacun des cinq religieux.
Ses charges ne s’arrêtent pas là. Il doit gérer les vignes et les terres correctement, les faire replanter, fumer, dresser les procès-verbaux en cas de non respect des clauses par les teneurs. Si Bineau ne réussit pas à récupérer les cens ou l’argent des baux, il lui faut cependant, tout en ayant recours aux assises et aux expulsions, procéder lui-même au remboursement de la dette.
Il doit aussi fournir les religieux en froment, en vin et en fagots [257], distribuer du grain de froment et de seigle aux pauvres de la paroisse dont il tiendra une liste à jour, et approvisionner en grain le chirurgien des religieux et le garde des bois.
Enfin, Bineau aura à sa charge la main d’œuvre sur les travaux de couverture des bâtiments d’exploitation.
On se rend compte que la partie n’est pas jouée d’avance. Non seulement le fermier de l’abbaye est tenu de récolter 1370 livres en argent chez les différents fermiers ou métayers, ce qui, on l’a déjà vu, n’est pas une mince affaire, mais, plus difficile, il lui faut encore distraire, sur le bénéfice total des moissons, 3 tonnes [258] de froment, 3 tonnes de seigle et 9 tonnes d’avoine que les teneurs doivent livrer eux-mêmes à l’abbaye, plus 21 tonnes de froment et 22 tonnes de seigle qu’il est obligé d’aller prélever sur les lieux des moissons et d’engranger dans l’abbaye.
À la fois chef de culture et gestionnaire financier d’une exploitation d’environ 70 ha, surveillant et contremaître, il répond de surcroît, sur ses propres deniers, des résultats obtenus. C’est un pari qu’il faut tenir, surtout lorsqu’on a déjà deux autres concessions en cours et donc encore 120 ha par ailleurs. Cela suppose une belle dépense d’énergie à l’époque des moissons et des vendanges, des voyages incessants sur l’étendue de la commune et une tenue irréprochable des dossiers. On peut cependant penser, au vu des problèmes généralement rencontrés et étant donné les marges de manœuvres et les dépréciations des cens et de la valeur de l’argent [259], que cette gestion n’est pas faite scientifiquement et qu’elle laisse souvent une grande part au hasard.
Heureusement pour Bineau, cette période de fin de règne de Louis XIV, moins troublée, paraît faste pour l’agriculture et les prix fixés ne sont pas exhorbitants. La quasi-stabilité politique, l’arrêt des grandes épidémies, une relative douceur de climat permettent une continuité plus soutenue et des bénéfices plus aisés.
Le 9 juillet 1718, Bineau meurt, et sa veuve, Louise Gallais, perd un à un les fermages. Le bail de Bray ne lui est pas renouvelé en 1718 et passe à François Ribreau. Celui de Sanzay est pris dès 1719 par le sieur Joullain. Seule, la ferme de Brignon, qui avait été concédée à son mari pour neuf ans, lui est conservée jusqu’en 1720. Louise Gallais attend que l’année légale soit écoulée pour se remarier avec un autre marchand, Charles Joussin, le 30 août 1719.
Quelle qu’en soit la raison, chacun commence à se rendre compte que Bineau n’était, en définitive, pas si compétent. Qui trop embrasse ? En 1717, s’il est encore fermier de Sanzay, la seigneurie est apparemment restée dans le même état lamentable qu’en 1700. Bineau a redonné, en sous-traitance, son fermage à moitié à plusieurs exploitants, moyennant la charge de couper les haies et de relever les fossés, ce qu’ils se sont bien gardés de faire même s’ils en ont été payés sur quittance. Un mémoire de l’année 1719 dit que les vignes de Sanzay sont ruinées depuis plus de quinze ans et n’ont pas été « proignées » [260], les haies et les fossés n’ont pas été faits depuis très longtemps. Ainsi qu’il l’est déjà précisé dans l’ancien procès-verbal de 1700, les vignes sont reconnues en très mauvais état, « c’est une marque que M. Bineau, ou sa veuve, ne les a point restablies parceque les prouins et augmentations paraistraient ». Mais on verra que les Bineau ne sont pas les seuls à endosser la responsabilité de la décadence de la seigneurie de Saint-Macaire [261].
En 1719, les biens de la famille Gencian, dont Sanzay, sont mis en vente. Le curé de Saint-Macaire, Louis Bourgeteau, publie, trois dimanches de suite à la grand-messe, le mémoire contenant l’état des biens à vendre mis à l’enchère 70 000 livres par M. de Gazeau de Longcôme. La première vente a lieu à Angers le 9 février 1719 [262].
Sanzay n’est adjugée que le 11 avril à Gibot de Moulin-Vieux pour 24 000 livres. Le couple Joullain, aussitôt engagé par Gibot comme successeur de la veuve Bineau, détient alors la jouissance du bail à ferme de Sanzay pendant trois ans. Puis, tandis que Gibot meurt en 1720, un arrêt du 10 décembre 1722 évince Mme de Moulin-Vieux de la terre de Saint-Macaire. Commence alors toute une série de règlements de comptes polis, empreints de courtoisie, entre Angélique de La Porte, veuve de Guy de Gencian, et Elisabeth Lebascle, veuve de Gibot, toute une suite de procès-verbaux qui tendent à rechercher, cependant, des moyens de rendre moins d’un côté et de tirer le maximum de l’autre [263]. Ces deux pieuses personnes sont, en effet, depuis la mort de leurs maris, entièrement dévouées aux bonnes œuvres, inaugurations de cloches, de chapelles, d’hôpital. Dans la liquidation des dossiers financiers, les seules frictions apparentes seront plus à porter à l’actif de la lutte des classes, entre une race de seigneurs qui souhaite faire triompher son droit et un clan de fermiers âpres au gain.
Tout en ayant grassement profité du bail de Sanzay pour faire fortune, le couple Joullain a donc eu aussi sa part de responsabilité dans la faillite de la seigneurie. Pour preuve, la demoiselle Joullain s’est opposée, menaçante, lors d’un procès-verbal, à ce que les experts nommés sur les vignes déclarent ce qu’ils voulaient dire, à savoir qu’il y avait près de vingt ans que les vignes étaient en mauvais état. Car il est de notoriété publique que chaque fermier de Sanzay a l’habitude de négliger la partie des vignes qu’il exploite directement [264], étant donné qu’elles ont toujours été considérées plus comme charge que source de profit. Celles tenues au quart, par contre, rapportent bien.
En 1721, par exemple, Mademoiselle Joullain, sans le rapport des vignes, a triplé en gains le prix du bail de Sanzay [265], et ce, rien qu’avec le produit des céréales, à savoir : 40 tonnes de froment, 11 tonnes de méteil et 15 tonnes de seigle. Elle aurait même refusé 400 livres de la moisson de La Grande Préé et préféré qu’on fauche cette pièce pour en engranger le foin.
Une fantaisiste que cette demoiselle Joullain, une gaspilleuse, même. Non seulement elle n’a pas, non plus, fait faire le jardin de Sanzay, mais elle a osé y mettre les chevaux pendant plus de trois mois, ce que Mesdames de Moulin-Vieux et de Gencian ont pu vérifier, ainsi qu’un gentilhomme de leur compagnie. Pire ! Le jour d’un procès-verbal, les experts ont vu de leurs propres yeux les chevaux manger les arbres du jardin !
Et les bâtiments ? Ils sont dans un tel état de délabrement. Le pressoir, sans toit ni charpente, n’a pas servi depuis 25 ans. Les granges, les « chaufferies » [266], les logements, tout est vétuste, tout a été longtemps laissé à l’abandon et ne peut aujourd’hui être réparé qu’à grands frais. Alors, puisque Guy de Gencian, déjà en 1711, reconnaissait qu’il n’avait pas fait faire de réparations, qui faut-il aujourd’hui désigner comme responsable ?
Pourtant tout est réglé en 1724. Une première partie de l’argent, soit 11700 livres, est rendue par Angélique de la Porte à Mme de Moulin-Vieux le 3 juillet 1723. Le solde, réglé probablement en 1724, tenant compte des déductions de rigueur et des dévaluations, ne sera que de 7976 livres, soit une retenue de 3324 livres par rapport à la mise de fonds initiale des Moulin-Vieux [267].
Angélique et Elisabeth continuent à vaquer à leurs occupations pieuses : Angélique est marraine de la grosse cloche du Puy le 28 octobre 1723. Elle met le feu au fourneau à 2 h. de l’après-midi sous la direction du fondeur, Michel Moine, de Saumur. À 7 h du soir, la cloche est coulée [268]. La dévôte récidivera pour une autre cloche, à Érigné, le 18 décembre 1758. Elle remet aux curés des objets pour les deux églises. À celle d’Érigné, en 1730, elle fournit une chapelle de vermeil doré en relief composée d’un calice avec le patène, d’un crucifix, de 2 chandeliers, de 2 burettes sans couvercle, d’un bassin et d’une clochette, le tout pesant ensemble 18 marcs 3 onces. À celle de Saint-Macaire, elle fait don de 4 chasubles complètes, d’une nappe d’autel et de la tenture du dais en damas cramoisi garni d’une frange d’argent et doublé de taffetas vert.
En 1724, Elisabeth investit, avec Toussaint Bruneau, marguillier du Puy, dans la construction d’un hôpital au Puy, la maison de la Providence, située à la Paleine. Le 30 avril 1727, en tant que supérieure des Dames de la Charité, elle pose la première pierre d’une chapelle qu’elle veut ajouter dans cette maison. Dix mois plus tard en effet, elle l’inaugure et la fait bénir [269]. Elle n’est pas en reste non plus pour les dons à l’église de Saint-Macaire puisqu’elle offre en 1731 un tableau et son encastillement sur l’autel Saint-Jean. En 1740, elle pose encore une première pierre, celle de l’autel Saint-Louis, dans l’église du Puy.
Dame de Moulin-Vieux, de Chavannes, de la Haye et de Bray, Angélique s’est, en quelque sorte, retirée du monde depuis plusieurs années et gère la maison de la Providence. Le 27 août 1740, elle s’éteint au Puy à l’âge de soixante-dix-neuf ans.
René-Luc Gibot de Moulin-Vieux a les moyens. Non seulement il débourse facilement 24 000 livres pour l’achat de Sanzay, mais il possède déjà les seigneuries de Chavannes, de Bray ainsi que celle de La Haye qu’il habite.
En août 1718, les époux Gibot signent le bail à ferme de Bray [270] en faveur de François Ribreau Grandmaison et de Françoise d’Aubigny qui viennent de la Lande des Verchers. La terre et la maison sont allouées pour sept ans. François et Françoise habiteront la maison noble et seigneurie de Bray dans laquelle les propriétaires feront aménager une chambre haute et une antichambre pour ranger des meubles, et s’en servir en cas de passage. Il s’agissait alors vraisemblablement des bâtiments du XVIe aujourd’hui disparus, car la nouvelle maison du XVIIe ne comporte aujourd’hui aucune trace de chambre haute.
Le bail est consenti pour la somme de 1100 livres annuelles. François sera tenu d’implanter 800 pieds nouveaux chaque année dans les vignes, de désherber partout les lieux vides, d’entretenir les fossés et les haies, d’aller chercher les matériaux de couverture fournis par Gibot et de prendre en charge les travaux de réfection des toits, de faire enfin une coupe par an dans les bois et les taillis.
Un certain nombre de rentes en argent ou en nature, particulièrement dévaluées, sont dûes par le fermier : Au seigneur du Merlet il faut verser 5 sols, quatre septiers de froment et quatre septiers de seigle. Au seigneur du Bouchet, onze douzaines de boisseaux de seigle ainsi que 20 sols, 2 sols 6 deniers à la seigneurie de Saint-Macaire, 9 à 12 boisseaux de blé à Ferrières et neuf livres quelques sols à Saint-Médard de Thouars.
Le vin de Saint-Macaire aurait-il les mêmes vertus que celui du Puy ? On pourrait le croire puisque le bail prévoit que quatre busses[271] de vin « du crû dudit Bray » seront échangées par le fermier contre quatre busses de vin blanc des celliers de la Haye.
Dès 1725, le bail est adjugé par le fils de René-Luc Gibot, Pierre-René Gibot de La Perrinière [272], au même François Ribreau Grandmaison, puis vers 1735, alors que François meurt le 24 juin 1731 à l’âge de 60 ans et que Françoise décède le 26 octobre 1734, la jouissance en est léguée avec une parfaite continuité au fils du fermier, François Ribreau de Pontigny marié à Madeleine Lamoureux, qui garderont Bray pendant près de cinquante ans.
Fait surprenant, de 1718 à 1781, le prix du bail reste fixé à 1100 livres et, si les premiers contrats entre les deux fils ne sont que de cinq ans, il passent, avec le temps et la certitude d’une bonne gestion, à sept puis à neuf ans. Vieillesse de Ribreau oblige, le bail signé pour neuf années en 1772 sera donné comme dernière prolongation.
Le forgeron Louis Jarry travaille pour Ribreau. Comme il sait écrire, il fournit une facture pour divers travaux de l’année 1770. Le papier, épars au milieu de quelques fragments d’assises [273], permet de se rendre compte que l’orthographe de l’artisan n’est pas si mauvaise :
« Mémoire de ce que je fourny a Monsieur pontigny de Bray
premiermant luÿ avoir fournÿ quatre piece de couptlerie
pour un moullin atamisser 2 livres
plus fournÿ quatre pettite barre de fair aussi pour le moullin 8 sols
plus fournÿ trois carterrons passante de cloux pour le moullin 6 sols 9 deniers
du 5 octobre 1770 fournÿ vingt sept livre et demÿ de fair
pour fairre des Ruelles pour le fair 5 livres 10 sols
pour la fassons de la fairure 2 livres 10 sols
pour une livre de caboche 3 sols
du 19 octobre fournÿ six livre et demÿ de fair pour fairre un collet de socq
pour fair 1 livre 6 sols
du 25 octobre un caraux 4 sols
Total 12 livres 9 sols 6 deniers ».
Ribreau essaye de refaire les comptes au bas du papier mais, visiblement, ne réussit pas réellement à aligner les sols et les deniers pour parvenir à un total cohérent.
Pourtant Ribreau doit savoir compter puisqu’il sait écrire.
Le nouveau curé de Saint-Macaire, Jean Antoine Collin, semble attacher plus d’importance que ses prédécesseurs à la profession des hommes qu’il indique très volontiers sur le registre. Alors, dès 1736, on voit apparaître des corps de métiers dont il n’était jamais fait mention auparavant.
Dans l’échantillon des 47 travailleurs cités par Collin en 1740, les artisans représentent 14 % de la population active. Même s’ils n’ont pas trop de travail à ce titre, ils peuvent cependant aussi exercer plusieurs métiers en fonction de la conjoncture et ne vraiment se spécialiser que si la demande persiste et leur permet de vivre. Ils prennent alors un apprenti qui, souvent, comme cela se pratique encore de nos jours, lorgne sur la fille du patron en même temps que sur le fonds de commerce.
Les bricolages métallurgiques sont assurés, à cette époque, par, au moins, deux maréchaux-ferrants : René Gallais et Louis Jarry [274]. Les barriques, les busses ou les pipes sont fabriquées et réparées par deux tonneliers, André Lucazeau et Jean Rigault, les charpentes et la menuiserie sont assurées par Jean Repiqueau et Sébastien Rabouin. Quant aux travaux de maçonnerie, ils reviennent à Gilbert Trimouillet. Un sergier, René Vaslin, complète ce tableau non exhaustif de l’artisanat.
Bien entendu, c’est l’agriculture qui emploie la grande majorité des hommes. Car les activités des femmes ne sont jamais comptabilisées et très rarement signalées, excepté lorsqu’elles sont domestiques, ce qui, osons l’avouer, représente enfin une vraie « profession ». Elles fournissent pourtant également un dur labeur aux champs, et pourraient tout aussi bien être considérées comme des journalières qui se louent saisonnièrement. Mais, tout simplement parce que ces femmes ne sont pas libres en permanence, leur contribution à l’activité professionnelle de la paroisse n’est pas mentionnée.
Il apparaît ainsi que, sur les 47 travailleurs cités par Collin en 1740, plus de 80 % des hommes consacrent leur activité principale aux travaux des champs, dont 47 %, soit la moitié de la population active, qualifiés de journaliers, offrent une main d’œuvre agricole non spécialisée. La catégorie supérieure des laboureurs forme cependant une proportion appréciable de 28 %.
Parmi les diverses autres professions non citées, l’on peut, sans se tromper, ajouter à coup sûr, à cette époque, un seigneur, Claude Defay, un notaire, Jean Girardeau, un vigneron-sacristain, Pierre Drouault et le curé Collin.
L’épidémie de grippe pulmonaire de 1740 [275] décime les effectifs, notamment ceux de la famille du maçon Gilbert Trimouillet. La maladie l’emporte le premier, le 24 mars 1740, à l’âge de soixante-ans, puis prend Marie, sa fille, le 30 avril. Le 2 mai, sa femme Madeleine et son fils René sont enterrés ensemble. Ce sera d’ailleurs une fin de semaine du premier mai et une future fête du travail particulièrement éprouvantes pour François Gallard, le fossoyeur, puisqu’en deux jours, six sépultures sont expédiées. Les mois de mars, avril et mai 1740 lui resteront parfaitement en mémoire. Un trou à creuser tous les deux jours et demi pendant trois mois, ça compte dans une vie ! Que l’on appelle cela comme l’on veut, heureusement qu’il y a une justice, un bon Dieu, un juste retour des choses : du 10 juillet au 4 septembre, pendant presque deux mois, il ne touche ni au manche de la pioche ni à celui de la pelle et passe des grandes vacances exemplaires, telles qu’il n’en avait jamais vécues. Bien entendu, la mort procède par élimination directe : tous les mal-portants ont disparu. Ne subsistent que les bénéficiaires de santés de fer.
Collin, le curé, compte ses effectifs : « Depuis 1733 jusqu’à 1740, on a fait 34 mariages, 220 baptêmes et 223 sépultures » [276]. Il est donc particulièrement évident, une fois de plus, que la population de Saint-Macaire n’augmente pas d’elle-même. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’une tradition de migrations vient régulièrement renforcer, et ce, tout naturellement par le savant procédé des vases communicants, le déficit de peuplement dû aux épidémies.
Si la translation se fait principalement en provenance du sud-ouest vers Saint-Macaire, à partir notamment de Saint-Paul-du-Bois, de Vezins, mais aussi de Cholet et Bressuire, c’est qu’elle prend généralement origine en Vendée et dans les Mauges. Les migrateurs peuvent d’ailleurs stationner quelque temps, et même une génération, dans les grandes villes avant de se rapprocher par Nueil ou Passavant-sur-Layon en direction du Poitou, car, l’on s’en doute, Saint-Macaire n’est pas l’aboutissement de la transhumance. Une grande partie des noms de famille, tels que Rouleau, Maquineau, Barreau, Morineau, Panneau, Robreau, Repiqueau, Mestreau…, sont directement issus des Mauges.
Mais le mouvement s’inscrit aussi dans un cercle de proximité. Plus précisément, en dix ans, de 1730 à 1740, pas moins de vingt-huit personnes originaires d’une même paroisse, Saint-Hilaire-de-Rillé [277], sont venues s’installer à Saint-Macaire, par mariage, par prise de bail ou par simple rapprochement familial.
Alors, les métiers se diversifient. En 1748, Marc Girault est tailleur d’habits, Bertrand Chandery, maître jardinier, s’occupe des jardins à la française de ces seigneurs. Le maréchal-ferrant Louis Jarry meurt à l’âge de quatre-vingts ans ; François Gallard, le fossoyeur est enterré en 1749. En 1751, un autre maréchal, Jean Rouleau, tient boutique à Saint-Macaire ainsi que trois maçons, François Dubray, Jean Barreau et Joseph Pichot.
En un demi-siècle donc, de 1732 à 1788, le paysage professionnel macairois évolue sensiblement et les trois secteurs d’activités se rééquilibrent au profit du secteur artisanal : le secteur secondaire progresse de 10 %, pendant que le secteur primaire (agriculture) perd environ 3, 5 % et que le secteur tertiaire (administration, services) tombe de 15 à 7, 5 %. Cependant, si la masse des hommes employés par le secteur agricole reste à peu près stable, on distingue nettement une spécialisation accrue des ouvriers agricoles [278]. En effet, la proportion des journaliers passe de 47 % en 1735 (soit presque la moitié, on l’a vu, de la population active) à 27, 77 % en 1788, devenant dorénavant 15 % de laboureurs ou de vignerons, et 5% d’artisans [279].
C’est la grande époque des dons de dames patronnesses, des constructions de chapelles, des bénédictions de cloches, du calme, de la prospérité, sous le couvercle desquels, cependant, la marmite frémit.
La grande bigote Marie Arnault et le fidèle sacristain Thomas Thibault disparaissent en 1722. Le curé Bourgeteau, intrigant et mondain, meurt en 1725. Et cela ne tourne plus rond à l’église. Mestreau, puis Chastenet assurent un intérim curial sans lien très intime avec les personnalités macairoises. Il est révélateur que Claude Defay signe le 6 février 1731 sans être nommé, puis le 9 décembre de la même année en étant cité sans ses titres. Le registre est boudé par ceux qui savent signer. On dirait qu’il n’y a plus d’ambiance dans la paroisse. Les mondanités se déplacent vers le Puy, plus porteur.
Puis, l’arrivée, en 1732, de Collin à la cure, où il va rester vingt-trois ans, relance singulièrement l’action spirituelle et les cérémonials. Dès janvier 1734, Collin organise dans la paroisse une mission menée par deux prêtres missionnaires apostoliques, Mulot et Vatel, accompagnés du catéchiste Mathurin Rangeard et du frère Augustin, sans doute adeptes et disciples de Grignion de Montfort. Et comme pour l’encourager, les dons, les fondations de messes affluent aussitôt. « En la présente année 1740, écrit Collin, j’ai fay faire des fonts baptismaux et un confessionnal ny en ayant que de très indécents ».
Il reprend un contact de bon voisinage avec les religieux des deux jumelles malgré un incident qui aurait pu les brouiller définitivement. En effet, la mère du prieur Jean Baptiste Vauclain étant décédée à Brignon, les religieux s’entendent pour demander à Collin de faire la sépulture dans l’église abbatiale le 3 novembre 1741. Mais l’un d’entre eux, André Cheynel, rappelle que le curé n’a que la possibilité d’enlever le corps, de le conduire dans sa propre église pour l’office et de le retourner au lieu de la sépulture. Ce que voyant, Collin dit la messe mais laisse le soin de la levée du corps au prieur de Ferrières qui aurait fait l’enterrement si Cheynel ne s’était encore une fois interposé. C’est donc, finalement, et pour couper court à toute polémique, le fils de la défunte, lui-même, qui termine la cérémonie par l’inhumation dans l’église de Brignon.
Une année plus tard, en échange de bons procédés, le chantre de Ferrières Guy Gurie vient rendre à Collin, dont la sœur est morte à la cure, le service de faire à sa place la sépulture à l’église et au cimetière de Saint-Macaire. Par ailleurs, puisque la bulle de Benoît XIV demande une procession générale et solennelle à faire le lendemain de Noël 1745, on se met tous d’accord pour aller célébrer cela à Brignon, comme c’est d’ailleurs l’usage. Mais, au matin, les chemins se révèlent une fois de plus impraticables et, même si le cortège est attendu là-bas à l’abbaye, curé et ouailles se contentent de faire le tour du cimetière près de l’église.
Savamment entretenu par Collin qui sait orchestrer, pour en tirer le meilleur parti, la moindre occasion de manifestation visible de foi, le sentiment religieux reprend vigueur dans la paroisse. Le curé, par exemple, profite du don d’une croix fabriquée par l’un des paroissiens, Joseph Girardeau, pour mobiliser les habitants et manigancer une cérémonie officielle. L’objet, solennellement érigé et béni le 8 mai 1746 au village du Bouchet, sert à nouveau de prétexte à une procession en groupe et à une bénédiction préalable de tous les ornements sacerdotaux et outils de culte.
Puis, le cimetière de l’église est « pollué »[280] en août 1746. Vandalisme ? Fornication ? Beuveries ? Invention de prêtre manipulateur ? Quoi qu’il en soit, le saint enclos est inutilisable et nécessite donc, afin d’écarter un démon qui devient par trop entreprenant, toute une liturgie adaptée, une conjuration en règle par formules magiques spéciales dont on demande à l’Évêché de Poitiers le processus officiel inscrit au pontifical romain. Ce n’est que le 2 octobre, après six sépultures effectuées sous la galerie dans l’entrée de l’église, que l’on obtient les formules sacrées et que l’on procède à la réconciliation du cimetière, avant la grand-messe.
La marquise de Gencian, Angélique de La Porte, est aux anges. Elle applaudit aux initiatives de ce petit curé Collin qui fait bien les choses. En 1745, elle offre un grand voile pour tenir l’ostensoir du Saint-Sacrement lorsqu’on le porte. En 1746, toujours très soucieuse d’éviter les contacts directs des objets de culte avec les mains du curé ou avec la pierre d’autel, elle envoie d’Angers un corporal pour poser l’hostie et le calice, deux purificatoires, une aube de coton blanc et une garniture d’étole à dentelle.
Friand de cérémonies, Collin inaugure et bénit, en présence des habitants, une croix hosannière dans le cimetière le 11 juin 1752.
L’ère Collin aura redonné meilleure consistance à la vie religieuse de Saint-Macaire. Les 23 années qu’il consacre à la relance de la ferveur catholique dans la paroisse, au sortir d’une période morose, sont d’autant plus profitables qu’elles sont suivies d’un autre passage à vide. En effet, son successeur, Péan, ne reste que trois ans au cours desquels il bénira une cloche nommée Marie-Angélique, fondue par Rigueur le 28 septembre 1755. Angélique sera marraine d’une seconde cloche à Érigné le 18 décembre 1758.
Puis viennent de fréquents changements de desservants en 1758. Péan signe en janvier et février. Lambert de Gourville le remplace en mars-avril, Péan revient en mai-juin, Lambert en août, Péan en octobre, Lambert en décembre. En janvier 1759, Péan signe prêtre chanoine. Enfin, après une dernière desserte par Lambert, Drouin s’installe le 22 juin 1759 pour ne demeurer que huit ans. Et encore ne remplit-il que peu sérieusement son sacerdoce. Vieillesse, maladie ? Dès 1761, son écriture devient illisible et, à partir de 1764, il laisse souvent écrire quelqu’un d’autre sur le registre. Pourtant, le dimanche 16 mai 1760, octave de l’Ascension, dans l’après-midi, il semble se dépenser sans compter pour célébrer à la fois les vêpres et faire une sépulture dont les témoins sont les paroissiens assemblés à l’office. Le corps d’un enfant de trois mois lui est en effet amené pendant les vêpres et, sans désemparer, il l’enterre dans le cimetière en présence des parents et des paroissiens qui sont à l’église.
En 1764, Drouin baptise deux enfants trouvés. « Ont été baptisés sous conditions, dit-il, deux garçons nés depuis quatre ou cinq jours trouvés exposés au village de Chambernou ainsi qu’il a été constaté par le procès-verbal de messieurs les officiers de la baronnie de Montreuil en date de ce jour. L’un desdits enfants qui nous a paru le plus fort et pouvoir de quelques heures avoir précédé l’autre en les réputant jumeaux comme il est porté par ledit procès-verbal a été nommé Alexandre. Le parrain a été Louis Guillon et la marraine Marie Trouillard [281]. L’autre garçon auquel il a été présentement remarqué que la main paraît courbée ce qui pourra servir de marque a été nommé César. Le parrain a été Jean Neau et la marraine Andrée Nepvouët. Le baptême a été conferré auxdits enfants en présence desdits sieurs oficiers qui ont signé avec nous ». [282].
Il n’est pas rare à cette époque que soient abandonnés des nouveaux-nés illégitimes, fruits d’amours illicites ou de viols, voire légitimes, mais qu’une pauvreté inouïe interdit de garder.
Le 6 août 1765, Louis Defay, sieur de Maison-neuve, rédige lui-même l’acte de baptême de sa fille Françoise à la place de Drouin. En 1766, Béchet d’Arzilly et Jérôme Codet, religieux de Brignon, remplacent souvent le curé défaillant.
Avec Pierre René Pauloin, qui reprend la cure le 26 novembre 1767, la stabilité curiale reviendra pendant dix-sept ans avant les agitations qui déferleront sur le pays.
Le curé Pauloin vaque aux occupations sacerdotales. Le 4 juillet 1773, l’évêque de Poitiers, Mgr Baupoil de Saint-Aulaire, vient donner au Puy la confirmation à toute la région. « C’était un dimanche, raconte Pauloin. Il s’y trouva les paroisses de Genneton et de Lecé qui vinrent ici nous prendre et nous fûmes ensemble en procession. Ceux de Passavant et de Nueil étaient à la Croix de La Raye quand nous passâmes, sans prêtres. Concourson et les deux Verchers vinrent ensemble. Ceux de Bouillé, de la Lande et de la Chapelle vinrent séparément. Il s’y trouva encore le curé de Brossay avec ses paroissiens. De là, M. l’évêque fut le même jour coucher à Montreuil après nous avoir fait dîner à sa table à 6 h du soir vu son grand embarras ».
Mélangée à la « hoberie » de campagne, une certaine nouvelle forme de « bourgeoisie rurale », composée de marchands-fermiers qui ont fait fortune, d’artisans dont les affaires marchent bien, voire de laboureurs qui se sont hissés dans la hiérarchie sociale, commence à émerger des tribulations de la vie macairoise. Cette nouvelle gent, cette nomenklatura influente jouera un rôle déterminant dans les événements locaux qui marquent la fin du siècle.
En attendant, la vie ne s’anime guère plus à Saint-Macaire, même si les accidents se succèdent. Le 26 août 1751, un jeune ouvrier-maçon de quinze ans, originaire du Bourbonnais, François Cunault, tombe et se fracture le crâne en travaillant à la ferme de la Bâtardière, chez Jeanneteau. Le 18 octobre de la même année, le charpentier Sébastien Rabouin est trouvé mort sur le chemin de Chambernou. Puis, une nouvelle fois chez Jeanneteau, le 28 novembre 1753, on retrouve Étienne Rigault sans vie dans le foin du grenier [283]. En 1771, l’été est suffocant. Le 20 août, Esprit-Jean Doc, journalier de la Baffrie, meurt subitement pendant les moissons qu’il fait à Bouillé et est enterré dans cette paroisse. Trois jours plus tard, Jean Devault, laboureur du Bouchet, parti voiturer des marchandises à Saint-Martin-de-Sanzay, tombe raide mort [284].
En l’absence de seigneur, la seigneurie de Saint-Macaire a perdu ses prérogatives. La maison de Sanzay, livrée aux fermiers, n’a pas été habitée par les Gencian, famille titulaire, depuis la disparition de Claude Nau en 1716. Il faut dire que, peu luxueuse, elle ne représente pas un bâtiment digne d’une seigneurie de village. C’est cependant une vieille habitude des seigneurs de ne point occuper leur manoir de rase campagne et de demeurer dans les villes.
Ainsi que les Bussy au XVIe, la famille Defay à Maison-Neuve, et à travers elle la maison des Fontaines, peut tout aussi bien faire office de représentation seigneuriale. Il est difficile de l’affirmer pour Claude Defay, mais son fils Louis se comportera un peu comme un « chargé d’affaires » politico-religieux de cette période trouble. Pourtant, Angélique de La Porte n’abandonnera pas tout à fait la paroisse, n’omettant jamais, jusqu’à sa mort en 1763, de faire des dons à l’église depuis Angers.
Le seigneur suivant, Simon Joseph Doublard du Vigneau, dont la famille est devenue propriétaire de Sanzay par succession [285], ne se manifestera qu’en 1788, puis émigrera. Ce sera alors Louis Grignon, son fermier, qui le représentera. Né à Louerre le 15 août 1748, ce dernier sert aux Gardes Françaises puis à l’Infanterie Royale où il parvient au grade de sergent en 1776. Ensuite, il se retire au Perdriau, près du Puy et prend à bail la ferme de Sanzay.
Pendant ce temps, à Maison-Neuve, Louis Defay, qui vient de se remarier avec Céleste Blondé moins d’un an après le décès de sa première femme, a décidé, cette fois, de ne pas lésiner sur la procréation. À une époque où la limitation des naissances est savamment pratiquée dans les familles pauvres, le seigneur peut se permettre de mettre à profit la fécondité exceptionnelle de cette deuxième épouse. Neuf mois presque jour pour jour après leur mariage [286], le 28 oct 1756, nait la petite Céleste-Madeleine-Eléonore. Onze mois plus tard, c’est le tour de Marthe-Louise. Au bout de treize mois, Joseph-Louis-Frédéric voit le jour mais ne sera baptisé que le 12 septembre 1759, soit avec dix mois de retard, en raison du manque de disponibilité de personnages importants, dont le parrain Joseph Foulon, qui vient juste d’être nommé intendant de la Guerre et de la Marine. Puis, les deux géniteurs marquent le pas et espacent, de deux années chacune, les trois naissances suivantes : Modeste-Hyacinte-Nicole, Louis et Marie-Jeanne. Ils mettent trois ans pour concevoir Auguste-Sidonie, deux ans pour Suzanne-Madeleine et, enfin, se donnent cinq ans pour mitonner la petite dernière, Agathe-Lucie.
La portée est vigoureuse, puisque neuf des dix enfants dépasseront l’âge de seize ans, au moins [287]. Leurs parrains et marraines sont de haut-lignage : Joseph-François Foulon, Marie-Anne Desme du Petit-Thouars, le chanoine Louis-René Defay, Cuissard des Fontaines… Les alliances aussi sont de qualité : Jean François Sourdeau, chevalier sieur de Beauregard, ancien conseiller maitre ordinaire des comptes de Bretagne épouse Marthe-Louise en 1784.
Non loin de là, Pierre Roger et Marie Quétineau sont installés à La Planche. Lui, fils de marchand, est originaire de Saint-Hilaire-de-Rillé. Elle, fille de marchand-fermier, est issue d’un croisement le Puy-Saint-Macaire. Cousins au quatrième degré, ils ont obtenu une dispense d’affinité de l’évêque de Poitiers.
Tous deux savent lire et écrire, et donc signer, lors de leur mariage célébré le 6 octobre 1776 par le chantre-chanoine du Puy, Joseph Roger. Un deuxième oncle de Pierre, François Roger, chanoine aussi, sous-doyen du chapitre du Puy, assiste à la bénédiction nuptiale. Marie Quétineau, veuve depuis un an du marchand Joseph Pasquier qui lui a laissé la maison de la Planche, est certainement un beau parti.
François Jarry, forgeron et maréchal-ferrant, sait lui aussi lire et écrire. Il s’est installé à l’Humeau de Bray où il a pris la place de son père mort en 1771.
Les villages de Chambernou et des Bouchettes, principalement, renferment aussi déjà les ferments de futures personnalités qui émergeront du commun de la population. À Chambernou, les laboureurs Charles Gourin et Étienne-Louis Boutet, le marchand Pierre Boudier, aux Bouchettes le laboureur Jean Coquin, le marchand Louis Abraham et le maçon Jean Alleaume, le meunier de Grenouillon, Jean Fillon, et le fermier de la Grange de Brignon, Hilaire Beaumont, formeront un maigre vivier nécessaire à la constitution d’un corps de petits notables quelque peu instruits.
Enfin Louis Guillon, cultivateur à Brignon, et Joseph Rabouand, laboureur de la Guéritière, ne savent pas signer. Cela n’empêche nullement Louis Guillon de compter fleurette à Marie Pin et de demander sa main. Mais à qui la demander ? Le père de Marie, André, est en effet absent du pays depuis plus de vingt ans. Selon la coutume, il est réputé mort mais il pourrait, sait-on jamais, revenir et critiquer ce mariage fait sans son consentement. Les futurs sont donc obligés de faire une demande à l’évêque. Le notaire royal de Thouars constate qu’André Pin est absent depuis plus de vingt ans et qu’il n’a plus donné signe de vie depuis dix-neuf ans. Alors l’évêque accorde son autorisation et l’on peut procéder au mariage le 17 janvier 1774.
Le curé Pierre René Pauloin, cinquante-deux ans, semble de plus en plus fatigué. Fin septembre 1782, c’est Louis Texier, curé du Puy, qui vient le suppléer. La sépulture de Pauloin a lieu le 12 novembre 1784. Il est remplacé par Lière, peu instruit et peu lisible. Dès lors, les acteurs sont en place. Ne reste qu’à donner le coup d’envoi de la grande épopée de 1789.
Les premières traces de délibérations de la future assemblée municipale ne remontent qu’au 4 mars 1788. Pourtant, dès le printemps 1787, une réunion s’est tenue à Saint-Macaire afin de répondre aux questions adressées par l’assemblée de l’Élection de Thouars qui effectuera sa première session en août 1787. Pour faire ce premier point paroissial sur les problèmes communs, quel meilleur endroit que l’église pour réunir les macairois, quel meilleur secrétaire de séance que le curé Lière et quel meilleur papier brouillon que les feuillets du registre paroissial ? En effet, Lière utilise le registre de 1780-1790, où il reste de nombreuses pages vides, pour préparer le texte qui sera communiqué à Thouars. Dans de nombreuses paroisses de France, le clergé local, proche du peuple, a ainsi eu une part importante dans le lancement du processus irréversible qui intervient dans le pays.
L’assemblée fut-elle nombreuse ? On peut penser que les idées nouvelles sont parvenues aux oreilles des pauvres journaliers et que, les espoirs de changement étant fondés, ils sont venus voir ce qui pourrait se dire à l’église. Il n’est pas certain par contre que toutes leurs revendications aient été exprimées aisément – tradition servile oblige, et il est plus probable que ce furent les plus instruits et les mieux renseignés, les plus aisés donc, qui établirent les principaux points du mémoire reproduit par Lière :
« dans la paroisse de Saint-Macaire [288] il n’y a n’y ne peut y avoir de commerce. chaque habitation est presque isolée. les particuliers portent la danrée de premiere necessité au ménage de doué et les autres ils les vendent assez ordinairement les dimanches au puits notre dame.
nous ne connoissons dans notre paroisse ainsi que dans les environs aucune manufacture en laine. cependant nous y avons deux fourneaux à cheau et à tuile.
nos terres ne produisent absolument partout que bled et vin. le bled y reussit assez ordinairement les vignes y sont plus sujettes à la gelée et à plusieurs autres vimeres [289] que dans les autres paroisses. le vin n’est pas d’une grande ressource pour nos habitants. quoique d’une assez bonne qualité. on ne le vend que difficillement. les marchans n’ausant approcher des lieux accause des mauvais chemins.
on y laboure comme avant avec des charues à ruelles. nous n’y connoissons pas de terrin en friche si ce n’est quelques boissellées dans les environs de la forêt de brignon que les particuliers ont été obligés d. abandonner ne pouvant leurs faire rien produire. rien n’encourageroit tant les malheureux que l’espoir d. être moins écrasé de subsides. on observe que le tarif ne peut que gener le commerce.
on ne peut y faire aucunes elèves de quelque peu que ce soit. le cultivateur est obligé d’aller chercher dans les foires du poitou le betail qui lui est necessaire pour labourer ses terres. il perd ordinairement un ou deux ans de travail le quart sur ce betail pour le revendre. le sol etant aquatique le mouton n’y reussit presque pas. aussi compte on dans la paroisse tout au (plus) dix à douze têtes de brebis dont la laine est peu estimée [290]. les sœuls pres artificiels que nos habitants connoissent sont les luzernes qui ne durent que tres peu de temps. encor choisissent-ils le terrein pour les semer. quelques uns ont essayez de faire des st foins ils n’ont pu reussir. ils seroient cependant d’une grande utilité. la plus part des cultivateurs sont obliges d’aller chercher a une où deux lieux de leur domicile. de quoi nourir leurs animaux. ce qui encherit considerablement les…
la sœule ressource de notre paroisse ainssi des paroisses voissines pour le bois tant de charpente que de fœu est la forêt de brignon dont j’ai parlé. cette forêt assez mal plantée en bien des androits qui peut comprendre quinze coupes elle seule fournit noueil soub passavant les verches. la paroisse du vaudellenay. du puits notre dame. de boullié-lorêts. le sœul moyen de remedier à la disette du bois qui devient plus grande de jour en jour seroit de rendre le pouvoir de devaster moins facile à obtenir en examinant de plus prest les (demandes) de ceux qui les sollicitent et la conduite qu’ils tiennent lorsqu’ils les ont obtenus. de forcer les particuliers possesseurs de terres qui ne sont propres qu’a cela a les planter. de faire veiller scrupuleusement ceux qui abattent les taillis et de les contraindre a ne tailler pour balliveaux que des arbres qui promettent venir car souvent pour se conformer à l’ordonance on n’en que l’on espere être obligé d. abattre à la coupe suivante.
on ne connoit en notre paroisse aucunes antiquites qui meritent d’être raportées aucuns faits memorables. le seigneur recommandé aux prones est d’anjou, d’une famille assez nouvelle. ce qui peut l’illustrer est une charge à la chambre des comptes de bretaigne. nous plaidons en premiere instance au siege de la baronie de montreuil bellay. nous n’avons aucun hopital. cependant si les rentes fondees pour le soulagement des pauvres n’avoient pas été portées en d’autres endroits [291]. l’on aurait pu y en etablir un qui seroit d’une grande utilité pour les malheureux qui languissent faute d’un secours qu’on leurs a enlevé.
l’abaye de brignon est situee en notre paroisse elle fut fondée par… elle etoit composée d’un abé commendatoire et de cinq religieux soub l’ancienne observance de Saint-benoit. sa mansse convantuelle a été reunie depuis peu les deux tiers au grand seminaire de poitiers et l’autre tiers à l’hopital de montreuil bellay… le total de son revenu peut se monter à six [292] mille livres.
le caractère de notre peuple n’est pas absolument revêche avec un peu de fermette et de prudence on peut le contenir. aimant le travail il se contente lorsque les recoltes repondent aux soins qu’ils donne à l’agriculture. dans ce temps-la nous ne voyons presque pas de mondiants mais lorsque les recoltes manquent où que quelques infirmittés arettent leurs bras sa misère est plus grande que dans bien d’autres androits. ne se determinant qu’avec peine à mondier le morceau de pin qui lui monque.
la population est a peu près la même depuis plusieurs années…
nous ne connoissons point chez nous de non catolique [293] ».
Le président de la première assemblée de l’élection de Thouars, qui siège en août 1787, est le marquis de Mauroy. Paterne, curé du Vaudelnay, Demège, doyen de Thouars, Dillon, curé du Vieux-Pouzauges et Laborde, curé de Breuil, représentent le clergé.
Pour la noblesse, les délégués sont le Marquis de Grignon [294], M. Daviau de Piolant, M. de Gibot père, sieur de Saint-Mesmin.
Redon de Baupreau, maire de Thouars, Deschamps, maire de Bressuire, Chauvin, sénéchal d’Argenton-le-Château, Féron, propriétaire à Pugny, Villeneau, lieutenant-général du siège de Thouars, M. Berthelot, propriétaire à Cirière, Aubert de Macon et Rossignol, notaire à Bouillé, complètent, pour le Tiers-État, cette première assemblée.
Deux procureurs syndics y sont adjoints, Dom Raymond, bénédictin à Saint-Jouin et Joussault, avocat à Thouars. Le secrétaire greffier est un notaire nommé Baillargeau. Enfin, les membres de la commission intermédiaire seront Mauroy, Paterne, Daviau de Piolant, Redon de Baupreau et Villeneau [295].
Saint-Macaire est par tradition en Poitou. Il ne vient pas à l’idée des Macairois qu’ils pourraient être rattachés à l’Anjou.
Les responsables ne répondent donc qu’aux ordres, aux questions qui viennent de Thouars. Les habitudes, les façons d’être, de se déplacer, de se réunir, les termes, rien ne peut changer du jour au lendemain. Et il est symptomatique de voir que la première assemblée municipale est appelée « assemblée de la paroisse ».
Elle se tient le mardi 4 mars 1788 chez le sieur Roger [296] à la Planche. Son premier acte est d’entériner une simple liste de membres de cette première municipalité, établie très certainement à partir des propositions des habitants : Pierre Roger, bourgeois, en qualité de président ou premier membre, Louis Defay, seigneur, deuxième membre, Hilaire Beaumont, fermier, troisième membre, Nicolas Pouponnet, Charles Gourin et Joseph Rabouand, tous trois laboureurs, quatrième, cinquième et sixième membres. Chacun d’entre eux accepte cet ordre mûrement réfléchi. Le premier greffier de cette assemblée est le curé Lière. Mais il n’a pas été élu et l’assemblée procède aussitôt à son deuxième acte. Elle nomme François Jarry secrétaire-greffier [297]. Lière restera cependant comme observateur à toutes les assemblées qui suivent.
La deuxième assemblée n’a lieu qu’un mois plus tard, le vendredi 4 avril. Elle est destinée à la lecture d’une lettre de Thouars qui stipule de nouvelles procédures du versement des gratifications pour la destruction des loups. Les tarifs restent d’ailleurs inchangés : 10 livres pour chaque loup et louve, et 2 livres 10 sols pour chaque louveteau [298].
La lettre recommande encore de nommer un syndic de paroisse, qui sera obligatoirement « gentilhomme ou personne qualifiée », chargé de certaines tâches qui seront ratifiées par l’assemblée municipale.
Pierre Roger est nommé syndic de la paroisse en avril 1788. La troisième assemblée se réunit un dimanche, le Ier juin 1788, à l’issue de la messe paroissiale, toujours chez Roger, ce dont elle prendra désormais l’habitude. Elle examine la procuration que Simon Doublard du Vigneau, recommandé aux prônes de la paroisse comme ancien seigneur de Saint-Macaire, a établie en faveur de Louis Grignon, son fermier, afin de lui donner pouvoir de le représenter dans les assemblées municipales.
Le représentant du seigneur et le curé siègent donc, sans voix, à l’assemblée municipale. Une autre lettre invite Saint-Macaire à faire de toute urgence un état des ponts et chemins sur la paroisse. À l’occasion de cette troisième assemblée, Louis Defay passe premier membre sans être remplacé, mais Lière est là qui peut servir de membre suppléant. On n’est pas très au fait de toutes ces questions constitutionnelles et on ne s’en embarrasse pas tant qu’il n’y a aucun conflit. Pour preuve, le 25 septembre 1788, on note dans le texte des délibérations : « le sixième membre est Messire Lière curé de Saint-Macaire Messire Louis Grignon fondé de procuration du seigneur ».
Les lettres qui arrivent de Thouars sont ordinairement lues par Roger. Elles sont toujours « attachées » au registre « pour servir en cas de besoin », et ce avec une épingle. Lorsqu’une réponse rapide est demandée, l’on s’accorde généralement une réflexion d’une semaine, ou plus. En témoigne cette recommandation du 17 août 1788 : « Il a été décidé que chacun des membres de notre assemblée s’occuperait en son particulier des objets sur lesquels nous avons à répondre et aux prochaines assemblées il fera les réflexions qu’il aura pu faire ».
Au moins au début, un laps de temps de trois semaines est régulièrement nécessaire pour recevoir le courrier qui vient de Thouars, de trois mois pour celui qui est acheminé de Paris. Point n’est donc besoin de se presser à répondre. Plus tard, le délai de transmission depuis Paris sera raccourci à un mois.
Par exemple, sur une lettre arrivée le 17 août 1788, on ne délibère vraiment à Saint-Macaire que le 3 mai 1789. Il s’agit de voir si des privés de la commune peuvent mettre des fonds dans des travaux de charité que l’assemblée municipale envisage. Le district pense notamment à la réalisation d’un hôpital. Une aide supplémentaire des deux-tiers serait alors allouée par les pouvoirs publics.
Si, d’emblée, on se méfie et si une requête est immédiatement envoyée au bureau du département intermédiaire de Thouars pour obtenir quelque soulagement à la misère et à l’infortune de la paroisse, on se donne du temps pour analyser les possibilités. La réponse du 3 mai 1789 est parfaitement dans la logique terrienne des responsables qui ont flairé la manne que peuvent rapporter de telles propositions : Grignon et Roger proposent 25 livres chacun pour réparer le chemin impraticable de l’intérieur du bourg qu’ils empruntent quotidiennement. Louis Defay, de son côté, accorde 50 livres pour continuer les travaux d’un autre chemin qui mène du Puy à la forêt de Brignon, surtout le long du pré de la Malcasse qui lui appartient. Ces offres ne sont, bien sûr, valables que dans le cas où les pouvoirs publics fourniront deux-tiers en sus.
Ce qui apparaît prioritaire, c’est la nomination d’adjoints, celle des collecteurs de taille, ou encore la confection des rôles de la taille et, d’une manière générale, tout ce qui regarde cet ancêtre du porte-monnaie qu’est le bas de laine.
La bonne habitude de l’assemblée ordinaire et hebdomadaire du dimanche chez Roger s’avère pratique. En effet, tout le monde sort à la même heure de la grand-messe et après avoir fait les annonces d’usage à la fin de l’office et discuté sur le parvis de l’église, rien n’est plus aisé que de se diriger tranquillement vers La Planche à quelques centaines de mètres et de débattre des questions autour d’une chopine. Le regroupement des membres en est ainsi grandement facilité. Car il semble que l’on n’ait pas trop de temps à consacrer aux affaires politiques avec les travaux des champs. Les assemblées extraordinaires, sur semaine, souffrent d’un manque évident de ponctualité.
De fait, le jeudi 25 septembre 1788, jour de l’élection des trois premiers adjoints, Jean Baudoin, Pierre Herpin et Louis Guillon, le rendez-vous était prévu à 10 h. chez Roger. « Après avoir attendu une heure d’icelle fixée », la réunion ne commence qu’à 11 h. Ce retard est bien consigné sur le registre. Les trois nouveaux adjoints sont malheureusement illettrés. En effet, sur les neuf officiels, quatre ne savent signer, les trois adjoints et le sixième membre. Ils seront bientôt remplacés [299].
De ce qui s’est dit lors des assemblées suivantes – on peut penser qu’il y en a une chaque dimanche – rien n’est plus enregistré sur le RDC jusqu’au premier février 1789. Le registre paroissial continue cependant à être utilisé par Lière et y figurent encore les baptêmes, mariages et sépultures.
Deux dimanches de suite, les Ier février et Ier mars 1789, les municipaux ne se rendent pas à La Planche. On reste à la porte de l’église. Il s’agit d’annoncer officiellement les noms des collecteurs de taille pour 89 et 90, choisis parmi les plus anciens mariés dans les colonnes dressées à cet effet. Puis le syndic, les membres et les adjoints remettent le rôle de l’imposition de 89 à Jean Piau et à André Trimouillin pour exécution. On en profite pour déjà prévoir que Jean Coquin et Mathurin Nepvoit en seront chargés en 90.
Le premier mars, il faut simplement choisir à main levée les députés chargés de représenter le cahier de plaintes et de doléances qui sont formulées par les membres municipaux et les particuliers. Les habitants semblent se défiler et rentrent chez eux. « Les voix ont été portées par plusieurs habitants sur les sieurs Nicolas et Grignon, en présence de Charles Devaux, Mathurin Nevouet, René Pocquereau, Urbain Hubelot, Louis Daviau, Louis Gautier et autres comparants qui ont signé avec nous ». Le total des votants n’a pas dû dépasser vingt personnes, y compris les dix officiels.
Trois nouveaux adjoints sont nommés à l’unanimité, le dimanche 29 novembre 1789, par l’assemblée municipale réunie dans le lieu accoutumé et ce, selon un ordre adressé au syndic et aux membres de la municipalité qui portait injonction de nommer les adjoints selon la forme ordinaire en date du 24 novembre, ordre signé Dom Raymond et Louis Jaunneau, procureurs syndics du bureau intermédiaire de Thouars. Jean Rigault l’ainé, vigneron, est premier adjoint, Louis Guillon le jeune, second, et René Mestreau laboureur, troisième adjoint.
Les réunions ont toujours lieu à la Planche, chez Roger. Lière et Grignon y assistent encore en 1789. On enregistre les lettres patentes, les décrets de l’assemblée nationale et on les attache au registre avec l’épingle, comme pour un surfilage. L’un des textes dit, en substance, qu’il ne sera permis à aucun agent de l’administration ni à ceux qui exercent quelque fonction publique de recevoir quoi que ce soit à « titre d’étrenne, gratification, vin de ville [300], ou sous quelque autre dénomination ». Une lettre patente, lue le dimanche 24 janvier 1790, concerne les délits dans les forêts et les bois. L’assemblée décide de la mettre à exécution au premier délit qu’elle découvrira.
Enfin, les premières grandes journées politiques de février 90 arrivent et, le dimanche 7, toute la commune est préalablement convoquée et assemblée dans l’église paroissiale afin de procéder à l’élection du maire, du procureur de la commune, des membres du corps municipal et des notables, conformément au décret de l’assemblée nationale.
Il faut que le peuple comprenne bien le sens de ces élections et la municipalité n’a logiquement pu désigner, à la pluralité des voix, que la personne de messire Louis Eléonor Defay pour exposer les motifs de la convocation.
– C’est très simple, explique-t-il aux paroissiens amassés dans l’église, l’ancienne municipalité convoque l’assemblée pour procéder à la nomination d’une nouvelle municipalité.
Il convient d’abord d’avoir un président. Les plus anciens d’âge, Jean Fillon, Jean Barbier et Charles Balard, feront office de scrutateurs [301] pour opérer cette nomination. Les votes sont effectués à main levée, car deux scrutateurs sur trois ne savent lire, mais heureusement comptent parfaitement. Les voix se portent sur le moine Béchet d’Arzilly. Seuls Defay, Lierre, Grignon, Boutet, Guillon, Gourin, Vital Réché, Nicolas Pouponnet, François Barbier, Louis Guillon, Jean Guitton, Jacques Cacouault, Jean Fillon et Béchet d’Arzilly apposent leur signature au bas de l’acte.
Le même jour, on continue sur la lancée et Jean Guitton obtient la pluralité des suffrages pour la place de secrétaire greffier de l’assemblée communale. Mais il donne sur le champ sa démission. Alors, le sieur curé qui venait au deuxième rang après Guitton, est proposé d’une voix unanime pour remplir la fonction.
Ensuite, cela devient sérieux, on change les scrutateurs et on prend des lettrés : Louis Guillon, Charles Gourin, et Jean Fillon feront procéder à l’élection du maire, du procureur de la commune, des membres qui doivent former le corps municipal ainsi que des notables qui doivent composer, avec les membres, le conseil général de la commune. L’assemblée ayant été interpellée de signer, la plus grande partie déclare encore ne le savoir sauf Louis Guillon, François Jarry, Jean Guitton, Nicolas Pouponnet, Béchet d’Arzilly, Pierre Roger et Lière secrétaire greffier. Louis Defay semble s’être absenté à ce moment.
Sans désemparer, et avant de procéder aux divers scrutins, une délibération préalable fixe la valeur locale des journées de travail requises pour être électeur et éligible. Il est décidé à une très grande majorité que, la valeur des journées ne dépassant pas le prix de 15 sols, il suffit, pour être électeur, d’être imposé à au moins deux livres cinq sols et, pour être éligible, à 7 livres dix sols [302].
Alors quelqu’un demande si Grignon, qui se trouve dans la classe des citoyens éligibles de la communauté, peut être admis au nombre de ceux sur lesquels peuvent porter les suffrages, tant pour constituer le corps municipal de la paroisse que pour l’élection du procureur. En effet, Grignon, déjà co-officier des volontaires de Doué et receveur du bureau d’aides de Saint-Macaire, étranger de surcroît, pourrait ne prétendre à aucune place dans la municipalité. La discussion est âpre et l’heure avance. Tous sont d’accord pour remettre la séance à dimanche prochain.
Les langues vont bon train durant la semaine et la politique politicienne nait déjà à Saint-Macaire. Béchet et Grignon se sont arrangés et, lorsque le président Béchet ouvre la séance dans l’église, il reprend la délibération là où elle s’était arrêtée, c’est à dire sur le cas Grignon. Il affirme que Grignon a promis de se démettre de sa responsabilité du bureau d’aides, et que, nonobstant sa qualité d’officier volontaire de la ville de Doué, il sera compris dans la liste des citoyens éligibles. Béchet d’Arzilly et Lière signent l’arrêté, mais Louis Defay, Pierre Roger, François Jarry, Nicolas Pouponnet, Charles Gourin, Jean Coquin, et François Valois protestent et s’y opposent, se rapportant à l’article 53 du décret de l’assemblée nationale auquel ils prétendent se conformer. Grignon n’a donc pas la majorité avec lui.
La tension monte entre Defay et Grignon. Depuis toujours, à quelques exceptions près, la tradition veut que le seigneur de Maison-Neuve remplace celui de Sanzay, titulaire de Saint-Macaire. Defay n’accepte donc pas, malgré la procuration que Grignon a reçue de Doublard, que cet aventurier angevin intrus vienne en remontrer à des poitevins de souche. Si Defay marque des points d’emblée, la partie de bras de fer qui les oppose tournera, plus tard, à l’avantage du militaire.
On dresse ensuite la liste des citoyens électeurs. Quelques difficultés sont faites sur les cas de Vital Réché, garde de la forêt de Brignon, et de Louis Guillon le jeune, dont les inscriptions sur la liste sont finalement adoptées à une très grande majorité.
L’assemblée approuve une liste définitive de 131 électeurs potentiels qui justifient d’un revenu minimal. L’appel est fait nominativement, mais 80 [303] seulement répondent présents. Puis on compte le nombre de citoyens éligibles sur la liste présentée et approuvée par l’assemblée. Il s’élève à 82. Tout cela semble une affaire d’hommes. Aucune femme n’est jamais citée. Il doit bien pourtant exister quelque veuve qui remplisse les conditions pour figurer sur l’une ou l’autre liste. Elles ne font pas même partie des abstentionnistes.
C’est la « voix » [304] du scrutin individuel qui désignera le maire. « Le nombre des bulletins contenus dans le vase où chaque votant a déposé celui par lequel il désignait celui qu’il voulait élire a été déclaré par les scrutateurs qui les ont comptés aux yeux de tous les assistants à 67 [305] ». Le dépouillement des bulletins est effectué par les scrutateurs en présence de la communauté.
En raison du nombre d’analphabètes, de nombreux trucages ont vraisemblablement pu être pratiqués par les quelque quinze lettrés que compte la communauté. Pour ces derniers, rien de plus facile en effet que d’inscrire un autre nom à la place de celui que l’illettré lui enjoint de marquer. Cela aurait pu être le rôle de scrutateurs sachant lire que de vérifier si les noms inscrits sur les billets correspondent bien aux souhaits des analphabètes.
Le résultat de cette première élection du maire est lu à haute voix. François Jarry, le maréchal-ferrant, obtient 37 voix sur 67, soit une très courte majorité. Il est probable que plusieurs autres candidats bien en vue, dont Defay, Roger et Gourin, se soient partagés les trente suffrages restants. Quant à Grignon, le représentant du seigneur, le militaire, qui briguait déjà quelques honneurs, son score a dû être décevant. L’heure étant fort avancée, le président remet les séances à mardi prochain 7 heures du matin.
De fait, le mardi 16, la séance est ouverte sur une protestation écrite du sieur Grignon [306] : « Après les troubles suscités dans les deux séances qui ont précédé celle d’aujourd’hui, notamment dans celle du 14 de ce mois ce qui est évident par la lecture du procès-verbal des deux séances, il est à présumer que l’esprit de cabale et de faction règne dans notre assemblée. Il est d’un bon citoyen de ne se prêter en aucune manière aux failles qui peuvent résulter et de l’autre il est mieux de son devoir de s’y opposer. En conséquence, je proteste contre la nomination du maire craignant que ce ne soit l’effet de la cabale et de la faction sous toute réserve de droit. Signé Louis Grignon Grandmaison ».
Aussitôt Louis Defay prend la plume [307] et écrit : « Ce 16 février 1790, les citoyens actifs de la commune de la paroisse de Saint-Macaire, indignés des protestations injurieuses de la part du sieur Grignon Grandmaison protestent que les exposés du sieur Grignon contre nous tous citoyens actifs sont faux sans principes et qu’il n’y a rien de vrai de ce qu’il avance. Au contraire qu’ils se sont comportés non comme des cabaleurs ainsi qu’il les accuse mal à propos mais se sont comportés en toutes les assemblées et séances avec légalité en suivant à la lettre les décrets de la nation. En conséquence le nommé François Jarry qui a été nommé maire la nomination en a été très légalement faite et à la pluralité des voix de 37 sur 67 tirées au scrutin et signée et arrêtée par le président, le secrétaire, signé aussi par les anciens membres municipaux et tous les citoyens actifs qui ont signé fors ceux qui ne le savent et approuvé généralement des citoyens par la plus grande et majeure partie. Arrêté ce 16 février 1790, François Jarry, ancien greffier, Louis Defay, Nicolas Pouponnet, Charles Gourin, Jean Fillon, Jean Guitton, Gabriel Daviau, Roger syndic, Jacques Cacouault, Jacques Boutet, François Barbier ».
Cette assemblée du 16 février est particulièrement houleuse. Louis Guillon démissionne de la commission des scrutateurs et, pour continuer la séance, il est nécessaire de procéder à son remplacement. Le dépouillement du scrutin est fait par le plus ancien d’âge. Jean Guitton obtient 15 voix, Jacques Boutet 14, François Barbier 10, Pierre Cornu 1 voix et Jean Daviau 1.
Quatre citoyens ont déjà quitté l’église et, à la suite d’un nouvel appel, on ne compte plus que 50 présents [308]. La désaffection est certainement autant à mettre sur le compte de la mauvaise ambiance que sur le manque d’intérêt politique de la plupart de ces ruraux.
Il faut cependant un procureur à la commune. Il n’y a aucune abstention. 50 bulletins sont déposés dans le vase et les résultats sont proclamés à haute voix. Charles Gourin sort procureur avec 31 voix. Pour mémoire, Defay en a obtenu 9, Roger 6, Boutet le jeune 2 et Pouponnet 2.
Restent les membres et les notables à désigner. Mais les héros sont fatigués. La journée s’est avérée pénible, l’église devient glaciale et la nuit est survenue. Alors le président Béchet d’Arzilly propose de renvoyer la séance au lendemain. Sur un désaccord de la majorité, Béchet d’Arzilly et Lière donnent leur démission [309] et quittent les débats avec trois autres électeurs.
Restent donc quarante-cinq habitants mais il n’y a plus ni président ni greffier. Il faut cependant aller jusqu’au bout maintenant. Se séparer sans prendre de décision redonnerait des armes au clan Grignon. On nomme à main levée de nouveaux scrutateurs pour procéder à l’élection d’un nouveau président : Louis Daviau, François Bourdier et Jean Fillon qui font un tour de scrutin. Evidemment, c’est Louis Defay qui récolte 30 voix [310]. Puis, de la même manière, Roger est élu secrétaire-greffier.
On décide d’arrêter pour aujourd’hui. Defay-président et Roger-secrétaire prêtent serment en présence de l’assemblée « de bien fidèlement se conduire dans les élections à faire du procureur et membres et notables à élire, de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèle à la nation et au roi, de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique, de remplir avec zèle et courage les fonctions politiques qui pourront leur être confiées ».
Les six signataires [311] qui ont veillé si tard ont formé, malgré eux, un dernier quarteron de citoyens décidés et favorables au maire Jarry, élu depuis deux jours. En devenant une équipe dirigeante soudée après une normalisation en règle et une élimination de tous les rivaux, ils sont condamnés à mener une politique commune qu’ils improviseront au jour le jour. Il leur reste à convaincre la population de revenir assister aux débats.
Bonne aubaine en effet, le lendemain mercredi 17 février, puisque soixante-cinq électeurs sont revenus à l’église. Le scrutin individuel fournira cinq membres.
Les opérations sont parfaitement détaillées. Rien n’est laissé au hasard : « Les billets contenus dans le vase se sont montés au nombre de 65 [312] où chaque votant présent les ont déposés. Ils ont été comptés un à un par les scrutateurs en présence des citoyens. Le dépouillement a été fait par les scrutateurs élus puis les billets du vase dépouillés et lus et proclamés à haute voix en présence des citoyens. Les résultats ont été en faveur de M. Defay qui a obtenu 55 voix comme étant le plus fort suffrage a été nommé premier membre. M. Roger ayant eu le suffrage de 51 voix a été élu deuxième membre. Pierre Camus qui a eu les suffrages de 39 voix a été proclamé troisième membre, Jean Rigault ayant eu les suffrages de 37 voix a été proclamé quatrième membre, Pierre Herpin qui a eu les suffrages de 35 a été également proclamé cinquième membre. Ces 5 membres désignés cidessus ont été déclarés membres comme ayant obtenu les plus fortes voix les autres citoyens n’ayant eu que des voix inférieures à savoir Jean Baudoin 32, Louis Gautier 28, Jacques Tillon 23, Jean Devault 23, Pierre Boutier 22, Louis Desplaces 16, Louis Guillon 14, Jacques Cacouault et Jean Guitton 12, Joseph Rabouin 13, Martin Geffard 13, Jean Cocquin 16, François Barbier 10, Mathurin Nevouet 12. Les autres voix étant très inférieures, nous avons arrêté la présente nomination cidessus proclamée ce 17 février 1790. Charles Gourin a été reconnu procureur de la commune. La nuit étant survenue, M. Defay président a clos la séance et renvoyé la séance à demain 18 ».
Tout semble marcher pour le mieux. Mais le jeudi 18, à 9 heures du matin, avec une heure de retard, le président donne le coup de sonnette de l’assemblée. Il n’y a malheureusement « qu’une petite portion d’habitants » pour nommer les douze notables. On attend et on diffère la réunion jusqu’à 11 heures. Les électeurs arrivent un à un, sans se presser. Mais l’assemblée commence. En espérant atteindre le quorum à la fin des débats, on laisse en blanc le nombre de présents sur le procès-verbal rédigé à 3 heures de l’après-midi. Le chiffre de présents et de votants, 36 [313], en sera rajouté ultérieurement, un autre jour, d’une autre encre plus épaisse. Les votes donnent Nicolas Pouponnet premier notable avec 23 voix [314].
Les résultats de l’ensemble des scrutins sont consignés sur les différents procès-verbaux de nomination du maire, du procureur de la commune, des cinq membres de la municipalité et des douze notables de Saint-Macaire. Les membres présents de l’ex-municipalité ont ordonné et prié Jean Fillon, le plus ancien membre, de proclamer les noms à haute et intelligible voix. Leur installation est alors prononcée. Chacun pourra dorénavant gérer sa fonction et entrer en exercice dès qu’il aura prêté serment. Cette prestation de serment aura lieu dimanche prochain 21 dans l’église de Saint-Macaire à l’issue de la grand messe devant l’ensemble de la commune et des habitants.
Le dimanche, en effet, le maire, le procureur, les cinq membres ainsi que les douze notables se sont « transportés » à l’église paroissiale, lieu ordinaire où se sont assemblés les citoyens actifs pour délibérer sur la formation de la municipalité, « y ont tous prêté serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèles à la nation et à la loi et au roi et de bien remplir leur fonction et se sont retirés pour se mettre chacun en exercice de leur fonction ».
Puis on s’en va chez Roger pour choisir un secrétaire greffier. Louis Launay, charron habitant de la paroisse, est désigné comme le plus capable d’exercer cette fonction et accepte.
Cela fait maintenant déjà quinze jours que l’on s’adonne aux joies des réunions électorales en laissant tout le reste de côté. Des liasses de lettres patentes, de décrets, de textes du district de Thouars, se sont entassées depuis un mois. Il convient donc de vaquer maintenant à leur lecture et à leur enregistrement. C’est alors que le travail de greffier revêt une grande importance.
Lorsque les lettres arrivent de Thouars, elles sont enregistrées par le secrétaire-greffier, puis affichées sur la porte de l’église. Les certificats-accusés de réception sont renvoyés au district et le procès-verbal d’enregistrement est signé chez Roger par ceux qui le peuvent.
En vrac, ce sont des nouvelles peu importantes : la prorogation jusqu’au Ier mars prochain du délai pour la déclaration des biens ecclésiastiques, l’affranchissement de la formalité du contrôle et des droits de timbre pour tous les actes relatifs à la constitution des municipalités et autres corps administratifs et qui déterminent l’état des villes et communautés en différentes provinces, les condamnations prononcées pour délits et crimes, ou encore diverses dispositions relatives aux assemblées de communauté et aux assemblées primaires. Ces textes ou décrets ont déjà plus d’un mois. Launay sait que ce n’est pas grave mais que, par contre, cela lui donne un sacré boulot et qu’il ne va pas tarder à démissionner [315].
Déjà le 4 mars, il fait la mauvaise tête et ne vient pas chez Roger pour enregistrer le courrier municipal. C’est donc Louis Defay qui prend la plume, de façon très agréable, d’ailleurs, et soignée. Les sujets sont variés : la compensation des quittances, les décimes payés par les contribuables, le paiement des octrois, des droits d’aides de toutes natures, les contributions patriotiques, la liste des contribuables patriotes, la déclaration des biens dépendant des maisons et établissements ecclésiastiques. Toutes ces lettres patentes, datant de janvier 90, voire de novembre et décembre 89, sont enregistrées à grandes doses pour rattraper le temps perdu.
La femme Roger, Marie Quétineau, va être contente. Elle n’aura plus, chaque dimanche, à accueillir tous les municipaux. On a trouvé une chambre pour le conseil municipal. Située au village du Bouchet, elle appartient à Mme de la Ville [316]. On l’étrenne le 14 mars pour délibérer sur la nomination d’un nouveau secrétaire greffier. Louis Launay a déjà fait savoir qu’il démissionnait. Étienne-Louis Boutet, désigné à main levée, accepte cette fonction. Il a une écriture extrêmement fine et précise, ainsi qu’une orthographe au moins équivalente à celle de Louis Defay. Il se met aussitôt au travail car il faut résorber cet amas de papiers dont certains sont peut-être urgents à traiter. Les derniers concernent l’interdiction des vœux monastiques, la détermination de la valeur locale de la journée de travail d’après laquelle doit se former la liste des citoyens actifs.
Quelle importance pour Saint-Macaire, doit se dire Boutet, que ce décret qui stipule : « Les juifs connus en France sous le nom de juifs portugais, espagnols et arrigénois jouiront des droits de citoyen ». Par contre, le décret qui supprime les maisons religieuses de chaque ordre, paraît plus directement lié aux préoccupations locales avec Brignon, Ferrières et la Commanderie de la Lande des Verchers.
Puis l’on remet à Jean Coquin, désigné et convoqué, le rôle de recouvrement des impositions directes pour l’année 1790, « avec injonction d’en faire le ramas incessamment ».
Étienne-Louis Boutet ne tient qu’une séance. Dix jours plus tard, la municipalité est encore à la recherche d’un greffier puisque Boutet démissionne sur le champ. Le meunier de Grenouillon, Jean Fillon, un ancien, est nommé comme le plus apte à remplir cette fonction. Ils en sont tous capables, quand ils savent écrire, mais ils se rendent vite compte que ce n’est pas de tout repos et que c’est l’un des postes les plus ingrats de la municipalité, celui d’un scribe-esclave sans aucun pouvoir, plume d’oie au clair en permanence, et dont la responsabilité peut sans cesse être mise en doute.
Le don patriotique obligatoire touche Louis Defay. Le 11 avril, il dépose une déclaration à la chambre commune afin que ce texte arrive sous les yeux des membres du bureau de Thouars : « Je soussigné déclare que en vérité mon revenu annuel toutes charges foncières urgentes et nécessaires, les rentes nobles foncières et autre nature que je dois, les impositions anciennes et nouvelles que j’ai à payer déduites jointes à mes grandes charges personnelles notamment celle de 9 enfants vivants depuis l’âge de 16 ans jusqu’à 33 dont deux à soutenir au service depuis longtemps, je dis que en vérité que toutes ces charges me réduisent mon revenu bien au dessous[317] de la somme prescrite par les ordonnances et décrets et me réduisent même pour me soutenir au travail pénible de cultiver manuellement ce qui me prive de la satisfaction de contribuer avec tous nos concitoyens au don patriotique. Je ne puis dans ma position offrir que ma bonne volonté. J’offre même d’en donner le détail si on l’exige. Une rente de 10 livres qui m’est due par le clergé de France avec les arriérages qui peuvent m’être dûs depuis la mort de feu M. Robert de la ville de Baugé et autres problèmes de succession. Signé Louis Defay ancien gendarme de la garde du roi, Jarry, Gourin »…
On commence à trouver la manipulation possible, à sentir l’intérêt de faire partie du conseil. Pauvre Defay, il est privé de la satisfaction de contribuer au don patriotique, lui, ancien gendarme. On s’aperçoit déjà que les textes officiels ne contiennent que les termes strictement nécessaires à une compréhension minimale et que l’on ne fait jamais de digression gratuite sur des états d’âme.
Le procès-verbal de l’Assemblée Nationale du 11 février 90 est publié aux prônes de la messe du dimanche 18 avril. Cette faculté que l’on a de mélanger ainsi les genres, l’interchangeabilité régulière du mot « commune » pour « paroisse », sont une preuve formelle du peu de différenciation faite entre le laïc et le catholique.
Il est demandé de faire un état des personnes domiciliées dans la paroisse qui se trouvent réduites à la mendicité et des mendiants non domiciliés que l’on remarque ordinairement dans la communauté. Il n’y a en fait que quatre familles réduites à la mendicité, composées de veuves, de jeunes, de vieux et d’infirmes qui peuvent représenter en tout 15 personnes [318]. De plus, une trentaine de familles vivent très difficilement à Saint-Macaire en raison du chomage partiel dans l’année de plusieurs de leurs membres. « Pour les empêcher d’arriver à la mendicité, il serait nécessaire, écrit le greffier, que l’on accordat à cette paroisse des travaux de charité tant pour hommes que pour femmes et filles qui vivent si difficilement ».
Des bruits courent que Saint-Macaire sera rattaché au département de Maine-et-Loire. Boutet, qui accepte de faire derechef office de secrétaire, indique, pour la première fois, en guise de préambule au procès-verbal du 8 mai 1790 : « Nous officiers municipaux de la commune de Saint-Macaire en Marche de Poitou, généralité de Poitiers, soussignés ». Est-ce une parade, est-ce une façon de vérifier, une sorte de prêchi-prêcha de faux pour connaître le vrai ?
De fait, les événements se précisent. Le 23 mai, dimanche de Pentecôte, c’est le sujet qui revient sur toutes les lèvres et qui fait l’objet des délibérations dans l’église. Deux ordres contradictoires sont parvenus aux représentants de Saint-Macaire. Ils ont dû se présenter à l’assemblée primaire du canton du Puy-Notre-Dame dans la semaine du 17 au 23. Etonnés, ils y ont assisté. Mais voilà qu’ils sont aussi convoqués à celle du canton d’Argenton-l’Église le 31 mai. Bien évidemment, tous souhaitent rester attachés à leur province naturelle du Poitou dont ils affirment avoir toujours dépendu.
Le procureur Gourin est entendu le 5 juin sur ce sujet par le conseil général [319] de la municipalité et résume la situation. C’était certainement une erreur du département de Maine-et-Loire d’avoir fait comparaître Saint-Macaire à l’assemblée primaire du Puy d’autant que le commissaire des Deux-Sèvres, en convoquant Saint-Macaire à l’assemblée d’Argenton-l’Église, avait ainsi confirmé son appartenance au Département des Deux-Sèvres. Et, puisque le 31 mai cinq paroisses du canton d’Argenton-l’Église avaient élu sept électeurs au nombre desquels figurait Louis Grignon Grandmaison, un des habitants de Saint-Macaire [320], et dès lors qu’il avait signé le PV de l’assemblée primaire d’Argenton, il apparaissait clair que Saint-Macaire était du ressort du Poitou. Gourin n’était pourtant pas totalement optimiste. Il craignait que Grignon ne refuse de se rendre à Niort le 7 juin pour représenter le canton lors des formalités de formation du Département des Deux-Sèvres. Lui, Gourin, proposait alors au conseil général de la municipalité deux mesures : obliger Grignon à se déplacer à Niort et s’opposer purement, simplement et juridiquement à toute manœuvre visant à rattacher Saint-Macaire au canton du Puy.
Le réquisitoire de Gourin produit l’effet désiré sur la municipalité. Grignon sera sommé par huissier de se rendre incessamment à Niort. S’il refuse, un procès-verbal sera adressé au comte de Brémond, commissaire des Deux-Sèvres nommé par le roi.
Malheureusement, comme on le pressentait, Grignon l’angevin se fait tirer l’oreille. Il sait, puisqu’il en est certainement l’instigateur et qu’il a des informations plus précises, que Saint-Macaire réintégrera tôt ou tard l’Anjou. Le temps joue en sa faveur et il ne semble pas fâché de se venger de ces rustres de débiles qui l’ont évincé de leur municipalité. Il semble jouer à cache-cache et ne reparaît chez lui que le 13 juin, date à laquelle une délégation municipale conduite par le maire et le procureur se rend à son domicile. Il semble les recevoir de haut et, alléguant les affaires temporelles, il demande un délai de réflexion sur les injonctions qui lui sont faites. Il propose à la délégation de repasser plus tard dans la journée. Lorsqu’ils reviennent, il leur donne une lettre scellée adressée aux électeurs du district de Thouars, qu’il assure contenir ses raisons et réponses. Aussitôt la municipalité dépêche un coursier à Thouars pour faire porter un paquet de papiers dans lequel est incluse la missive de Grignon [321].
Après avoir été souvent dénommée « La Sye-en-Brignon » [322], voilà que notre abbaye prend maintenant des allures de ci-toyenne, et se donne du « cy-devant abbaye de Brignon ». Elle était marquée par le destin. En exécution des ordres, le maire et les membres de la municipalité sauf Defay, assistés du procureur de la commune – Jarry assurant les fonctions de greffier – se déplacent, le 8 mai 1790, à l’abbaye et couvent de Brignon, ordre Saint-Benoît de l’ancienne observance. La délégation va procéder à l’inventaire de ses biens devenus nationaux. Tous connaissent parfaitement le dernier moine vivant, Béchet d’Arzilly, pour l’avoir cotôyé lors des premières élections de février, et qui, plein d’usage et raison, s’en est retourné vivre en paix dans son sanctuaire.
Depuis la décision de nationalisation des biens ecclésiastiques, Béchet est pensionné et préposé à la garde des titres et papiers de l’abbaye dont les 3000 livres de revenus vont en principe, dans l’attente d’une vente nationale, pour les deux-tiers au Grand Séminaire de Poitiers et, pour le tiers restant, à l’Hôpital de Montreuil-Bellay.
Les officiers municipaux s’en viennent donc à Brignon, et Béchet, tout en leur faisant visiter les bâtiments, donne des renseignements sur la situation, les rentes et la gestion des 20 hectares dépendant du couvent. Car il convient de considérer deux lots. Les deux tiers du premier, l’abbaye, et l’ensemble du deuxième, la ferme, sont ecclésiastiques donc nationalisables. Le tiers restant, appartenant à l’Hôpital, lui sera restitué.
Autour de l’église abbatiale flanquée d’une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, cinq maisons témoignent encore du nombre de charges occupées par les cinq moines au siècle précédent : prieuré, sacristie et trois maisons de chantres, dont l’une s’appelle la « Cinquième Place », et dont quatre sont restées vides au départ ou à la mort de leurs derniers bénéficiaires.
Chacune de ces maisons a sa particularité. Le Prieuré comporte 4 chambres à cheminée, un grenier au-dessus, une boulangerie, une grange, un pressoir, des toits, des écuries, une cour et un jardin. La Sacristie, ou Secrétinerie, est composée de chambres basses et hautes, d’un cabinet, d’un cellier, de toits et d’une cour. La troisième bâtisse comprend des chambres hautes et basses, une cuisine, un cellier, des lieux d’aisance et un jardin. La deuxième maison de chantre se divise en chambres, grenier au-dessus, cellier, toit à porc, écuries, granges et comporte un usage à la cour et au jardin communs. Enfin, la « Cinquième Place » ne fait apparaître qu’une chambre basse à cheminée, un grenier au-dessus, une boulangerie, une grange et un jardin.
Plus loin, à droite de l’étang, deux maisons, la Grange de Brignon et la Métairie de la Grange forment la ferme de l’abbaye sur laquelle l’Hôpital de Montreuil-Bellay n’a aucun droit. Comme il se doit, la Grange possède des chambres basses à cheminée, un cellier, des écuries, des toits, une cour et un jardin. La Métairie ne comporte qu’une chambre basse à cheminée, une petite antichambre, un grenier, un pressoir, une écurie et des étables. Dans ce deuxième lot est compris un deux chambres-cheminée dans l’une desquelles se trouve un four, situé près de l’abbaye, et qui sert de logement au garde. Enfin, il faut y ajouter le fourneau à tuiles qui comporte aussi une chambre et une salle, ainsi que l’étang de l’Abbé, dit aussi étang de la Grange.
L’inventaire des locaux n’est pas tellement important pour la délégation. Ce sont plutôt les effets et les instruments sacerdotaux, le titres et les archives, – en général tous les biens meubles qui pourront être déménagés et livrés au district, qui intéressent directement les agents municipaux.
Dans la sacristie, la commission enregistre onze chasubles de toutes couleurs, deux dalmatiques de couleur et deux noires, quatre chapes de toutes couleurs, cinq aubes, deux rochets, cinq nappes d’autel et autres linges, deux calices et un soleil sans pied, un saint ciboire d’argent sur un pied, une croix, un encensoir, un bénitier avec aspersoir et navette, dix chandeliers, le tout de cuivre, une armoire et un basset pour serrer les ornements, deux cloches et une horloge [323], un pupitre avec quelques livres de chant.
Les archives sont entreposées dans le grenier de la Grange de Brignon qui est occupée par le fermier Hilaire Beaumont. Ce dernier conduit la commission au « trésor des papiers et titres », dont Béchet et lui possédaient la clef. Hilaire déclare que le prix du fermage de la cinquantaine d’hectares de la Grange est de 3240 livres toutes charges déduites.
« Nous avons trouvé, écrit le secrétaire de la commission d’inventaire, 28 sacs à l’étage du haut où sont enfermés des papiers concernant différentes rentes féodales dûes à ladite abbaye et titres plus deux liasses de papiers point enclassés qui sont des titres au soutien des droits de l’abbaye dans la forêt dudit Brignon. Au second étage du haut sont aussi 16 liasses concernant aussi des droits de vente et autres droits et plusieurs autres papiers épars. À l’étage suivant, sont des papiers qui concernent les propriétés de ladite abbaye, au bas dudit trésor et au rez de chaussée sont 52 registres qui sont des tenues d’assises et livres anciens et nouveaux, registres de rentes et plusieurs autres papiers épars qui sont tous les titres et papiers que nous avons trouvés ».
Trois agents municipaux sur six signent, Jarry maire, rédacteur du texte, Beaumont membre et Gourin procureur. René Camus, Jean Rigault et Pierre Herpin ont déclaré ne le savoir. Aucun d’entre eux ne pouvait, malheureusement, apprécier la valeur de ces documents qui devaient, théoriquement, être acheminés plus tard à Saumur. Il est plus probable qu’ils furent brûlés. Certains parchemins ont servi de reliure aux registres paroissiaux.
Il en a certainement été de même pour l’inventaire de l’église de Saint-Macaire à la même époque. Dieu seul sait ce qu’il est advenu de toutes ces archives et de tous ces instruments sacerdotaux [324]. Dans cette époque anarchique, la tentation de se servir est grande. De nombreux décrets portent sur des mesures policières, sur les dispositions, par exemple, à prendre pour arrêter les abus relatifs aux bois et forêts dépendant d’établissements ecclésiastiques. L’un stipule que les dépenses ordinaires de l’année courante seront acquittées mois par mois, un second réforme provisoirement la procédure criminelle, un autre abolit le droit de ravage, fautrage, préage, coisselage[325], pâturage sur les prés avant la fauchaison de la première herbe sous quelque dénomination qu’ils soient connus.
En effet, tous les citoyens usent maintenant sans vergogne de ces anciens droits féodaux, et surtout ne se privent plus de chasser. La proclamation du 3 avril 1790, enregistrée le 20 juin à Saint-Macaire, et ayant pour sujet la liberté du commerce depuis l’Inde jusqu’au delà du Cap de Bonne Espérance, est loin de leurs soucis !
On imagine facilement leur intérêt, par contre, à la lecture du décret qui concerne l’abolition des dîmes et la continuation de leur perception pendant l’année 1790. Ces gens sont directement passionnés par les textes spécifiant la manière dont on pourvoira au soulagement des pauvres, ceux concernant la suppression de la gabelle à compter du Ier avril 1791, ou encore la distribution des bois communaux, l’obligation de terminer les rôles d’imposition de l’année 90 et, surtout, de les terminer dans les quinze jours.
Et puis, il faut sacrifier aux nouveaux rites. Ce n’est pas si difficile. Cela se passe toujours au même endroit, à l’église. Le 14 juillet, jour de la Fédération, la municipalité de Saint-Macaire se rassemble dans l’église paroissiale avec tous les habitants, tous ceux qui, avant, allaient à la messe, plus les patriotes. Là, au moins, est-on assuré d’avoir un bon public pas trop revendicateur. Ensemble, après avoir assisté à la grand-messe célébrée par Lière, ils prêtent le serment « tel qu’il est ordonné par la nation ».
Satisfaits de la cérémonie, les membres de la municipalité se retirent ensuite dans la chambre du conseil où ils continuent à se congratuler, mais Charles Gourin, qui apparaît ici comme un vicieux petit mouchard, fait savoir que le nommé Pierre Boudier, l’un de leurs notables, quoiqu’averti, ne s’est point présenté au serment de la Fédération. Le pauvre Boudier est chargé de tous les maux et on s’aperçoit finalement qu’il n’assiste presque jamais aux délibérations du conseil municipal. Charles Gourin demande que Pierre Boudier soit rayé du tableau de la municipalité ainsi que de la liste des citoyens actifs, ce qui est aussitôt fait.
Une grande latitude est donnée aux communes afin de gérer au mieux les idées nouvelles qui animent Paris. Les bourgs, villages et paroisses auxquels les ci-devant seigneurs ont donné leur nom de famille sont autorisés à reprendre leur nom ancien. Ce n’est pas le cas de Saint-Macaire.
Mais, à force de libéralités nouvelles, l’on sent monter le pouvoir d’une poignée d’hommes que la conjoncture arrange et qui abondent dans le droit fil du vent nouveau qui souffle. En même temps, la mainmise traditionnelle des seigneurs et hobereaux qui affichaient un certain modernisme tend à disparaître et à être dépassée par les événements.
Les assemblées s’espacent de quinze jours. Les collecteurs des rôles de taille, des autres impositions et des corvées pour 1790, ainsi que des suppléments pour les six derniers mois de l’année 89, n’ont pas fait leur travail et sont rappelés à l’ordre. Injonction est faite à la personne d’André Trémoullin, collecteur de l’année 1789, faisant tant pour lui que pour le nommé Jean Piau, son consort collecteur, et aux personnes de Jean Coquin et de Mathurin Nevouet, collecteurs nommés par la municipalité pour faire le recouvrement des deniers de la présente année 1790, de terminer la collecte des fonds. Si Coquin, Piau et Nevouet, semblent d’accord pour payer les intérêts de retard dûs à leur négligence, Trimouillin refuse de venir récupérer à la chambre le rôle de supplément pour les six derniers mois de l’année 89, rôle qui attend toujours à la municipalité que Trimouillin et Piau viennent le retirer [326].
Pire, François Guillon, désigné en 90 pour être collecteur de 91, a quitté la paroisse depuis près d’un an. La commune le remplace par Joseph Rabouand comme le plus ancien dans la première colonne pour passer collecteur à son tour. Le même jour, Urbain Hublot est nommé collecteur adjoint pour 91.
Mais, afin d’éviter ces négligences, le 13 novembre 1790, le conseil général de la commune prend les devants pour nommer les collecteurs de 92. Après examen du tableau des citoyens actifs de la paroisse, la première colonne fait apparaître Pierre Roger comme plus ancien marié. Puisqu’il vient de démissionner de la municipalité, il est désigné pour faire la collecte de l’année 92. Dans la colonne de la deuxième classe, on trouve Pierre Carré pour être second collecteur.
Puis l’assemblée nationale ordonne un changement partiel des municipalités. Le sort tombe sur Defay, Rigaud et Jacques Guillon qui vient de remplacer Roger. Les notables François Baudoin, Jean Barbier, Nicolas Péponnet, Louis Gautier et Jean Neau sont évincés par le tirage au sort. De plus, le notable Louis Desplaces en profite pour donner sa démission. Un président de séance est élu à la majorité absolue, scrutin qui tourne enfin en faveur de Grignon Grandmaison. François Jarry est élu greffier et les noms des trois scrutateurs sortent enfin du vase : Étienne Louis Boutet, François Barbier et Charles Gourin.
Louis Gautier qui obtient 16 voix, Jean Baudoin 17 et Pierre Taillée 18, sont proclamés membres. Louis Neau, journalier, Pierre Daviau, Jacques Devault, Jean Alleaume, Pierre Jousset, Louis Guillon, Louis Launay, Jean Fillon et René Lejard sont les huit nouveaux notables. La semaine suivante, Louis Defay devient secrétaire-greffier. Les lettres patentes sont mieux explicitées, il fait correctement son travail.
Jean-Baptiste Bitault, demeurant au Puy-Notre-Dame, nommé expert par le district de Saumur pour procéder à l’estimation des domaines nationaux situés dans la paroisse s’est vu refuser tout renseignement le 13 décembre. « Me suis transporté ce jour, dit-il, dans la paroisse de Saint-Macaire au domicile du maire de ladite paroisse pour y prendre les renseignements nécessaires. Ne l’ayant pas trouvé, je me suis retiré après avoir convenu avec quelques membres de la municipalité que le lendemain 14, les officiers municipaux s’assembleraient en la chambre commune pour répondre aux différentes demandes qui leur seraient faites. Comme m’étant transporté ledit jour à la dite chambre, j’avais trouvé les officiers municipaux assemblés en la personne de F. Jarry, maire, Pierre Herpin, Jean Baudoin, agents municipaux, Charles Gourin, procureur, sur la demande que je leur ai faite de vouloir bien me donner les renseignements pour pouvoir faire l’estimation des domaines nationaux ont répondu que leur paroisse étant du district de Thouars, département des Deux-Sèvres, duquel district ils reçoivent les ordres et les exécutent depuis la municipalité établie et mesures de tout ordre, déclarent et persistent vouloir toujours dépendre dudit district, pourquoi ils entendent que le sieur Bitault nommé expert estimateur par le directoire du district de Saumur n’a aucun droit de faire les estimations des domaines nationaux situés dans leur paroisse, que le droit n’en appartient qu’au district de Thouars pour en faire l’estimation et la vente et qu’il a déjà nommé les experts et regardons comme nulle toute estimation que pourrait faire ledit sieur Bitault, pourquoi persistons dans nos dires et avons signé ledit jour et an que dessus, fors Pierre Herpin et Jean Baudoin qui ne savent signer le procès-verbal, signé Bitault, Jarry maire, Gourin procureur de la commune ».
La municipalité fait ensuite opposition partielle sur la vente des biens nationaux situés dans la paroisse. On demande que le curé garde, avec ses paroissiens, le presbytère et le jardin convenable de la ci-devant cure. Les municipaux s’opposent à ce qu’ils soient vendus parmi les biens nationaux de Saint-Macaire et demandent qu’ils soient réservés au curé fonctionnaire. Le jardin n’a qu’une boisselée et demie. Le 2 février 91, à défaut, on propose de conserver la maison du Doyenné, celle qui est appelée la maison du curé primitif. Cela éviterait de bâtir une maison pour le curé [327].
Maison ou pas maison, Lière prête le serment constitutionnel le 13 février 91 : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse, d’être fidèle à la nation, à la loi et au Roy et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution civile et politique décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roy ».
L’affaire du double rattachement à Thouars et à Saumur prend des proportions insoupçonnées. Le procureur général du syndic des Deux-Sèvres écrit à son collègue de Maine-et-Loire, le 10 février, pour mettre les choses au point. En effet, Thouars a déjà reçu les soumissions pour l’acquisition des biens nationaux religieux (Brignon, la cure et le Doyenné) et le procureur confirme que des experts ont été nommés pour en faire l’estimation. Pendant ce temps, le « district de Saumur s’est empressé de donner une valeur quelconque » à ces mêmes domaines et de les afficher comme biens à vendre de sorte qu’ils pourraient être adjugés deux fois dans deux départements différents. Le procureur rappelle que la municipalité de Saint-Macaire avait fait la déclaration formelle de vouloir rester attachée au district de Thouars dont elle faisait partie « suivant les conventions souscrites par les députés des ci-devant provinces d’Anjou et de Poitou ». On apprend que la paroisse de Saint-Pierre-à-Champ était dans la même situation mais que Saumur n’insiste pas pour la récupérer. Le procureur demande seulement de surseoir au moins à la vente des biens nationaux tant que les démarcations ne sont pas définitivement arrêtées.
En fait, Le Puy-Notre-Dame, érigé en canton, et Saumur veulent absolument récupérer Saint-Macaire. Ils décident alors d’accélérer le processus. Et, le dimanche 10 avril, la mauvaise nouvelle tombe. Le maire de la paroisse [328] lit à la municipalité l’extrait du procès-verbal de l’assemblée nationale du 24 mars 1791 diligenté par le procureur-syndic du district de Saumur dans une lettre du 2 avril 1791, qui annonce que « la paroisse de Saint-Macaire, cidevant du département des D. -S. district de Thouars, vient par ledit procès-verbal de l’assemblée nationale d’être ordonné qu’elle fera partie désormais du département de M. -et-L., district de Saumur ». Les municipaux s’y attendaient, ils le savaient déjà par la bande et, sans transition, passent directement à l’Anjou : « En conséquence nous conformons aux ordres de l’Assemblée Nationale par leur décision. Nous avons cedit jour 10 avril fait les enregistrements des paquets qui nous viennent d’être adressés par le district de Saumur ».
Aussitôt, comme s’il attendait dehors, comparaît maître Pierre Sébastien Roblain curé et maire de la paroisse [329] du Puy-Notre-Dame, accompagné du sieur Lerat greffier de la municipalité du Puy, sur une commission du district de Saumur remontant au 16 décembre, afin de faire inscrire sur le registre du Puy le procès-verbal de la délibération rattachant Saint-Macaire à Saumur. Il invite à donner le maximum de publicité à ce changement afin que personne ne l’ignore. Il ajoute que les citoyens de la paroisse de Saint-Macaire doivent désormais se présenter le dimanche 19 juin 1791, jour de la Trinité, au canton du Puy-Notre-Dame pour procéder à la nomination des électeurs.
Tout compte fait, c’est plus près d’aller au Puy qu’à Argenton-l’Église, et aussi plus pratique d’en recevoir les ordres. Par contre, Saumur est éloignée de cinq lieues alors que Thouars ne l’était que de trois. L’influence de Grignon « grignontant » quelque peu celle de Defay, le passage d’une province à l’autre ne traumatise pas outre-mesure les Macairois. On semble même être très bien préparé à une translation qui se fait en douceur. Pourtant, ils avaient tous juré leurs grands dieux de ne jamais tolérer une telle infâmie… On verra qu’ils sauront profiter de la situation.
Entretemps, le 21 février, La Grange de Brignon, le Doyenné et cinq boisselées de la cure ont été mis aux enchères avec quelques terres. Defay, représentant la commune, et son ennemi Grignon, fermier du Doyenné et de Brignon, sont présents. Parmi les acheteurs, on remarque deux gros détenteurs de liquidités, Jean-Nicolas Guéniveau et Jean-Joseph de la Selle qui se sont déplacés pour la Grange. Les petits sentent déjà que la partie est perdue d’avance. La Grange est vendue en premier avec ses 450 boisselées de terre, ses 47 boisselées de vigne, 128 de prés et 814 de bois et landes. Les droits féodaux courent toujours : 40 boisselées de coupes à prendre dans la forêt qui appartient à M. de la Trémoille, pacage dans la forêt de toutes espèces de bestiaux, sauf boucs et chèvres, quart des fruits sur les clos de Lassée et des Ribaudes. Les enchères ne sont possibles qu’en présence d’une petite bougie allumée. Lorsqu’elle s’éteint, il n’est plus possible de renchérir. On rallume ainsi plusieurs bougies, jusqu’à ce que les candidats cessent toute surenchère. La mise à prix de la Grange est proposée à 65 000 livres. Au premier feu, les concurrents se mesurent à coup de centaines de livres. Estienvrin offre 66 000 livres, Sanzay 66 100, Guéniveau 69 100, Denesde (qui fait pour de la Selle) 70 000 et Guéniveau 73000. Le premier feu éteint, on rallume une deuxième bougie, dite deuxième feu. Estienvrin y va de 73100 et Guillot monte d’un coup à 81 600. Au troisième feu, Guéniveau met carrément 91 000 livres, Denesde 500 de plus, Guéniveau passe à 100 000, Denesde à 100 100 et Guéniveau à 113 000. Le quatrième feu n’oppose plus que les deux rivaux qui vont jusqu’à 115 200 livres. Lors du cinquième feu, seul Denesde offre 115 300 livres. Le sixième feu n’apportant aucune surenchère, René Denesde et Jean-Joseph de la Selle emportent l’affaire.
Puis, avant le début de la vente du Doyenné, Defay tente une dernière fois d’en soustraire le logement en rappelant que le presbytère n’est pas grand et qu’il est en mauvais état. Le commissaire du Département assure qu’il s’agit d’un lot indivisible et que, de toute façon, on ne pourrait même pas employer l’argent de cette vente pour réparer le presbytère. De son côté, Grignon allègue qu’il a cinq années de bail de ladite maison et domaine. Il donne raison au commissaire, suggère de ne pas avoir d’égard pour la pétition de Defay et demande qu’on procède immédiatement à l’enchère. La mise à prix est de 10 000 livres. Après une bataille entre deux petits marchands, Guitton et Sébille, pendant laquelle le prix monte jusqu’à 16 900 livres, Guéniveau de la Raye intervient et propose 17 000 livres. Aucun des deux ne surenchérissant, le Doyenné est donc adjugé à Guéniveau, commandant des gardes nationales de Montreuil et du Puy, demeurant à Montreuil. Puis Grignon emporte 5 boisselées de pré de la cure moyennant 330 livres.
Paterne, curé du Vaudelnay, commissaire à la loi sur la contribution foncière et mobiliaire, fait avertir tous les habitants de Saint-Macaire de se présenter à la séance municipale du 25 juillet 1791. Les agents municipaux procèdent à la réception des déclarations mobiliaires des habitants et stipulent qu’à défaut de leur part de s’être présentés à cette séance pour donner leurs déclarations, ils y suppléeront de droit après le temps expiré pour les recevoir.
La loi ordonne qu’un receveur soit nommé dans chaque communauté pour cette contribution foncière et mobiliaire, qu’il ne sera fait de soumission que de la part de sujets reconnus solvables et que la concession sera accordée par le conseil de la commune à celui ou à ceux qui surenchériront au plus bas prix. L’adjudication en est faite le dimanche 4 septembre en faveur d’Étienne Louis Boutet pour la somme de 145 livres. Mais ce dernier n’ayant pu fournir caution, la municipalité se voit obligée de la renvoyer aux enchères. L’adjudication est portée à 400 livres. Urbain Alleaume, certain qu’on n’en restera pas là, propose 300 livres. Aucun autre enchérisseur ne s’étant manifesté, l’adjudication est alors renvoyée au dimanche suivant pour être jugée définitivement. Pourtant, on aurait pu laisser Alleaume sur cette somme qu’il avait proposée, mais il a certainement protesté de la hauteur de la somme en affirmant qu’il ne pourrait pas non plus trouver quelqu’un qui puisse se porter caution.
L’enchère est donc reprise après la messe du dimanche suivant. François Jarry lance 287 livres, Hilaire Beaumont 180, Urbain Hublot 160, Urbain Alleaume 150, Jarry 147, Hublot 145, Alleaume 142. Finalement Hublot reste dernier et l’emporte sur une proposition de 140 livres. Lorsqu’on lui demande de fournir une caution bonne et suffisante, intervient un proche parent, Pierre Hublot, marchand fermier demeurant à la paroisse de La Chapelle-Sous-Doué, qui accepte et signe pour une caution de 600 livres.
Le greffier Louis Defay accomplit consciencieusement sa tâche sur le registre rempli de textes de lois retranscrits tout au long de l’année 1791. Et Grignon Grandmaison, qui détient le fermage de Brignon et se permet de court-circuiter les municipaux, obtient directement du district l’autorisation de faire un « garde-monceau » dans la sacristie de Brignon, c’est à dire d’y mettre les gerbes de la moisson, à la charge d’en prévenir la municipalité. Il manque cependant un loquet à la porte qui communique avec l’église et un carreau à une fenêtre.
Monsieur Vaslin, Nicolas Leblanc et la veuve René Geay ont enfreint les bans de vendange. Chacun est condamné à une amende de 1 livre 4 sols avec défense de récidiver à l’avenir sous plus grande peine. L’argent est versé au profit de la « commune de la paroisse ».
Le Département de M. -et-L. n’a pas tardé à fixer les contributions foncière et mobiliaire que doit supporter la paroisse de Saint-Macaire. Elles s’élèvent à la somme de 8588 livres 12 sols pour le foncier et à 1484 livres 2 sols 6 deniers pour le mobilier.
Le dimanche 13 novembre, le conseil général procède au renouvellement de la municipalité par voie de scrutin. Louis Defay est élu président de scrutin avec 15 voix, devant Grignon, 4 voix et Gourin, 2. Après nomination d’un secrétaire-greffier, Étienne-Louis Boutet, de 3 scrutateurs, Charles Gourin, Jean Guitton et François Jarry, tous prêtent les serments requis. Il s’agit d’un tour scrutin à la majorité absolue. 22 votants déposent alors 22 bulletins dans le vase. François Jarry est réélu maire avec 19 voix sur 22. Puis deux membres sont désignés par scrutin à liste simple et à pluralité relative : les suffrages vont à Defay (19 voix) et à Nicolas Péponnet (13), ce qui fait la majorité requise par le décret. La nomination du procureur est encore faite par les 22 votants, Charles Gourin obtient 20 voix et Grignon 2, les suffrages n’ayant porté que sur les deux individus [330]. Enfin, cinq noms de notables sortent du vase : René Champion 18 voix, Pierre Herpin le jeune 14, Nicolas Valton 13, Jean Guitton 12 et Jean Rigault l’aîné 11.
Le vendredi Ier décembre, Defay donne sa démission d’officier municipal, poste auquel il vient d’être élu le 13 novembre. On lui demande alors de reprendre le secrétariat, ce qu’il accepte volontiers. Et, derechef, les lois et décrets recommencent à figurer sur le registre.
Le curé Lière vient de faire abattre, en janvier 1792, un noyer dans le vieux cimetière sans en avoir demandé autorisation ni avoir prévenu les officiers municipaux. Un deuxième noyer reste debout, on décide de l’enlever lui aussi et de les vendre tous les deux au plus offrant le dimanche 29 janvier. L’argent ira dans les caisses de la municipalité et sera employé aux réparations les plus urgentes de l’église et du cimetière. La première enchère est fixée à 5 livres par la municipalité. Grignon en offre 8, François Jarry enchérit à 8 livres 5 sols, et les noyers sont adjugés à Grignon pour 8 livres 10 sols. Ces noyers penchaient vers le puits de la Cochonnerie.
Par ailleurs, ses rapports s’étant globalement dégradés avec les agents municipaux, Lière file un mauvais coton. Grignon a repris du poil de la bête et Louis Defay adopte un profil bas, vaquant simplement à ses fonctions de greffier.
Le dimanche 11 mars, l’affaire tourne mal. Le maire et le procureur « de la commune de cette paroisse » [331] demandent à Lière de publier l’amendement de Mgr Hugues Pelletier, évêque du département de M. -et-L., donné à Angers le 16 février 1792 et adressé à la municipalité ce 9 mars par ces Messieurs du directoire du district de Saumur. Non seulement Lière refuse catégoriquement, mais lorsqu’il monte en chaire, il déclare à haute et intelligible voix, en s’adressant autant à la municipalité qu’aux habitants de la commune, « qu’il se rétracte de tout serment qu’il a pu faire avant ce jour ce dont il supplie la municipalité de dresser procès-verbal ».
La municipalité prend acte et, la messe finie [332], afin d’en instruire le directoire du district de Saumur, elle se retire au Bouchet pour en dresser procès-verbal. Defay ajoute sa touche d’ironie habituelle en écrivant : « fait et arrêté ce jour et an que dessus, Jarry maire d’icelle paroisse, Gourin procureur, Péponnet officier, Defay greffier ». Defay pouvait encore impunément affubler Jarry de cette nouvelle attribution !
Lière est aussitôt convié à Angers où il est mis en résidence surveillée. Il quitte Saint-Macaire dans la deuxième quinzaine de mars. C’est alors que se passent des faits dont on a tenté d’effacer les traces mais que l’on peut cependant recomposer par recoupements : Le 11 mars, l’église possède des ornements et des objets de culte puisque Lière dit la messe comme à l’ordinaire. Ces effets ont fait l’objet d’un inventaire en 1790 mais sont restés dans l’église. Or, à peine quinze jours après le départ de Lière, le 15 avril, la municipalité écrit au district. Sous couvert de réclamer un nouveau curé, elle se plaint de la misère de la cure. Les curés primitifs avaient toujours négligé de fournir les linges et ornements pour le service divin, la cure avait de tous temps été réduite à la portion congrue, le revenu de la fabrique n’était que de neuf boisselées de terre labourable et de quinze boisseaux de froment et seigle. Bref, l’église était dans le besoin le plus urgent. La municipalité prie donc le district de lui faire livrer « les effets et ornements » qui sont restés dans l’église de Brignon. En fait d’ornements, il s’agit de tout le mobilier et des objets de culte[333]. Il y aurait donc eu quelque léger chapardage dans l’église paroissiale après le départ de Lière, fin mars ou début avril 1792. Sinon, on ne demanderait pas de nouveaux ornements dont le district assure que « ladite église est absolument dénuée ».
D’ailleurs, dès le 9 mai suivant, le procureur de Saumur, « craignant que les meubles gardés dans l’église de Brignon soient volés », demande que « tout soit transporté dans l’église de Saint-Macaire pour y demeurer provisoirement déposé à la garde des procureurs de fabrique et sous la surveillance de la municipalité » [334]. Le district confirme son accord le 5 juin pour faire transporter le tout et autorise la paroisse à utiliser les vases et ornements en attendant une décision ultérieure. Par contre, les deux cloches devront être remises à Grignon qui les fera conduire à l’atelier Lévêque, entrepreneur de fonte de cloches à Saumur. On a en effet besoin de leur métal. C’est ce qui est répondu aussi en juillet à la paroisse de la Lande-des-Verchers qui a sollicité une nouvelle cloche pour remplacer la sienne. Elle n’est pas assez performante, elle ne pèse que soixante livres et le son n’en serait « pas sensible aux extrémités de la paroisse par certains vents ce qui empêche les habitants d’assister aux offices ». Le Département répond que « les cloches sont portées aux Hôtels des Monnaies pour être fondues et converties en monnaie de cuivre »[335].
Vive l’arbre de la liberté, vive la nation, vive les gardes nationaux ! Le dimanche 8 juillet, l’an IVe de la liberté, après une messe paroissiale où se sont assemblés la majorité des citoyens et des citoyennes de Saint-Macaire, l’on assiste à une grande explosion de patriotisme. Tous ensemble, mains levées, jurent « d’être fidèles à la nation à la loi et au roi, de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume décrété par l’assemblée nationale et acceptée par le roi, de plutôt mourir et de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang que de jamais souffrir qu’il fut porté atteinte à l’arbre de la liberté qui est élevé et planté au consentement de toute la patrie devant notre principale porte de notre église paroissiale ainsi qu’à tout autre arbre de la liberté qui sont plantés ou se planteront au dessus des différentes campagnes qui forment les cantons ».
Trois signataires macairois n’apparaissent pas va-t-en guerre à l’occasion de la création de la garde nationale : le maire Jarry, Louis Abraham et Louis Defay. Tous les autres, à commencer par Grignon, se donnent du galon dans la garde et insistent auprès du greffier pour faire mentionner leurs grades : Louis Grignon adjudant-général, Nicolas Pouponnet officier, Louis Guillon sous-lieutenant, Louis Alleaume lieutenant, Jean Alleaume sergent, René Mestreau sergent, Jean Nicolas caporal, René Champion capitaine, Louis Launay capitaine, Gabriel Daviau sergent, Guillou second-lieutenant, Étienne-Louis Boutet lieutenant. La Patrie est en danger et l’on se sent tellement fort avec une telle armada d’officiers.
Quel plaisir de pouvoir enfin faire la loi, d’être expéditif avec le curé Lière qui a reçu l’ordre de rejoindre Angers où sont regroupés les insermentés. Il habite dans un premier temps au n° 276, cul de sac Saint-Denis. Puis le 17 juin, il est traîtreusement emprisonné au séminaire avec ses confrères, rue du Musée. De là, les prêtres réfractaires partent le 12 septembre 1792 pour être embarqués à Nantes sur le bateau La Didon à destination de l’Espagne [336].
L’église abbatiale de Brignon n’est plus utilisée pour le culte. En effet, on l’a vu, elle sert à Grignon de remise ou de séchoir à grain. Le 22 novembre 1792, justement, plusieurs métayers battent du blé dans cette église lorsque Germain Doc, journalier de cinquante-huit ans, est pris d’un malaise et meurt subitement. Les officiers municipaux se déplacent aussitôt à Brignon. Les collègues de Doc expliquent qu’ils n’ont rien pu faire. Son corps gît dans une chambre attenante à la sacristie et ne présente aucun coup qui puisse faire croire qu’il s’agisse d’une mort violente. La version des témoins paraît donc la bonne et l’acte de décès peut être dressé.
Les affaires politiques et municipales, la patrie en danger et les massacres de septembre auraient trop tendance à faire oublier que le travail n’est pas arrêté pour autant dans les campagnes et que la terre doit rapporter. Les baux continuent d’être passés entre propriétaires et fermiers, même si leurs prix grimpent. Mais surtout, une frénésie, inconnue jusqu’alors, fait courir tout un chacun à travers les cantons. Les marchés aux puces sont ouverts, la grande redistribution commence. Les ventes aux enchères de mobiliers pas chers se multiplient, drainant les populations vers le magasin de Saumur, pour les petits objets épars, ou directement vers les domaines d’émigrés ou religieux, pour les meubles. Les campagnes bruissent d’occasions en or, même pour les petites bourses et puis l’on s’amuse tellement de renchérir sur tout ce grand déballage à ciel ouvert. Dès 1793, cela fait fureur et devient même un but de sortie en famille. Quant au foncier, il accapare tout l’intérêt des ci-devant nobles non émigrés, des marchands-fermiers et des bourgeois, principaux acheteurs de biens nationaux. Ils font main basse sur toutes les ventes, églises, chapelles, fermes, quitte à les détruire pour en récupérer les tuffeaux et gagner ainsi du terrain [337]. Ainsi Jean-Joseph de la Selle achète l’abbaye d’Asnières pour une bouchée de pain. C’est aussi la course aux belles demeures bourgeoises des religieux. La citoyenne Caffin, du Vaudelnay, femme du célèbre général, acquiert les Récollets de Doué pour 7975 francs et Étienne Cormier, d’Angers, s’offre la maison du chapitre de Doué pour 16 000 francs
Le citoyen René Dubois, fermier de Saint-Just des Verchers, vient faire enregistrer à la chambre commune un bail sous seing privé. Il s’agit de la ferme de la Cochonnerie, à côté de l’église. Le bail est consenti à Dubois par Marthe Defay, veuve Cuissard des Fontaines, douairière approuvée sous seing par Louis Rosalie Cuissard, son fils. Le bail, passé pour neuf ans, commencera en mars 1792 pour finir en mars 1800. Dubois devra acquitter chaque année 500 livres, 12 boisseaux, 2 charrois à deux lieues ou environ [338]. Mais Cuissard émigré, le bail n’ira pas à son terme, Dubois achetant nationalement la Cochonnerie et ses terres en 95, et détruisant aussitôt la plupart des bâtiments pour labourer la terre libérée.
Le remplaçant occasionnel du curé Lière, Louis Texier, vient du Puy-Notre-Dame à partir de mars 1792 et écrit sur le registre paroissial dont les feuillets comportent, en date du 16 novembre 1792, l’arrêt de l’activité paroissiale sous la signature de François Jarry et de Charles Gourin. Plusieurs actes seront cependant ajoutés par le curé Texier. Le plus désopilant, c’est que Louis Defay, sans doute encore par dérision, réussit le tour de force d’y inscrire, en l’absence du maire Jarry, le 19 novembre 1792, le premier mariage municipal qui a pourtant eu lieu dans la chambre du Bouchet. Il s’agit de Mathurin Rétiveau et de Jeanne Doc. Au nez et à la barbe des officiers municipaux ! Le curé suivant, « curé et officier publique », utilisera encore à sa façon ce registre paroissial, du 24 décembre jusqu’au 31 janvier 1793, date où il est enfin clôturé par la municipalité. Les actes sont rédigés d’après la nouvelle formule civile. Aussi est-ce assez étrange de voir un prêtre constater la naissance et nullement le baptême, la mort et non la sépulture.
L’utilisation indifférente qui a été faite de l’un ou l’autre registre pour des actes municipaux ou sacrés pendant trois ans apporte une preuve indéniable de l’inconscience et de l’anarchie qui a pu régner dans la petite commune pendant cette période trouble.
Pierre Alexandre Lecêvre, curé intrus, s’est dépêché d’arriver à Saint-Macaire pour dire la messe du dimanche 16 décembre. De toute sa petite taille de 4 pieds 11 pouces [339], il a couru vers son apostolat, le bougre, car le district de Saumur ne lui a délivré sa nomination que le 15 décembre alors que ses lettres de prêtrise dataient du 10. Il débarque sans crier gare, les cheveux, les yeux et les sourcils tout noirs, le visage long. C’est un rapide. Il veut aussitôt prêter serment et dire la messe.
De fait, bousculant quelque peu les municipaux, il parvient à ses fins et à 10 h du matin, la municipalité est réunie autour de l’autel devant tout le peuple assemblé pour assister à la célébration de la grand-messe. Le maire donne lecture à haute voix du procès-verbal de l’élection et de la proclamation du citoyen Pierre-Alexandre Lecêvre. Lecêvre à son tour prend la parole et jure « hautement de maintenir la liberté, l’égalité et de mourir à son poste. Le serment ainsi prononcé d’une manière claire et intelligible, la messe paroissiale célébrée par ledit citoyen Lecêvre, nous avons rédigé le présent procès-verbal pour lui servir d’acte de prise de possession, sur l’heure de midi et, cela dit, le sieur P. A. Lecêvre curé citoyen [340] a signé avec nous ».
Le temps d’aller manger un bout et on retourne à l’église, car l’assemblée générale y a été convoquée à 4 heures de l’après-midi pour procéder au changement de la municipalité « à l’entier ». L’arrivée de Lecêvre n’était pas prévue ce jour-là et ce sera de toute façon beaucoup moins ennuyeux que les vêpres. Alors, pour une fois et pour gagner du temps, la nomination du président de scrutin se fait par acclamation. Ce sera Louis Guillon l’aîné. Le greffier est aussi désigné par acclamation : Louis Defay. Les trois scrutateurs sont Pierre Herpin l’aîné, René Tellier et Jean Baudoin l’aîné. Mais il faut élire un nouveau président, au scrutin à majorité absolue, avec seulement 36 votants [341]. Le citoyen Grignon dépasse la majorité de 3 voix. Puis 3 nouveaux scrutateurs sont élus à main levée : Charles Gourin, François Jarry, Étienne-Louis Boutet. Les 36 votants déposent leur bulletin dans l’urne. L’ancien maire, François Jarry, obtient 29 voix. Il est donc réélu.
La nuit étant tombée depuis longtemps, certains habitants quittent l’église. Mais il faut encore désigner le procureur, les membres et les notables. Même avec 29 votants, ce n’est qu’une formalité puisqu’une seule voix ne va pas à l’ancien procureur, Charles Gourin, qui est ainsi reconduit.
Le scrutin pourrait s’arrêter là, faute de votants. Le quorum n’est point atteint. Six hommes réussissent encore à s’échapper et ils ne sont plus que 23 dans la lumière blafarde des bougies, recroquevillés de froid sur les bancs, à vouloir en finir avec la désignation des membres et des notables. Un premier tour donne 12 voix à Jean Coquin et 11 à Mathurin Nevouet. Un deuxième tour perd un votant supplémentaire. Les voix vont à Nicolas Péponnet (19), et à Jean Piau (3). Il ne reste plus qu’à prendre pour notables 12 hommes parmi ceux qui n’ont pas encore été plébiscités : Joseph Robert, Louis Grignon [342], Pierre Alexandre Lecêvre, René Champion, François Guillon, Jean Gautier, Jean Guitton, Louis Guiard, Jean Dion dit Candion, Louis Vaslin, Jean Rigault. Il est tard et les voûtes de l’église glacée résonnent encore des dernières voix fatiguées.
Mais enfin, même s’il manque un membre, la municipalité nouvelle tient debout.
Pour Defay, c’est le début de la morosité. Quelle triste fête que ce Noël 92, sans lumières, sans chants. On entre dans 93 et rien ne va plus. Quel paganisme tout à coup, quelle intransigeance et quelle bêtise dans l’application d’ordres imbéciles. L’intrusion du curé, l’influence montante de Grignon, les vols organisés manifestes et le profit que tentent maintenant de réaliser de simples laboureurs autrefois dévoués à sa cause et à son service, toute cette ambiance néfaste doit finir par le rebuter. Le lendemain de Noël, dégoûté, il refuse de faire office de greffier et claque la porte. On ne le reverra plus pendant quelque temps. Comme dans bon nombre de paroisses de la région, le seigneur [343] a assumé une grande partie des responsabilités et tenté de concilier ses convictions et l’intérêt public.
Il faut pourtant un secrétaire ce matin du 26 décembre. Il y a deux convocations prévues et l’on aura au moins deux PV à rédiger. On essaye de remplacer Defay par Louis Guyard qui refuse. Alors on élit Lecêvre qui devient officier « publique » à la majorité des voix des quelques présents [344].
Les deux affaires traitées remontent aux dernières vendanges. Louis Gautier, qui est pourtant officier municipal de Saint-Macaire, s’est permis d’enfreindre le ban des vendanges. Il comparaît à la chambre du Bouchet. N’ayant rien à répliquer aux demandes d’explication, il est condamné à une amende de 3 livres et aux frais de l’instance, soit 2 sols 6 deniers.
La citoyenne Marie Cornu, veuve Rogeron, qui demeure à Bouillé, comparaît également pour avoir vendangé des vignes sur la paroisse de Saint-Macaire avant la publication du ban. Elle, au moins, ne se laisse pas faire : « Ladite dame explique qu’elle n’avait pas entendu avoir enfreint les bans des vendanges de la communauté vu qu’elle ne connaissait ni les lois ni les limites circonstancielles des deux communautés d’entre Saint-Macaire et Bouillé et qu’elle était seulement fixée par le ban des vendanges affiché de la municipalité de Bouillé-Loretz qui donnait à vendanger ledit canton le jour porté dans la susdite signification et qu’en conséquence elle a dénoncé la demande à elle formulée par ladite communauté à la municipalité dudit Bouillé par exploit de Groslier huissier. Et sur intimation donnée auxdits officiers municipaux de Bouillé ils viennent disent-ils pour comparaître à Saint-Macaire, venus disent-ils exprès pour prendre fait et cause de ladite dame veuve Rogeron sur la demande à elle formée et qu’ils reconnaissent très bien avoir mis le ban de vendanges dont il s’agit le jour porté dans notre signification mais qu’ils ignorent si les vignes du canton des Folies est de leur territoire ou de celui de Saint-Macaire vu que les limites de ces deux communautés ne sont ni connues ni réglées malgré les diligences faites de part et d’autre mais qu’ils vont se mettre en devoir à l’instant de donner connaissance de cette discussion aux citoyens administrateurs du directoire de leur district pour régler borner et reconnaître les limites de ces deux communautés et au cas que le canton des Folies fut reconnu du territoire de Saint-Macaire ils offrent payer les frais. Signé Pierre Jaillant officier municipal, Girardeau officier, Pierre Girard officier ».
Même si les Macairois revendiquent Les Folies comme étant sur leur territoire, ils acceptent cependant de faire un geste et de retirer provisoirement leur plainte. Mais ils sont d’avis qu’un bornage soit rapidement réalisé.
Bien que Lecêvre soit devenu greffier, rien n’est transcrit en janvier 93. Sans aucun doute les problèmes vont bon train. Aucun consensus ne s’est fait autour de la personnalité du maire entre les différents élus à la va-vite du mois dernier. Les reproches pleuvent et personne ne veut endosser de responsabilité.
Devant cette situation, n’ayant aucune confiance en cette équipe de raccroc, sentant monter des mouvements imprévus et agir des individus peu recommandables qui se glissent insensiblement aux commandes, abandonné maintenant par son regretté conseiller Defay, Jarry décide de laisser la place ou de passer la main. Le 17 février 1793, il rend son tablier et rapporte tout ce qui est en sa possession à la chambre commune.
D’abord, il veut apurer les comptes qui « consistent dans les recettes qu’il a faites selon son mémoire qu’il nous a présenté des personnes desquelles il a reçu se montent à la somme de 319 livres 14 sols 4 deniers et les sommes qu’il a payées en fournissement qu’il a faits se montent à la somme de 130 livres 2 sols partant reste à payer la somme de 189 livres 12 sols 4 deniers ce qu’il nous a à l’instant effectué et aucun de nous ne voulant s’en charger il est à retenir entre ses mains aux charges par lui de les déposer entre les mains de qui il pourra appartenir ».
On le voit, la confiance ne règne pas. Il faut dire que certains dossiers compromettants peuvent constituer une bombe à retardement. Et c’est bien pour cette raison que Jarry tente de se démettre des papiers encombrants : « Ledit Jarry nous a remis premièrement les deux procès-verbaux constatant les effets de la sacristie de Brignon ensemble celui des effets par nous enlevés plus le mémoire qui constate les effets de la sacristie de l’église de Saint-Macaire [345] et les réparations locatives du presbytère plus le procès-verbal de soulèvement des registres de baptêmes mariages et sépultures de la susdite paroisse de Saint-Macaire plus un extrait du procès-verbal de démarcation d’entre les paroisses de Bouillé et Saint-Macaire fait par le citoyen Paterne curé du Vaudelnay et autres commissaires en date du 18 août 1791, plus l’adjudication de la vendange de la cidevant chapelle de Saint-Nicolas de la cidevant abbaye de Brignon, plus les registres à souches de patente, plus les procès-verbaux de nomination des officiers de la garde nationale et le registre des citoyens, plus nous a remis une boîte avec deux flacons d’eau de Lusse envoyés par le département duquel tous lesdits effets constatés audit procès-verbal nous en déchargeons ledit Jarry maire ».
Comme par hasard, les textes disparus sont ceux qui rendent compte de l’inventaire de la sacristie de l’église, des réparations du presbytère et de l’adjudication de la vendange de la chapelle de Brignon. Quant aux registres à souche, ils se sont certainement égarés aussi très rapidement. Les Macairois ont bien compris, qu’en cette période troublée, de « petites erreurs administratives » sont moins répréhensibles que, par exemple, une simple indifférence aux nouveaux choix politiques. Ils sentent déjà qu’ils inaugurent là l’un des principes de la « bonne » gestion des républiques à venir, que les scandales sont évités lorsque certains papiers se sont volatilisés, et qu’en définitive, tout tripatouillage à plusieurs compères dans les affaires d’une commune ne met pas obligatoirement ses membres en péril.
Ainsi, l’ancienne équipe de Jarry, avec Defay, Roger, Fillon, Pouponnet, Guillon, Boutet, n’a plus son mot à dire sur la gestion communales. Seul Gourin, resté procureur, garde des prérogatives en assurant l’intérim pendant deux mois. L’empoignade des enchères du samedi suivant ressemble fort à la curée des nouveaux loups, menée tambour battant par Grignon. Il s’agit simplement de nommer un percepteur des impositions de 1793. Apparaissent alors deux hommes que l’on reverra prochainement aux avant-postes : Félix Pelletier, fermier de Bray, à la signature extrêmement alambiquée, étranger à la commune et Louis Abraham, fils d’un marchand demeurant aux Bouchettes [346].
L’enchère, duel triangulaire entre Grignon, Abraham et Pelletier, tourne à l’avantage de ce dernier qui descend à 50 livres alors qu’Abraham l’avait lancée à 400.
1793. La Vendée bouge. La levée de 300 000 hommes met, dit-on, le feu aux poudres[347]. Les blancs s’emparent de Cholet le 14 mars. C’est la panique. Grignon, fort de ses galons d’adjudant-général, réquisitionne le jour-même seize hommes de la garde nationale de la commune. Alors la municipalité se tourne vers François Guillon, sous-lieutenant en l’absence du citoyen capitaine. Guillon donne des ordres mais n’obtient que cinq volontaires sur le champ. Le lendemain cependant, onze hommes se présentent et déclarent vouloir servir volontairement pour compléter le nombre demandé [348].
Cela ne suffit pas puisque Jean-Nicolas Guéniveau de la Raye, administrateur du district de Saumur, réclame encore, le 16 mars, « pour aller à Doué dans le temps de l’insurrection du Poitou », vingt à trente hommes. « Nous avons jugé que notre commune étant frontière du Poitou [349] et étant peu considérable, nous avons requis des citoyens Champion et Launay capitaines 12 hommes de chaque compagnie pour partir le même jour pour Doué ».
La Convention ayant signé le 19 mars un décret instituant la peine capitale sous vingt-quatre heures pour toute personne prise les armes à la main, la réaction ne se fait point attendre à Saint-Macaire. Du Monis, de La Planche, des Bouchettes, de toute la paroisse, hommes et femmes se présentent le 20 mars pour faire enregistrer le fusil de leur maison et pour le déposer à la chambre commune. Le greffier, en faisant le total le soir, n’en revient pas. 23 fusils ont été apportés, appartenant à 22 personnes différentes car Defay en a laissé deux. Tous sont des fusils simples, à un coup. En reste-t-il encore dans certaines maisons ? Certainement très peu. Les macairois adorent trop le jeu de la suspicion lorsqu’il y a un risque pour eux. À preuve, le 3 avril, sur les 8 h du matin, le citoyen Pierre Gay, de la Raye, vient à la chambre et déclare que « le citoyen Louis Marcheteau, valet du meunier du moulin de la Raye, a dit avoir vu passer deux fois la semaine dernière au devant dudit moulin le citoyen de la Guéritière ». Au moins y a-t-il quelques suspects à Saint-Macaire ! C’est heureux. Il s’agit d’un certain Duveau de la Barbinière.
Car les langues des domestiques et des paysans vont bon train sur les faits et gestes de leurs maîtres. Ainsi Defay devra-t-il déposer à la chambre commune les armes qu’il avait conservées, dont son meilleur fusil à deux canons et deux mauvaises pétoires ainsi qu’un couteau de chasse. C’est le premier acte du nouveau maire Pelletier qui demande encore à Defay s’il ne lui reste pas d’autre arme. Pelletier n’attendait, semble-t-il, que le départ de Grignon pour prendre la direction des opérations. Le 6 avril, le général Duhoux, depuis le corps divisionnaire de l’armée de l’Ouest, donne l’ordre à tous les adjudants-généraux des gardes nationales de rejoindre le quartier général de Vihiers. La permanence à la chambre commune ne manque pas de signaler le fait à Pelletier. Lorsque Grignon part le 7 avril à 11 h, Gourin a déjà réquisitionné 48 votants [350] qui sont assemblés dans l’église pour élire le remplaçant de Jarry. Et tous, comme un seul homme, sauf un électeur, plébicitent Pelletier qui recueille 47 voix !
Vu d’ici, deux siècles plus tard, jour pour jour [351], il paraît évident que l’affaire était programmée et que les gens assemblés étaient acquis au nouvel arrivant Pelletier. Reste à savoir de quelle manière il avait réussi à les mettre dans sa poche.
Toutes sortes de manœuvres, de ficelles, semblent être couramment utilisées à bon escient par les nouveaux municipaux. Charles Gourin n’est pas le moins habile à ce petit jeu. Pour preuve, il vient, le 9 avril, déclarer qu’il s’est enrôlé pour servir la patrie et pour compléter le nombre de onze hommes que devait fournir la commune. Et Gourin est à deux doigts de faire croire qu’il se sacrifie de ne pas y aller, que quelqu’un veut affronter le danger à sa place. Mais puisque l’article 16 de la loi du 24 février 93 accorde à tout volontaire la faculté de se faire remplacer, pourquoi irait-il braver la mort ? Et il pousse devant lui un jeune homme résigné. « Alors, écrit le greffier, s’est présenté le citoyen René Quétineau demeurant paroisse de Bouillé, natif de la paroisse de Saint-Hilaire de Saumur fils d’Urbain Quétineau et de Perrine Pinay lequel nous a dit désirer remplacer ledit Charles Gourin et servir la patrie en qualité de volontaire à son lieu et place sur quoi, nous, après en avoir délibéré et de l’avis de notre conseil général, nous avons inscrit ledit Quétineau pour soldat volontaire au lieu et place dudit Charles Gourin à la charge [352] pour lui de se conformer à l’article 17 de la loi suscitée au moyen duquel remplacement ledit Gourin est bien déchargé de l’enrôlement qu’il a contracté devant nous, ledit Quétineau a dit ne savoir signer ».
De même, quelques jours après, Joseph Métayer se fait remplacer par Louis Briand, jeune domestique de Passavant, âgé de vingt-quatre ans et natif de la paroisse de Saint-Just-des-Verchers, fils de François Briand journalier et de Jeanne Clard. L’ignoble Métayer profite de la lecture de l’article 17 pour geindre et faire observer qu’il n’est pas riche : « le prix qu’il donne à Briand absorbe une partie de sa fortune et il lui est impossible d’armer et d’équiper Briand ce qui a été reconnu vrai par le conseil ». Et le conseil, complice, d’insister sur le fait que Métayer est « on ne peut plus utile à sa famille et à la commune pourquoi on désire instamment le conserver ». Les parents Briand seront-ils sensibles à ce misérable numéro et finiront-ils par céder sur le tarif [353] ?
Depuis le 12 mars, les Vendéens bousculent de partout ces pauvres gardes nationaux que la République leur oppose, ces milliers d’hommes qu’il faut nourrir et armer, même s’ils ne savent pas manier les armes. On les confine, quand on peut se le permettre, à des postes de garde. En ce début d’hostilités printanières, la lutte, des deux côtés, n’est en rien organisée. Dans le clan des républicains, aucun moyen local n’était prévu et les généraux sont forcés de procéder à réquisition sur réquisition. Les villes et les villages de la région vont tout supporter. Les Blancs sont plus à l’aise dans les campagnes, du moins pour le moment.
Ainsi, le 19 avril, le commissaire général aux vivres du quartier général à Doué décrète que Saint-Macaire fournira 18 voitures harnachées rendues le lendemain midi à Doué. La municipalité délibère et cherche les moyens de fournir le nombre de voitures exigées. Quoiqu’exorbitante pour une si petite commune, la demande sera satisfaite. Le maire commande à 18 citoyens de se rendre aussitôt à Doué avec leur voiture [354].
Mais si les corvées des réquisitions gênent surtout ceux qui doivent obéir aux agents municipaux répercuteurs des ordres militaires, certains vont largement profiter de la situation. Ce n’est certainement pas le cas de Jarry qui vient enfin solder les comptes auprès de Pelletier. On se rappelle que, le 17 février, il avait démissionné et le conseil municipal avait refusé d’accepter l’argent, lui demandant de le garder pour le remettre en mains propres au futur maire. À l’époque, Jarry avait bien la somme de 189 livres 12 sols 4 deniers, mais aujourd’hui il lui manque 24 livres qui représentent, dit-il, le prix du cent de bois qu’il a fourni au corps de garde. Pelletier lui donne quittance sans réserve.
Et, comme par hasard, dès le lendemain de cette remise, tous se rappellent maintenant avoir livré quelque chose au corps de garde et demandent aussi à en être payés par la commune qui ne rechigne point : à Raymond Frémondière 12 livres pour un demi-cent de bois, à René Valton 25 livres de vin pour le service urgent de la garde, à Pelletier 3 livres de fagots pour la chambre commune et à Nicolas Pouponnet 3 livres de fagots aussi pour la chambre et 3 livres de poudre pour le corps de garde. On sait à merveille utiliser les crédits publics et les fournisseurs se retrouvent fatalement être de l’équipe municipale. La poudre et le bois, admettons que l’on en ait vraiment besoin, et encore ne tire-t-on pas beaucoup sur les hommes. La consommation de poudre viendrait plutôt du braconnage. Mais le vin, est-ce bien nécessaire pour monter la garde ? Ou alors, il faut que ce soit une sorte de piquette qui ne va probablement pas trop monter à la tête, mais plutôt rester sur l’estomac et tenir les gardes éveillés…
Il est certainement des gens honnêtes tel ce Jean Guillon qui apporte 14 livres représentant le fruit et l’herbe du jardin de la cure de Saint-Macaire pour 92. Encore que si le jardin est grand…
Mais on ne peut s’empêcher d’en profiter et en septembre on recommence : Jacques Boutet 40 sols pour une demi-livre de poudre à tirer pour le corps de garde, Nicolas Péponnet, officier municipal, 3 livres de bois pour le service de la chambre commune, Louis Guiard, greffier, 42 sols de papier et d’encre qu’il a fourni pour ses écritures à la chambre.
S’ils prennent, ils doivent aussi rendre ou donner. Le dimanche 22 septembre, Grignon est de passage au Puy avec une division. En potentat local, il ordonne au maire et aux officiers municipaux de Saint-Macaire « de requérir de suite toutes les charrettes et ouvriers de ladite commune pour aller dans le bois de Bray et Brignon pour coupes de bois pour la force armée dans les plus courts délais ». La réquisition est remise à 10 h du matin à la chambre municipale et aussitôt on se mobilise, on commande les ouvriers et les charretiers pour couper et charger du bois de Brignon et de Bray tout le jour « afin que la force armée stationnée au Puy n’en manque pas autant que faire se pourra ».
Les hommes aussi sont réquisitionnés. Un arrêté, en date du 12 octobre 1793, portant recrutement de 30 000 hommes de cavalerie, est publié et affiché le dimanche 27 suivant. Il oblige tous les citoyens non mariés et vœufs sans enfants âgés de dix-huit à quarante ans à se mettre en réquisition et à se réunir à la chambre, immédiatement après la messe. Sous le contrôle du citoyen Gourdeau [355], commandant de la place du Puy, les officiers municipaux doivent établir la liste des chevaux et des citoyens désignés pour apporter leur concours à ce recrutement forcé. D’emblée, les Macairois commencent à se lamenter. Ici, il n’y a pas de chevaux de luxe, mais seulement des chevaux de labour, « propres aux travaux de l’agriculture où ils y sont journellement occupés ». L’assemblée respire lorsqu’elle apprend que, en définitive, le contingent dû par la commune n’est que d’un cheval et d’un homme.
On choisit d’abord la bête. Après examen et mesure sous potence de deux chevaux, Gourdeau, retient une jument âgée de huit ans, au poil blond, d’une taille de 4 pieds 6 pouces [356]. Elle appartient à Jean Baudoin l’aîné. Les officiers municipaux délibèrent sur le prix qu’elle peut valoir afin d’en rembourser le propriétaire. La jument est estimée 850 livres. Mais il n’y a pas cette somme dans les caisses de la commune et Baudoin est renvoyé devant le district de Saumur pour toucher le paiement.
Ce qu’on ne sait pas encore, c’est que ce cheval doit être nourri par la commune et qu’en janvier, il faudra fournir dans les plus brefs délais au magasin du district de Saumur 182 boisseaux d’avoine (ou environ) pour sa nourriture. Deux municipaux feront alors le tour des greniers sans grand résultat car personne ne cultive intensément cette denrée à Saint-Macaire.
On passe ensuite au bétail humain et on sélectionne sous bauge douze hommes qui possèdent la taille requise de 5 pieds 2 pouces [357]. Au tirage, le sort tombe sur Jean Gourin qui se soumet à la loi et accepte le service dans la cavalerie. Une bonne recrue, ce Jean Gourin. Il sait signer. Il mesure 5 pieds 3 pouces. Il a vingt-deux ans, les cheveux et les sourcils châtains, les yeux gris, le nez aquilin, la bouche bien faite, le menton long marqué de petite vérole, le visage long et une cicatrice au front au-dessus des deux sourcils.
L’emprunt forcé de 1793 ne trouve guère preneur à Saint-Macaire. Après un examen approfondi des déclarations des citoyens par six officiers municipaux, le conseil décide qu’aucun citoyen de la commune, pas même Louis Defay, ne possède un revenu suffisant pour être sujet à cette levée extraordinaire.
L’année 93 se termine sur une visite en règle des terres de Saint-Macaire. Un dénommé Pasquier, du Puy, commissaire du district, vient parcourir les parcelles de Saint-Macaire pour dénombrer celles qui sont en friche et qui auraient dû être ensemencées cette année. Cela pourrait servir de preuve que les exploitants les délaissent pour s’adonner à la lutte contre la République. Comme Pasquier ne connaît rien du cadastre, il demande à la municipalité de lui prêter un citoyen de la commune pour le conduire sur tous les domaines qui en dépendent afin d’en faire la visite et le procès-verbal.
Pendant ce temps, Louis Abraham a fait le nécessaire pour se faire réformer. Natif des Verchers et volontaire de la septième compagnie, il est reconnu hors d’état de servir dans les armées de la République par le chirurgien-major Rabouin du premier bataillon du Puy. Au bas du certificat, on trouve la signature des lieutenants Marat et Grignon [358].
Certains ont des problèmes financiers et tentent de les résoudre au mieux. René Camus vient ainsi le 9 janvier 1794 faire une déclaration à retardement sur un vol datant de 4 mois. Il assure qu’en septembre dernier, « un particulier à lui inconnu entra chez lui sur environ les 11 heures ou minuit armé d’un fusil avec une baïonnette et lui demanda de l’argent en le menaçant que lui Camus lui a répondu qu’il n’en avait point et que l’inconnu insistant toujours lui ôta son portefeuille dans lequel 503 ou 4 livres en assignats et prit une paire de souliers et un mouchoir ».
Enfin, il y a ceux qui comptent garder quelques privilèges. Jean-Joseph de la Selle d’Écheuilly [359] vient à la chambre « pour requérir de se transporter dans la forêt de Brignon pour faire cordeler 40 boisselées de bois que le propriétaire de la Grange de Brignon a droit de percevoir chaque an dans la coupe dudit bois de Brignon ».
Mais le citoyen Rossignol, administrateur du district de Saumur, a écrit un mot à la municipalité à ce sujet, disant « que pour l’intérêt de la République et du citoyen de la Selle [360], il pense que cette quantité de 40 boisselées de bois doit être d’abord prélevée estimée et vendue et que le prix en provenant restera entre les mains de l’acquéreur dudit bois pour être délivré à qui il appartiendra ». En clair, si le bois appartient à de la Selle, tout bénéfice de la vente de sa coupe de bois doit aller à la République. Le noble change alors intelligemment son fusil d’épaule et déclare qu’il n’est venu en fait que pour s’assurer que les 40 boisselées reviendront bien à l’État. Même s’il est propriétaire de la Grange, il ne veut pas d’histoires, et il faut couper le bois de toute façon. Il demande à ce que deux personnes viennent cordeler les 40 boissellées et que le bois soit remis éventuellement au district de Saumur.
Rossignol écrira plus tard [361] que le revenu n’appartient pas à de La Selle. « Cependant, ajoute-t-il à l’adresse du propriétaire, pour la conservation des droits de la nation et les vôtres propres, dans le cas où la coupe de ce morceau serait jugée vous appartenant, je suis d’avis que cette coupe qui est balisée et enveloppée dans la totalité de la forêt soit faite pour éviter la dilapidation en prenant la précaution d’en faire déclaration à la municipalité et en l’invitant à prendre note de la valeur de cette coupe dont elle conviendra avec l’adjudicataire ou l’exploitant qui restera dépositaire de cette valeur pour en délivrer ce qu’il appartiendra. Je crois que vous ferez bien de vous conformer à cet avis. Salut et fraternité. Rossignol ». La menace est claire, nette et sans appel. Cette attitude de Rossignol montre bien l’énorme pouvoir que détiennent localement les militaires et les sous-chefs révolutionnaires, et dont ils abusent, sans intérêt spécial cependant, par simple esprit de fascisme ou besoin de domination. Mais qu’ils savent bien entretenir la terreur !
D’ailleurs, le 11 décembre 1793, sur ordre du Comité Révolutionnaire de Saumur, Louis Defay, sa femme et trois de ses filles, Marie, Suzanne et Agathe, sont arrêtés à Maisonneuve pour être conduits et emprisonnés à la maison d’arrêt du chef-lieu. Leur sœur Modeste, qui habite Saumur les rejoindra aussitôt dans le cachot et Marthe-Louise est mise en arrestation chez son mari Sourdeau de Beauregard, à Saumur-même. Six jours plus tard, Defay écrit au District de Saumur une requête qui est transmise au Comité Révolutionnaire : « Je suis à la maison de détention sans avoir jamais rien fait de personnel qui ait pu motiver cette punition ainsi que ma femme et mes trois filles qui sont avec moi. Depuis trois jours que je suis ici, la municipalité de Saint-Macaire dit qu’on a mis neuf hommes de garde chez moi qui tuent mes volailles et se nourrissent à grands frais. Ils nous ont même dit qu’ils avaient commencé à enlever mon blé et mon foin. Lorque la Nation par une mesure révolutionnaire a cru devoir s’assurer tous les parents d’émigrés comme suspects, quoique assuré que je ne crois pas en avoir de proches, elle n’a sûrement pas entendu livrer leurs propriétés au pillage. Je suis donc persuadé citoyens que vous donnerez des ordres pour que mes propriétés soient comme toutes les autres sous la saine garde de la loi et que les blés nécessaires à ma subsistance et celle de tous mes domestiques, tous d’agriculture, et à toute ma famille me soient conservés ainsi que le foin dont j’ai absolument besoin pour mes bœufs et mes chevaux de labour et suis votre concitoyen ».
Le même jour, la municipalité se mobilise pour Defay et le maire Pelletier envoie une missive au Comité révolutionnaire de Saumur : Defay a toujours été un bon patriote et un bon républicain, il a fait partie de la municipalité pendant quatre années et ne l’a quittée qu’à cause de son âge et de son infirmité après s’être constamment occupé du bien public et de la conciliation des patriotes. D’ailleurs, toute la famille a donné de belles preuves de civisme, mère et filles s’occupant quotidiennement des pauvres. La commune souffre cruellement de leur absence.
Le texte est signé de tous les membres de la municipalité, même de ceux qui ont beaucoup de mal à écrire leur nom, du conseil général et de plusieurs autres citoyens. Une note en marge d’un membre du Comité de Saumur suggère qu’il s’agit là d’un « certificat de complaisance sur lequel il n’y a pas lieu de délibérer ».
Defay rédige alors un mémoire qu’il adresse au Comité Révolutionnaire pour se justifier. Il rappelle ses services, revient sur sa fortune « médiocre », et insiste pour attacher « de » et « Fay » en assurant qu’il n’a jamais voulu appartenir à la famille des « ci-devant Fay ». Il avait aussi contribué à redresser l’arbre de la liberté planté à Saint-Macaire que quelques soldats de la légion germanique avaient abattu « par étourderie ». Il ne connaissait point de rebelles et aurait même voulu s’enrôler à Saumur lors de la première conscription alors qu’il en avait été exclu à cause de son âge. Oui, il avait deux garçons adultes, sur lesquels il n’avait plus aucun pouvoir, qu’il n’avait plus vu depuis cinq à six ans mais qu’il ne pensait pas être sur la liste des émigrés. Au dernières nouvelles, son cadet assurait la défense du siège de Thionville. En conséquence, Defay demande son élargissement et surtout celui de sa fille Agathe qui n’est pas majeure. Le texte est renvoyé le 21 décembre à la réponse des représentants du peuple.
Ces derniers sont perplexes. Ils n’ont en fait ordonné cette arrestation que sur des rumeurs annonçant l’émigration des fils Defay. Ils se donnent du temps pendant qu’ils lancent des vérifications. Le fils cadet Louis était bien à Thionville et ils ne peuvent apporter aucune preuve de l’émigration de l’aîné Joseph dont ils ont perdu la trace depuis la tentative d’émigration du prince de Talmont, fin novembre. De son côté, Louis Defay, qui n’a pas non plus de nouvelles de son fils depuis un an, ment effrontément et joue son va-tout en espérant que les bleus ne savent rien.
Il faut rendre justice à Pelletier. En apparence, il fait le maximum pour Defay, se confondant par deux fois en louanges excessives. Sa supplique du 24 décembre suivant est un modèle du genre : Defay peut être considéré comme « le père et le bienfaiteur de tous ceux qui ont invoqué le secours de ses lumières et de son assistance », ses discours « ont éveillé le feu divin du patriotisme dans tous les cœurs », sa femme et ses filles sont « pleines de vertus ». « On ne peut rien lui reprocher, ajoute Pelletier, que le hasard de sa naissance qui le fit de la caste nobiliaire de laquelle il n’a jamais eu les vues. C’est le seul motif de suspicion qui ait pu vous porter à l’arrêter. Rendez à la commune une famille qu’elle chérit encore plus par son patriotisme que par sa bienfaisance ».
Des éloges aussi appuyés pouvaient tout aussi bien desservir Defay, en continuant à éveiller la méfiance du district, que l’aider à recouvrer sa liberté.
Ne voyant rien venir, Defay écrit directement aux représentants du peuple près l’Armée de l’Ouest, le 23 janvier 94 : Cela fait plus de deux mois qu’il a été transféré en la maison d’arrêt, lui, sa femme et ses trois filles. Deux autres de ses filles ont été mises en arrestation, l’une chez elle, et l’autre, Modeste, conduite à Bourges. Toute la famille revendique l’exécution du paragraphe cinq de l’article 2 du décret du 17 septembre 93, « en ce que le père, la mère et les cinq filles n’ont jamais cessé de manifester leur attachement à la Révolution, ils en ont déposé les preuves au comité de surveillance de cette commune qui vous les a adressées à Angers. Ils attendent leur liberté de votre justice. La loi la leur assure ».
Les représentants du peuple ne semblent pas réagir alors qu’ils proposent, dès le 26 janvier, de mettre Defay « en arrestation provisoire dans son domicile » sans le lui faire savoir. Alors le prisonnier demande une consultation médicale qui lui est accordée le 10 février. L’officier de santé nommé par les révolutionnaires, Séverin Archambault, constate qu’il est atteint d’une « hernie inguinale complète du côté droit laquelle n’est pas maintenue et d’une ischémie laquelle le gêne beaucoup ».
À retardement, lecture est faite le 19 janvier 1794 dans l’église [362], à environ 11 h du matin, d’un décret du 21 mars 93 portant établissement dans chaque commune d’un comité de surveillance. Il y a là tous les citoyens actifs assemblés prêts à se soumettre à la loi et à procéder à l’élection des 12 membres de ce nouveau comité.
En fait, un rappel à l’ordre musclé vient certainement de parvenir du district. Oui, on avait oublié ce texte en mars dernier. C’était une période particulièrement troublée par l’insurrection des Brigands, le départ de Grignon et la nomination de Pelletier. Et puis comment faire pour gérer tous ces tracas paperassiers et ces réquisitions incessantes. Les terriens sont peu taillés pour les besognes administratives.
Les municipaux ont cependant réuni 130 votants, ce qui représente à coup sûr, même si l’on ne connaît pas le nombre d’inscrits [363], la meilleure participation électorale de tous ces temps révolutionnaires. Louis Launay, Étienne Boutet, Jean Guillon, Pierre Carré, Jacques Cacouault, Louis Guillou, Pierre Roger, Urbain Hublot, Gabriel Daviau, André Trimouillin, Jean Neau et Pierre Taillée sont proclamés membres du comité de surveillance [364]. Cinq d’entre eux ne savent pas signer.
Mais ils savent surveiller, en principe, car telle est la principale mission du « comité de surveillance et révolutionnaire ». En fait, mal renseignés sur les tenants et aboutissants de ce comité et très peu au fait de ce qui se passe dans la commune, ils vont se contenter de siéger régulièrement pendant 9 mois sans vraiment trouver d’information valable à enregistrer, leur principale préoccupation restant le renouvellement de leur président tous les quinze jours. La création de ce comité n’aura servi qu’à accélérer l’esprit de suspicion dans les rangs des habitants qui n’étaient déjà pas très solidaires et à déchaîner les vieux démons. Le Comité de surveillance a le droit d’intercepter et d’ouvrir les lettres adressées à des « personnes suspectes » ou à des détenus. Alors, tout à coup, la délation fait rage.
Le 26 janvier, alors que le comité de surveillance est tout occupé à se donner un président, Pierre Roger, et un secrétaire, Étienne-Louis Boutet, Louis Guillon dépose quatre liasses de titres de la ci-devant abbaye de Brignon, petit couvent, pour être brûlées dans la décade qui suit, conformément à la loi. Personne ne lui demande comment il se les est procurées alors que tout a théoriquement été transporté à Saumur. Certains macairois ont compris combien il était aisé de transformer le vol en acte patriotique. De toute façon, puisqu’ils seront mis au feu dans les dix jours, on peut bien maintenant ressortir les textes des rentes dûes ou non payées. Elles ne le seront plus désormais.
L’exemple héroïque de Louis Guillon fait école. Tous se mettent à la recherche d’exploits révolutionnaires flatteurs. Le lendemain, Joseph Rabouand, fermier de la maison de la Guéritière, apporte à son tour « une liasse de titres concernant les rentes qui étaient dûes à ladite maison pour être brûlées conformément à la loi ».
Jean Faradon, domestique de Louis Defay, a les mains libres et profite de l’internement provisoire de son maître [365] pour faire acte de bravoure. Le 2 février, Jean Faradon, « vu l’absence du citoyen Fay de cette commune nous a déposé une pochée de papiers qui sont titres de rentes cidevant féodales lesquelles seront brûlées le jour de la prochaine décade conformément à la loi ».
Mais, comme à Saint-Macaire une décade dure un jour de plus qu’ailleurs, ils ne seront jetés au feu que le 13 février : « conformément à la loi, on a fait brûler tous les titres et papiers qui ont été déposés à la municipalité appartenant au citoyen Defay au brûlement desquels titres s’est trouvé une grande affluence de citoyens et citoyennes qui tous ont répété les cris de Vive la République ». Cela a dû se faire, une fois de plus, sur la place de l’église et on est ensuite allé jusqu’à Maison-Neuve où les municipaux n’ont pu empêcher les manifestants de mutiler le blason des Defay et d’inscrire au dessus « Hors la loy »[366]. Pour la population, Defay est suspect. Des bruits contradictoires courent sur son fils Joseph : il aurait été signalé avec les brigands lors de l’affaire de Cholet, il aurait été vu avec la grande armée catholique dans sa virée de Galerne, il aurait émigré avec Talmont. Personne ne sait encore qu’il fait le coup de feu en Bretagne avec quelques chouans et que son signalement va être diffusé dans la région de Questembert [367].
Le 8 février, le chef du contingent de la commune est requis de faire faire des patrouilles à cheval et d’en rendre compte à la municipalité. L’ordre est arrivé hier signé du commandant de la place et du comité de surveillance du Puy. Ces derniers ont recommandé de faire ces patrouilles au Puy et dans les communes voisines « pour examiner ce qu’il s’y passe considérant que dans ce moment critique [368] il faut se prêter à éclairer le pays dans la crainte d’être surpris ».
Oui, il y a eu des surprises, comme par exemple à Nueil. Alors et enfin, le Comité de Surveillance macairois prend des mesures : « Nous nous sommes transportés ce jour au corps de garde de l’Humeau de Brai en cette commune pour voir si la garde se monte exactement suivant les ordres qui ont été donnés par les officiers municipaux de cette commune, en y arrivant avons trouvé le citoyen René Rousseau officier du poste lequel nous a dit qu’il manquait le citoyen Métayer, Rouleau et Pol Pilotau tous les 3 au vilage de La Bafris, comme considérant qu’il est de l’intérêt publique que chacun monte sa garde exactement, nous arrêtons que copie du présent sera porté par deux de nos membres au citoyen Gourdaus commandant de la place au Puy la Montagne que nous requérons d’envoyer la force armée pour conduire les délinquants dans la maison d’arrêt dudit lieu du Puy la Montagne pour y rester à leurs frais autant que ledit commandant le jugera à propos ». Il faut bien remarquer que le corps de garde a été installé à l’Humeau de Bray, au point le plus névralgique de la commune, sur la voie la plus passante, mais qu’il est facile de le contourner puisqu’il est fixe.
Derechef, un autre médecin chirurgien major du Puy, chargé de la commission de réforme, renvoie un Macairois à ses foyers. Il faut dire que ce dernier le mérite d’après ce qu’en dit le procès-verbal : « Le citoyen Jean Nicolas natif du Bouchet, 21 ans, 4 pieds 8 pouces, a les jointures des genoux contournées en dedans à tel point qu’il se les frotte l’une contre l’autre en marchant que cette difformité, la tenue de son corps, sa très petite taille, la faiblesse de son tempérament, le soussigné pense qu’il pourrait être exempt de la réquisition ne le prouvant ni les forces ni la taille susceptible de pouvoir supporter les fatigues inséparables de la marche et des manœuvres qu’exige l’art de la guerre en foi de quoi lui est délivré le présent pour lui servir ce que de droit, signé Paterne chirurgien major. Renvoyé de la formation du bataillon, restera chez lui jusqu’à nouvel ordre en attendant la revue du commissaire, fait au Puy le premier pluviose an deuxième [369] ».
Mais la délibération du comité de surveillance du 2 février ne l’entendra pas de la même oreille et enjoindra au réformé de retourner au Puy. « La nation est la loÿ [370], écrit Louis Launay, nous offissiers du commÿté survellianse de Saint-Macaire nous requeron le sittoÿen jean nicolas a joingdre sons régimant attandu qu’il sera condanné suivant la loÿ l’an deuxiemme de la République française unindivisible [371] ».
Jean Faradon, autre volontaire de la neuvième compagnie, natif du Bouchet, et vaillant domestique de Defay, vient aussi d’être reconnu hors d’état de servir dans les armées de la République d’après les certificats de Rabouin.
Ces réformes en font jaser plus d’un mais gare à ceux qui le crient sur les toits. Deux cultivateurs en font l’amère expérience. Jean Piau et Pierre Cornu « se présentent à la chambre pour demander que la commune reçoive la rétractation qu’ils font des propos injurieux qu’ils ont tenus contre l’honneur et la réputation du citoyen Rabouin officier de santé du premier bataillon de la formation du Puy-La-Montagne cidevant Notre-Dame en disant qu’il avait délivré un faux certificat et qu’il en avait reçu le montant [372]. Au contraire, Piau et Cornu déclarent devant nous que c’est à tort qu’ils ont tenu de pareils propos contre la réputation dudit citoyen Rabouin, qu’ils le reconnaissent pour un homme de probité et d’honneur et qu’il leur a toujours paru intègre dans sa conduite au moyen de quoi il lui en font réparation publique ainsi qu’ils nous ont déclaré l’avoir faite devant le citoyen Gourdeau commandant du Puy devant qui le citoyen Rabouin les avait fait conduire par la gendarmerie, lesquels pour plus grande authenticité de la présente réparation offrent payer le prix de leur conduite par lesdits gendarmes et en outre de donner chacun un boisseau froment aux plus pauvres citoyens de cette commune qui sera distribué par nous officiers municipaux. Une copie sera affichée à l’arbre de la liberté pour y être lue par tous les citoyens ».
Le repentir est à la mesure de l’infraction.
Le 2 février 1794, comparaît le curé Pierre Alexandre Lecêvre qui demande à la municipalité de recevoir le dépôt de ses lettres de prêtrise. Les ayant déposées au secrétariat, Lecêvre s’en désiste devant les officiers publics n’entendant plus à l’avenir en faire aucun usage ni exercer aucune fonction de son ministère. Copie sera envoyée au tribunal révolutionnaire établi à Saumur par les représentants du peuple près l’armée de l’ouest.
Après sa déclaration à la municipalité, Lecêvre passe devant le comité de surveillance et Pierre Roger reçoit sa déposition : « Le citoyen Pierre Alexandre Lecèvre curé de cette commune, âgé de 25 ans, né à Doué paroisse Saint-Pierre le 13 octobre 1768 d’un certificat civile, après trois jours d’affiche à la porte d’entrée de la maison commune et sur le rapport fait par les citoyens Jean Guitton et René Champion cultivateurs qu’il n’a été mis aucune opposition à ladite affiche et considérant que ledit Lecêvre s’est toujours comporté en vrai républiquain nous lui avons délivré le présent pour certificat de civisme. Taille de 4 pieds 11 pouces cheveux noires yeux et soursil noires et visige long. La république unindivisible ».
Aussitôt, le Tribunal de Saumur invite à « faire conduire au district tout cuivre, fer, linge, ornements, or et argent qui sont dans la ci-devant église de ladite commune de Saint-Macaire ». Cette décision signe l’arrêt de la fonction de l’église. Il faut noter, comme on l’a vu précédemment, qu’il y a là tout un matériel hétéroclite, composé à la fois de ce qui reste du « prélèvement » de 1792 et dont le premier inventaire de 1790 a disparu, et de tous les effets de Brignon qui ont été transportés dans l’église.
Le lendemain 10 février, Lecèvre reçoit à la ci-devant église, le maire, les officiers municipaux et les membres du comité de surveillance, il leur remet les clefs des meubles. On y saisit : « une croix, un pied de croix en cuivre[373], seize chandeliers tant grands que petits, deux navettes, trois encensoirs, deux bénitiers, trois lampes, deux autres croix et un bâton, le tout de cuivre, trois calices, deux ciboires, une custode, un ostensoir et une tête d’ostensoir le tout d’argent, 3 clochettes, 13 aubes, 3 rochets, 11 nappes d’autel, le tout de toile, deux plats d’étain et trois chopineaux aussi d’étain le tout arrêté que les citoyens Mathurin Nevouet et Urbain Hublot se transporteront demain à Saumur et conduiront les dits effets au district ». Lecêvre ne signe pas. Le magasin de Saumur retourne un accusé de réception de l’envoi. Il n’en reste malheureusement que la copie conforme exécutée de la main du maire Pelletier sur laquelle ne figurent que quelques objets en argent et une mention bien vague : « ensemble tous les autres effets stipulés au procès-verbal de l’inventaire ». Enfin, Pelletier stipule en marge de sa copie : « certifions que les effets compris dans l’inventaire ci-dessus et de l’autre part sont provenus tant de la ci-devant église de Brignon que de celle de cette commune dans laquelle ils avaient été déposés ».
C’est alors que commencent à arriver des réfugiés, ou des migrateurs considérés comme tels, dans une commune apparemment très républicaine et qui se trouve en dehors des grands axes dangereux que sont les voies Angers-Saumur-Thouars-Cholet. Les premiers arrivent dès février 94 et, peu nombreux au début, réussissent à en faire la déclaration au secrétariat de la municipalité : « Jean Point cultivateur, natif de Cersay district de Thouars 31 ans cidevant domicilié à Preuil près Argenton le Peuple et Perrine Germain sa femme, Gabriel Germain aussi cultivateur, natif de Saint-Paul du Bois 38 ans, cidevant domicilié en la commune d’Étusson district de Thouars et Madeleine Besson sa femme lesquels nous ont déclaré prendre domicile dans cette commune et faire partie des citoyens de cette commune ce que nous leur avons octroyé ».
Puis, survenant en masse, notamment fin mars, les réfugiés ne seront répertoriés par les officiers municipaux qu’après les vendanges, en novembre 94. La liste en est longue et l’on pourra compter 115 nouveaux résidents à Saint-Macaire répartis sur l’année [374]. Ce sont en majorité des réfugiés en provenance des Cerqueux, « à cause de l’invasion que les brigands ont faite de leur commune depuis environ huit mois ». Les principales autres paroisses d’origine sont, par ordre de proximité, Preuil, Nueil-sous-Passavant, Genneton, Cersay, Cléré, Argenton-le-Château, Saint-Paul-du-Bois, La Fougereuse, Champs-sur-Loire et la Chapelle-Gaudin. Cela confirme le mouvement qui se faisait depuis toujours à partir du sud-ouest.
On a vraiment l’impression que Saint-Macaire a la réputation d’un village tranquille, d’un havre de paix. Tous viennent s’y retirer. Jean-Nicolas Guéniveau, salpêtrier au Puy-La-Montagne pour le compte de la République, vient à la maison commune chercher l’un de ses ouvriers, un certain Madou, charpentier de son état, mais réquisitionné pour le service de sa salpêtrerie. Cela fait vingt-quatre heures que cet homme a abandonné son atelier et disparu de chez lui. Guéniveau présume qu’il s’est retiré à Saint-Macaire et demande à la municipalité de faire une perquisition. Au cas où on l’y trouverait, le patron souhaite que Madou soit traduit devant la maison d’arrêt du Puy pour attendre que soit statué ce qu’il appartiendra. Effectivement, un mois plus tard, le 27 juillet, Pierre Madou se présente au bureau de Saint-Macaire. Il était reparti à Cersay, « canton d’Argenton les Rivières » [375], mais déclare maintenant faire sa résidence à Saint-Macaire avec sa femme et ses deux enfants.
Juste au moment où Charette bat Grignon par trois fois, le 2 mars 1794, le Macairois Louis Léonor Defay [376] réintègre la commune, pas fâché, on s’en doute, d’apprendre la nouvelle de ces défaites. Après avoir été incarcéré à la maison d’arrêt de Saumur, Louis comparaît à la chambre. Il est « mis en liberté par le tribunal révolutionnaire par arrêté en date du 10 de ce mois (février) dont la copie nous a été représentée par ledit citoyen… [377] chargé de la conduite de Defay jusqu’à son domicile et par lequel arrêté est dit que le citoyen Defaÿ sera déposé à la municipalité de Saint-Macaire laquelle sera tenue de le mettre en arrestation dans sa maison et de choisir pour cet effet un citoyen parmi les bons pères de famille pourquoi nous officiers municipaux nous avons mandé André Doc cultivateur, habitant de cette commune père de trois enfants et qui a marché contre les rebelles de la Vendée auquel nous avons proposé la garde dudit citoyen Defay dans sa maison avec injonction que nous lui avons fait de ne point le laisser sortir et de ne laisser entrer dans son domicile que des personnes connues ou porteurs de nos ordres le tout sous sa responsabilité expresse à quoi le dit Doc a adhéré et promis s’acquitter du tout en vrai républiquain au moyen de quoi nous l’avons institué gardien sous sa responsabilité individuelle à la charge par ledit citoyen Defay de lui payer par jour la somme de 45 sols ».
À malin comme Defay et à gentil rustre comme Doc, on sait tout de suite lequel des deux aura raison de l’autre. De bonnes chopines octroyées de temps en temps à Doc laisseront à Defay toute latitude pour des rendez-vous secrets et surtout pour obtenir des nouvelles de son fils. Joseph, aux abois dans les landes du Morbihan, ne sait pas que son père a été libéré et le croit sans doute guillotiné. En effet, dans son journal, daté du 11 juin, il dit : « Je dois à ma famille le compte de ma conduite, je vais là-ici depuis un an que je l’ai quittée. J’adresserai le dit compte à ma sœur Beauregard. Si ma femme vit, elle voudra bien le lui remettre. Au défaut de ma femme, je la prie de le communiquer à ma famille et à celle de mon beau-père et ma mère pour lesquels je crains les suites des emprisonnements auxquels la rigueur des lois les aura exposés ». Un autre message arrivera puisqu’un billet déchiré sera trouvé le 27 avril par un domestique, Louis Nicolas, dans les affaires de Mme Defay, disant : « J’ai l’honneur… defai de lui faire savoir que M son fils… être dans le Morbihan… defay et Melle Sidonie sont dans Laval. Je vous fais savoir par Mme Beauregard que je suis bien portant. [378] » Ce message est porté au dossier Defay par le Comité de Saumur, ainsi que des papiers épars qui prouvent que la famille Defay a bien effectué des recherches de noblesse en 1696 et en 1715. Mais cela prouve que Joseph n’est pas émigré et on laisse désormais la famille tranquille. Le signalement de Joseph est alors diffusé dans la région de Questembert : « DE FAYS dit Joseph, âgé de 36 ans, d’environ 5 pieds 2 pouces, cheveux châtains et gris, cheveux courts, yeux bleus, nez ordinaire, bouche petite, menton rond, visage plein et coloré, gros et corporé, chemisette brune, pantalon de toile, chapeau rond »[379].
Les uns arrivent, d’autres reviennent, mais peu quittent Saint-Macaire si ce n’est Charles Gourin, qui s’en va vivre sa vie, non loin, à Argentay. Le texte qu’il écrit lui-même sur le registre du comité de surveillance prouve un bagage de lettré assez mince. Par contre, toujours prêt à prendre la parole en public, il devait être excellent à l’oral : « je soussigné Charles Gourin cappitène de la 2eme compagnie de la commune ayant fait le service de capitènne jusqua ce jourd je medemé umblement et simplement an tandu que je vaÿ de muré arganté dans la commune de Saint-Pierre de verché donné au chef le 15 floréal au corre de garde de Lurmeau de Bray C. Gourin sidevans capitene ».
C’est clair, c’est concis et les sentiments seraient superflus. On peut lui concéder, à sa décharge, qu’en militaire, il s’adresse à des militaires. Peut-être a-t-il voulu, en changeant de commune, éviter simplement, même s’il a été remplacé, d’être obligé de servir dans la garde nationale alors que la bataille fait rage contre les blancs. Il ne tardera pas à revenir à Saint-Macaire lorsque tout ira mieux.
Les ordres d’amener pleuvent. L’armée prend tout. Les bleus auraient-ils été mis culs nus par les blancs ? En tout cas, la République réclame des vêtements chauds après les trois revers de Grignon.
Tous les citoyens sont invités à faire don de chemises, bas, souliers, vieux linge et argent. Selon le greffier de la municipalité, les habitants de Saint-Macaire répondent en masse à l’appel et « se sont transportés en foule à la maison commune qui nous ont déposé 109 chemises, 5 paires de bas et deux paires de guêtres et 55 sols en assignats pour le soulagement des défenseurs de la république et arrêtons que les dits effets seront transportés au district de Saumur demain au plus tard ».
Rabouin continue à réformer. C’est au tour de Jean Trouillard, compris dans la classe de jeunes gens réquisitionnés. Il est exclu du Ier bataillon « étant attaqué d’un vice scrofuleux[380] qu’il porte au bras gauche depuis plus de 3 ans et particulièrement d’un abcès à la tête ce qui a obligé à faire un cautère audit Trouillard. Il ne peut assumer aucune fonction pénible et est dans l’incapacité de faire aucun service dans l’armée de la République, à Beaufort 12 pluviose signé Rabouin, vu par moi Général de Brigade signé Grignon [381] et vu par moi commandant de place signé Gourdeau ».
En mars, le comité de surveillance, peu actif à l’ordinaire, serre de près les volontaires réquisitionnés qui sont en permission. Il leur ordonne d’apporter leurs congés pour voir si leurs permis sont en règle, sans quoi on leur fera subir les lois ordonnées par la nation. Jean Maquineau, qui traîne dans les parages, dispose de 24 h pour rejoindre le bataillon et René Gaudin, n’étant pas dans le « peÿ », devra partir le 26 mars.
Puis le comité dénonce deux cultivateurs, Louis Gautier et Jean Laurendeau, qui ont refusé d’aller à Doué avec leurs chariots pour une réquisition.
Lecêvre, qui a renoncé en février aux fonctions de curé, démissionne un mois plus tard de son poste de greffier de la municipalité. Louis Guyard est nommé pour le remplacer. Seulement, profitant de l’urgence du besoin, le rusé demande 100 livres pour accomplir la besogne. Le conseil général vote aussitôt cette rallonge à son budget, qui sera payée à Guyard en quatre échéances.
Le dénommé Fargeau est le sixième volontaire macairois à être renvoyé dans ses foyers, incapable qu’il est de courir sus aux rebelles de la Vendée. Il a en effet la jambe gauche atrophiée « et ce à la suite d’une grande maladie il y a environ 4 ans ce qui le met hors d’état de faire route et par conséquent de servir dans les armées de la république ».
Pendant ce temps, Joseph Defay se cache dans les fourrés de Questembert, toujours sur le qui-vive, et tente de rameuter quelques combattants. À Grand-Champ, il fait saisie de 6000 livres dans les caisses du reveceur des impôts et laisse un reçu signé de sa main : « Defay, Capitaine, au régiment de Picardie, au nom du Roi, l’an premier du règne de Louis XVII ». Dénoncé et acculé à Mangolérian (une lieue et demie de Vannes) à la tête de 400 hommes par la garnison bleue de Muzillac, il est pris le 13 juin à Bodermarais, actuellement Bormarais, commune de Noyal-Muzillac. On trouve sur lui un journal daté du 11 juin dans lequel il raconte pour ses parents ce qui lui est advenu depuis un an.
Gabriel Daviau siège au comité de surveillance. Ainsi bien placé, il a réussi à obtenir le bail des jardins de la municipalité et de la cure pour 30 livres par an. On se souvient d’ailleurs que Jean Guillon avait déjà donné 14 livres en 93 pour le jardin du curé.
Il n’est pas très instruit, ce Daviau, mais il sait signer et aime bien écrire sur le registre du comité de surveillance lorsque le greffier titulaire accepte de lui laisser la plume, ce que Boutet daigne volontiers, étant donné le peu d’importance des procès-verbaux. Cet exercice est salutaire : Daviau fait des progrès étonnants. Son écriture se délie au rythme des quelques textes qu’il consigne. Mais c’est surtout sa signature qui évolue et devient ferme, rayonnante, presque arrogante. La première fois, peu sûr de lui, il écrit’Daviau’. Les sept fois suivantes, il ose’Davieau’. Mais, il revient définitivement à sa première conviction lors des 18 autres paraphes.
C’est prairial. Les blés sont montés. Comme d’habitude, les cueilleuses d’herbe ne se gênent pas pour aller herbouler[382] dans les pièces emblavées. Elles ont beau ne choisir que les mauvaises herbes, elles finissent toujours par casser les tiges des céréales. Il est temps de prendre un arrêté. « Il est défendu à toute personne à partir de la publication du présent arrêté d’aller sous quelque prétexte que ce soit dans les blés d’autrui pour y cueillir de l’herbe ni faire passage des bestiaux autour des blés ni des vignes sous peine d’être puni suivant la rigueur de la loi. Le présent arrêté sera publié à son de caisse dans toute l’étendue de cette commune pour y être exécuté en ce qui le concerne ».
Puis vient thermidor. Le fils de Louis Defay, Joseph Frédéric, est guillotiné le 3 août à Lorient, le soir même de son procès.
Et la vie continue. Le 7 août 1794, Pierre Roger remplace Daviau à la présidence du comité qui délibère sur la liste des citoyens de la commune et sur le nombre de détenus à ce jour [383]. L’agent national Gourin, revenu d’Argentay, prend la parole à la chambre. Le raisin approche de sa maturité et il faut éviter les dommages que les hommes et les bêtes causent journellement aux fruits. Selon l’habitude, on nomme un garde des vignes et Gourin propose à l’assemblée un réfugié de Genneton, Jean Hullin qui sera payé de sa besogne par les propriétaires des vignes à raison d’un sol par boisselée.
Arrive vendémiaire et le raisin est mûr. Des commissaires doivent faire une visite des vignobles le 29 septembre et remettre leur rapport le jour-même afin que soit arrêté le ban des vendanges. Louis Hublot, Louis Gautier, André Trimouillin, Pierre Roger [384], Jean Neau, Charles Devault, Charles Gourin le jeune et Nicolas Valton sont désignés à cet effet.
L’on sait déjà que la grêle a endommagé le canton du Bouchet et qu’il conviendrait de commencer par ces parcelles le lendemain 30 pour leur éviter un plus grand dommage. Ce qui reste des raisins est en effet absolument pourri. Revenus à 7 h du soir, les commissaires confirment que les vignes situées derrière les Ouches du Bouchet, Champ Courtin, le Clos des Masses, l’Ouche Moreau, le Champ d’Oiron, les Hauts et Bas-Mousseaux, le Clos de Bussily, la Plante à Riché et les petites vignes de Grenouillon ont éprouvé une nuée de grêle qui a causé un dommage considérable au raisin. Il vaut donc mieux fixer le ban de ces clos aux 30 septembre et premier octobre. Le reste des vignobles sera vendangé plus tard : le 3 octobre, le Clos des Petits et Grandes Saulaies, Clos de Bois-Ménard, la Fosse à la Barillé, le Clos des Marqueteaux, le Champ Julien, le Clos dans le Lac, les Forges, le Motay, les Quarts de la Cure. Le 4, le Poirier à la Michelet, les Petits et Grands Champ-Morin, les Genoilles, les Folies. Le 5, les Grandes Vignes, la Croix de la Baffrie, la Roquette, la Vaudouère, Bois Sailly, le Clos Poirier, les Tourneaux, les Nouelles, les Minaudries, la Halterie, les Ribaudes et le Clos de Lassée[385].
En octobre, deux orphelins recueillis à l’hospice de Saumur sont imposés à deux couples macairois. Un arrêté de Saumur confie aux municipalités le soin de désigner les familles qui seront tenues d’élever un de ces enfants pour la patrie. « En conséquence, la municipalité se met à la recherche des citoyens Pierre Roger et Jean Debray qui réunissent les conditions nécessaires et prescrites par l’article 2 de l’arrêté pour obtenir chacun l’honneur d’élever un des deux enfants, nombre assigné à cette commune dans l’état de répartition envoyé par le district. Unilatéralement, en effet, la municipalité a désigné Pierre Roger, cultivateur demeurant habituellement au hameau de la Planche pour élever René Timbron, âgé de quatre ans, de la commune de Tréziers, ainsi que Jean Debray, cultivateur de profession, pour élever François David, âgé de douze ans, de la commune de Cossé. Les citoyens pères d’adoption sont autorisés à se présenter à la municipalité de Saumur qui leur fera remettre les enfants. « Si les enfants sont en possession de quelques papiers, effets, bijoux ou chemises, tenue en sera faite par le directeur des Hospices à la charge de leur conserver ».
Les pères d’adoption sont invités « de faire aller les enfants aux écoles, de les pénétrer des maximes du républicanisme, de les instruire de la morale et de les former aux travaux de l’agriculture. Des indemnités seront payées par le directoire au prix fixé et dans la forme déterminée par son arrêté ».
Roger ne s’est pas présenté spontanément et la municipalité a dû aller à sa recherche. Ne serait-il pas quelque peu réfractaire à cette mise devant le fait accompli ? Marie Quétineau, sa femme, a déjà agi en conséquence car, le 25 octobre 94, en séance publique de la chambre, on lit le rapport du citoyen Paterne officier de santé du Puy-La-Montagne qui atteste « que le citoyen Pierre Roger cultivateur en cette commune est gisant malade depuis longtemps avec deux de ses enfants ». La chambre informe par ailleurs « de la pétition de la citoyenne Marie Quétineau femme dudit Roger adressée aux administrateurs du district de Saumur par laquelle elle demande à être déchargée d’élever le citoyen René Timbron orphelin conformément à l’arrêté du district et de la nomination faite par la municipalité de cette commune du citoyen Roger pour élever ledit Timbron orphelin ».
Les administrateurs « renvoient la pétitionnaire devant la municipalité de Saint-Macaire pour voir ce qu’il y a à faire et éventuellement nommer un autre citoyen pour se charger dudit Timbron ». Rapidement, on trouve quelqu’un d’autre pour remplacer Roger. « Avons nommé le citoyen François Jarry au lieu de Roger, ayant pris connaissance des sentiments énoncés dans ladite pétition et assurent qu’ils sont sincères et véritables ».
Les arguments des administrateurs ainsi que la copie de la pétition de Marie sont versés au registre : « Citoyens, la citoyenne Roger de la commune de Saint-Macaire affligée depuis un an et demi par les ravages qu’exercent quotidiennement chez elle une maladie contagieuse qui a commencé à s’emparer de son domestique qui meurt au milieu de ses travaux les plus urgents, son époux et deux de ses fils accablés sous le fardeau d’une fièvre continue et d’un flux, ne leur permet à peine, surtout à son dit époux, de remuer fors rester dans son lit, seule à les gouverner occupée du soin qu’ils exigent fatiguée par les veilles et accablée par les travaux pénibles de sa famille vient de recevoir l’ordre de se charger du nommé René Timbron réfugié de la Vendée âgé de quatre ans et de se transporter au district de Saumur pour qu’elle se fasse remettre par le commissaire l’enfant désigné ».
Quant à Marie, elle a particulièrement soigné les effets de sa supplique : « Sans domestique, mon époux et mes enfants presque mourants [386], je ne puis abandonner dans un instant aussi critique pour aller à Saumur sans m’exposer au danger que je trouve mon mari et mes enfants expirant à mon arrivée. Mon cœur s’entrouvre. On ne peut se partager la nature. Toute flattée que je serais d’être utile aux bonnes œuvres, je ne peux m’enlever des bras de mon époux et de mes enfants presque expirants. Je considère citoyens il vous plaise faire nommer tout autre citoyen que le citoyen Roger jusqu’au moment où sa santé et celle de ses enfants lui permettront de donner suite à l’accueil du jeune Timbron et tous les soins »… [387]
Le jus de raisin est à peine en train de fermenter que le magasin militaire du Puy-La-Montagne demande du foin pour le service de l’armée. Les officiers municipaux s’engagent alors à faire délivrer du foin de première qualité par Defay et par Nicolas Pouponnet, « le tout volontairement » [388]. Le même jour, la municipalité prélève 65 quintaux de paille : la veuve Abraham, la veuve Nicolas, Nicolas Pouponnet, Louis Defay et Félix Pelletier fournissent 6 quintaux, Jean Piau 5 quintaux 76, Fillon le meunier, Jean Rouleau, Jean Debray, Joseph Rabouin 5 quintaux, Charles Gourin, Charles Péponnet, Pierre Roger, François Vaslin 4 et René Mestreau 3.
Mais, deux jours après, il manque encore 15 quintaux de froment et 15 quintaux d’orge. La répartition est vite opérée. La veuve Nicolas donnera 15 quintaux de froment et orge, et la veuve Abraham 15 quintaux -mi-orge mi-froment-, qui seront livrés le lendemain dans le grenier public de Saumur sur leur responsabilité personnelle. Il y a là à penser que les deux veuves doivent être très mal vues par le maire Pelletier, pour ne pas dire suspectes.
Ce n’est pas tout. Les bleus ne se nourrissent pas que de pain. Il leur faut aussi de la viande et la commune n’a point satisfait complètement à l’arrêté du Comité de Salut Public du 11 avril dernier qui réquisitionnait la huitième partie des cochons de la commune. Pour subvenir complétement à la livraison totale, Saint-Macaire doit encore un porc.
Les officiers municipaux de la commune font alors assembler tous les cochons de la commune. Au milieu des gloussements aigus, ils choisissent une bête à poil blanc âgée d’environ dix mois et pesant environ deux cents livres, appartenant à Pierre Rouquier, cultivateur. Rouquier conduira « ledit cochon demain sans délai à Saumur » et s’adressera aux administrateurs du district qui lui indiqueront le lieu où il devra le déposer.
Le même jour, 6 novembre 1794, Pelletier est désigné par la municipalité pour aller répondre, devant l’agent national à Saumur, aux questions qui seront faites concernant l’agriculture. Initialement, il avait été décidé que le maire du Puy-La-Montagne pourrait représenter Saint-Macaire, mais Saumur préfère des « citoyens cultivateurs intelligents et patriotes pris dans les différentes communes du canton qui connoîtraient parfaitement l’état de la culture dans l’arrondissement ». Or Pelletier est fermier de Bray.
Les hommes et les cochons vont à Saumur. Par contre, les équidés sont dirigés sur Angers, là où sont situés les haras et la station de remontes de la République. Grignon, qui connaît bien son cheptel, fait savoir qu’il a de bonnes bêtes, dont un baudet qui sert d’étalon au pays. Le représentant du peuple « près l’armée dans le département de l’ouest chargée de la surveillance de la Loire autorise le citoyen Fleuroux, inspecteur des remontes, de faire enlever de chez le citoyen Grignon cidevant adjudant général deux baudets et un cheval entier qui sont à Saint-Macaire et de les faire conduire sur le dépôt de la république à Angers ». Grignon court donc plusieurs lièvres à la fois, restant à la fois fermier de Sanzay, propriétaire du Perdriau, membre de la municipalité de Saint-Macaire et grand chef de guerre. Cet homme-là, aussi pervers qu’imprévisible, met le pays à feu et sang avec des gardes nationaux auxquels il donne pour carotte et récompense le droit de vol, de pillage et de viol. Il est désormais devenu la bête noire des blancs aussi bien que des patriotes et les ordres de réquisition signés de sa main mobilisent sur le champ tous les municipaux de la région.
Le général Grignon est partout et décide de tout. Le 6 juin 1794, il emmène bobonne, Louise Perrine Desportes, faire des emplettes à la vente nationale de la Commanderie de la Lande-des-Verchers. Il y a là un mobilier important, celui du commandeur, émigré et la foule se presse dès l’aube. Il fait beau et tout peut être exposé dehors. Grignon donne l’ordre au commissaire d’ajouter à la vente quelques meubles entreposés dans l’église et de faire brûler quelques cahiers, compris dans l’inventaire.
– Ce ne sont, avance-t-il, que les histoires des ci-devants, rois et commandeurs, et autres brochures de l’ancien régime et de la ci-devant religion catholique ! Brûlez-moi tout ça, aboie-t-il.
Louise Perrine a acheté une écuelle de bois et trois boisseaux pour 8 livres 10 sols ainsi qu’une grande armoire en bois blanc pour 51 livres. Les biens les plus recherchés, lors de ces marchés, – et donc les plus disputés à l’enchère -, sont les couettes et les traversins en plume d’oie où se lovaient les aristocrates et les religieux. Jean Rouleau, de la Bafferie, perd ainsi sa première enchère sur un édredon et son oreiller qui sont adjugés 102 livres à un paysan de Concourson, mais il réussit sur un deuxième lot, dont la couette est plus petite et qu’il obtient à 72 livres. À titre de comparaison, le confessionnal en bois blanc est bradé 8 livres ! La vente durera deux journées pleines tant la commanderie recelait encore de trésors, alors que les bibelots, qui avaient été transportés au magasin de Saumur, avaient déjà fait l’objet de deux jours d’enchères en janvier dernier. Ces deux ventes rapporteront en tout 9717 livres à l’État.
Le comité de surveillance de Macaire fait le maigre inventaire de ses archives afin de les envoyer au comité de Saumur. Il vient de recevoir un rappel à l’ordre du 2 novembre. « Citoyens frères et amis, dit le comité de Saumur, la loi du 7 fructidor, art. 27, vous prescrit de nous déposer, dans la décade qui a suivi la promulgation de ladite loi, toutes les pièces, renseignements et effets dont vous êtes dépositaires. Nous sommes étonnés, Citoyens, du retard que vous mettez à l’exécution de cette Loi : nous vous invitons donc de vous y conformer dans le plus bref délai. Salut et Fraternité ». Les Macairois s’exécutent seulement le 10 et ne trouvent finalement à envoyer qu’un registre contenant 14 pages dont 7 de « remplises » et le surplus en blanc, un tableau des noms, qualités des citoyens de cette commune détenus et enfin le procès-verbal de nomination du comité de surveillance. Le greffier ajoute, comme pour s’excuser : « et sont tous les papiers déposés au ci-devant comité de surveillance de Macaire [389] ».
Brumaire 1794 est vraiment l’un des mois les plus lourds de réquisition. Cela prouve cependant que les paysans continuent à produire en ces temps difficiles. Saumur demande le recensement des blés, foins, avoines et pailles « qui se sont recueillis dans cette commune » et en accélère la réquisition.
Comme partout, les Macairois sous-évaluent fortement leurs déclarations selon lesquelles il apparaît impossible aux municipaux de fournir au magasin militaire de Doué le quota de 50 quintaux d’avoine demandé. La municipalité décide alors de nommer deux commissaires « qui se transporteront dans tous les greniers de cette commune pour y vérifier s’ils ont de l’avoine et en cas qu’ils en trouvent la mettre de suite en réquisition et la faire conduire immédiatement au magasin de Doué ». Cette tâche ingrate revient aux compères Gabriel Daviau et René Champion qui ne trouvent pas grand chose.
En janvier 1795, la ville de Saumur manque cruellement de grains et il est encore demandé 80 quintaux de blé froment « à fournir pendant six décades à raison d’un sixième par icelle ». La municipalité se considère une fois de plus incapable de livrer ce poids « à cause du peu de blé qui existe dans la commune en raison des besoins constants d’icelle eu égard à sa population et de la quantité de réfugiés qui sont en icelle, arrêté du consentement dudit commissaire qu’ils livreront 40 q de blé tant froment que méteil et ce dans les plus brefs délais ».
Louis Defay est interrogé sur deux de ses filles qui résident au Mans, Céleste, religieuse et Sidonie Defay qui s’est réfugiée près de sa sœur. Pelletier veut sans doute s’assurer de la bonne conduite des membres de cette famille suspecte. En effet, Sidonie avait, un temps, suivi son frère Joseph Frédéric après la débâcle de l’armée catholique. Louis comparaît à la maison commune devant les officiers municipaux, le 8 janvier 1795. En tant que père, il présente un certificat de résidence de Sidonie, dressé par la municipalité du Mans et daté du 5 janvier. Le greffier de Saint-Macaire le recopie littéralement : « nous certifions que la citoyenne Augustine Sidonie Defay sans profession demeurant en cette commune non prévenue d’immigration a résidé sans interruption sur le territoire de la république depuis le 9 mai 1792 jusqu’à ce jour ainsi que nous l’ont attesté les citoyens Cassidi sans profession, Bignon et Crespin notaires publics tous domiciliés en cette municipalité lesquels suivant leur affirmation individuelle qu’ils en ont fait ce jour ne sont ni parents ni alliés ni fermiers ni domestiques ni créanciers ni débiteurs. Certifions en outre que la citoyenne Sidonie Defay a devant nous dès avant ce jour prêté le serment prescrit par les lois qu’elle n’est imposée sur aucun rôle de cette commune en foi de quoi nous avons signé ».
Le comité de surveillance du Mans atteste par ailleurs que la citoyenne Defay n’est point en arrestation pour cause de suspicion ou de contre-révolution.
Maintenant que son fils a été pris et guillotiné, Defay semble rentrer en grâce doucement. Si bien que quelques jours plus tard, Louis Guyard ayant donné sa démission du poste de greffier, quelqu’un propose que Defay le remplace. Louis accepte, prête serment et appose sa signature aux côtés de celle de Pelletier. En fait, la rancune de Louis ne va pas à ces nouveaux municipaux. Son principal ennemi reste Grignon et, en cachette, il ne doit rien ménager pour lui nuire et son retour à la municipalité procède plus du calcul que d’un soudain intérêt pour la cause révolutionnaire.
Les textes du registre se font aussitôt plus lisibles, retrouvent une clarté oubliée et reprennent souvent le ton du discours, à la fois ambivalent et dérisoire, cher à Defay lors de ses secrétariats antérieurs.
Malgré la mort de son fils, tout rentre dans l’ordre pour Defay, puisque, dès juillet, le district de Saumur lui accorde « main levée pure et simple du séquestre mis sur ses biens tant meubles qu’immeubles et l’autorise à se mettre en possession et jouissance d’icelui et ordonne qu’il en sera remis le produit de ses biens et meubles versé dans les caisses des receveurs nationaux de ce district sur la quittance au bas duquel arrêté est l’homologation du département de M. -et-L. ». Defay ne remettra ce document à la municipalité de Saint-Macaire que le 15 septembre, s’attendant peut-être à quelque polémique ou ne désirant seulement faire qu’un peu de provocation.
Son premier procès-verbal de nouveau greffier relate les péripéties d’une réquisition que Jean Rouleau et Jean Piau ont refusé. Ils n’ont pas jugé utile de se rendre, avec une charrette et quatre bœufs, au bureau du citoyen David à Doué afin de se faire enregistrer et de recevoir les ordres pour une destination qui leur aurait alors été indiquée. Cette indiscipline, surtout celle de Rouleau, puisque Piau offrait et offre encore de partir avec lui, a poussé le district à frapper Saint-Macaire d’une nouvelle réquisition à laquelle Rouleau est à nouveau affecté par le conseil. Devant son refus réitéré, la municipalité s’en remet au district pour forcer la forte tête à obtempérer et à lui faire rembourser les 5 livres de frais d’ordonnance et de porteur qu’elle vient d’avancer.
Le bornage entre Bouillé, Saint-Macaire et le Puy est en bonne voie. Le 10 mars, les commissaires de Saint-Macaire, Mathurin Nevouet et Charles Gourin, ainsi que ceux du Puy, Moreau et Fournier, se retrouvent chez Pelletier à Bray à 9 h du matin. Ils se dirigent ensuite vers Pancon, la Gauvinière et la Bâtardière, lieux de litiges frontaliers, où ils retrouvent les commissaires de Bouillé. C’est ce jour-là qu’est tracée définitivement la ligne de démarcation entre les trois communes.
Puis le district réclame la liste des membres de la municipalité. Les organigrammes ne sont pas à la mode à cette époque et voilà maintenant presque deux ans écoulés depuis la nomination de Pelletier. De plus, quelques changements ont été opérés dans l’intimité. Le 15 mars, la municipalité se présente comme suit : Félix Pelletier maire, Jean Coquin, Nicolas Péponnet, Jean Piau, Pierre Achard, Mathurin Nevouet officiers municipaux, Charles Gourin agent national, Jean Guitton, François Guillon, Jacques Guillon, René Champion, Jacques Gautier, Jean Guillon, François Vaslin, Louis Guyard, Jean Rigault, Joseph Robert, Louis Grignon, Pierre Lecêvre notables. Joseph Revert est dit mort et Louis Grignon et Pierre Lecêvre sont dits absents [390]. Des membres ont été nommés en cas de défection éventuelle. Pierre Roger remplacerait le maire, Charles Péponnet, Charles Gourin le jeune, René Valton, Gabriel Daviau, Jean Dubray sont des officiers municipaux potentiels et Louis Guillon prendrait la fonction d’agent national. Quant à Charles Devault, Louis Launay, Jacques Cacouault, Urbain Hublot, Jean Trouillard, Nicolas Valton, Louis Fillon, Pierre Carré, Pierre Herpin le jeune, Jean Panneau, Jean Nau et Pierre Taillée, ils feraient de bons notables suppléants. Les assesseurs en service sont Jean Guillou, Jean Guitton, François Guillou, et Louis Defay peut remplacer Louis Grignon, ce qui ne serait pas pour lui déplaire. Enfin, François Jarry, Jean Guillou et Étienne-Louis Boutet sont prêts à servir d’assesseurs.
Ce soudain intérêt du district à connaître les responsables de Saint-Macaire est motivé par la négligence apportée aux affaires courantes dans la commune. La perception des impôts fonciers et mobiliers pour 93 n’est encore pas effectuée en mai 95. Après plusieurs affichages, personne ne se présente. Le maire en personne, Félix Pelletier, légèrement plus responsable que les autres, est commis d’office à cette tâche qu’il effectuera gratuitement. Il ne recevra que 12 deniers pour l’achat du livre de la contribution foncière et 3 deniers pour celui de la contribution mobiliaire.
De même, le 22 mai 95, Saint-Macaire est dans le collimateur du district. La commune tarde à fournir le cinquième des grains pour l’approvisionnement du magasin militaire de Saumur. Le commissaire Moreau, du Puy, fait le tour des propriétaires de grains pour en connaître le contingent. Contrairement à ce ce disent régulièrement les municipaux, les greniers s’avèrent pleins. Il résulte de la perquisition, qu’au total, la commune recèle 363 boisseaux de froment, 650 boisseaux de méteil, 57 boisseaux de seigle, 145 boisseaux de farine de méteil et 17 boisseaux de rouge, le tout mesure de Doué. Le cinquième s’élève donc à 267 boisseaux 5 écuellées au moins dont la moitié, 133 boisseaux, doivent être livrés aux magasins militaires du district de Saumur dans les dix jours. Le commissaire prévient que toute négligence apportée par le corps municipal à cette livraison serait considérée comme « un crime, dont il deviendrait coupable envers la nation, l’intérêt général et le salut de la patrie dépendant étroitement des traitements des subsistances des troupes ».
Evidemment, Saint-Macaire se presse sans hâte et le 19 juin, Saumur fait appel à la force armée pour accélérer le mouvement. Ailleurs qu’à Saint-Macaire, la manœuvre pourrait paraître subtile et radicale car le séjour des quatre gens d’armes est à la charge de la municipalité. Chaque cavalier touche 5 livres par jour pendant le temps qu’il reste au village. C’est mal connaître nos macairois qui se sont aménagé une petite caisse noire destinée à ce genre de dépenses imprévues. Les militaires séjournent neuf jours aux frais de la princesse. « Nous leur avons payé, écrit sans honte aucune le greffier, par égale portion entre chacun de nous officiers municipaux la somme de 175 livres pour reprendre pareille somme sur des fonds à ce destinés ». Que les membres se cotisent, soit. On ne peut les blâmer de ce premier souci électoraliste, ni d’une crainte éventuelle de la vindicte des habitants. Mais qu’ils aient prévu des fonds spécialement à cet effet montre que la commune est d’accord sur ce genre de pratique et que les municipaux ne se sentent en rien responsables.
Pendant les vendanges de 95 [391], les deux sœurs Defay, dont l’une est plus sœur que l’autre puisque ci-devant religieuse, reviennent s’établir à Saint-Macaire chez le papa. Céleste a rapporté une cloche de son couvent du Pré. Toutes deux comparaissent à la chambre du Bouchet et présentent des certificats de résidence de la commune du Mans prouvant qu’elles y habitent depuis vingt-six mois.
Le vrai retour en grâce de Louis Defay se fera à l’automne 95, lors de l’élection d’un nouvel agent municipal, c’est à dire d’un maire, et d’un adjoint. Defay est président du scrutin et Pelletier secrétaire. Pelletier est nommé agent municipal et Defay adjoint.
Mais cette figure de Saint-Macaire, l’une des principales en définitive, n’aura plus guère le loisir d’assumer ses dernières responsabilités. Il s’éteindra le 21 octobre 1796 à l’âge de soixante et onze ans. Son épouse, Céleste Blondé, lui survivra seize ans.
Une loi du 20 messidor, publiée à la porte de l’église, décrète l’établissement d’un garde-champêtre dans toutes les communes rurales de la République. Ce terme de messidor sent bon les moissons mais en attendant, il paraît urgent de mettre cette loi à exécution pour la bonne conservation des récoltes. Le conseil général de la commune propose d’une voix unanime de nommer à ce poste Jacques Boutet, dont la probité et le patriotisme sont connus, et de lui allouer, pour salaire d’une année, la somme de 120 francs. On verra plus loin en quoi consiste cette responsabilité et comment les deux fonctions de greffier et de garde-champêtre représentent en définitive beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages.
Les vendanges de 95 se sont effectuées dans de mauvaises conditions dans les derniers soubresauts de la Convention. Les commissaires à la visite des parcelles reviennent à 5 h du soir le 11 octobre. Selon eux, le raisin a atteint son degré de maturité et il est temps, pour éviter le dommage que causent les pluies journalières, de vendanger cette semaine. Les clos habituels autour des Bouchettes seront vendangés en premier le 14. Les autres vignobles le seront les 15, 16 et 17 octobre [392].
Si personne ne se présente le 5 mars 96 pour recevoir la perception des impositions de l’an IV -contributions foncières, personnelles et somptuaires de la commune-, la perception en est adjugée le 13 mars au rabais : Louis Guyard propose de gagner 1 sol par livre, Louis Guillou 9 deniers par livre, Louis Guyard 8 deniers, Louis Guillou 7, Louis Alleaume 6, Louis Guyard 5, Alleaume 4, enfin Guyard 3 deniers par livre, soit 3 deniers correspondant à la valeur métallique de 1790. Guyard doit se charger de ramasser les fonds, de les verser sur le compte de la République et de se conformer en tous points aux lois et règlements. Il devra en même temps récupérer les impôts locaux [393]. Auparavant, il lui est demandé de fournir une caution solvable. Alors Louis Neau se présente et accepte de cautionner Guyard. Comme cela paraît simple, vu de si loin dans le temps.
En juin 96, Louis Grignon achète au Puy-Notre-Dame, pour 8369 francs, la maison de la Haye, jardin, vignes, terres et dépendances qui appartenaient à Luc-René Gibot. Le 19 juillet 1796, Bray est vendu comme « bien national de deuxième origine » [394] suite à l’émigration de Luc René Gibot compris sur la liste générale des émigrés. La vente est faite par le receveur des domaines nationaux d’Angers. Les biens sont exploités par Félix Pelletier qui s’est installé là en février 1793 [395] en tant que fermier « indépendant ». L’acquéreur, René Robert Merceron, demeurant à Milly-Le-Meugon, achète donc là une belle ferme, imposée 366, 60 francs en 1793, et qui procure un revenu annuel théorique de 1466, 40 francs. Les biens sont vendus libres de toutes charges. Les fermages de l’année en cours seront partagés entre la République et le fermier. Quant aux bénéfices des récoltes précédentes, La Nation (ou Pelletier qui en fera son affaire) se les réserve.
Le prix de vente se décompose en 32 260, 80 francs de capital, 900 francs de valeur immobilière, ce qui est peu en comparaison des 5 002 francs d’arbres monumentaux comptés [396]. René Robert peut prendre possession de sa propriété le jour de la vente, avant même d’avoir versé la moitié du prix dans la décade, et le solde dans les trois mois. Il peut laisser le fermier jouir des biens jusqu’à l’expiration de son bail ou l’en évincer en se conformant aux dispositions prévues par la loi. Et si Pelletier ne détient aucun document officiel, le problème sera vite réglé.
D’ailleurs Pelletier ne restera plus lontemps dans la commune. Il démissionnera même de sa fonction de maire huit mois plus tard, en mars 1797, sa disparition de la scène macairoise étant à peu près concomitante avec celle de Louis Defay.
Les citoyens intéressés par le poste de garde-champêtre sont invités à se présenter le 28 août 96, pour postuler ou indiquer un Macairois susceptible d’assumer ces fonctions. Plusieurs cultivateurs sont là, dont Nicolas Pouponnet, Jean Coquin, Louis Guillou, Jean Guillou, Jean Guitton ainsi que Jacques Boutet, le garde actuel. En fait, ce dernier n’a pas du tout l’intention de céder sa place et demande la continuation de son mandat. Personne ne s’y oppose. Pourtant, les 120 f par an pour une besogne intermittente font quelques envieux.
L’automne 96 voit Lecêvre revenir à la chambre de Saint-Macaire pour se rétracter de son serment constitutionnel. Lecêvre prétend qu’il n’a jamais consenti librement cet acte contre lequel il proteste, assurant qu’il n’y a adhéré qu’en vertu de la loi révolutionnaire, et n’entendant plus à l’avenir en faire usage. On enregistre sa déclaration qu’il signe.
Jacques Hamon, charron de Saint-Macaire, mais aussi marchand-fermier à ses heures, achète nationalement, le 30 septembre 1796, le presbytère de Saint-Macaire pour 486 francs. Il y a là une cuisine avec four, un cellier, une chambre haute à cheminée, une écurie, deux appentis, une cour et un jardin d’environ 2 boisselées.
Après une longue portion congrue, voilà donc que l’on assiste au démantèlement complet des structures curiales à Saint-Macaire : plus de cure, plus d’effets dans l’église et plus de curé en poste, – d’ailleurs avec quels ornements et objets de culte ce dernier pourrait-il officier ? René Texier vient peut-être du Puy-Notre-Dame avec son propre outillage dire quelques messes, mais la mission du garde-champêtre paraît alors tellement plus importante que celle du curé.
Les actes de la période allant de l’automne 96 au printemps 97 ne sont pas nombreux. Le siège de Pelletier étant vacant, une élection remet François Jarry à la tête de la municipalité le 2 avril, et pourvoit, en la personne de Louis Abraham, au remplacement de l’adjoint Defay qui est mort depuis cinq mois.
1797 est l’année du bornage définitif entre la commune des Verchers et celle de Saint-Macaire. Une commission bilatérale passe la journée le long des limites, autour de la Vouie, puis traverse le morceau de terre des Patis-Minaux appartenant aux héritiers de la Ville, suit le fossé et longe la lisière du bois entre Brignon et Preuil. La conclusion est sans appel : « resteront certains morceaux à la commune de Saint-Macaire et iront certains morceaux à la commune de la Lande ».
Les bâtiments de l’abbaye de Brignon, de la Grange de Brignon et leurs terres respectives sont mis en vente nationale le 6 janvier 1798 [397]. Les deux tiers du prieuré sont vendus nationalement. En effet, l’autre tiers du prieuré appartient, depuis la réunion de la mense [398] du couvent, à l’hôpital de Montreuil-Bellay. Enfin, Guéniveau de Raye a déjà pu distraire quelques terres du prieuré avant leur vente nationale. Le premier lot est évalué à 9675 f dont 3225, 33 f représentent la part de l’hôpital. Cette partie n’est plus considérée comme bien national, et reste en propre à l’établissement hospitalier. Les deux autres tiers sont acquis par Toussaint Louis Bérault, membre du Tribunal de Cassation de Paris, qui a délégué René Charbonnier demeurant à Angers, faux bourg Laud.
Le deuxième lot, la Grange de Brignon, est vendu sur de la Selle d’Écheuilly, l’un des membres de la famille émigré, au même Bérault, toujours par l’intermédiaire de Charbonnier. Le prix en est fixé à 15 447, 50 f [399].
Le même jour, sont vendues séparément 4 boisselées de Brignon et 8 boisselées du Doyenné à Charles Péponnet, pour 308 francs. Les 4 boisselées jouxtent l’un de ses champs à Chambernou. À partir de 1798, le registre des délibérations communales est principalement consacré aux bans des vendanges et aux problèmes de garde des cultures. Le 9 vendémiaire-Ier octobre, le degré de maturité du raisin est atteint et, pour éviter tout retard dans les semailles des blés et les pluies qui menacent, il est urgent de vendanger comme s’ensuit : « Quatridi [400] 14 vendémiaire, quintidi et sedidi 15 et 16 vendémiaire, settidi 17 vendémiaire, octidi 18 vendémiaire ».
Après son départ de Bray, l’ancien maire Félix Pelletier tente de faire fortune tout près. Devenu agent municipal du Puy, il préside une commission pour établir les sections de la commune de Saint-Macaire, ou les rectifier, et confectionner ensuite la matrice du rôle. Pelletier, originaire de Chalonnes, est instruit. Il représente le type-même d’aventurier qui sait mettre à profit les opportunités qui se présentent là où il se trouve. Il réussira à être maire du Puy-Notre-Dame en brumaire an X, poste dont il démissionnera l’année suivante.
À Saint-Macaire, lors des élections municipales du 28 mars 98, les voix vont à nouveau en faveur de François Jarry. Il explique alors qu’il ne peut prendre cette place pour des raisons connues de lui seul et que, déjà, « après avoir rempli ces fonctions pendant 2 ans, il en est sorti de droit et en fait remerciement à tous les bons citoyens de l’assemblée de Saint-Macaire ». Alors, sans désemparer, l’assemblée procède à un nouveau scrutin qui élit le récent acheteur de Bray, René Robert. Lui aussi remercie, mais ne peut accepter. Un troisième scrutin donne Louis Abraham gagnant de justesse, par 9 voix sur 17. Lui, au moins, accepte. Puis Charles Gourin, par 11 voix sur 17, est élu adjoint, situation qui ne semble pas lui plaire puisqu’il proteste contre sa nomination [401].
Ce n’est pas d’aujourd’hui que ce village connaît les affres du chapardage dans les cultures. Les mauvaises habitudes de « grapiller » les raisins, d’ » herber, herboler ou harbouler dans les seigles et les métaux [402] », de « labourer les chemins », sont sans cesse mentionnées. La commune est régulièrement confrontée au problème de trouver un bon garde-champêtre bien respecté.
Autrefois, on ne nommait un garde provisoire que fin août, lorsque les raisins promettaient de venir à maturité. Et puis, sous l’ancien régime, les riches propriétaires étaient finalement plus tolérants.
En ces temps contestataires, personne ne respecte plus rien et les nouveaux paysans, qui font l’expérience de la propriété foncière, ne supportent pas les dommages causés par les cueilleuses d’herbe et par les bestiaux errants dans les vignes et les blés. Ainsi, dès 1794, prend-t-on conscience à Saint-Macaire de la nécessité de publier un arrêté pour interdire le ramassage d’herbe et le pacage des bêtes autour des céréales et de faire rémunérer, à raison d’un sol par boisselée, un garde des vignes par les propriétaires.
Jean Hullin avait été ce premier garde-vignes nommé officiellement par la municipalité. Puis, juste avant les moissons 95, une loi du 22 messidor portait établissement d’un garde-champêtre dans toutes les communes rurales.
Celui de Saint-Macaire, Jacques Boutet, n’avait été désigné que le 24 août de cette même année. Connu pour sa probité et son patriotisme, il se voit gratifié d’un salaire très honnête de 120 livres, si bien que l’année suivante, il demande à continuer, au grand désappointement des quelques candidats éventuels. En 96, Jacques Boutet conserve la charge de garde et consent à poursuivre en 97, tout en demandant 18 livres de plus pour « battre la caisse ». À sa décharge, il est vrai que cela prend du temps d’aller tambouriner par tous les vingt-sept hameaux afin d’annoncer la bonne nouvelle communale.
Mais la rumeur publique commence à considérer Boutet comme un incapable. Les dommages aux vignes restent importants. Boutet ne fait apparemment rien de spécial pour protéger les récoltes et, en mars 98, on lui enlève le tambour qui est mis aux enchères. François Lejeune se contente alors de 16 livres 6 sous pour battre la caisse. En août 98, la municipalité décide de nommer un garde suppléant à Boutet qui, de toute évidence, jouit de certaines protections. Ce sera Michel Gourin, du Vaudelnay, puis Michel Jauret en 99, Michel Garnier en 1801, Pierre Thomas Lahaye en 1802. Tous les maux sont alors reportés sur les adjoints. Boutet reste accroché fermement à son poste de garde des champs et non pas des vignes.
Vient 1802. François Lejeard se propose à ce poste « pour 1 centime par boisselée de vigne sous réserve de fixer le prix des délinquants pris en contravention étant de toutes sortes, tant de bestiaux que d’hommes et de femmes et enfants pris de jour ou de nuit. Ledit garde, de plus, se charge de surveiller le cimetière de la commune [403] et que tous ceux qui seront pris à y faire paître leurs bestiaux il en fera le rapport ».
À la fin de l’année 1802, sur les plaintes faites par « le général des habitants » qu’il ne surveille pas assez les propriétés, Boutet est enfin révoqué.
Les nominations des gardes des vignes successifs se font toujours fin août, début septembre. François Lejeard revient en 1803 pour garder les vignobles moyennant 3 liards par boisselée de vigne. Il fixe des tarifs précis pour les « prises » qu’il fera : « pour toute personne âgée de 20 ans : 20 sous, pour ceux en dessous de 20 ans : 12 sous, pour bœufs vaches chevaux : 20 sous, pour chèvres : 40 sous, pour brebis et cochons : 12 sous, pour volailles : 12 sous ». L’équilibre, on le voit, semble parfaitement respecté entre les hommes et les animaux. Les gamins sont sur un pied d’égalité avec les volailles et le petit bétail, et les adultes avec les gros bestiaux. Les chèvres, particulièrement voraces, ont un régime spécial.
Il faut attendre 1815 pour que Lejard soit démissionné pour incompétence. Il est remplacé par Pierre Mesleau que l’on oblige, pratiquement, à exercer.
En 1822, on revient aux anciennes habitudes. En plus du garde-champêtre, il y aura à nouveau un garde des vignes, André Doc, qui sera payé 50 f prélevés sur le traitement du garde-champêtre Mesleau auquel il ne restera alors que 200 f.
Dès 1825, vu son grand âge, Mesleau est prié d’aller voir si une autre municipalité veut bien de lui. L’étendue de Saint-Macaire nécessite un homme très libre pour le remplacer. Mesleau est d’ores et déjà prévenu que ses fonctions cesseront à la fin de la présente année 1825. Alors il ne fait plus rien du tout et, pour faire peur, la commune annonce que Jean Pocquereau, son remplaçant, entrera en fonctions le 14 août, ce qui est pur mensonge. Ces précautions prouvent bien que les déprédations sont monnaie courante.
Elles s’amplifient tellement que le garde-champêtre en arrive à craindre pour sa sécurité. Le 7 septembre 1826, le maire demande « de permettre à Jean Pocquereau garde-champêtre de porter avec lui une arme de guerre à feu tant pour sa sûreté personnelle dans ses fonctions que pour se défendre des animaux dangereux qui se trouvent dans les bois assez étendus existant sur le territoire de la commune et pour empêcher les poules d’aller dans les vignes qui avoisinent plusieurs hameaux y causer beaucoup de dégâts les personnes chargées de les veiller n’y faisant pas assez attention sachant que le garde n’a pas le droit de porter un fusil considérant que vu les motifs énoncés une arme à feu est nécessaire au garde de la commune et qu’elle n’offre aucun danger attendu la garantie qu’il présente par les bons principes de moralité arrêtons que le sieur Pocquereau Jean est autorisé à porter une arme de guerre à feu dans l’exercice de ses fonctions ».
Mais Pocquereau démissionne en 1831. Il est remplacé par un ancien militaire, François Jousset, qui tombe dangereusement malade en octobre 1832. Alors les habitants en profitent aussitôt. « Les fruits des vignes et autres fruits se trouvent beaucoup ravagés ».
Le syndrôme du garde-champêtre est véritable à Saint-Macaire. Le titulaire de 1833 tombe encore malade, remplacé le 10 mai par René Laroche.
Les augmentations de salaire n’y font rien. Ces gardes sont mal vus de la population et ne tiennent pas longtemps devant cette difficile responsabilité. André Doc reprend du grade pour l’année 1837 avec un traitement de 260 f jusqu’en juin 1843, date où il démissionne. Il ne cessera véritablement que le 30 septembre juste avant les vendanges alors que le 20 août, un remplaçant, Jacques Timon, tailleur d’habits de Bouillé, a déjà été engagé.
Pendant ces dix dernières années, invariablement, qu’il y ait ou non un garde-champêtre, deux arrêtés annuels prennent la défense des blés en mai et des vignes en août.
Tout a recommencé à s’assouplir depuis la fin de la Convention. Les Macairois vaquent à leurs occupations rurales. En mai 1799, Louis Guillou et Jacques Boutet sont commis à la surveillance de l’échenillage des arbres, des haies et des bois, « le plus actement possible dans le délai de 8 jours ». Les échenilleurs se serviront d’un échenilloir, sorte de cisaille fixée au bout d’une perche.
Il convient aussi de renouveler la garde nationale. Chaque compagnie, de 120 hommes au moins, y compris les officiers, doit avoir un capitaine, un lieutenant, 2 sous-lieutenants, 4 sergents et 8 caporaux et 2 tambours. Les officiers sont élus en deux scrutins [404]. Le premier vote tire le capitaine, le lieutenant et les 2 sous-lieutenants. Le deuxième scrutin élit les 4 sergents, les 8 caporaux et les 2 tambours. François Jarry est nommé capitaine, Louis Guillou lieutenant, Louis Guyard premier sous-lieutenant, Jean Guitton deuxième sous-lieutenant, René Robert, Charles Gourin, Pierre Pierron le jeune et Louis Alleaume, sergents. Quant à René Genneteau, Charles Péponnet, Étienne Louis Boutet, Louis Nicolas, Jean Guillou, Louis Frémaudière, Jean Gourin et Pierre Roger, ayant réuni moins de voix, ils ne seront que caporaux. Enfin, Jean Rouleau et Jean Bliard feront office de tambours.
Le 2 août 1800, François Jarry comparaît devant Abraham, agent municipal directorial, pour accepter et prêter le serment de fidélité à la constitution et remplir la fonction de maire consulaire à laquelle il a été nommé par le citoyen Montault de Silles, préfet du Département de M. -et-L., et le sous-préfet de Saumur, Labarbe. La réorganisation administrative napoléonienne est rapide. Cette fois, Jarry accepte. Louis Abraham n’est pas oublié, il est muni de sa nomination d’adjoint au maire.
Enfin, un conseil municipal fait preuve d’esprit cartésien. L’esprit du ban des vendanges est profondément remanié en 1800. Le lundi 21 vendémiaire [405], seront vendangées « toutes les vignes qui sont sur la gauche à partir du chemin qui conduit du Puy à la forêt de Brignon, le même jour toutes les vignes sur la gauche du chemin du village du Hameau de Bray à Bouillé. Le mardi 22 vendémiaire, toutes les vignes situées entre le chemin du village du Hameau de Bray à la Verderie et du hameau de Bray à Bouillé Loretz ». On simplifiera encore la procédure en 1801 : le 27 novembre « pour toutes les vignes qui seront sises à droite à partir du Monis à rendre vers la forêt de Brignon et celles qui sont sur la gauche à partir du Hameau de Bray à Bouillé et, le 28, les vignes qui sont entre les 2 chemins qui conduisent de Brignon au Puy et celui de l’Humeau à Bouillé ».
Le 23 décembre 1800, les membres du conseil municipal doivent prêter serment devant le maire. Tous les hameaux sont représentés : Nicolas de la Vouie, Charles Péponnet de Chambernou, Louis Guillon de Brignon, Jean Gourin des Haies, Jean Coquin du Bouchet, Jean Guillon du Bourg, René Mestreau des Egeons, Jean Rouleau de la Baffrie, Charles Gourin de la Bournée et Pierre Roger de la Planche ont tous prêté serment de fidélité à la République, sauf Pierre Roger qui n’a pas comparu pour cause d’infirmité.
En 1801, le budget de la commune est bien mince et les dépenses se réduisent aux frais suivants : loyer de la chambre commune, 55 f, bois, chandelle, papier et encre, 15 f, tambour, 24 f, garde-champêtre, 120 f, pont sur le chemin d’Argenton l’Église à Doué [406], 226 f. On estime les dépenses de l’an X équivalentes à celles de l’an IX.
En 1802, les fleurs de vigne ont gelé. Le 15 mai 1802, une commission est créée pour faire un bilan canton par canton. Le procès-verbal en sera adressé au Département et à la Préfecture afin d’obtenir un dégrèvement sur les contributions de l’an XI qui puisse compenser la perte causée par la gelée. « Louis Guillon cultivateur demeurant à la cidevant abbaye de Brignon et René Champion aussi cultivateur demeurant au hameau de la Planche », sont chargés de ce rapport.
Les enfants travaillent de bonne heure à Saint-Macaire. Jarry lui-même porte les mentions suivantes sur le registre : « 16 nivose an XI [407], décès de Louise Doc à 10 heures, cultivatrice âgée de 12 ans, du village des Bouchettes. 30 floréal an XI, une fille âgée de 11 ans, cultivatrice. 7 vendémiaire an XII, Jean Rigault, âgé de 6 ans, cultivateur ».
L’écriture de François Jarry devient de plus en plus tremblotante dès 1805. Pourtant, il exercera les fonctions de maire-secrétaire pratiquement jusqu’à sa mort puisqu’il écrit encore un acte le 11 mars 1806 et meurt le 3 avril 1806 sur les 6 h du matin au village de l’Humeau de Bray. C’était, apprend-t-on du greffier, le beau-père de Jean Gourin et le neveu de Louis Frémondière. Né à l’Humeau de Bray, fils de Louis Jarry et de Madeleine Breteau, il meurt au même village soixante-six ans plus tard.
C’est Louis Abraham, son adjoint, qui signe le PV de décès, et devient maire le 6 juin 1806, puis fait son dernier acte de maire le 18 mars 1808, remplacé le 20 avril 1808 par René Robert.
Doublard du Vigneau est resté, ou redevenu, propriétaire de Sanzay. Il réapparaît en 1808. Le seul texte qui nous renseigne est ce fragment non daté : « M. Nicolas fermier de Sanzay faisant pour M. du Vigneau. M. du Vigneau lui avait dit que si l’opération était bien faite il resterait tranquille mais que s’il ne la trouvait pas à son désir il se pourvoirait après avoir attendu fort longtemps ». Il s’agit peut-être d’un fragment de note griffonnée par Abraham sur Doublard. En effet, des rapports sur les personnalités de leur circonscription sont demandés à cette époque par les préfets pour une parfaite connaissance des tendances politiques [408].
Par ailleurs, Louis Texier devient desservant de la paroisse en 1809. Un logement loué 45 f et un traitement de 20 f lui sont fournis par la commune en 1810 et 1811.
Il y a longtemps qu’on a pas célébré un mariage en aussi grande pompe. Le 16 juillet 1811, en pleine moisson, Louis Cator, propriétaire du Prieuré de Brignon, épouse Jeanne-Renée Soleau. Leur histoire mérite d’être contée en détail.
Né le 28 avril 1756 à Rochefort, en Charente-Inférieure, Louis est le fils de Jean Cator, maître tailleur d’habits décédé le 5 mars 1785 à Rochefort et de défunte dame Marie Gautrait décédée le 2 avril 1782 à Rochefort. Sa première femme, dame Sainte Olympe des Pujos, veuve du sieur Henri Drouard, vivant maître de Dessis à Angers, est décédée le 13 oct 1791 à Saint-Pierre à Angers et Louis s’est retrouvé veuf à l’âge de trente-cinq ans.
Demoiselle Jeanne-Renée Soleau est bien plus jeune, mais n’est plus pucelle. Elle a vingt ans de moins que Louis. Née le 28 avril 1775 à Saint-Maurice d’Angers, fille de Jean Soleau, marinier demeurant ville d’Angers, et de défunte Suzanne Jallais décédée le 29 février 1780 à Angers, elle a reçu pour ce mariage le consentement de son père, donné devant maître Bricher notaire à Angers, en date du 15 juin 1811.
On apprend alors que Louis et Jeanne-Renée se connaissent de longue date, depuis juin 1803 au moins, et intimement, puisqu’ils ont fait ensemble un petit Charles Auguste, né clandestinement le 4 mars 1804.
Louis Cator remet à la municipalité copie d’un arrêté du registre des naissances de l’État-civil du second arrondissement d’Angers en date du 13 juillet 1809 portant reconnaissance d’Auguste Charles Cator né le 13 ventose de l’an XII. Dans cet acte, il reconnaît que Charles Auguste Cator est bien son fils naturel même s’il a été enregistré précédemment sous les noms de père et mère inconnus. Cator, craignant que cet acte ne soit pas suffisant, « nous a déclaré, ainsi que la demoiselle Jeanne Renée Soleau, qu’il reconnaît que ledit Auguste Charles Cator né le 13 ventose an XII enregistré sous les noms de père et mère inconnus dans la commune d’Angers est leur fils naturel en conséquence il déclare le légitimer conformément aux dispositions de l’article 330-1 du code Napoléon [409] ». Beaucoup de personnalités assistent au mariage.
Il aura fallu quatre ans aux parents Perroteau, Jacques et Renée, pour apprendre officiellement la mort de leur fils Louis, parti guerroyer avec Napoléon. Louis est mort à vingt et un ans, là-bas, au front, fusilier à la septième compagnie du troisième bataillon du 61ème régiment de ligne. Né le 15 mars 1787 à Saint-Macaire, Louis est entré à l’hôpital de Mayence le 5 février 1807 et y est décédé le 15 mai suivant par suite de fièvre [410]. La copie conforme de l’extrait de décès fait à Mayence est remise aux parents en 1811 par René Robert qui en oublie de dater son acte[411].
Heureusement que les délais de transmission du courrier ne sont pas toujours aussi longs. Henri Auguste Merceron et Julie Robert, sa nièce, n’attendent pas longtemps la dispense de degré de parenté accordée pour leur mariage par sa majesté l’Empereur. Daté de Dresde du 22 mai 1812, signé par Napoléon, par le Ministre secrétaire d’État le Comte d’Arques et certifié conforme par le Ministre des Justices le Duc de Masséna [412], le papier est ensuite enregistré au tribunal de Saumur. Le 21 juillet, les deux parents s’épousent. Parmi les invités, le grand-oncle de Julie, Gourdeau, qualifié de propriétaire au Puy, est âgé de soixante-dix ans.
Un autre enfant de Saint-Macaire, Louis Fargeau, est mort au champ de bataille en Espagne. Fils de François et de Jeanne Launay, né le 6 avril 1783 à Saint-Macaire, Louis est entré en service le 26 juin 1801 comme conscrit de l’an 11 [413]. Le 18 mai 1812, parvient à la commune un extrait mortuaire de l’hôpital Saint-Jean de Burgos : « Le sieur Fargeau Louis, fusilier au vingt-deuxième régiment d’infanterie de ligne, deuxième bataillon, troisième compagnie, natif de Saint-Macaire, âgé de 39 ans est entré audit hôpital le 20 mai 1811 et y est décédé le 7 juin 1811 par suite de fièvre. Fait à Burgos le 7 juin. Signé Grelier ». Le papier, acheminé ensuite au conseil d’administration du vingt-deuxième régiment d’infanterie de ligne, basé à Maastricht, qui en donne certificat le 20 février 1812, arrive finalement à Saint-Macaire le 18 mai 1812.
Marie Céleste Blondé, veuve Louis Defay, s’éteint au bourg de Saint-Macaire le 24 novembre 1812 à l’âge de quatre-vingt trois ans après une existence bien remplie. La déclaration de décès est effectuée par Louis Godin « domestique de la défunte âgé de trente-huit ans, premier témoin, Jean Besnard, journalier, âgé de trente-six ans et Pierre Dupont journalier âgé de trente-six ans, signé Béjarry [414], gendre ».
Le maire René Robert écrit son dernier acte le 16 mai 1814, juste après l’entrée de Louis XVIII à Paris. Sa signature est devenue très hésitante. À peine un mois plus tard, le 13 juin, il meurt sur les 7 h du matin en sa terre de Bray, à l’âge de cinquante-quatre ans. René Champion, adjoint, assure alors l’intérim.
Napoléon revient pour cent jours en mars 1815. Aussitôt le décret du 30 avril 1815 porte nomination d’un nouveau maire et adjoint. L’élection locale porte à la tête de la commune l’ancien adjoint, René Champion, le 15 mai 1815. Mais, sous couvert d’irrégularité dans le procès-verbal, -en fait on ne veut plus du Champion qui avait fait allégeance à Louis XVIII-, le vote est annulé et remplacé par une lettre du sous-préfet de Saumur qui nomme Louis Cator. Ce dernier n’est installé que le 23 juin 1815 et ne reste maire qu’un peu plus d’un mois, du 23 juin au 8 août. En effet, Louis XVIII vient à nouveau de rentrer à Paris le 7 juillet et Napoléon d’abdiquer. Le candidat napoléonien Louis Cator n’a donc le temps de signer qu’un seul article en tant que maire, celui de la réception des papiers de René Champion. Le 25 juillet arrive une autre lettre de Saumur qui invite le poulain restaurateur René Champion à reprendre les fonctions de maire. Le 8 août a lieu la repassation des pouvoirs. Cela ne fait pas très sérieux et une commission du préfet en date du 17 novembre nomme un autre maire, Louis Abraham, qui prend son poste le 12 décembre.
Pendant les Cent-Jours, à Nueil, un règlement de comptes restera inexpliqué. En effet, le 19 mai 1815, des Blancs affrontent à nouveau des Bleus qui ont mis le feu aux poudres en criant « tuons les nobles, les maires et les habits de drap ». Dans l’échauffourée qui s’ensuit, Louis de la Selle, maire républicain des Verchers, est abattu sans que l’on sache de quel camp vient la balle qui le frappe. Il existe sans aucun doute, après une époque si difficile, un lourd contentieux local et un besoin d’apurement né de rivalités incomprises, de collaborations contre nature, d’implications hasardeuses dans des rachats de biens nationaux par des aristocrates dits patriotes ou, à l’inverse, de liquidations de municipalités par des républicains sans foi ni loi. Louis de la Selle fait les frais de ce redoutable imbroglio dont les cicatrices ne seront jamais refermées.
Depuis 1808 qu’on le cherche, on ne retrouve aucune trace de l’acte de naissance de Marie Guyon qui est pourtant née à la Vouie, en principe le 28 sept 1790. La pauvre Marie voudrait bien se marier. René Robert avait fait tout son possible pour mettre la main sur le papier mais, résigné, en avait attribué l’absence « aux troubles de la révolution qui ont sans doute fait oublier au curé de Saint-Macaire d’inscrire sur le registre de l’État-Civil l’acte de naissance de Marie Guyon ».
On fait comparaître sept témoins différents qui attestent qu’elle est née au mois de septembre 1790 à la Vouie. Une femme assure même l’avoir promenée plusieurs fois étant petite, une autre affirme qu’elle a toujours été élevée chez ses père et mère. Tous sont d’accord pour en rendre responsable l’insurrection vendéenne. « Ce sont, disent-ils, les troubles de la Vendée qui en sont la cause au moyen de ce que les prêtres étaient journellement tourmentés [415] ». On ne sait de quelle façon le cas sera jugé et si Marie Guyon pourra convoler en justes noces.
Pendant ce temps, le curé de Saint-Macaire propose de célébrer l’anniversaire de la mort de Marie-Antoinette le 6 novembre 1816 [416].
Ces messieurs les membres du conseil municipal vont volontiers se montrer à la messe les dimanches et fêtes. Cela fait partie des rites retrouvés. Depuis le Concordat, l’anticléricalisme n’est plus de rigueur. Aussi veulent-ils se mettre ensemble, assis confortablement et dignement sur un banc qui leur sera réservé. La municipalité lance un appel d’offres pour sa fabrication. Le banc doit avoir telle et telle mesure comme, par exemple, celui de Mme Robert, avec une porte montée sur fichets et targette pour la fermeture. C’est Jean Erray qui obtient l’adjudication à 34 f, construction et pose comprises [417].
En 1821, René Dubois remplace Louis Abraham à la mairie. Son action semble plus ordonnée et il a des objectifs précis. Il fait voter en 1823 un crédit supplémentaire pour le traitement du desservant qui est porté à 260 f, puis en 1825 à 300 f. De même, celui du garde-champêtre est augmenté de 50 f, s’élevant en 1825 à 250 f. Il recherche un nouveau local pour la mairie et le conseil l’invite à fournir lui-même une pièce à cet effet et à toucher les 50 f habituels.
Plusieurs plaintes sont faites et une procédure est engagée en 1825 à l’encontre de deux agriculteurs de Bissu, Guyard et Rabouin. Ils ont cultivé sur 2 m de large le chemin du Motayl, celui qui va de la Planche, en passant par Bissu, au Puy. Cela pose des problèmes de passage à ceux « qui exploitent le canton pour ensemencer et extraire les fruits » et empêche les grandes eaux du bourg de Saint-Macaire de se déverser vers le Puy Notre-Dame. Le garde-champêtre Mesleau a pu constater qu’ils s’étaient en effet permis « d’augmenter une pièce de terre au dépens du chemin de la Noue Gautier en anticipant dessus 3 m de largeur dans un bout et 1 m de l’autre ce qui forme une anticipation d’une largeur réduite de 2 m ».
Pourtant, la municipalité a réagi. Le maire a fait publier et afficher le 24 avril 1824 un tableau général des chemins de la commune. Puis, récemment, par l’intermédiaire de l’huissier du Puy, Foucher, « leur a fait injonction de laisser à la disposition du public la portion de chemin qu’ils ont anticipée le long de la pièce qu’ils ont acquise de M. Guéniveau, que lors même que les susdits auraient des droits de propriété sur une partie du chemin, l’autorité administrative, en attendant que la question de propriété ou de servitude soit décidée par les tribunaux, n’en doit pas moins maintenir les lieux dans leur état précédent pour que l’intérêt public l’emporte à circonstances égales sur l’intérêt particulier, que ce principe est consacré par la jurisprudence du Conseil d’État, ainsi que cela résulte d’un grand nombre de décisions sur la matière. Il serait absurde d’admettre qu’un particulier peut sous un prétexte quelconque s’approprier un passage public et empêcher l’usage jusqu’à ce que les tribunaux aient prononcé sur les prétentions. Attendu que la mesure de police que prend en pareil cas l’autorité administrative n’empêche pas l’action des tribunaux sur le fond de la contestation et qu’une telle mesure d’atteinte au droit de propriété est au contraire conservatrice de ces droits puisqu’elle maintient les lieux dans l’état où ils étaient avant la contestation, que l’art. 3 a confié à la vigilance et à l’autorité des maires tout ce qui intéresse à la sécurité et à la commodité du passage tant dans les rues que places, voies publiques, arrêtons : il est enjoint à Guyard et Rabouin de rétablir dans son état primitif le chemin de la Noue Gautier sur lequel ils ont anticipé, et ce dans un délai de 8 jours à partir du 3 avril 1825. Faute d’exécution, poursuite sera faite devant le juge de paix du canton et passibles de peines ».
On s’aperçoit que ce n’est pas tout. Ce sont des spécialistes de la terre récupérée. Non loin, les deux compères ont encore fait une anticipation encore plus importante sur le chemin vicinal n° 2, au canton des Plantes, celui qui, à partir du bourg de Saint-Macaire passant à la Planche, Bissu, La Noue Gautier, Solbreaux et au pont du Gué, conduit à la ville de Thouars. Guyard et Rabouin ont en effet repris « 5 m. de largeur au bout de la vigne des Planches et 2 m. de l’autre bout aboutant sur le pré Joulin qui forme une anticipation de 3 m 1/2 de toute la longueur du morceau de terre des susdits Guyard et Rabouin ». Et cela dure depuis le 13 avril 1824 [418].
Le résultat est effarant : « et même le chemin que nous reconnaissons vicinal n’est plus que de la largeur de 3 m. dans l’anticipation et que auparavant ledit chemin avait 6 m. 1/2 de largeur et un carrefour qui servait à mettre les charrettes dans les temps des grains et des vendanges que lesdits Guyard et Rabouin ont aussi anticipé et dont l’utilité est absolument reconnue ».
Le 10 septembre, le conseil se rend au chemin du Motayl avec les plus anciens de la commune, « seuls titres en sa possession », pour faire un état des lieux. Force est de reconnaître que « vraiment, en coupant le passage, ils ôtaient une grande facilité tant aux particuliers qui exploitent le canton pour ensemencer et en extraire les fruits que pour communiquer par les grandes eaux du Bourg de Saint-Macaire au Puy et à d’autres villages ». Le conseil est d’avis que le chemin soit maintenu dans toute son ancienne contenance.
Comble d’infâmie, on découvre, fin septembre, que les deux prévenus ont encore pris un bout d’un autre chemin, d’exploitation celui-ci, porté au plan figuratif à la lettre CD, n° 18 sur l’état général.
Il ne faut pas confondre curé et desservant. Si, depuis 1809, on l’a vu, Saint-Macaire a un desservant que la commune rétribue [419], l’arrivée d’un curé à demeure est souhaitée depuis longtemps. Mais la cure a été vendue et il faut maintenant, soit l’acheter, soit la construire. En 1810, déjà, M. Bougron et Madeleine Guyon ont proposé de vendre une maison, cour et jardin à la commune, pour 512 f. Une partie de ce logement qui sert déjà au desservant -sans doute une simple chambre-, appartient à un certain Bodin qui se manifeste et demande 20 f de loyer d’avance. Le vicaire Texier accepte de payer cette somme que la commune lui remboursera sur le budget de 1811. Mais le loyer annuel est, en fait, de 45 f.
Les changements à la tête de la mairie en 1814 et 1815 relèguent à l’arrière-plan les problèmes de construction d’un presbytère et de nomination d’un curé. Ce n’est qu’en août 1816 que l’on reprend le dossier. Jean Guyard offre à la commune, sans résultat, un bail de trois ans pour une maison, jardin et dépendances à l’usage du desservant, moyennant 45 f par an.
Il existe, autour de l’église, un groupe de logements, de pièces, de toits ou de masures, imbriqués les uns dans les autres, et dont les divers propriétaires se livrent à une surenchère manifeste pour avoir le plaisir de loger le curé. Seulement, la commune n’est pas riche et l’affaire ne sera jamais juteuse.
En 1824, le problème n’étant toujours pas réglé et au vu des difficultés de se procurer une maison à louer auprès de l’église, le conseil municipal songe à trouver un emplacement pour construire le presbytère et à en faire dresser les plans et devis estimatifs. D’ailleurs, le dimanche 29 août 1824, après la messe [420], le suppléant de justice de paix de Montreuil procède devant les habitants à une enquête et à un vote dont les résultats ne nous sont pas parvenus.
En attendant, on décide d’accepter la proposition de Jean Guyard qui cède, à 15 f par an, trois chambres de la maison qu’il avait précédemment offerte pour 45 f et qui jouxtent la chambre du desservant. Ce dernier déménage de sa chambre à 45 f et la commune, qui gagne ainsi 30 f, pense pouvoir de cette manière attirer un vrai curé, s’il s’en présentait un, pendant la construction du presbytère.
Parallèlement, pour bâtir une cure, la commune décide une imposition extraordinaire de 6495 f payables sur six années à partir de 1825. Le 20 mars 1824, elle achète un terrain appartenant aux époux Roger (La Planche) pour 1220 f. Le géomètre Bineau établit les plans en avril 1824 et l’adjudication a lieu le 22 mai 1825 avec réception définitive le 22 juillet 1827 pour une dépense, revue à la baisse, de 4866 francs.
Le cahier des charges de la construction prévoit que la terre grasse sera prise sur les lieux-mêmes du chantier. Mais, le conseil étant d’avis que la terre n’est pas de qualité à cet endroit, elle sera mélangée à égalité avec celle qu’accorde le sieur Dubois dans la pièce des Clôtures et qui sera charroyée par corvées. La cheminée de la cuisine, qui, dans l’avant-projet, devait être montée sur le pignon du levant, sera faite sur le mur du couchant avec une ouverture de front qui servira ultérieurement à bâtir un four.
Les corvées annuelles sont généralement destinées à réparer les chemins. Une commission est nommée à cet effet dans chaque hameau, elle invite les propriétaires de harnais à venir le jour prévu charroyer les pierres dans les endroits indiqués par le maire et les commissaires. Les simples ouvriers sont réquisitionnés pour le chargement et le déchargement des charrettes.
Afin d’accélérer la construction du presbytère, une partie des corvées seront détournées au profit de ce projet prioritaire. Sur les 464 journées d’hommes prévues par an à 1, 50 f, les 76 charretées d’un collier à 3 f, les 68 charretées de 2 colliers à 7 f et les 44 charretées de trois colliers à 10 f, il est fort possible de distraire le labeur nécessaire au transport de la terre. La commune possède à cette époque 700 habitants et 173 bêtes de trait alors que le budget total des corvées représente, pour la municipalité, la somme de 1840 f. En faisant le compte des animaux disponibles, des colliers, les charrois annuels ne représentent finalement que deux journées par bête. Quant aux hommes, ils sont certainement choisis parmi les indigents à qui les attelages sont prêtés.
Le nouveau maire est René Alexandre Dubois, propriétaire à la Guéritière. Il a succédé à Louis Abraham en 1821 [421]. Il apparaît énergique et semble redonner dynamisme et tonicité à la municipalité. Il transforme le conseil municipal en véritable réunion, posant les problèmes dans l’ordre et les réglant au fur et à mesure avec les moyens locaux. C’est lui qui poursuivra sans merci les paysans coupables d’anticipation sur les chemins vicinaux. Les conseillers de l’époque ont pour nom Louis Cator, Isaac Abraham, Louis Mestreau, René Guitton, Louis Renard, Jean Guitton, Pierre Hubelot et Deschamps.
Le premier janvier 1828, Jean-Baptiste Reine, anciennement vicaire au Puy-Notre-Dame, est nommé curé de la paroisse de Saint-Macaire par l’Évêque d’Angers. Il peut alors occuper le nouveau presbytère dont la construction vient d’être achevée et dont le prix de revient s’établira, en définitive, à 6364, 96 f.
Reine se met aussitôt au travail. La commune-paroisse avait fort besoin qu’un prélat prenne en charge ses âmes à plein temps. La tâche ne sera pas facile car les cœurs se sont durcis, le chœur s’est vidé et les habitudes païennes prises par la majorité des habitants compliqueront son apostolat. Premier vrai titulaire de la paroisse de Saint-Macaire depuis la Révolution, « ce brave homme Reine, dira son successeur peu objectif, ne semble pas en mesure de doter la maison de Dieu du plus strict nécessaire ». La fabrique, sans titres de rentes, n’est pas riche et vit de la location des bancs, des chaises et du produit de certaines quêtes. Son revenu global n’est que de 199 f par an [422]. Les fondations se sont diluées dans le temps qui passe.
Le successeur de Reine se plaindra de son prédécesseur, de son mauvais goût dans les réparations de l’église, de son avarice sordide [423] qui ne suffit cependant pas à excuser des paroissiens et une époque qui ne connaissent plus le sens chrétien. Heureusement, quelques bigotes et quelques bourgeois bien pensants lui seront d’un grand secours.
Il entreprend lentement des travaux dans l’église avec le consentement des membres de la fabrique. D’ailleurs comment pourrait-il payer de ses propres deniers. Le 25 août 1836 est posée et scellée la première pierre de la sacristie reconstruite sur l’emplacement de l’ancienne. Elle n’est inaugurée que deux ans après, le cinq août 1838. Le 11 mai 1840, il fait placer, à la manière romaine, par le sieur Guichard marbrier à Saumur, un nouveau grand autel en marbre noir puis un bénitier en marbre rouge de Laval « à la petite porte du milieu de la nef à l’ouverture au sud vis à vis le presbytère. Le grand autel a coûté cent francs, le bénitier dix francs ».
Le 23 mai 1840, il fait enlever, du sommet de l’éperon placé à l’angle sud-ouest de la chapelle de la vierge, deux chênes d’espèces différentes élevés de deux mètres. « Ces deux chênes, affirme Reine, devaient leur origine apparemment fort ancienne au transport de deux glands différents effectué, par des oiseaux, sur le sommet de cet éperon. Lesquels glands se seront développés par la végétation dans les interstices de la maçonnerie. Ces chênes ayant renversé la plus grande partie de l’éperon qui les portait par le développement de leurs racines, nous avons dû en faisant reconstruire ce même éperon consentir à l’enlèvement de ces deux chênes placés à cinq mètres du sol, de la plus belle végétation et égalant par leurs cîmes orgueilleuses la hauteur du toit de notre église, formant une véritable curiosité d’histoire naturelle ».
Le 27 juillet 1841, Reine procède à un changement d’autel. L’autel de Sainte-Emerance était placé vers le milieu de la nef à gauche en entrant par la grande porte. Reine le fait transporter dans la chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste à la place de l’ancien autel de Saint-Jean-Baptiste. Il fait en même temps accrocher le portrait du saint face à l’autel.
Juste avant Noël 1843, le 23 décembre, il met une belle sainte Table en fer de 90 kg devant le grand autel en marbre. Confectionnée et posée [424] par un paroissien du village du Bouchet, Louis Blain, époux de Jeanne Leblanc, elle a coûté à la fabrique 82 f de fabrication et de pose, plus 22 f de peinture.
Le 16 avril 1844, il fait vitrer la croisée au sud, la plus proche de la grande porte d’entrée, celle qui donne sur le cimetière. Cette fenêtre était murée depuis 1569, date de l’incendie, par les Huguenots, de la toiture et de la sacristie.
Et finalement, au bout de quinze ans, le bilan de Reine est satisfaisant. L’église est en bon état grâce aux subsides de la municipalité et aux petites réparations prélevées sur les fonds de la fabrique.
En 1844, le procès-verbal de la visite régulière de l’église permet de se faire une idée plus précise des réalités paroissiales : Si les murs, le pavé, les fonts-baptismaux et les portes de l’édifice sont qualifiés de « bons », la toiture, les voûtes et les vitraux sont « très bons ». Par contre, le clocher et la chaire, très ancienne, n’obtiennent que la mention passable. Le tabernacle est doublé à l’intérieur de soie rouge veloutée. Les vases sacrés [425], tous d’argent, que le sacristain laïque n’a pas le droit de toucher, brillent de tout leur éclat. Certains ornements arborent des broderies très riches et les livres ne sont pas abîmés. Dans le confessionnal, des grilles séparent les interlocuteurs du curé et des images pieuses s’offrent aux pénitents. En principe, les confessions sont terminées avant la fin du jour, sinon l’on a soin de placer une lumière devant le meuble intime.
Seule ombre au tableau, c’est le cas de le dire, les moyens limités de la fabrique ne permettent pas de laisser une lampe allumée nuit et jour devant le Saint-Sacrement. Le prochain budget a cependant prévu d’y remédier.
Et puis, il y a de grandes occasions pour relancer la foi au village. Avec l’autorisation de Mgr l’Évêque en date du 29 novembre, Reine bénit, le 13 janvier 1829, une chapelle placée sous l’invocation de Saint-Augustin et située à l’emplacement de l’ancienne église de Notre-Dame de Lassée en Brignon, détruite depuis vingt ans [426]. C’est Jeanne-Renée Soleau, veuve de Louis Cator, qui vient de la faire construire. Est-ce le remords d’avoir fauté avant son mariage, l’a-t-elle fait bâtir pour y enterrer son fils mort en 1828, l’a-t-elle édifié sur la tombe de son fils ? Aucun document ne permet de dire si la construction ou la bénédiction précèdent (ou suivent) la mort du fils Auguste Charles qui y est enseveli aux côtés de sa mère. Seul, le testament de Jeanne-Renée, établi en 1845, nous indique que le corps de son fils repose déjà à cette date dans la chapelle.
Reine se régale. Il sacrifie aussi aux rites païens. « Le 6 octobre 1832, dit-il, nous avons fait avec la plus grande partie de nos paroissiens auxquels s’étaient réunies plusieurs personnes des paroisses voisines une procession à la fontaine de Saint-Francaire située sur la paroisse de Cléré pour obtenir du ciel la cessation de la sécheresse qui nous désolait depuis plusieurs mois et nous menaçait d’une stérilité complète ». Le miracle ne semble pas s’être produit, Reine y aurait fait allusion [427].
Enfin, ô grand jour, l’évêque daigne venir à Saint-Macaire le premier juin 1840. « À quatre heures de l’après-midi, explique Reine, nous curé soussigné avons eu l’honneur de recevoir dans notre presbytère Mr Louis Robert Paysant qui y a passé la nuit suivante et le lendemain deuxième jour du mois a célébré la messe et a donné la communion à nos petits enfants du catéchisme et leur a administré la confirmation ainsi qu’à un grand nombre de nos paroissiens et paroissiennes qui ont également communié de sa main pontificale ».
En 1830, sur la liste des propriétaires les plus forts imposés pour la contribution foncière, on trouve en premier le châtelain de La Grise, de Charnières, qui totalise 1202, 74 f d’impôts fonciers, ce qui représente environ 250 ha de terres et de bois sur Saint-Macaire. La veuve Louis Defay [428] arrive très loin derrière avec 90 hectares et Bray une soixantaine. Le dixième, René Dubois, n’a plus que 18 ha [429].
Le Puy-Notre-Dame fait, en 1831, la proposition de créer une assemblée au Puy le premier dimanche de chaque année. La municipalité de Saint-Macaire, consultée, assure que ce sera très avantageux pour le pays, autant pour les maîtres qui ont besoin de domestiques que pour les domestiques qui ont besoin de maîtres.
Nueil fait de même et projette d’instituer annuellement cinq foires et une assemblée. Les foires auront lieu le mardi et seront réparties régulièrement sur l’année : Le premier mardi après le mercredi des Cendres et après le dimanche de la Passion, le troisième mardi après Pâques, les premiers mardi après la Toussaint et la Saint-Eusèbe. Quant à l’assemblée, elle se tiendra le 3 mai pour gager les domestiques. Saint-Macaire trouve l’idée des foires intéressante. En raccourcissant la distance, cela facilitera l’achat et la vente de bestiaux que l’on est obligé de mener ou d’aller chercher à Vihiers, Argenton-le-Château ou Thouars [430].
Les émeutes de 1830 à Paris, qui se terminent par l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe, ont remis la garde nationale au goût du jour alors qu’elle avait été supprimée en 1827. À Saint-Macaire, on la recrée le 22 mai 1831, et, alors qu’elle sera composée d’une compagnie de 70 hommes, on ne lui donne que 25 fusils anglais dont chaque garde attributaire doit accuser réception et jurer de les « maintenir, garder et approprier [431] ». Les élections des officiers et sous-officiers prennent énormément de temps, chacun étant sans cesse mécontent de son grade.
Le désir d’avoir un instituteur à Saint-Macaire commence à se faire sentir en avril 1833. Le conseil municipal déclare qu’il ne peut y avoir d’école primaire à Saint-Macaire tant qu’on laissera l’impôt foncier communal augmenté injustement de plus d’un tiers. Il faut attendre le 12 mars pour qu’une délibération se tienne sur le choix éventuel d’un instituteur. Mais il convient de se rendre à l’évidence, la commune n’a pas les ressources suffisantes pour payer seule un instituteur, et elle se voit dans l’obligation de se réunir à l’école du Puy dont le sieur Tremblay dirige déjà l’institution [432].
Alors, on établit une comparaison entre l’imposition du Puy et celle de Saint-Macaire et il en ressort que Saint-Macaire est, proportionnellement, beaucoup plus imposée que le Puy. Une première estimation pour la période 1812-1821 montre que Saint-Macaire paye 34 734 f, le Puy 76 047. Une récente réévaluation a porté le revenu imposable de Saint-Macaire à 59 000 f, mais n’a pratiquement rien changé à celui du Puy. « Cette énorme différence, fait observer le maire, atteste d’une erreur tellement matérielle que nous sommes persuadés que vous vous empresserez de rectifier. Pour justifier nos réclamations veuillez vous reporter au tableau ci-joint [433] qui représente les quantités de chaque nature de terrain, le placement, les évaluations et vous verrez que les évaluations de Saint-Macaire sont plus fortes que celles du Puy malgré que les terres en soient plus inférieures. Pour vous convaincre nous mettons sous vos yeux un tableau comparatif : à Saint-Macaire, le marc le franc est de 59, 58 pour mille, de sorte que 100 f de revenu payent 59, 586 f, au Puy le marc le franc est de 51, 76 pour mille de sorte que 100 f de revenu payent 51, 769 f. Malgré la supériorité en qualité elle se trouve payer beaucoup moins. Tous ces détails doivent vous prouver que la commune a droit à une juste réduction de 3082 f que nous réclamons. Avons confiance en votre justice et osons espérer satisfaction [434] ».
La rentrée scolaire approche. Mais comment faire pour avoir son propre instituteur et éviter de payer 100 f de contribution à celui du Puy pour deux ou trois élèves de Saint-Macaire. Alors, le 10 août 1834, le conseil décide d’imposer la commune de 200 f. « En conséquence nous engageons nos autorités supérieures de vouloir bien référer cette réunion qui a été faite entre les deux communes afin que nous puissions avoir un instituteur dans cette commune au commencement de janvier 1836, attendu qu’il se trouve une lieue de distance d’une commune à l’autre, cela occasionne qu’il ne se fait presque pas d’élèves dans cette dite commune ».
Le temps que les autorités supérieures réagissent, il s’écoule encore une année scolaire. Mais à la rentrée 1835, le 22 septembre, tout semble prêt pour la scolarisation à Saint-Macaire.
On imagine l’événement. « Lucien Chanlouineau, de Nueil, accepte de se réunir à la commune pour en être l’instituteur et commencera à la Toussaint prochaine sans prélever aucune indemnité à la commune d’ici le premier janvier 1836. Il en résulte que le logement de l’instituteur est disposé selon l’avis du conseil municipal dans la maison appartenant à la veuve Abraham Isaac située au village des Bouchettes de cette commune cedit logement nous est alloué par ladite Abraham pour la somme de 48 f. Pour le premier âge il sera payé 1 f chaque mois, deuxième âge 1, 80 f chaque mois. Il sera aussi instruit par l’instituteur de cette commune quatre écoliers indigents dont les père et mère seront domiciliés dans cette commune ».
Cependant, on ne peut laisser cet enseignant entièrement livré à lui-même. Lorsqu’il commence, le 12 janvier 1836, le Conseil Municipal procède à l’installation d’un comité de surveillance de l’instituteur composé de quatre membres, les sieurs Abraham, Gigault, René Champion et Charles Gourin. En même temps, le conseil inscrit six élèves indigents au lieu des quatre initialement prévus : Fargeau de Boisménard, Louis Monnier des Mousseaux, Yvert Miot de Chambernou, Jacques Poisson des Bouchettes, Urbain Robreau des Haies et l’unique fille, Claudie Suard de la Baffrie.
Mais, au bout de cinq ans, l’instituteur Chanlouineau démissionne. Demoiselle Madeleine Moindron, qui le remplace déjà depuis qu’il a quitté, est appréciée par les parents. Elle devient l’institutrice et perçoit aussi 200 f plus 50 f pour le loyer de la maison d’école dans laquelle elle loge. Elle est née le 28 janvier 1811 à La Crèche dans les Deux-Sèvres, elle a un certificat de bonne conduite, une autorisation du recteur de l’Académie d’Angers, Henry, qui stipule : « nous l’autorisons à tenir une école primaire élémentaire de filles dans la commune de Saint-Macaire ». Elle détient en outre un brevet de capacité pour l’instruction, délivré le 9 janvier 1836 par le Recteur de l’Académie de Poitiers. Enfin, elle a été autorisée à changer d’académie.
Si tout va bien au début, son traitement est suspendu dès janvier 1846 par la municipalité qui ne veut plus d’elle. La demoiselle est licenciée le 10 mai 1846 par décision du Conseil. Le maire explique en réunion que Mademoiselle Moindron n’exercera plus ses fonctions d’institutrice communale et sera remplacée par un instituteur. La raison avancée paraît plausible, mais insuffisante. On préfère un homme. Une femme seule dans la commune peut être exposée à de multiples tracas. D’ailleurs, le sieur René Boisne, demeurant à Charcé, muni d’un brevet de capacité, a demandé au Conseil Municipal de prendre la direction de l’école primaire élémentaire communale. Le nouveau est recommandé par l’inspecteur de l’instruction primaire de M. -et-L. comme un jeune homme capable. Le maire ajoute qu’un certificat de moralité a été délivré à René Boisne par son collègue de Charcé sur l’attestation de trois conseillers municipaux.
En définitive, Mademoiselle Moindron finira l’année scolaire mais réclamera, dans une lettre du 31 juillet, 116, 65 f pour les sept premiers mois de l’année qu’elle a effectués. Le Conseil, dans sa session du 9 août, reconnaît qu’elle a instruit gratuitement les petits enfants et, à 5 voix contre 2, décide qu’elle en sera payée sur les fonds destinés à l’instruction primaire.
Avant la rentrée 1850, sur des demandes de parents pauvres, le conseil municipal arrête la liste des élèves qui seront scolarisés gratuitement : François Bodet, Auguste Fancheau, Henri et Céleste Godicheau, Louise Bodineau, Garreau Toussaint, Laroche Louis, Archambault François, Fouchard Rose, Doc René, Mestreau François, Suard Jean, Ecuet Jean, Gourin André. De six en 1836, leur nombre passe à quatorze, dépassant celui des élèves qui payent, réduits à dix ou onze [435]. L’effort communal est méritoire. Ainsi l’école primaire de Saint-Macaire compte-t-elle une trentaine d’élèves à cette époque.
Cependant, pour garder René Boisne, il faudrait aussi, en application des instructions récentes de la loi du 15 mars, que le traitement de l’instituteur atteigne au minimum 600 f. La rétribution scolaire rapportant 221, 25 f et le traitement étant de 200 f, il manque encore 178, 75 f qui seront fournis par une subvention que l’on demande aussitôt.
Maintenant que le problème scolaire est réglé, la municipalité, sous la férule du maire Louis-René Marcheteau, peut se consacrer aux grands projets.
Celui de l’église, par exemple, sur l’insalubrité de laquelle un membre du conseil appelle l’attention. « Le conseil reconnaît que le défaut d’ouverture et le sous-bassement du sol lui donnait une humidité occasionnée encore par les eaux pluviales ce qui occasionnait de fréquentes et très dangereuses maladies aux habitants qui arrivent souvent d’endroits très éloignés et par des chemins très mauvais [436]. Le conseil pense qu’on peut la rendre salubre en y pratiquant plusieurs fenêtres et en relevant le sol d’environ un demi-mètre. Ayant consulté les gens de l’art, il a reconnu qu’une somme de 600 f serait nécessaire à l’exécution de ces travaux mais comme les fonds disponibles au budget ordinaire pour l’exercice 1837 se trouvent absorbés par les dépenses ordinaires dudit exercice, les dix plus imposés présents dans la commune ont été introduits et réunis au conseil municipal pour avis et moyens de parer à cette dépense. On décide que les réparations proposées sont d’une nécessité absolue que pour la confection il sera imposé au marc le franc sur les quatre contributions directes de la commune une somme de 600 f en deux années qui seront ainsi payées, savoir 300 f en 1837, 300 en 1838 ».
Parmi les grands travaux, il convient de mentionner le projet de route n° 27 Vihiers-Fontevraud qui traversera la commune. Le 25 juin 1836, le maire donne lecture d’une lettre du sous-préfet en date du 6 juin concernant cette proposition. On imagine l’intérêt des macairois, surtout si une importante subvention régionale vient tripler les crédits municipaux engagés. « Voulant coopérer à sa confection autant que la faculté de la commune le lui permettra, pensant que le gouvernement viendra à son secours pour parachever cet ouvrage dans les plus brefs délais possibles, le conseil est d’avis qu’une somme y sera employée par voie d’imposition extraordinaire les ressources ordinaires étant toutes employées dans le budget ordinaire de 1837 ».
Alors on fait venir à nouveau au Conseil les plus forts imposés de la commune et on en reparle. On décide que le rôle de prestations en nature voté le 9 mai dernier, de 1959 francs, y sera employé pour les travaux d’art et l’apport de cailloux. Une somme de 600 francs sera extraordinairement imposée au marc le franc sur les quatre contributions payable en deux années, à savoir 300 francs en 37, et 300 en 38.
En fait, cette portion de route Vihiers-Fontevraud va coûter à la commune 6077, 32 francs. Un recadrage budgétaire sera fait en 1837, décidant une imposition de 20 centimes par franc sur les quatre contributions directes pour les trois années qui viennent, à commencer en 1838, et permettra de récupérer cette somme. Quoi qu’il en soit, cette route n° 27 représentera un gouffre financier pour la commune car ses travaux ne s’achèveront que vingt ans plus tard.
Il faut aussi penser aux récriminations de toutes sortes des paysans. D’octobre à décembre 1836, il a tellement plu sur la commune que l’eau a emporté un « ponceau en bois » dans le bourg de Saint-Macaire. En fait, ce petit pont enjambe le ruisseau de Brignon à la sortie du bourg sur le chemin de Bouillé-Loretz [437]. « Des plaintes nous ayant été faites par plusieurs propriétaires et même des communes environnantes de ce que cedit chemin était devenu impraticable attendu qu’il n’était plus possible de pouvoir passer puisque le ponceau n’existait plus nous sommes aussitôt transportés par une invitation du maire sur ledit chemin et nous avons vu qu’il était impossible à la commune de pouvoir se dispenser de pouvoir faire reconstruire un autre ponceau le plus tôt possible sur cedit chemin. En conséquence le conseil a été d’avis d’en faire construire un en tuffeaux du Puy-Notre-Dame. Une somme de 300 f y sera employée [438] ».
Les communes voisines ont toutes leur assemblée annuelle et Saint-Macaire ne peut faillir à la mode. La décision en est prise en mars 1837. Comme il n’en existe point d’autre à cette période dans les environs, elle peut se tenir dès le quatrième dimanche de mai prochain et aura lieu au bourg. Chacun y voit un intérêt, tant pour l’agriculture, la jeunesse du pays, que pour « l’accueillage des domestiques[439] ». Aussitôt dit, aussitôt fait.
La tradition de l’assemblée au bourg existe encore en 1900 comme nous l’a relaté récemment Monsieur René Taillée. Pour ne pas faire de jaloux, une deuxième assemblée a même été créée à Chambernou le premier dimanche de septembre [440].
Le remblaiement de la route n° 27 est lancé en 1837 et, avec force chopines, les trois journées obligatoires de prestation paraîtront une rigolade. D’autant que ces travaux forcés sont rémunérés 1 franc la journée d’homme, 1, 50 f la journée de cheval, de mule, de trait ou de somme, 2 f celle d’un cheval de selle et 3 f celle d’une paire de bœufs. La paire de vaches d’attelage ne rapporte qu’1 f 50 par jour, l’âne 50 centimes et la charrette ou la voiture 1, 50 f.
Mais la subvention régionale se fait attendre et la commune est seule pour l’instant à supporter le financement des travaux. Le Conseil décide donc de recourir, le 19 mai 1837, à un emprunt de 1856 f pour commencer tout de suite. Puis, bon an mal an, des crédits partiels seront votés et la main d’œuvre macairoise prendra en charge une grande partie des opérations.
Par exemple, en mai 1839, chaque bête de trait, de selle ou de somme charroiera 1m 25 [441] de pierres, prises sur les coteaux de Messemé et rendues sur le chemin de Chambernou à l’endroit qui leur sera indiqué par le garde-champêtre.
Cette route devient vraiment l’une des principales occupations communales. Le 2 février 1840, alors que les chemins sont encore impraticables et que les travaux des champs ne prennent pas trop de temps, -la taille des vignes est pratiquement terminée, on délibère pour savoir comment se feront les prestations en nature dûes par les habitants, à quel rythme et à quelles périodes s’exécuteront les opérations de charroi… On est extrêmement prévoyant. Il s’agit en quelque sorte de fixer le ban des travaux forcés, d’en définir le début et la fin pour que tous puissent s’organiser en fonction des dates retenues.
Il semble impossible de faire les charrois avant le premier juin alors qu’ils doivent être terminés au premier août. « Quant aux journées de bras, les travaux commenceront le premier mai et continueront jusqu’à ce que les terrassements soient terminés qui doivent être également terminés au premier août prochain étant tous d’accord sur ce règlement, donc charroyer par chaque bête de trait de selle ou de somme 1 m. 25 cm de pierres par chacun qui sera pris sur les côteaux de Messemé ou en d’autres lieux au moyen que les dites pierres soient propres au pavage et rendre dans les endroits qui leur sera indiqué, dont les 2/3 seront charroyés sur le chemin de grande communication, l’autre tiers sur les chemins vicinaux ».
Puis on décide que les prestations en nature pour les chemins seront transformées en corvées. Les pierres seront charroyées « par chaque bête de trait de somme bœuf chevaux mulets ânes vaches, chaque chevaux mulets bœufs 1m 1/2, les vaches d’attelage et les ânes 3/4 de mètre ». Tout doucement, la pierraille s’amasse sur le chemin qui ne doit guère cependant être plus praticable pour l’instant.
Les propriétaires en prennent souvent à leur aise, on l’a vu, sur les chemins vicinaux. Louis Abraham, du Bouchet, l’ancien maire, déclare qu’il a droit à une place à fumier hors de sa cour derrière une portion de ses bâtiments dans le chemin qui traverse le village du Bouchet. Et puis, en quoi cela peut-il bien gêner de faire déborder son fumier sur le passage ? Cela s’appelle, lui répond le maire, une anticipation sur le chemin vicinal n° 5. Abraham est obligé d’admettre cette anticipation d’autant qu’un rappel a été fait en avril 37 « à tous les propriétaires de biens dans cette commune de la défense de construire ou réparer aucun bâtiment ou mur le long d’un chemin vicinal sans avoir demandé et obtenu l’alignement attendu que s’ils anticipent ou même qu’ils gênent la voie publique ils seront obligés de démolir la construction qu’ils pourraient avoir fait ». Ce n’est pourtant pas le cas d’un fumier.
En novembre, le problème est réglé. Abraham « paiera tous les frais qu’a occasionné la difficulté au sujet de sa place à fumier et il lui sera donné un alignement pour clore sa propriété partant du mur du pressoir audit Abraham à aller en droite ligne au pilier du portail du sieur Nicolas[442] ».
La route de grande communication doit traverser la forêt de Brignon. On n’accepte pas, pour l’instant, la proposition faite par de Charnières, propriétaire à Preuil et au château de la Grise, qui possède 250 ha sur la commune. Ce dernier avait offert de supprimer certains chemins vicinaux de sa forêt en échange de bordures qu’il donnerait pour élargir l’ancien chemin transformé en route n° 27. Mais les chemins qu’il suggère de supprimer et d’agglomérer à la forêt pour en garder la superficie sont très avantageux à beaucoup de communes et, pour l’avantage du pays, et celui des communes de Saint-Pierre-à-Champ, Cersay, le canton d’Argenton-Le-Château, le Conseil pense qu’il vaut mieux trouver une autre solution.
L’école et la mairie sont aussi sujets à délibérations prolongées et à désaccord. Les uns veulent une maison commune aux deux entités, les autres deux locaux séparés. Faut-il construire, et donc acquérir un terrain, ou plutôt acheter des bâtiments. L’occasion fera le larron.
Le 10 février 1842, la première solution est envisagée : bâtir une maison qui regroupera la mairie et l’école. Il est fortement question de vendre des carrefours et des places vagues afin d’acheter un terrain pour faire construire. Le maire est autorisé par le conseil à engager les formalités nécessaires.
Le 11 novembre de la même année, Pierre Dumont propose une bonne affaire au conseil. Il possède une maison et ses dépendances à l’Humeau de Bray, au centre de la commune, qui pourraient servir d’école, et qu’il vendrait 2100 f à la municipalité en cinq traites, ou plutôt en cinq années de terme avec intérêt. Il fournirait main levée d’hypothèque garantie. Il apporte même avec lui le plan des locaux qui est joint au registre [443]. Même si le maire est aussitôt autorisé à contracter une promesse de vente avec Dumont, il est cependant clair que cette transaction ne pourra avoir lieu qu’après autorisation préfectorale. Cette deuxième solution obligerait cependant à construire une mairie séparée.
Tout semble aller pour le mieux dans cette voie puisque, quinze jours plus tard, le Conseil adopte la décision d’une imputation extraordinaire de 500 f par année sur quatre contributions pour l’acquisition de la maison d’école, les réparations à y faire et la construction d’une mairie.
Mais en mai 1843, après mûr examen, le conseil ne trouve plus la maison Dumont adéquate. L’acquisition en est alors provisoirement ajournée. Une dernière hésitation municipale redonne corps à ce projet en juillet, la majorité penchant à nouveau pour cette solution, estimant que la maison de Dumont vaut bien 2100 f et qu’elle convient à sa destination. Et la raison triomphe : elle servira d’école et de mairie. Dès 1844, les travaux de restauration de la maison Dumont commencent. Le 6 octobre, le paiement des frais de l’acte d’acquisition est effectué chez le notaire. Le 22 avril 1845, l’entrepreneur touche 290 f, puis 400 f le 3 août. Le prix total étant de 990 f, il reste à verser 300 f fin 1845. En 1862, cette maison est agrandie puis remplacée en 1914 par une nouvelle école-mairie construite sur un terrain appartenant aux Gourin. L’ancien bâtiment, cédé en 1919 à Eugène Foulard, semble avoir été détruit.
Les textes des délibérations sur cette opération, loin d’être exhaustifs, ne sont pas toujours très explicites. Néanmoins, par recoupement, il est possible de savoir à peu près ce qui s’est passé. Ainsi, le 27 février 1844, lorsqu’en conseil il est demandé de s’imposer extraordinairement pour s’abonner à plusieurs bulletins, collections et dictionnaires pour l’utilité des fonctionnaires municipaux, il est répondu négativement, « attendu que la commune est déjà imposée pour l’achat et réparation d’une école et d’une mairie ».
Louis-René Marcheteau est le maire de la situation. Son action est déterminante dans les moindres détails. Le conseil oblige tous les riverains à refaire les fossés « à vieux fond et vieux rebord qui empêchent l’écoulement des eaux ainsi que de faire élaguer les arbres et arbustes qui gênent lesdits chemins. Autorise le maire à prendre un arrêté qui oblige les riverains desdits chemins à les refaire même depuis 20 ans ».
En 1846, à l’approche des vendanges, la municipalité défend à toute personne, de quelque âge que ce soit, d’aller à l’herbe dans les vignes non closes sur la commune. Défense également de s’introduire après le soleil couchant dans les sentiers autres que ceux indiqués au tableau des chemins vicinaux. Il est aussi défendu à tout propriétaire de chiens de les laisser s’introduire dans les vignes. Ceux de berger, destinés à la garde des moutons, devront avoir, attaché au cou, un morceau de bois de cinquante centimètres de long et pesant un kilo.
Les travaux du chemin de grande communication n° 27 stagnent depuis dix ans car les fonds départementaux ne sont pas toujours versés. La route doit pourtant être achevée à la fin de l’été 1847. Les crédits municipaux votés à cet effet sont donc inutilisables tant que l’apport financier du Département ne donne pas les moyens de réaliser le revêtement du soubassement préparé localement. Le sous-préfet propose à la commune d’employer les prestations communales en nature de 1847 à d’autres opérations.
Cet arrêt du chantier de la grande route tombe mal car il semble urgent de faire travailler un certain nombre de miséreux qui n’ont pas de travail. Une imposition foncière extraordinaire est alors créée pour apporter soutien aux indigents de la commune. Elle sera supportée au marc le franc par tous les contribuables dont l’imposition foncière dépasse 40 f. Cette mesure doit procurer 500 f et une commission est nommée pour faire la répartition des secours [444].
Les notables proposent d’employer vite la somme à ouvrir un chantier de charité pour commencer immédiatement les travaux et faire travailler les malheureux de la commune.
Ce recours perpétuel de la commune à l’imposition extraordinaire est une façon déguisée de récupérer de l’argent sur les deux ou trois gros propriétaires locaux. De Charnières supporte à lui seul 50 % de ces suppléments.
Pour utiliser les 932 f de prestations votés en 1847, il faut encore faire appel à ce procédé pour la construction d’une partie du chemin vicinal n° 3 du Monis à l’église et du chemin vicinal n° 7 du « Hameau de Bray » au carrefour de la Vouie. Ces deux chemins ouvriront des communications vers Doué, les Verchers, Bouillé, Argenton-l’Église, Vrines et Thouars.
Si cette imposition spéciale est de 10 centimes par franc, on obtiendra environ la somme de 3057 f qui, ajoutée aux 805 f provenant de souscriptions et aux prestations en nature de 932 f, donne 4794 f.
Malheureusement, vu les difficultés, les travaux sur les chemins 3 et 7 sont annulés provisoirement le 15 mai 1847.
En même temps, certains propriétaires du canton de Grenouillon réclament incessamment le pendant des terrains à céder pour l’élargissement de la voie n° 27 auquel 175, 49 f peuvent être alloués.
Malgré les difficultés, le curé Reine, président de l’association de bienfaisance, continue son action sacerdotale au rythme des sacrements et des fêtes. Le 20 mai 1848, il conduit ses paroissiens en procession jusqu’à l’église des Verchers pour leur faire recevoir le sacrement de confirmation qui leur a été administré par l’évêque du diocèse. On se souvient qu’en 1840 la confirmation avait été donnée à Saint-Macaire.
Parallèlement, lui aussi poursuit ses grands travaux, par petites touches, selon l’état de la trésorerie de la fabrique. Le 23 septembre 1848, il fait terminer le pavage commencé côté est autour de l’église paroissiale « dans toute la partie du sud et jusqu’au bas de la place qui est à l’ouest devant l’entrée principale de cette église ».
Puis, en octobre 1849, il s’attaque aux fenêtres dont l’église était complètement dépourvue du côté nord. Toujours avec le consentement de la fabrique, trois croisées sont ouvertes, l’une dans la chapelle Saint-Jean, les deux autres dans la nef.
Enfin, à chaque année suffit sa peine, il fait placer, en 1850, de nouveaux fonts baptismaux en marbre noir près de la grande porte, à gauche en entrant. Ces fonts, payés 90 f, ont été posés par le même marbrier de Saumur, Guichard, qui, dix ans auparavant, avait vendu et installé le grand autel et le petit bénitier en marbre.
Lors des municipales du 22 octobre 1848, il y a une forte concurrence entre Marcheteau, maire sortant de la Monarchie de Juillet, et Louis Alleaume, divers gauche, qui obtiennent six voix chacun. Au lieu de recourir à un nouveau scrutin, ils sont départagés au bénéfice de l’âge. Marcheteau est proclamé maire à l’ancienneté.
200 f sont finalement disponibles pour les chemins vicinaux. Ce sera insuffisant pour les n° 3 et 7, mais plusieurs petites voies, à vocation agricole, pourront être réaménagées : le chemin des Malpognes, celui des Ajoncs à la Planche, de l’Humeau de Bray à Argentay, de la Minauderie à la grand route, du Bourg à la grand route et des Bouchettes à la Lande.
Le village macairois est maintenant tout occupé à survivre et à mettre ses mauvaises terres en valeur. Un XIXe siècle plus calme permet lentement à la vie rurale de reprendre ses droits après ce dur épisode révolutionnaire. Les habitants conservent cependant la forte connotation républicaine qu’ils ont démontrée, s’accommodant tant bien que mal de la Monarchie de Juillet, acceptant le même maire pendant la IIe République et René Champion au Second Empire.
En tout cas, les Macairois savent s’adapter rapidement à tous les régimes. Un rapport du sous-préfet Boby de La Chapelle de 1850 signale que la population de Saint-Macaire, comme celle du Puy et du Vaudelnay, « est exclusivement bonapartiste et qu’elle s’est portée en masse à Saumur lors du voyage du Prince-Président ».
Les Macairois ont beau bouder quelque peu l’église et les sacrements à l’arrivée du curé Reine, son action pastorale finira par être bénéfique. Si l’on considère comme baromètre les quêtes annuelles pour le séminaire, qui ne produisaient que 12 à 13 f en 1844 lors des débuts de Reine, on s’aperçoit qu’elles rapportent déjà plus du double en 1860, avec 32 f[445]. Le curé Tranchant, pourtant détracteur de son prédécesseur Reine, avance même, en 1872, que les trois-quarts de la population assistent à la messe du dimanche.
Les affirmations de Tranchant sont cependant nettement contredites par les Visites Episcopales de 1892 et 1893 dont les bilans ne donnent que cent à cent-cinquante assistants réguliers à la grand-messe. Autre écart encore plus conséquent, sur les 570 habitants de 1893, le curé Honoré ne peut se prévaloir que de 80 à 90 communions pascales pour lesquelles Tranchant, optimiste, alignait le quart des hommes et les trois-quarts des femmes en 1872.
Le Conseil Municipal décide de supprimer le ban des vendanges en 1849. Les viticulteurs accueillent la bonne nouvelle avec satisfaction. Chaque propriétaire de vignes non closes pourra désormais vendanger quand il le jugera nécessaire. Il en coûtera aux grappilleurs et aux gens qui dépouilleraient les feuilles une amende de 3 f. S’ils refusent de payer, ils seront traduits devant le juge de paix.
Les prestataires qui vont faire les charrois se plaignent de la mauvaise direction et de l’éloignement des matériaux qu’ils doivent transporter sur les chemins de grande communication et vicinaux. En conséquence, le Conseil propose d’acheter sur la commune de Bouillé 12 ares de terrains caillouteux dont la distance est plus rapprochée et le chemin plus praticable.
Pour l’élargissement de la voie de grande communication n° 27, 144 parcelles appartenant à huit propriétaires sont acquises par la commune le long de la chaussée, dont la contenance totale est de 56 a 76 ca pour un prix total de 1689, 30 f.
Madame Cator avait demandé dans son testament que quatre services religieux annuels soient célébrés dans sa chapelle de Brignon qu’elle a léguée à l’hospice de Montreuil-Bellay et pour l’entretien de laquelle elle avait offert 3000 francs. Une formalité est cependant nécessaire à cet effet. Il convient, sur demande de l’Évêque, que cette chapelle possède le titre d’oratoire. Le Conseil Municipal, chargé de donner son avis sur la question, n’y voit aucun empêchement et lui accorde sans difficulté ce statut. Les quatre messes pourront y être régulièrement dites par Reine [446].
En 1851, le Conseil et de Charnières se mettent enfin d’accord sur l’échange des divers chemins vicinaux de la forêt de Brignon contre les bordures forestières de la grande route n° 27. La commune donne 1 ha 82 d’allées forestières qui se décomposent ainsi : le chemin du carrefour de l’abbaye de Brignon à la Verderie, celui de la Verderie au bois des Friches pour moitié, celui de la Verderie à la pièce de la Grange aussi pour moitié, celui du chêne de la Herse à la Garenne de Ferrières, et enfin un autre chemin appelé le chemin du vieux Coudray.
Pour sa part, de Charnières rétrocède 1 ha 26 sur les bords de la route. Il y a donc une différence de 56 ares fournis par la commune en plus.
Si le conseil, en accord avec de Charnières, accepte de ce dernier 200 f pour ces 56 ares supplémentaires, en fait, cette somme n’est pas un calcul du prix de l’are. Elle représente la différence entre les deux estimations des valeurs des terrains. Les lisières abandonnées par de Charnières sont estimées 15 f l’are, 1890 f au total. Les chemins laissés à de Charnières par la commune ont des valeurs diverses, de 5 à 10 f l’are, et donnent 2090 f au total [447].
Tous les autres chemins vicinaux compris dans la forêt seront la propriété de M. de Charnières. En outre, M. de Charnières s’engage à faire tracer un chemin dans le Bois-l’Abbé avant que les autres ne soient interdits.
Les 200 f seront employés sur le chemin vicinal du village de Chambernou à Champtrouvé passant près de la ferme de l’abbaye de Brignon [448].
Et Reine continue son bonhomme de travail de fourmi avec les moyens du bord. Il fait restaurer le confessionnal dont la construction remonte à 1740, adapte un abat-voix et une porte à la chaire qui remonte au moyen-âge.
La mort, la sécheresse ponctuent la vie des Macairois. Ils s’en retournent à la fontaine de Saint-Francaire dans le souci de faire pleuvoir : « Le quatrième jour de mai 1852, nous curé soussigné avons fait une procession à la fontaine Saint-Francaire située paroisse de Cléré à la distance de deux myriamètres de l’église de Saint-Macaire. Nous sommes partis à 5h 1/2 du matin avec une grande partie de nos paroissiens auxquels s’étaient réunis plusieurs personnes des paroisses voisines – réunion qui pouvait porter à 700 le nombre de ceux qui faisaient partie de la procession. M. le curé de Cléré qui revêtu de ses ornements était venu au devant de nous, nous a reçu dans son église, puis après une station d’une demi-heure dans cette église, nous a fait l’honneur de nous accompagner à la fontaine Saint-Francaire où, prosternés, nous avons demandé au seigneur par l’intercession de ce saint la cessation de la sécheresse [449]. Après la cérémonie religieuse au pied de la croix qui surmonte la fontaine, nous sommes revenus processionnellement à Cléré où nous nous sommes reposés une heure, après laquelle nous avons fait une nouvelle station paroissiale puis nous nous sommes mis en marche pour le retour, accompagnés par M. le curé de Cléré qui avant de nous quitter a reçu nos félicitations et nos remerciements de la réception honorable qu’il nous avait faite. Nous sommes revenus à 6 heures du soir. Le 6 octobre 1832 nous avions fait une semblable procession pour la même cause ».
Le cimetière, autour de l’église, est devenu trop petit. Des tombes à peine vieilles de cinq ans doivent être à nouveau remuées pour accueillir les derniers trépassés. En effet, auparavant, tout un chacun avait droit au cimetière sans limitation de prix ou de rang. Pour cette raison, la municipalité décide en 1852 de faire payer dorénavant aux familles les concessions futures ainsi que celles dont les morts sont ensevelis depuis cinq ans. Les tombes plus anciennes et celles pour lesquelles on aura refusé de payer seront libérées.
Il y aura trois classes de concessions dans le temps : à perpétuité, trentenaire et temporaire de quinze à dix ans. À cela, s’ajoutent six choix de surface allant de un à six mètres carrés. Aussi les tarifs envisagent-ils dix-huit possibilités de panachage. Les prix vont de 16 f pour un emplacement d’un mètre carré valable 10 ans à 400 f pour une concession de six mètres carrés à perpétuité.
Il existe toujours des pauvres sur la commune. Le bureau de bienfaisance placé sous la présidence du maire est chargé de les aider grâce à une imposition extraordinaire d’un centime par franc prélevée sur quatre impositions directes. Mais les personnes indigentes n’ont besoin de secours qu’en cas de maladie car leur travail journalier suffit généralement à leurs besoins ordinaires.
En 1852, des travaux sont entrepris à l’école pour la construction de latrines et d’un mur de séparation entre les deux cours de récréation.
En mai 1853, une somme de 124, 92 f est réclamée par le Département pour la réparation des fusils qui avaient été confiés en 1831 à la garde nationale de Saint-Macaire [450]. Le Conseil municipal assure que les fusils ont été rendus en bon état à Angers, qu’ils n’ont donc pas été détériorés lorsqu’ils étaient aux mains des gardes nationaux et que cette dépense représente une charge indûe pour la commune. Le Conseil refuse de payer la somme demandée.
Reine est encore à la fête le mardi 14 juin 1853. En effet, « Mgr Guillaume Louis Laurent Angebault, qui devait dès la veille de ce jour, nous faire jouir de son auguste présence, est arrivé sur les 8 h du matin à notre presbytère dont nous nous trouvions absent à cette heure, étant allé processionnellement avec tous nos paroissiens au devant de notre vénérable évêque jusqu’au milieu de la forêt de Brignon à un demi-myriamètre de notre église. Aussitôt qu’il nous eut été donné avis de l’arrivée de sa grandeur, nous sommes revenus à Saint-Macaire où Mgr nous exprima ses regrets de l’embarras que nous avait causé un malentendu qui lui avait fait prendre une route différente de celle où nous devions le trouver, n’ayant pu, disait-il, arriver la veille à cause du mauvais temps et de la longueur des chemins car ces difficultés lui avaient fait parcourir plus de cinq myriamètres pour venir nous visiter et administrer le sacrement de confirmation à nos paroissiens, à ceux des Verchers, du Puy-Notre-Dame réunis dans notre antique église ».
Le premier septembre 1856, le curé, qui affirme avoir terminé la clôture du cimetière de la paroisse et avoir fait poser des portes aux deux ouvertures, annonce qu’il est possible de s’appuyer sur l’alignement des murs pour commencer les travaux d’une grande route qui les longe [451].
Mais, une partie de la grande route n° 27, dans la traversée de la forêt entre le village de Chambernou et les limites de la commune avec Nueil, n’est toujours pas terminée…
FIN DE AUTOUR DE BRAY
ANNEXE I : Église et cimetières.
ANNEXE II : Gallia Christiana.
ANNEXE III : Testament de Renée du Plantis.
ANNEXE IV : Aveu de Brignon.
ANNEXE V : Morts et moyennes d’âge de mort.
ANNEXE VI : Ragot de Bray.
ANNEXE VII : Foyers mentionnés entre 1768 et 1778.
ANNEXE VIII : Vendanges.
ANNEXE IX : Métiers cités.
ANNEXE X : Les chemins existent encore
ANNEXE XI : Testament de M. de Saint-Macaire, 19 mars 1694.
ANNEXE XII : État de la seigneurie de Saint-Macaire en 1711.
ANNEXE XIII : Morts de l’épidémie de 1740.
ANNEXE XIV : Vente nationale de Bray (19 juillet 1796).
ANNEXE XV : Démographie à Saint-Macaire.
ANNEXE XVI : Propriétaires les plus imposés en 1830.
ANNEXE XVII : Réfugiés de 1794 à Saint-Macaire.
ANNEXE XVIII : Notes du Curé Reine.
VIIIe : Construction de l’église de Saint-Macaire.
IXe : Incendie par les Normands.
XIIe : Reconstruction de l’église.
1569 : Incendie de l’église par les Huguenots.
1600-1610 : relèvement des églises pillées par les Huguenots (Brossay, 1608), celle de Saint-Macaire l’aurait été dès 1569. « Le toit actuel de l’église fut réparé sur un plan bien inférieur au premier en 1569 peu avant la célèbre bataille de Moncontour sur Dive » (NDCR, annexe XX). M. Houet pense que ce fut en 1570 (EAMH). En tout cas, la contestation de la famille Ayreau, déposée en décembre 1617, nous en confirme la reconstruction par les paroissiens en l’absence de seigneur. Donc nouvelle consécration. L’argent est donné par le seigneur, les moines locaux et parfois les paroissiens riches.
1652 (10 déc.) : « Visite de l’église de Saint-Macaire qui est bien en ordre [452]. »
1653 (25 août) : « Visite de l’église de Saint-Macaire. Claude Bertrand, ci-devant vicaire de défunt messire Michel de Moran curé du présent lieu décédé le 5 juillet est maintenu dans les fonctions pendant la quarantaine de service qui appartient à l’Archidiacre. Le Saint-Sacrement est conservé dans un petit ciboire d’étain, les fonts sont en assez bon état. Il n’y a que quelques ornements, un calice et une croix d’argent, plus un chestif missel. La fabrique vaut 20 livres et il y a 3 ans, Matthias Regnard, procureur fabriqueur, la tenait à 25 livres et doit rendre compte de 3 années. À l’instant est intervenu maître Jean de la Ville, prêtre, lequel nous a déclaré avoir été pourvu de la dite cure ou doyenné de Thouars au Saint-Macaire [453] par la mort dudit de Moran, comme gradué nommé par messieurs du chapitre de Saint-Pierre, le siège vacant dont il nous a requis le présent acte dans notre procès-verbal. Et ledit Bertrand nous aurait requis ordonnance au fermier dudit Saint-Macaire pour être payé du service, tant pour le passé que pour l’avenir et présentement dudit mois, auquel nous avons taxé 3 livres par semaine tant pour le service que pour l’entretien du luminère et autres choses nécessaires. J. de la Ville, prêtre doyen de Thouars, Bertrand [454]. »
1659 (15 sept.) : « Visite en présence du vicaire Thomas Riou qui est actuellement seul chargé du service. Il ne connaît rien de nouveau à l’exception d’un autel nouveau. Les ordonnances et statuts du diocèse sont observés [455]. »
1664 (7 nov.) : « Le curé Jacques Robin est absent. C’est toujours le même vicaire. Le Saint-Sacrement est conservé dans une custode d’argent placée dans un tabernacle vermoulu et si petit qu’elle y peut à peine tenir, les saintes huiles dans un petit vase fort noir [456]. »
1666 (18 juin) : « Même état des choses. Bien que Thomas Riou ait été nommé vicaire perpétuel, depuis plus d’un an par Monseigneur de Poitiers, le doyen de Thouars prétendant que cette cure unie à son doyenné présente un acte dévolutoire sous prétexte qu’il donne 200 livres de portion congrue et le logement audit sieur Riou. D’après celui-ci, il y a 500 communiants dans la paroisse. Les villages sont à une demi-lieue de l’église et il y a une première messe dite par un prêtre nommé Charles Villain, habitant le Puy-Notre-Dame et qui ne vient que pour cette messe. D’ailleurs les curés eux-mêmes ne résident point davantage [457]. »
1734 (30 jan.) : Croix de mission dans le cimetière (Collin). (RPSM). Sans doute est-ce le rétable actuel surmonté de deux niches avec une colonne à chapiteau corinthien sur sa partie inférieure.
1740 : Nouveaux fonts-baptismaux et nouveau confessionnal (Collin). (RPSM)
1746 (2 oct.) : Bénédiction du cimetière profané (Collin). (RPSM)
1752 (2 juin) : Bénédiction d’une croix hosannière dans le cimetière. (RPSM)
1755 : Bénédiction de la petite cloche Marie Angélique, fondue par Rigueur, marraine Marie Angélique de la Porte veuve de Guy de Gencian et parrain Louis Péan, curé de St-Mac. (RPSM)
1806 : Les stalles du chœur proviennent de la vente du mobilier de l’Église Saint-Pierre des Verchers. (NDCR)
1827 : La cure actuelle est construite. (RDC)
1838 (5 août) : Nouvelle sacristie (Reine). (NDCR)
1840 (11 mai) : Pose d’un grand autel et d’un bénitier en marbre noir (Reine). (NDCR)
1840 (23 mai) : Enlèvement de deux chênes de l’éperon S-O de l’église (Reine).
1840 (premier juin) : Visite de Mgr Paysant, Confirmation.
1841 (27 juil.) : Déplacement de l’autel Sainte-Emérance (Reine).
1843 (23 déc.) : Nouvelle sainte Table en fer (Reine).
1844 (16 avr.) : Ouverture et vitrage de la croisée murée au sud de l’église (Reine).
1848 (23 sept.) : Fin du pavage autour de l’église (Reine).
1849 (12 oct.) : Percement de trois ouvertures au nord de l’église (Reine).
1850 (10 juil.) : Nouveaux fonts-baptismaux en marbre noir (Reine).
1851 (22 août) : Placement de gouttières sur les deux longueurs du toit de l’église (Reine).
1853 (14 juin) : Visite de Mgr Angebault, Confirmation (Reine).
1854 (mai) : Bénédiction de la grosse cloche Louise Clémence faite par Guillaume Choyer d’Angers, marraine Louise Clémence de Charnières et parrain Nicolas Guéniveau de La Raye (Reine).
1856 (premier sept.) : Clôture du cimetière par Reine et début de la route qui le longe.
1870 (27 fév.) : Restauration du chœur de l’église (Tranchant).
1870 (12 juin) : Nouvelle sainte Table en plâtre (Tranchant).
1871 (2 avril) : Nouvelle relique de la sainte Croix (Tranchant).
1871 (16 avril) : Nouveau chemin de Croix (Tranchant).
1872 (9 mai) : Nouvelles statues du Sacré-Cœur et de Sainte-Némoise (Tranchant).
1873 (31 déc.) : Entourage, par une grille, des fonts-baptismaux (Tranchant).
1874 (18 oct.) : Bénédiction de la nouvelle croix du cimetière (Tranchant).
1874 (8 nov.) : Nouvelle statue de Saint-Macaire dans l’église (Tranchant).
1874 (27 déc.) : Nouvelle statue de Sainte-Emérance dans l’église (Tranchant).
1877 : D’après Célestin Port, « l’église présente une nef unique à deux travées, voûtée de bandeaux saillants d’ogive avec arcs doubleaux. La retombée des arceaux du transept porte sur des chapiteaux romans à têtes grotesques du XIIe. Une large fenêtre ogivale à double meneau trilobé éclaire le fond du cœur récemment restauré et qui se prolonge extérieurement en pignon. Le portail est de façon moderne ; mais on voit encore aux murs latéraux le petit appareil de moëllon irrégulier, avec une fenêtre romane du XIe. Sous le confessionnal, la pierre tumulaire avec épitaphe de M. de Bucy [458], sieur de Fontaine et de Maison-Neuve, mort en 1615. Dans le chœur, une annonciation du XVIIe, curieuse par sa naïveté et le ton vif de son coloris et un Martyre de Sainte-Emerance. Le clocher, avec tourillon carré d’escalier en colimaçon, conserve une cloche fondue, comme l’indique une inscription, par Rigueur en 1765 [459]. Dans le cimetière y attenant, est recueillie une statue de Vierge du XVIIe, autrefois logée dans un arbre de la forêt de Brignon. Le presbytère a été acheté par la commune autorisée d’une ordonnance du 27 oct 1824 [460]. »
1880 (26 sept.) : Bénédiction du nouveau cimetière situé au Champ de Saint-Macaire.
1890 : Agrandissement de la sacristie (Honoré).
1909 : Renouvellement des tentures du chœur.
1914 : Nouvelle chaire en chêne sculpté.
1915 : Incendie de la crèche et de l’autel. Inondation de l’église.
1922 : Remplacement du parquet par un dallage en chaux et ciment et renouvellement des bancs fabriqués à Doué.
1923 : Réparation de la cloche Marie-Angélique fêlée sur 1cm x 10 cm.
1926 : Incendie à la cure.
1926 : Nouveau vitrail Saint-Jean et placement d’une statue de Sainte-Thérèse.
1928 : Ravalement des murs extérieurs et réparation de la toiture.
1930 (janvier) : Placement d’une statue de Sainte-Anne et nouveau vitrail représentant la Vierge.
1931 (19 avril) : Bénédiction d’un nouveau vitrail dans le chœur représentant la remise des clefs à Saint-Pierre.
1934 (25 déc.) : Bénédiction d’une statue de Sainte-Bernadette.
1937 (premier août) : Bénédiction et pose d’une statue de Saint-Michel au-dessus de la porte d’entrée de l’église.
1996 : La dernière édition 1996 du DHGBML donne une version différente de celle de Port :
« L’église est un édifice du XIe s. aux murs latéraux en petit appareil irrégulier montrant encore, du côté nord, les vestiges de deux petites fenêtres pré-romanes remplacées par des baies en plein cintre au XVIe s. D’importants travaux la modifièrent au XVe s. avec la construction des voûtes de la nef, des transepts et du chœur, nécessitant la surélévation des pignons. De ce temps date le portail principal, surmonté d’une belle accolade fleuronnée, ainsi que la grande fenêtre à double meneau trilobé du chœur. Seules les portes des transepts sont du XIXe s. À gauche du portail, l’ancien clocher carré, arasé, contient l’escalier. Il a été remplacé par un petit beffroi d’ardoise, au-dessus de la nef. Brûlée par les huguenots à l’époque de la bataille de Moncontour, l’église, conservant ses hauts pignons, vit remplacer sa toiture à fortes pentes par un toit plat de tuiles rondes, nécessitant, en raison des voûtes, l’exhaussement des murs latéraux : en réemploi s’y aperçoit dans le mur nord une pierre sculptée montrant un ange et, dit-on, Saint-Macaire (ou peut-être l’Annonciation ?). Intérieurement se remarquent, au-dessus du portail, un écusson effacé et un autre, échiqueté, de la famille de Sanzay. Dans le chœur, jolie piscine XVe s., où a été déposée une statuette mutilée, en pierre. Dans le transept droit, pierre tombale de Monique Rigaud, veuve de Claude de Bussy, Sr des Fontaines et de Maison-Neuve, morte le 30 déc. 1659. Les vitraux, de style XIXe s., sont signés Desjardins, Angers, 1929-1931 : le vitrail de la Sainte Vierge fut bénit le 7 mars 1930, en même temps que la statue de Sainte-Anne ».
Abbatia B. M. de Sede Brignoni
Situm est hoc cœnobium inter Thoarcium et Monsteriolum-Berlayi, in valle pingui et fatis amœna, in finibus pagorum Andegavensis et Pictavensis auctoremque agnoscit Berlayi Dominum ex sequentibus litteris : « Ego Giraudus Berlay ob salutem animae patris mei et aliorum parentum meorum, concedo fratribus de Absia in presentia domini Petri primi eorum abbatis, totum planum, vel ut vulgo dicitur, totum guastum quod modo est, vel in posterum erit in bosco meo qui appellatur Brignum, in quocumque loco ipsius nunc est vel, ut diximus, in futurum erit, ut habeant et possedeant quiete et libere et caetera… Hoc donum in presentia domini Guillelmi Pictaviensis episcopis coram clericis fuis qui cum eo erant, et coram priore ipsisus loci, et monachis fuis. Haec sunt nomina testium, dominus magister laurentius qui rogatu meo hanc chartam dictavit, magister Arnaudus Episcopi cancellarius, Guillelmus de Mortemer, Ugo prior de Morrone, Giraudus de Ardena, Gaufridus Gallono. Elapso autem postea multo tempore ego Giraudus Berlayi addidi praelibato dono prata mea in vado de Sanzay, testibus Rainerio Abbate Absiae, Guillelmo abbate Carpiniaci, Joanne primo abbate Brinii. »
Deinde Berlaius Monsterioli dynasta fundationem patris Giraudi confirmavit. Itaque Giraudus primum cessit silvam de brignon abbati et monachis Absiae, tumque ipso Giraudo promittente se huic dono de redditibus suis tantum additurum, quo in ibi abbatia Deo finente construi posset, consensit Petrus Absiae abbas, ut novum ibidem construeretur monasterium. In absidis fornice hactemus visuntur gentilia flemmata dynastorum Thoarcii, Lesignacii, Montis-Beroni, Argentonensium, Chabotorium et caetera… quod nonullis persuasit gentes illas nobiles hoc olim cœnobium accessisse beneficiis.
Abbates
I Johannes in litteris Giraudi commemoratus, primus abbas fuit, quem a Rainerio Absiae tertio abbate prafectum fuisse huic monasterio regendo legimus.
II Jostenus, idem fortasse qui Rainerio successit in Absiae regimine, habuit controversiam cum Berlayo Monsterioli domino, Giraudi filio, quam Willelmus Pictaviensis et Radulfus Andegaviensis episcopi tanquam arbitri fuerunt.
III Antonius Heronymus Boyvin de Vaurouy, doctor theologus, canonicus et cantor sacrae capellae Paris hujus loci est abbas commend. ab anno 1694 quo nominatus fuit a Rege in natali domini.
Le 11 juin 1584, Renée du Plantis, épouse de René de Sanzay, seigneur de Saint-Macaire, libelle ainsi son testament :
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il. Sachent tous qu’en la cour du Roy notre Sire et de Monseigneur Duc d’Anjou à Angers, pardevant nous Jean Bardin notaire juré d’icelle, a été présente et formellement établie haute et puissante dame Renée du Plantis, dame dudit lieu des Marchais, Vauchrétien, Cossé, La Bruère, La Planche et Soullonge, demeurant au dit lieu château et maison seigneuriale des Marchais, paroisse de Faye sous Thouarcé, veuve de feu haut et puissant seigneur messire Duc Comte de Sanzay, en son vivant chevalier de l’ordre du Roy, messire gentilhomme ordinaire de sa chambre, gouverneur et lieutenant général pour sa Marche dans sa ville et château de Nantes en Bretagne, soumettant elle, ses héritiers et ayant cause à vie tous et chacun ses biens meubles et immeubles présents et à venir quels qu’ils soient à pouvoir ressort et juridiction de la dite cour, quant à elle, étant saine de corps et d’esprit et entendement comme elle nous l’a dit et rapporté et qu’il nous est apparu par l’inspection de sa forme, confesse de son bon gré, pure franche et libérale volonté sans aucune contrainte ni forcement avoir fait et par ces présentes fait et ordonne son testament et dernières volontés telles dans la forme et manière qui s’ensuivent :
En premier, elle recommande son âme à Dieu et à la glorieuse vierge Marie et tous les saints et saintes du paradis, item veut et ordonne par les dites présentes la sépulture de son corps être faite en l’église du couvent des Jacobins de la ville d’Angers et dans icelle son dit corps être porté de la dite ville par six pauvres revêtus chacun d’une robe de drap noir qui leur sera donnée à vie, vingt écus aussi à chacun et autour de son dit corps et conduite d’icelui être portées cinq torches de cire ardentes par cinq pauvres qui seront aussi revêtus de chacun une robe de drap noir qui leur sera pareillement donnée à vie, aussi à chacun vingt écus, qu’assisteront processionnellement les religieux mendiants des quatre couvents de la dite ville d’Angers à chacun desquels couvents sera aussi donné vingt écus et, entrant son dit corps en la dite église, les dits religieux de chacun des dits couvents diront et chanteront à haute voix par cinq fois O CRUX AVE SPES UNIQUA et le reste de la dite hymne et chanson et assisteront aux vigiles et grandes messes et litanies qu’elle ordonne être dites et chantées dans la dite église ayant chacun des dits religieux une chandelle blanche ardente durant le dit service de chacun deux sous pièce et tous prieurs qui se trouveront dans la dite église diront messe pour le remède de l’âme de la dite dame et de ses parents et amis trépassés près le corps ou fosse d’icelle et, à la fin de chacune des dites messes, les dits prieurs diront De Profundis et vingt Libera Me et autour du dit corps seront mis cinq cierges de cire blanche ardents et deux sur le grand autel, chacun d’une livre, et au jour de son service qui sera fait huit jours après avoir été fait tel et pareil service et luminaire que dessus, veut et ordonne être dits et célébrés dans la dite église des Jacobins où sera la sépulture de la dite dame trois annuels et consécutifs et deux autres aussi consécutifs dans l’église paroissiale de Sainte-Christine où est située la dite terre du Plantis et vingt autres dans l’église de Boisse, paroisse de Sanzay qui seront commencées le lendemain du dit service et que le jour de sa dite sépulture soient donnés vingt sous à chaque pauvre qui se présentera pour recevoir la dite aumône et pareille aumône être faite et donnée le jour du dit service et au bout de l’an, à pareil jour de sa sépulture, qu’il soit dit vigiles et trois grandes messes et qu’elles soient continuées à tous moments à pareil jour dans la dite église des Jacobins, aussi veut et ordonne la dite dame que le service anciennement ordonné et qui avait à continuer d’être dit dans la chapelle du château et maison seigneuriale des Marchais, soit dit fait et célébré et continué à l’avenir comme il était du temps de défunts messire Jacques du Plantis et dame Françoise de Cossé, vivants sieur et dame du dit lieu et que les autres rentes et revenus qui auraient été donnés et ordonnés pour la fondation d’icelui service soient retirés et rétablis pour l’entretien d’icelui et autre être donné payé et baillé au dedans de l’an de sa sépulture à vingt pauvres filles à marier qui se soient bien portées et gouvernées, à chacune six écus deux livres pour aider à les marier à la charge de prier Dieu pour le remède de son âme et de ses parents et amis trépassés lesquelles filles seront choisies et élevées par deux débiteurs ou par trois d’iceulx.
Item veut et ordonne que ses demoiselles servantes qu’elle aura lors de son décès et autres qu’elle aura eues auparavant soient payées et satisfaites de leur service si fautes n’ont été, et outre leur service dû, qu’il leur soit payé et baillé à chacune huit écus et aussi qu’il soit pareillement payé et baillé à Michel Boussion demeurant à la Basse-Cour du Plantis ou à ses héritiers la somme de trente trois écus lesquelles sommes la dite dame a donné et donne aux susdits et veut leur être payées dedans l’an de son décès.
Item pour la décharge de sa conscience et à l’augmentation et confirmation de sa maison et pour plusieurs considérations à cela menant et parce que très bien lui a plu et plait a donné cédé et transporté par ces présentes donne cède et transporte à messire Christophe et Charles de Sanzay chevaliers de l’ordre du Roi sieurs de Saint-Macaire et d’Ardannes ses enfants puînés et du dit défunt de Sanzay son mari absent, nous notaire stipulant et acceptant pour eux et pour leurs héritiers et ayants cause du tout dès maintenant et à présent et à toujours mais perpétuellement par héritage pour eux leurs héritiers et ayants cause la tierce partie de tout et chacun ses biens immeubles et héritages patrimoine et matrimoine qu’elle a à présent et aura lors de son décès comme s’ensuit quelque part qu’ils soient situés et assis sans aucune chose de la dite terre partie des dits biens immeubles et héritages rien excepté retenir une réserve par la dite dame, c’est à savoir au dit Christophe de Sanzay la somme de deux cent trente et trois écus un tiers évalué pour la somme de sept cents livres tournoi de rente et revenu annuel pour assiette de la dite rente assise et assignée spécialement sur sa terre fief et seigneurie du Plantis et ses appartenances et dépendances, veut et consent la dite dame que le dit Christophe de Sanzay jouisse de la dite terre du Plantis jusqu’à la concurrence de la dite somme de sept cents livres de rente ou revenu annuel par chaque an après la mort et décès de la dite dame, de la propriété de laquelle terre et seigneurie du Plantis fief et appartenances d’icelle jusqu’à la concurrence de la dite somme de deux cent trente trois écus un tiers et valeur d’icelle par chaque an à perpétuité pour tout ce que le dit Christophe de Sanzay pouvait prétendre et demander en la dite tierce partie des biens de la dite dame, icelle dame s’en est dévêtu et désaisi s’en démet et désaisit par ces présentes et en a vêtu et saisi le dit Christophe de Sanzay et s’en est constitué et constitue usufruitement lequel usufruit elle a retenu et retient pour en jouir sa vie durant seulement et pour le regard du surplus de la dite tierce partie de ses dits biens immeubles et héritages veut consent et entend que le dit Charles de Sanzay en jouisse aussi après le décès de la dite dame de la propriété de laquelle elle s’est aussi dévêtue et en a vêtu le dit Charles et en a retenu et retient l’usufruit pour en jouir semblablement sa vie durant seulement et au cas de décès de l’un des dits Christophe ou Charles sans héritier légitime de leur chair, la dite dame veut et ordonne que le survivant d’eux jouisse de tout le dit tiers et clauses par elle ci-dessus données aussi à perpétuité comme est dit pour lui ses héritiers et ayants cause et aussi au cas que les dits Christophe et Charles décédassent sans enfants légitimes a la dite dame donné et donne à ses autres enfants puînés le dit tiers ci-dessus de ses dits biens pour en jouir par eux leurs héritiers et ayants cause à perpétuité comme dit et ainsi l’a voulu consenti et accordé la dite dame ce que a été par nous notaire stipulé et accepté pour les dits Christophe et Charles de Sanzay et autres ses enfants puînés comme dit absents et pour leurs héritiers et ayants cause et pour l’exécution de son présent testament a nommé et élu, nomme et élit et ordonne la dite dame chacun des dits Christophe, Claude [461], Charles, Anne de Sanzay chevaliers de l’ordre du roi sieurs de Saint-Macaire, Cossé, Ardannes, Maignannes ses enfants messire Pierre de Bruslon Baron de la Musse seigneur de Beaumont son gendre, et honorable homme messire René Oger sieur de la Guérillère, Prigent Rouard sieur du Fresne et messire Gilles Bariller sieur du Perrin [462] demeurant à Angers et chacun d’eux elle veut et prie en vouloir prendre le fait et changer et icelui présent testament exécuter de point en point et d’article en article selon et ainsi qu’il est porté et contenu ci-dessus à quoi faire elle leur a obligé affecté et hypothéqué tout et chacun ses biens tant meubles qu’immeubles présents et à venir auquel testament et tout ce que dessus est dit tenir et accomplir sans jamais y contrevenir en aucune manière par la dite du Plantis ses héritiers et ayants cause garantir par la dite dame les dites clauses données encore que donneurs et donneresses ne soient tenus au garantage d’iceux dont et sur ce garder les dits de Sanzay de tous dommages oblige la dite dame elle ses héritiers biens et clauses présents et à venir pardevant nous à toutes clauses à ce contraires en est tenue la dite établie par la foi et serment de son corps, sur ce par elle donné et juré dont à sa requête et de son consentement nous l’avons jugée et comprise par le jugement et condamnation de la dite cour, fait et passé au dit lieu et maison seigneuriale des Marchais Ravart paroisse de Faye sous Thouarcé en présence d’honorable et discret maître René Duvau prieur, Pierre Ferré soi disant marchand demeurant en la paroisse de Saint-Marsault en Poitou témoins à ce requis et appelés le onzième jour de juin mil cinq cent quatre-vingt-quatre après midi signé en la minute originale des présentes Renée du Plantis René Duvau pour présent et nous notaire soussigné.
S’ensuit la déclaration des lieux et héritages que nous les religieux abbés et couvent de l’Abbaye de Lassée en Brignon fondée en l’honneur de Notre-Dame tenons et avouons tenir de très haute puissante dame Marie de Cossé, Duchesse de la Melleraye, baronne de Montreuil-Berlay et, à l’égard de notre dite baronnie lesquelles choses furent anciennement données par les prédécesseurs de notre dite dame pour la fondation dotation et augmentation de la dite abbaye et premièrement nous nous avouons sujets de la dite dame au divin service, et ensuite à cause de plusieurs terres labourables et non labourables, vignes, bois, taillis et gros bois portant gland et autres bois et saulaies, étangs, pêcheries, garennes à connils, fossés et margières, jardins, ouches, arbres fruitiers et non fruitiers, pâtis et pâturages ainsi que le tout se poursuit et comporte avec ses droits et appartenances étant en gatz au temps de la dite fondation séant près le bois de Brignon commençant au chêne appelé le chêne de Champbernou vers orient et se rendant tout le long du grand chemin vers septentrion au chêne appelé le chêne d’Aulnis et d’iceluy chêne d’Aulnis se rendant au bout du grand chemin de Passavant selon les fossés, en rendant au carrefour de la Pottrie et d’iceluy carrefour allant vers occident le grand chemin à la queue de notre étang de la dite abbaye et d’iceluy étang allant le grand chemin vers midy au chêne de la Herse et dudit chêne de la Herse le long du grand chemin au carrefour du champ au Rétif et dudit carrefour allant vers orient le long du grand chemin au dit chêne de Champbernou lesquelles limitations furent autrefois signées et marquées par signes de croix et au dedans lesquelles confrontations et limitations est le corps de la dite abbaye avec le monastère d’icelle et la métairie appelée la métairie de la Grange et une maison à l’entrée de la dite abbaye qui est du prieuré.
Item deux pièces de bois exploitables appelées les Essarts sis et situés dans le dit bois de Brignon et entourées de tous côtés du dit bois de Brignon proche la lisière du grand champ.
Item les droits que nous avons d’avoir et prendre en les dits bois de Brignon tous les bois nécessaires pour nos maisons gens et dépendances de notre hôtel et tous nos usages nécessaires et de nos serviteurs de notre licence, avec droit de faire paître et pâturer ce qu’il nous plairait et en quel lieu nous voudrions des dits bois de Brignon toutes et chacunes nos bêtes animales, belines, porchines et chevalines et autres sans exception contredit ni empêchement fors et excepté chèvres.
Item avons droit d’avoir et prendre toutes les places vides et en gât étant au dit bois de Brignon et icelles places faire labourer et planter et cultiver si bon nous semble et attribuer à notre domaine et en cas que tout le bois de Brignon serait mort ou en gât et ruine toute la terre en quoi est le dit bois est nous le pouvons et pourrions prendre et nous en saisir et attribuer franchement et quittement sans aucun contredit ny controverse et y planter semer et édifier maisons et y avoir hommes et y faire tout ce que nous voudrions comme en notre propre lieu et domaine.
Item une autre pièce de terre qui anciennement était en gât à présent plantée en vigne appelée le clos de Lassée contenant de douze à vingt journaux [463] d’hommes ou environ joignant vers orient l’étang de la Bournée qui est de la dite abbaye et est à présent en pré, vers occident le chemin du champ au Rétif au carrefour de Champbernou, vers midy le dit bois du champ au Rétif et vers septentrion les prés appelés les petits prés qui appartiennent au prieuré de la dite abbaye lequel clos et vignes tiennent de nous plusieurs personnes au quart et dîme des fruits y croissant rendables au pressoir de la dite abbaye et à la charge d’un denier par journau de vigne payables par les dits tenaciers au garde des bois et vignes de la dite abbaye en écartant les fruits y croissant en vendange.
Item une pièce de terre contenant cinq septrées de terre ou environ plantée en bois et appelée le champ au Rétif joignant vers orient le chemin pour aller du bois de Brignon au carrefour Benoist, vers occident le dit bois de Brignon, vers midy les terres appelées le bois de Sanzay le fossé entre deux, vers septentrion le clos de Lassée.
Item une pièce de terre autrefois plantée en bois à présent labourable appelée le bois de la Bournaye et arrentée au seigneur de la Guéritière aux charges de cent sols à la recette de la dite abbaye et deux chapons au petit couvent de rente noble et féodale au jour de la Saint-Michel contenant six septrées ou environ et toute entourée de fossés joignant d’une part vers orient le chemin du carrefour Benoist à la Minauderie, vers occident le clos de Lassée, vers midy le chemin du bois au Rétif au carrefour Benoist, vers septentrion le pré appelé l’étang de la Bournée.
Item une pièce de pré autrefois en étang et appelée encore à présent l’étang de la Bournaye joignant vers orient le chemin du carrefour Benoist à la Minauderie, vers occident le clos de Lassée, vers midy le dit bois de la Bournaye, vers septentrion les terres de la fresche du Septier de la Minauderie.
Item une pièce de terre appelée les Ribaudes partie plantée en vigne partie en saulaye partie en terre labourable contenant douze septrées ou environ joignant vers orient et septentrion le chemin pour aller de la Minauderie à Bray, vers midy le champ appelé de Moque Chien et autres terres et pâtis de Bray, vers occident le chemin pour aller du carrefour Benoist à la Minauderie.
Item une pièce de terre plantée en bois appelée la bouche à Drouault contenant quatre septrées de terre ou environ arrentée à dix-huit boisseaux avoine de rente noble et féodale payable le jour de la Saint-Michel joignant vers orient le chemin de Champbernou à Ferrières, vers midy le bois de Ferrières, vers occident et septentrion le bois de Brignon.
Item une autre pièce de terre appelée les champs de Chambernou contenant douze septrées ou environ joignant d’une part vers orient le village de la Bournaye, vers occident le grand chemin du carrefour de Champbernou à Ferrières, vers midy les prés du prieuré, vers septentrion le grand chemin de l’abbaye de Brignon au Puy-Notre-Dame.
Item une pièce de pré appartenant au prieuré de la dite abbaye contenant à trois journées d’hommes faucheurs joignant vers orient un pré qui est du petit couvent, vers midy le clos de Lassée, vers occident le chemin de Champbernou à Ferrières, vers septentrion la terre ci-dessus confrontée.
Item une pièce de terre sise à la Barre contenant douze septrées de terre ou environ joignant d’une part vers orient les terres de Monsieur de la Ville à cause de sa femme et des héritiers François Veau, vers occident au champ de la Seigle, vers midy au chemin de Bois-Ménard à Bouchet, vers septentrion les bois de la Lande.
Item une pièce de terre plantée en bois appelée le bois de Faye contenant trente boisselées de terre ou environ joignant d’un côté vers orient le chemin pour aller du chêne de Champbernou à la maison des hoirs François Pirault, d’autre côté vers occident la rangée du bois de Brignon, vers midy le carrefour de Champbernou, vers septentrion l’ouche des Deffays. Le dit bois ci-dessus confronté doit dix-huit boisseaux avoine à la recette de l’abbaye et trois deniers de rente.
Item une pièce de terre contenant quinze ou vingt boisselées de terre appelée l’ouche des Deffays à présent possédée par Mathurin Martin dans laquelle il y a encore un reste de ruine de maison joignant d’un côté vers orient le dit chemin à aller du chêne de Champbernou à la maison des hoirs François Pirault, d’autre côté vers occident le dit bois de Faye ci-dessus confronté, vers midy le dit bois de Faye, vers septentrion le carrefour de Bois-Ménard, la dite ouche chargée de quatorze boisseaux froment de rente noble et féodale.
Item une pièce de terre appelée la Grippe Surdent autrefois plantée en vigne et dans laquelle il y a quelques maisons joignant d’une part vers orient le chemin qui va du bas du village de Champbernou au haut du dit village, vers occident le carrefour de Bois-Ménard, vers midy le chemin pour aller du bois de Brignon aux Monceaux, d’autre côté vers septentrion le chemin à aller de Bois-Ménard à Bouchet.
Item une pièce de terre contenant dix septrées ou environ appelée la fresche des Ageons joignant d’une part vers orient les prés Minaux, vers occident le champ de Ferrières et le clos de Bois-Ménard, vers midy le champ du pré et vers septentrion la garenne de la Lande, doit tous les ans deux douzaines et trois boisseaux froment et deux douzaines et trois boisseaux seigle, deux chapons et dix-huit deniers de cens à la recette de l’abbaye et deux chapons à la recette du petit couvent.
Item les prés de la dite abbaye sur la rivière du Thouet commençant au gué de Sanzay et finissant au gué ou Douet de Taizon.
Item nous est dû par chacun an quinze sols de rente sur la recette du dit lieu de Montreuil-Berlay.
Item nous avons droit d’avoir par chacun an quinze septiers seigle de rente requérable le jour de la Saint-Michel sur la dîme de la Giraudière mesure de Thouars que tient le sieur Joubert de la Noë pour raison de laquelle nous avouons sujet de notre dite dame en tant et partant que le dit Joubert en serait sujet à cause de sa dite dîme et confessons devoir par chacun an à notre Dame trois deniers de cens rendables au dit lieu de Montreuil le jour de la Saint-Michel.
Item nous nous avouons sujets de notre dite dame à cause du fief et terre d’Argenton de Gennes pour raison de dix-huit sols de rente dix septiers froment neuf septiers seigle et six boisseaux d’avoine mesure du dit Gennes que prenons par chacun an sur le dit fief lesquels cens rentes et blé doivent plusieurs personnes au terme de l’angevine avec cinq sols six deniers de cens et deux chapons pour raison desquelles choses nous devons au dit seigneur d’Argenton douze deniers de cens au terme de Saint-Michel et en outre nous nous avouons sujets de notre dite dame par le moyen des seigneurs d’Ardanne, de Lenay, de la Porte, de la Guéritière et de la Grise, protestons n’avoir connaissance d’autres choses que celles ci-dessus dénommées et confrontées et que s’il s’en trouvait d’autres que les ci-devant déclarées nous n’entendons point nous en désavouer et offrons à mettre et à employer en cette présente déclaration toutes autres choses toutefois et quand elles seront venues à notre connaissance, en témoignage de quoi nous frère Jean-Baptiste Constantin tant en mon nom que comme porteur de procuration de Messire Claude Maurice de Lesrat Chanoine de l’église de Nantes, prieur de Clisson et abbé de la dite abbaye de Brignon passée par Le Meule et Couinet notaires royaux à Nantes et scellée laquelle j’ai attachée à cette présente déclaration et qui est en date du vingt-quatre mai mil six cent quatre vingt trois, ai signé de mon seing et fait signer à messieurs nos confrères religieux de la dite abbaye, le vingt et unième jour de juin l’an mil cinq cent quatre vingt trois.
Signé JB Constantin, prieur, Hiérosme Doré, C. Coiffard, frère J. Chereau, François Malescot, sacristain.
1647 :
38 morts relevées, 26 âges indiqués.
Âges de mort : 7, 60, 6, 6, 13, 14, 20, 8, 6, 4, 3 enfants de 8 jours, 50, 40, 4, 65, 26, 10, 40, 1, 7, 10, 4 et 9 ans, 12 (moyenne : 16, 23 ans).
1649 :
40 morts relevées, 30 âges indiqués.
Âges de mort : 4, 72, 80, 3, 1, 17, 32, 75, 80, 1, 1, 1, 1, 3, 1, 1, 0, 3, 18, 5, 24, 3, 5, 5, 4, 8, 3, 1, 0, 72 (moyenne : 16, 37 ans).
1651 :
19 morts relevées
Âges de mort : 18, 70, 0, 0, 60, 0, 20, 75, 70, 88, 3, 15, 80, 4, 55, 4, 40, 40, 0 (moyenne 33, 78 ans).
1652 :
25 morts relevées, 22 âges indiqués.
âges : 22, 4, 42, 0, 80, 50, 10, 50, 3, 4, 70, 40, 75, 50, 80, 50, 58, 60, 2, 12, 3, 60 (moyenne : 39, 77 ans).
1653
30 morts relevées, 24 âges indiqués.
Âges : 4, 3, 3, 80, 50, 40, 2, 16, 30, 50, 50, 60, 40, 75, 56, 0, 12, 15, 75, 14, 3, 4, 78, 4 (moyenne : 29, 38 ans).
1679
55 morts relevées, 46 âges indiqués
Âges : 36, 1, 50, 29, 55, 60, 60, 2, 0, 12, 55, 13, 0, 1, 15, 78, 26, 26, 6, 0, 1, 1, 0, 20, 40, 60, 53, 37, 0, 33, 54, 0, 4, 25, 0, 0, 1, 1, 80, 2, 30, 76, 35, 60, 78, 9 (moyenne : 26, 63 ans)
Autres chiffres : nombre de morts
1646 : 11, 1648 : 14, 1650 : 14, 1654 : 21, 1655 : 12, 1656 : 24, 1657 : 17, 1658 : 18, 1659 : 45, 1660 : 27, 1661 : 64, 1662 : 89, 1663 : 13, 1664 : 15, 1665 : 24, 1666 : 20, 1676 : 43, 1677 : 7, 1678 : 24, 1680 : 31, 1681 : 27, 1693 : 52, 1694 : 62, 1706 : 61, 1707 : 58, 1719 : 60, 1720 : 56, 1721 : 49, 1724 : 52, 1737 : 13, 1740 : 48
Moyenne générale annuelle sur 37 années et 1278 morts : 34, 54 morts/an.
De ragot, sanglier mâle de 2 à 3 ans.
1647 : Baptême de Louis Ragot, fils de Messire Jean Ragot et de Jacquette Tuillé.
15 janvier 1648 : a été enterré dans l’église de Saint-Macaire un enfant à Messire Ragot, fermier de la maison et seigneurie de Bray.
26 juin 1649 : a été enterré un enfant à Monsieur Ragot, fermier de Brai, âgé de 5 jours dans l’église.
1649 : Baptême de Jacques Ragot.
26 août 1650 : Au dit mois a été baptisé Jean Ragot, fils de Jean Ragot et Jacquette Tuillé, père et mère, en présence de Jean Ragot et Prudence Torteau, parrain et marraine. Signé Jean Ragot.
1665 : Jean Ragot, docteur en médecine, Angers (DHGBML)
1665 : Étienne Ragot marié à Madeleine Péponné.
1665 : Baptême de Jehan Ragot.
20 juillet 1665 : Parrain honorable homme Jean Ragot, docteur en médecine, fermier de la maison seigneuriale de Bray.
1668 : Naissance de Renée Ragot.
22 août 1676 : Sépulture d’un enfant de M. Ragot baptisé à la maison en l’extrême nécessité.
1681 : Renée Ragot, fille d’Étienne, marraine.
17 mars 1688 : Demoiselle Renée Ragot marraine.
1690 : Jean Ragot parrain.
28 mars 1694 : À l’enterrement de René Turault, sergent royal (52 ans), Étienne Ragot, proche parent, assiste et signe.
mars 1700 : Mariage de Jehan Ragot avec Jeanne Sauvestre.
14 décembre 1700 : Baptême d’Augustin Étienne Ragot, fils de Jehan Ragot et Jeanne Sauvestre.
3 février 1702 : A été baptisée Jeanne Marie, fille d’honnête homme Jehan Ragot et de damoiselle Jeanne Sauvestre, parrain Jacques Michelet, marraine Jeanne Brion.
17 janvier 1703 : Baptême de Madeleine Ragot, fille de Jehan Ragot et Jeanne Sauvestre, parrain Messire Pierre Genneteau, marraine Demoiselle de la Minauderie.
20 janvier 1704 : Baptême de Jeanne Catherine Ragot, fille de Jean et Jeanne Sauvestre, parrain, Simon de Beausire, écuyer, seigneur de la Garde, marraine Jeanne Catherine de Bussy.
15 août 1705 : Sépulture de Jeanne Ragot, fille de Jean.
23 novembre 1705 : Sépulture de Augustin Étienne Ragot fils de Jean.
2 septembre 1706 : Mort de Marie Ragot fille de Jean.
17 février 1707 : Mort de Jean Ragot (42 ans) né en 1665.
1722 : Mariage de Madeleine Ragot née en 1703, avec Jacques Garnier, marchand.
3 juillet 1725 : Perrine Genneteau, fille de Madeleine Ragot et de Pierre Genneteau, se marie.
19 janvier 1740 : Jean Ragot, sergent de profession, fils de Madeleine Rays de la paroisse de Saint-Laon de Thouars, épouse Marie Thurault, fille de Jean Thurault, huissier royal et de feu Marie Bourgeteau en présence de messire Isaac Ragot de la ville de Thouars, cousin germain.
25 mars 1748 : Sépulture de Renée Madeleine Ragot (80), épouse de Pierre Genneteau.
27 janvier 1750 : Signature de Jean Ragot, sergent de la baronnie de Montreuil, frère et beau-frère de l’époux Louis Thurault (fils de Jean Thurault et Marie Bourgeteau) qui se marie avec Jeanne Vaillant.
5 septembre 1752 : Signature Ragot.
11 mai 1756 : Jean Ragot signe.
20 novembre 1758 : Jean Ragot signe.
13 juillet 1759 : Sépulture de Marie Thurault, femme de Jean Ragot (19 ans de mariage).
22 octobre 1759 : Signature de Jean Ragot.
Jean Ragot + Jacquette Tuillé =
>Louis (baptême en 1647)
>garçon anonyme (mort-né 15 janvier 1648)
>fille anonyme (morte-née le 26 juin 1649)
>Jacques (né en 1649)
>Jean (né le 25 août 1650)
>Étienne (né en 1640)
>Jehan (né en 1665, mort le 17 février 1707) + Jeanne Sauvestre =
>Augustin Étienne (né le 14 déc 1700, mort le 23 nov 1705)
>Jeanne Marie (née 3 fév 1702, morte 15 août 1705)
>Madeleine née le 17 janvier 1703 mariée à Jacques Garnier en 1722.
>Marie morte-née le 2 septembre 1706.
>Jeanne Catherine née le 20 janvier 1704.
>Jean né vers 1715, marié le 19 janvier 1740 à Marie Thurault.
De 1768 à 1778, le curé Pauloin donne plus de précisions sur les couples, leur demeure et leur profession. 151 foyers différents sont ici signalés sur 10 ans. Mais l’on peut raisonnablement leur adjoindre chacun un aïeul et un enfant à charge, et compléter par quelques hameaux absents des registres. La population dépasserait donc à peine 700 habitants en 1778. Cela corrobore pratiquement les chiffres avancés par Célestin Port (208 feux en 1699) et par F. Lebrun (660 habitants en 1790).
Les Ageons
1768René MaitreauRenée LigèreBoulanger
René ValtonMarie ThibaultJournalier
1769René MaitreauJacquine NicolasLaboureur
1770Jean PiauJeanne DocLaboureur (= en 1776)
Louis GuionUrbaine BourreauLaboureur (= en 1774)
1776Mathurin NevouetCatherine PiauLaboureur
François GuiardJeanne Doc (remariage) Vigneron
La Bafferie
1768André FrappereauPerrine GuiardJournalier
Toussaint LeblancMarie RepiqueauVigneron
Pierre Lepeintre Louise RoyJournalier
1770Pierre MaquineauJeanne MorinVigneron
1774Jean MaquineauJeanne Morin (remariage) Laboureur
1777Louis DalléeMarie ArchambaultMarchand fermier
1778Yves NicolasAnne JeanneteauMarchand
La Basse-Baffrie
1770Jacques ChesneauFrançoise LamoureuxLaboureur
1778Louis DurandeauMarie BernardLaboureur
Bois-Ménard
1774Pierre CornuMarie Massé (puis Perrine Foucher) Laboureur (= en 1809)
Le Bouchet
1768Pierre ChauvinAnne MaquineauJournalier
Pierre DocRose ThuraultJournalier
Jean PouponnéMadeleine JoublinLaboureur (= en 1776)
Jean TrouillardMarie ChotardJournalier
Jean VaslinJeanne BesnardinTailleur d’habits
Macaire FoucherMadeleine TrimouilléVigneron
1769Louis Jarry (63) Jeanne LeblancMaréchal
Gabriel DaviauJeanne BureauJournalier
Jean FaradonJeanne RétiveauLaboureur
1771René VitréMarie PiauJournalier
Jean TrouillardMarie ChotardLaboureur
1772Macaire FoucherRenée JoulinVigneron
Jean LaurendeauJeanne PiauVigneron (= en 1776)
1773François VaslinMarie GuérinetVigneron
François BernierJeanne ThuraultVigneron (= en 1776)
Jean CoquinRenée ChotardLaboureur
Jean AlleaumeMarie BlinTailleur de pierre (maçon 75)
Urbain HublotMarie Chotard (remariage) Laboureur
1774Charles DuquesneMarguerite TiretEmployé à la ferme du Roy
1775Gabriel PanneauEmerance BoudierVigneron
1776Louis AbrahamLouise LamoureuxMarchand
Louis BlinAngélique PiauLaboureur
1777Jean FaradonMarie LeblancLaboureur
1778François GuillonJeanne PouponnéLaboureur
Le Bourg
1770René FromenteauSuzanne VeigerLaboureur
1776Pierre HublotMarie GuyonTailleur de pierre (= 1781)
1777Pierre AchardAndrée NevouetMaréchal
La Bournée
1769Jacques ChampionAnne AlbertLaboureur
1776Louis NeauRenée NevouetCharron (= en 1777)
1778Pierre JoussetMarie GourinJournalier
René GarnierMarie MartinEmployé des gabelles
Brignon
1769Louis AbrahamMarie-Marthe JarryAncien soldat/Garde forestier invalide
1775Hilaire BeaumontMarguerite RousseletFermier originaire de Nueil
Louis GuionMarie PinFermier
Chambernou
1768Louis GeffardRenée ChatelLaboureur
Pierre FoulardFrançoise RéchéJournalier
Louis NeauMarie NivouetJournalier
Pierre LemoineMarie BoudierJournalier
Pierre BoudierLouise GerbaultMarchand
Martin RétiveauJeanne DuboisLaboureur (= en 1774)
1769Jean EgretteauMadeleine GalerneauJournalier
Philippe LaunayFrançoise NeauCharron
Jacques RéchéMarie RétiveauJournalier
Pierre TellierJeanne LejardChauffournier[464]
Pierre FoulardFrançoise RéchéVigneron
René FargeauJeanne LaunayLaboureur
Charles GourinMarie GuionVigneron
Louis GourinMarguerite JoulinLaboureur
1770René PocquereauJeanne JoulinLaboureur
Jacques NeauFrançoise GuionCharpentier
Louis NeauRenée NevouetCharpentier
Jean BordierLouise Gerbault (remariage) Laboureur
René CornuJeanne PiauLaboureur
1772André GourinMarguerite JoulinVigneron
1773Jean NeauFrançoise GuyonCharron
Louis GourinMathurine LegeayLaboureur
1776Jean NeauMarie VitréLaboureur
René PocquereauAnne RéchéLaboureur
1777Pierre TailléeEmerance LejeardVigneron
René NomballaisMarie RétiveauLaboureur
1778Jean ChatelaisMarguerite JoussetVigneron
Philippe RouleauRenée BigotTuilier
1780Étienne L. BoutetEmerance PouponnetLaboureur
La Cochonnerie
1768René le GuayRenée AugerJournalier
1773René CamusMarie FoucherLaboureur
La Croix-Pinot
1773Vincent CacaultJeanne MaquineauJournalier
La Gotte Fraîche
1768Jean ValtonMarie HerpinLaboureur
François NeauAndrée GasneauJournalier
1769Jacques DevaultMarie NeauJournalier
1770Charles BabinLouise DocJournalier
1773Jean PanneauMathurine LarvoisLaboureur
1774Louis NeauRenée GuittonVigneron
1775Louis DaviauMarie GuittoneauLaboureur
1778Mathurin GanneauCharlotte Pocquereau Vigneron
La Grange de Brignon
1768Joseph HamonMarie-Renée VacherFermier général
Grenouillon
1769Pierre FouchardJeanne GuionMeunier (déjà en 1759)
1770Jean FillonRenée JarryLaboureur (meunier 1793)
La Guéritière
1773Joseph RabouinFrançoise DutourLaboureur (= en 1776)
Les Haies
1768Louis RobreauLouise FiéJournalier
1769Jacques RobreauMarie QuétineauLaboureur
La Haute-Baffrie
1773Jean PiauLouise CirelLaboureur
1777Paul PilotteauRenée LeblancVigneron
L’Humeau de Bray
1768Vincent GirardFrançoise MoineauLaboureur
Nicolas ValtonJeanne PiauJournalier
1769François JarryJeanne Piau (remariage) Maréchal
1770Jacques MaquineauMarie HerpinLaboureur
Jean RechéMarie ChevalierVigneron
René VeigerLouise BégaultLaboureur
1772Pierre CarréMarie JarryMaréchal (= en 1776)
1773René GasneauFrançoise RobreauVigneron
1776Pierre GirardMarie RouleauVigneron
1778Pierre DumontMarie ChevalierSabotier
Maison-Neuve
1769Louis DefayCéleste BlondéSeigneur
La Minauderie
1768François BarbierMarie RabierLaboureur
René BertinMarie DurandeauJournalier puis Chambernou 1770, Minauderie 1771, Bafferie 1772
1769André PiauLouise FaradonTailleur d’habits
René BourreauRenée JauneauVigneron
1770Louis DurandeauJeanne ProuetVigneron
1772François RenierFrançoise MesléSabotier
1773René RousseauMadeleine GallaisLaboureur
1776René BoivinRenée DegailleJournalier
1777Charles FrappereauSuzanne BarbierVigneron
Jean LejeardMadeleine GallaisBûcheron
1778Jean GautierFrançoise RubinLaboureur
François LejeardJeanne BarbierLaboureur
Le Monis
1768René FourmondièreMarie DumontJournalier
Jean RigaultMarie CourtilléJournalier
Pierre HerpinMarie ValtonJournalier
René GapereauRenée SaurinJournalier
1773Jacques RéchéMarie ChevalierVigneron
Les Mousseaux
1768François HerpinUrbaine GuérinetLaboureur (= en 1774)
1769Germain DocJeanne LeblancVigneron
1770Urbain FoucherMarie RenardVigneron (= en 1778)
Louis BliardJeanne CoquinLaboureur
Pierre DocJeanne LodierVigneron
1771François BaudoinMarie GrenetVigneron
1772Pierre DocJeanne NoyerMarchand
1773Louis DocJeanne HamonLaboureur
1775René DocAnne BasileTailleur d’habits
Pancon
1770Michel GaudinMarie BabinLaboureur
Le Petit-Bray
1768Pierre DaviauMarie PanneauVigneron
1775François GaudinJeanne JauVigneron
1778Pierre PanneauMarie FromenteauLaboureur-propriétaire
La Planche
1768André TrémouillinAnne AugerVigneron (puis Gotte Fraîche 1772) 1770René ChampionLouise FrédillonJournalier
Urbain AlleaumeMarie JeanTailleur de pierre
1771Louis GodinFrançoise MoisanLaboureur
1774Joseph PasquierMarie QuétineauMarchand
1778Pierre RogerMarie Quétineau (rem.) Marchand fermier (=1794)
La Verderie
1778Jean GuérineauMarie BoretJournalier
La Vouie
1768Claude RousseauFrançoise RabouinLaboureur
Pierre RousseauMarie GervaisJournalier
Jean RousseauSébastienne NombalaisLaboureur
1769Mathurin RétiveauMarguerite MaquinonLaboureur
Jacques RétiveauJeanne HardouinLaboureur
1770Sébastien RétiveauMarie DavyLaboureur
La Bâtardière (+15), Le Bray (+ 6), Le Doyenné (+4), La Gauvinière (+6), Maison-Neuve (+6), Sanzay (+6), Bissu (+5), Champ-Noir (+4) fournissent quelques habitants supplémentaires. Enfin, si l’on regarde les registres paroissiaux de cette période, on peut ajouter 10 foyers supplémentaires, soit 40 personnes. Un total de 700 âmes en 1780, à la veille de la révolution, est donc parfaitement réaliste. [465]
La mesure des vignes est généralement exprimée en journaux d’hommes, ou en hommées, soit la valeur représentée par une journée de travail d’un homme. Elle égale environ 40 a. Les tenanciers des vignes donnent le plus souvent le quart et la dîme des raisins rendables au pressoir du propriétaire. Cela représente donc plus d’une hotte sur quatre qui sont prélévées lors des vendanges. D’autres charges peuvent grever ces tenures, comme par exemple un denier par journal de vigne payable au garde des vignes de l’abbaye de Brignon.
On a vu plus haut que le Pré Dion, un clos de vigne pourtant situé en pleine zone humide, rassemble l’ensemble des conditions défavorables pour les héritiers Besnardin et Guérineau qui le font valoir : un cens de huit chapons annuels, une moitié de la superficie tenue au tiers et dîme des fruits, l’autre moitié au quart et dîme, le tout rendable au pressoir du seigneur.
Le tonneau de vin (mesure et transport) généralement employé est la pipe (450 litres) ou, à défaut la busse (moitié de la pipe). On croyait que le vin se conservait et se perfectionnait mieux dans la pipe que dans la busse.
Au XIIIe siècle, le vin est une production reconnue à Saint-Macaire, et Régnauld, le prévôt de Thouars, obtient à perpétuité le droit de percevoir une redevance sur le vin vendu dans cette paroisse. Il s’agit, bien sûr, d’un vin de consommation courante dont les barriques seront écoulées dans l’année. La vigne représente à cette époque, pour l’Anjou et la Marche, la seconde ressource agricole après les céréales.
Maison-Neuve, Sanzay, la Maison Roger et Bray possèdent des vestiges de pressoirs de type « casse-cou » du XVe, prouvant ainsi l’importance attachée à la vigne et au vin à cette époque. La grange de Bray, entre autres, conserve intacte, la saignée verticale dans le mur qui permettait le calage entre les deux poutres. Le pressoir casse-cou, en usage aux XVe, XVIe et XVIIe, est la première machine moderne et puissante qui remplace le foulage aux pieds. Les seules caves intéressantes de Saint-Macaire, et encore ne sont-elles qu’à demi-enterrées et conçues à l’origine comme prison (droit de justice), sont celles de Sanzay et Bray. L’affleurement des eaux empêche tout creusement. La conservation en cave n’est devenue une tradition qu’à partir du XIXe puisque les vins étaient écoulés rapidement avant cette époque.
Il semble qu’à Saint-Macaire, l’intérêt pour la vigne se soit dégradé au fil du temps. Les principales exploitations, notamment Sanzay et Bray, ainsi que l’abbaye de Brignon, ne comptent pas plus de 7 à 8 ha de vignes chacune au XVIIe siècle. Bray n’a plus que 3 ha de vignes en 1790. L’ensemble des vignes de la commune est, à cette époque, vendangé en quatre ou cinq jours. Sans doute, les baux continuant par tradition à utiliser les mêmes références que deux ou trois siècles plus tôt, à fixer les mêmes charges, le rapport devient-il moins intéressant. Cependant, les religieux de Brignon ou de Ferrières reçoivent toujours, depuis trois siècles, les mêmes quantités de vin, à savoir 3 pipes chacun, soit environ 1350 litres.
Un mémoire de l’année 1719 dit que les vignes de la seigneurie de Saint-Macaire sont ruinées depuis plus de quinze ans et n’ont pas été « proignées », c’est à dire rajeunies. Les baux stipulaient généralement un certain nombre de « proings » (nouveaux plants) à faire chaque année dans les rangs de vigne (cinq cents à Brignon et huit cents à Sanzay). Chaque fermier de Sanzay néglige la partie des vignes qu’il exploite directement, étant donné « qu’elles sont plus considérées comme une charge que comme source de profit ».
En 1790, le curé dit : « Nos terres ne produisent absolument partout que bled et vin… Les vignes y sont plus sujettes à la gelée et à plusieurs autres vimeres que dans les autres paroisses. Le vin n’est pas d’une grande ressource pour nos habitants, quoique d’une assez bonne qualité, on ne le vend que difficilement, les marchans n’osant approcher des lieux à cause des mauvais chemins ».
Avant le XIXe, on ne connaît pas vraiment le vin rouge à Saint-Macaire, toutes les transactions portant essentiellement sur du vin blanc dont la pipe vaut habituellement de 20 à 25 livres. Au XVIIe, le vin blanc pouvait coûter facilement le triple du clairet, le double du rouge et du rosé. Mais le prix du vin reste très sujet aux intempéries, ainsi qu’à l’offre et à la demande. La pipe de vin blanc montera jusqu’à 100 livres en 1691, après avoir été vendue 8 livres en 1690.
Au tout début du XIXe, le nombre de jours de vendanges augmente sensiblement.
La période la plus propice pour les vendanges semble être la deuxième quinzaine d’octobre, avec un arrêt toujours respecté le premier novembre.
1742 : 26-27-28-29 octobre (une vendangeuse de Saint-Paul du Bois décédée).
1794 : 30 septembre, 1-2-3-4-5 octobre. Arrive vendémiaire et le raisin est mûr. Des commissaires doivent faire une visite des vignobles le 29 septembre et remettre leur rapport le jour-même afin que soit arrêté le ban des vendanges. Louis Hublot, Louis Gautier, André Trimouillin, Pierre Roger, Jean Neau, Charles Devault, Charles Gourin le jeune et Nicolas Valton sont désignés à cet effet.
L’on sait déjà que la grêle a endommagé le canton du Bouchet et qu’il conviendrait de commencer par ces parcelles le lendemain 30 pour leur éviter un plus grand dommage. Ce qui reste des raisins est en effet absolument pourri. Revenus à 7 h du soir, les commissaires confirment que les vignes situées derrière les Ouches du Bouchet, Champ Courtin, le Clos des Masses, l’Ouche Moreau, le Champ d’Oiron, les Hauts et Bas-Mousseaux, le Clos de Bussily, la Plante à Riché et les petites vignes de Grenouillon ont éprouvé une nuée de grêle qui a causé un dommage considérable au raisin. Il vaut donc mieux fixer le ban de ces clos aux 30 septembre et premier octobre. Le reste des vignobles sera vendangé plus tard : le 3 octobre, le Clos des Petits et Grandes Saulaies, Clos de Bois-Ménard, la Fosse à la Barillé, le Clos des Marqueteaux, le Champ Julien, le Clos dans le Lac, les Forges, le Motay, les Quarts de la Cure. Le 4, le Poirier à la Michelet, les Petits et Grands Champ-Morin, les Genoilles, les Folies. Le 5, les Grandes Vignes, la Croix de la Baffrie, la Roquette, la Vaudouère, Bois Sailly, le Clos Poirier, les Tourneaux, les Nouelles, les Minaudries, la Halterie, les Ribaudes et le Clos de Lassée.
1795 : « 19 vendémiaire an IV, 11 oct 95, la vendange commence à atteindre la maturité, il faut nommer des commissaires pour la visite, le rapport et fixer le jour où les bans commenceront. » On nomme « René Mestreau des Ajoncs, André Trémouillin, Pierre Panneau, Nicolas Valton, Charles Gourin le jeune, Charles Jousset, Jean Neau, Charles Devault, Jean Guitton et Louis Abraham lesquels se transporteront sur les vignes, feront la visite et le rapport ce jour. Les commissaires reviennent et comparaissent à 5 h du soir et font leur rapport : ils ont vu et visité les vignes, le raisin a atteint son degré de maturité et il est temps pour éviter le dommage que causent les pluies journalières de vendanger cette semaine et ils nomment les cantons qu’il est nécessaire de vendanger les premiers comme suit : le 22 vendémiaire, 14 oct, le clos des Mousseaux, le clos des Bouchettes, le champ d’Oiron, le clos de Bussily, l’ouche Moreau, les Vacherettes, Champcourtin. Le 23, clos de Saulaie, Champ du Pré, le clos de BoisMénard, la Fosse à Labaresle, la petite vigne, les Ribaudes, la plante à Riché. Le 24, le clos de Lassée, le Bois Sailly, les Grandes Vignes, le clos Privé, la Vaudoire, les Fourneaux, les Nouelles, la Bounauderie, les Folies, le clos Guyard, le Mottay, le quart de la Cure, le Marqueteau, les Forges, le clos Piau, Champ Julien. Le 25, la Halterie, la Roquette, le clos de la croix de la Bafferie, la Courance, le Petit et Grand Chanmorin, la Genoille, le clos du Lac, le Poirier à Michelet. Avons arrêté les bans cidessus pour être exécutés suivant leur forme avec défense à toute personne de vendanger dans les cantons cidessus autres que les jours qui sont fixés sous peine d’être poursuivis suivant la rigueur des lois ». L’ensemble des clos vendangés représente une quinzaine d’ha au maximum.
1796 : 11-12-13-14 octobre.
1798 : « la vendange commence à atteindre sa maturité, il est urgent de nommer les commissaires pour la visite et le rapport : Mathurin Nevouet l’aîné, Jean Coquin l’aîné, Urbain Hublot, Nicolas Péponnet l’aîné, Pierre Cornu, Jean Neau, Jean Rigault l’aîné, René Champion, Nicolas Valton, René Frémaudière, Pierre Panneau, André Trimouillin. Le 9 vendémiaire, le degré de maturité du raisin est atteint et en conséquence pour éviter le retardement des semailles de blé et les pluies qui menacent il est urgent de vendanger comme s’ensuit : Quatridi 14 vendémiaire, 7 oct 98, quintidi et sedidi 15 et 16 vendémiaire clos de Bussily, haut et bas Mousseaux, Plante à Riché, Grenouillon, Champ d’Oiron, Champ Moreau, les Masses, le Plantis, ouche du Bouchet, clos Sanzay, clos d’Ozaie, Champ Courtin, la Sécherelle, les Ribaudes, les Chesnaies, les Fournaux, les quarts de la Cure, les patis, petit et grand Motay, les Forges, Le Lac, Marqueteau, Adam, Champ Julien, Manivers, ouche du petit Bray. Le settidi, 17 vendémiaire, grand et petit Saulaie, Champ du Pré, clos de Boisménard, Fosse à Labareslé, la petite vigne, le petit clos, Le poirier à la Michelet, les Genoilles, grand et petit Champmorin, le grand clos et les Alteries. Octidi 18 vendémiaire, les Bounauderies, La Faucherie, la Roquette, les grands vignes, Bois Sailly, clos de l’épervier, les Nouelles, le clos de Lassée et toutes les autres vignes de la commune. »
1799 : « 3 brumaire, 24 oct 99, le raisin a acquis son degré de maturité", commission, rapport, fixation des bans le 4 brumaire : "mardi 6, mercredi 7, Bussily, haut et bas Marqueteau, Plante à Riché, Grenouillon, champ d’Oiron, ouche Moreau, les Masses, le Patis, ouche des Bouchettes, clos Sanzay, Champ Courtin, Sécherelles, Ribaudes, les Chomaies, les Fourneaux, les quarts de la Cure, les petit et grand Motay, les Forges, le Lac, le Marqueteau, clos Adam, champ Julien, les Manivers, ouche du petit Bray. Jeudi 8 et vendredi 9 grand et petit Saulaie, Champ du Pré, clos de Bois Ménard, la fosse à Labaresle, le petit clos, Poirier à la Michelet, les Genoilles, petit et grand Champ Morin, le grand Clos, les Alteries. Samedi 10 la Bounauderie, la Rotillie, la Faucherie, les grandes vignes, Bois-Sailly, Clos de l’épervier, les Nouelles, Le clos de Lassée et toutes les autres. »
1800 : 27-28-29 octobre.
1801 : « vendanges pour l’an X, après avoir muri dans l’an IX, 26 brumaire an X, 17 nov 1801 », décision de vendanger « le 27 pour toutes les vignes qui seront sises à droite à partir du Monis à rendre vers la forêt de Brignon et celles qui sont sur la gauche à partir du Hameau de Bray à Bouillé et le 28 les vignes qui sont entre les 2 chemins qui conduisent de Brignon au Puy et celui de l’Humeau à Bouillé. »
1802 : « 27 floréal an X, 15 mai 1802, vu la perte causée sur les vignes par la gelée de laquelle il résulte que pour en constater et en dresser PV, commission créée pour visiter canton par canton et adresser PV au dpt et préfet de M. -et-L. afin d’obtenir sur les contributions de l’an XI un dégrèvement sur les vignes de la commune qui puisse légaliser la perte que leur a causé la gelée. Louis Guillon cultivateur demeurant à la cidevant abbaye de Brignon et René Champion aussi cultivateur demeurant au hameau de la Planche, doivent faire le tour des vignes et le rapport pour Saumur. »
1802 : 15-16-17 novembre.
1803 : « Le 9 vendémiaire an XII, 9 octobre 1803, réunion pour les bans : lundi 17 vendémiaire les quarts de la cure, clos Marqueteau, Clos Adam, les Forges, Les Manivers, le Motail, le Lac, le clos de Bussily, Champ d’Oiron, les bas et hauts Mousseaux, les Treilles de Grenouillon et du Hameau de Bray, le clos des Masses, le clos d’Ussay, les ouches du Bouchet. Mardi 18 vendémiaire les Nouelles, les Fourneaux, la vigne au Moine, le clos du Poirier, Bois Sailly, les grandes vignes, la Plante à Riché, les Ribaudes, la petite vigne. Mercredi 19 Champcourtin, champ du Pré, BoisMénard, Les grand et petit Saulaie, la fosse à Labaresle. Jeudi 20 le clos de Lassée, La Bounauderie, la croix de la Baffrie, la Roquette, la Faucherie, les Halteries, La Courance, les grand et petit Chanmorins, la Genoille, le poirier à la Michelet et toutes les autres vignes de la commune. »
1804 : « à commencer le vendredi 20 vendémiaire, 13 oct 1804. Le 20, Marqueteau, Adam, Champ Julien, le Lac, le Motayl, les Forges, les quarts de la cure. Le même jour 20 et 21, Bussily, haut et bas Mousseaux, Champ d’Oiron, le clos des Masses, ouche Moreau, les ouches du Bouchet, le clos des Monceaux. Lundi 23 et mardi 24 les ouches du Hameau de Bray, de Grenouillon, Champ courtin, les Soucherelles, la fosse à Labaresle, grand et petit Saulaie, Champ du Pré, Bois Ménard, la Genoille, Poirier à la Michelet, le grand ChampMorin et la vigne ronde, les Murs, Les Ribaudes et la petite vigne. Mercredi 25 et jeudi 26, le petit Champ Morin, la Courance, les Halteries, la Faucherie, les grandes vignes, la croix de la Baffrie, les Voidoires, le clos de l’Épervier, les Nouelles, les Bounauderies, les Fourneaux et le clos de Lassée et toutes les vignes de la commune. Il est défendu d’aller grappiller dans les cantons que 3 jours après que lesdits cantons auront été totalement vendangés. »
1805 : « 27 vendémaire an XIV, 20 oct 1805, suivant l’arrêté du préfet, désignons lesdits bans : lundi 29 et mardi 30 vendémiaire, le Marqueteau, Adam, Champ Julien, le Lac, le Motayl, les Forges, les quarts de la cure, Bussily, hauts et bas Monceaux, Champ Oiron, les Masses, l’ouche Moreau, ouches du Bouchet, le clos des monceaux ». Le reste sera vendangé mercredi et jeudi premier et 2 brumaire, vendredi et samedi 3 et 4 brumaire.
1806 : 18-19-20-21-22-23 octobre.
1807 : 5-6-7-8-9-10 octobre.
1808 : 5-6-7-8-10-11 octobre.
1809 : « 1°) 30 oct, ligne tirée de l’église en suivant le chemin qui conduit au petit bray et suivant jusqu’au grand clos qui aboutit sur le grand chemin qui vient de la baffrie à la Gauvinière toute la partie des vignes qui se trouvent du côté du soleil levant plus à partir de la Minauderie et suivant le chemin qui conduit à la Bournée toutes les parties du côté du Nord, 2°) le reste des vignes de la commune pour les 2 et 3 novembre 1809. »
1810 : Mercredi 17 oct au mardi 23 octobre.
1812 : 23-24-25-26-27-28-29 octobre.
1814 : Du vendredi 21 octobre au mardi 25.
1815 : Vendedi 20, samedi 21, lundi 23, mardi 24 octobre.
1816 : Mercredi 13 novembre et jeudi 14.
1817 : Mercredi 29 et jeudi 30 octobre.
1818 : Lundi et mardi 5 et 6 octobre, mercredi 7.
1819 : Vendredi 22 octobre, samedi 23, lundi 25 le restant.
1820 : Lundi 30, mardi 31 octobre, Jeudi 2 novembre.
1823 : Un seul jour, le mardi 4 novembre.
1825 : 3 octobre pour le premier et dernier ban.
1828 : Vendredi 17 et samedi 18 octobre.
1829 : Mercredi 28 et jeudi 29 octobre, autres vignes mardi 3 novembre.
1830 : Mardi 2 novembre un seul jour.
1832 : Lundi 29 octobre, et le reste des vignes le vendredi 2 novembre. Ceux qui seront pris à herbouler ou à grapiller avant cette dite époque n’auront que faire de venir trouver M. le Maire pour les arranger car il ne veut point en connaître. Ils seront traduits devant le juge de paix du canton.
1833 : Un seul jour, 21 octobre. Et attention de ne pas traverser les vignes pour aller ramasser de l’herbe. Le conseil engage le garde à veiller à ce que personne n’aille traverser « ni faire du délit » dans les vignes non-vendangées. Le garde champêtre est encore malade, c’est le moment d’en profiter.
1834 : Un seul jour, 21 octobre, sans aucune réserve sur toute l’étendue de la commune.
1835 : Jeudi 15 octobre.
1849 : suppression du ban, chacun vendange à sa guise.
Fréquence des vendanges de 1793 à 1848 établie sur 120 jours : la date du 23 octobre revient 7 fois et la deuxième quinzaine d’octobre est la plus propice.
Septembre 28 =
29 =
30 =
Octobre 1 =
2 =
3 ==
4 =
5 ====
6 ===
7 ====
8 ==
9 ===
10 ===
11 ===
12 =
13 ==
14 ===
15 ===
16 ==
17 =====
18 =====
19 ===
20 ====
21 ======
22 =====
23 =======
24 ====
25 =====
26 ===
27 ====
28 ====
29 ======
30 ===
31 =
Novembre 2 ====
3 ==
4 =
13 =
14 =
15 =
16 =
17 =
18 =
19 =
|
1732-1740 |
1768-1778 |
1788 |
|
Nombre/% |
Nombre/% |
Nombre/% |
Bûcheron |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Charpentier |
1/0, 57 |
2/1, 31 |
0/- |
Charron |
0/- |
3/1, 97 |
2/3, 70 |
Chauffournier |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Cordonnier |
1/0, 57 |
1/0, 65 |
0/- |
Domestique |
1/0, 57 |
1/0, 65 |
1/1, 85 |
Ecuyer |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Employé Ferme Royale |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Employé gabelle |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Fermier |
4/2, 31 |
2/1, 32 |
1/1, 85 |
Fermier général |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Garde forestier |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Huissier royal |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Journalier |
74/42, 77 |
29/19, 07 |
15/27, 77 |
Laboureur |
31/17, 91 |
54/35, 52 |
8/14, 81 |
Maçon |
1/0, 57 |
1/0, 65 |
4/7, 40 |
Marchand |
15/8, 67 |
5/3, 31 |
0/- |
Marchand fermier |
0/- |
2/1, 31 |
0/- |
Marchand sellier |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Maréchal |
6/3, 48 |
4/3, 20 |
1/1, 85 |
Menuisier |
0/- |
0/- |
1/1, 85 |
Métayer |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Meunier |
0/- |
2/1, 31 |
0/- |
Notaire |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Procureur |
1/0, 57 |
0/- |
0/- |
Sabotier |
0/- |
2/1, 31 |
0/- |
Sacristain |
1/0, 57 |
0/- |
1/1, 85 |
Seigneur |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Sergier |
2/1, 15 |
0/- |
0/- |
Tailleur d’habits |
2/1, 15 |
3/1, 97 |
1/1, 97 |
Tailleur de pierre |
0/- |
2/1, 31 |
0/- |
Texier/Tisserand |
1/0, 57 |
0/- |
3/5, 55 |
Tonnelier |
2/1, 15 |
0/- |
0/- |
Tuilier |
0/- |
1/0, 65 |
0/- |
Vigneron |
26/15, 02 |
32/21, 05 |
16/29, 62 |
Total métiers cités |
174 |
151 |
54 |
(1620, Aveu de J. Clausse IE 1140 ADML).
Bourg-Maison Neuve : « le chemin a aller du bourcq à maison neuve »
Le Monis-Le Puy : « le chemin comme lon va des maulny au Puy »
Bourg-Le Puy : « le chemin tandant a aller audit bourcq et église de Saint-Macaire au grand symetiers dudit lieu et au puy nostre dame dautre côté »
Bourg-Le Doyenné : « le chemin a aller du bourq de Saint-Macaire a la qure »
La Guéritière-Le Bray : « le chemin a aller de la gueritiere a Bray »
La Guéritière-La Planche : « le chemin tendant de la gueritiere a la planche »
Le Puy-La Baffrie : « le chemin tandant a aller du puy au village de la baffris »
Bourg-La Baffrie : « le chemin de Saint-Macaire a la Baffrie »
La Planche-La Gouvinière : « le chemin de la planche a la Gauviniere »
Bourg-La Raye : « le chemin de Saint-Macaire au communs de larais »
Bouillé Loretz-Doué : « le chemin tendant de Bouillé Laurat a doué »
La Planche-La Noue : « le chemin de la planche a la noue gaultier »
Le Puy-Brignon : « le chemin du puy a Lassée en brignon »
Le Puy-Ferrières : « le chemin du puy a Ferrieres ».
In nomine patris et fili et spiritus sancti, Amen.
Le 19ème jour de mars 1694 après midy pardevant nous René Rapicault notaire royal garde scel à Saumur résidant à Longué fut personnellement établi et soumis Messire Urbain de Salles chevalier seigneur de Saint-Macaire et de la Poupardière demeurant en sa maison seigneuriale et paroisse dudit lieu de Saint-Macaire, lequel saint de corps, d’esprit et d’entendement, considérant qu’il n’y a rien si certain que la mort et rien de plus incertain que l’heure d’icelle crainte d’en être prévenu, a fait le présent son testament de dernière volonté comme s’ensuit :
Premièrement, après avoir recommandé son âme à Dieu le priant par sa sainte bonté et miséricorde lui vouloir pardonner ses fautes et offenses qu’il a commises depuis sa regénération au Saint-Sacrement de baptême, même jusqu’au dernier soupir de sa vie implorant à cette fin les prières et interventions de la bienheureuse vierge Marie et de tous les saints du paradis, veut entend et ordonne que quelque temps après que son âme sera séparée de son corps, sondit corps soit enseveli honnêtement et mis dans un cercueil de bois fait exprès et être ensépulturé dans l’église dudit Saint-Macaire en cas qu’il décède en sa maison dudit lieu et s’il décède audit lieu de la Poupardière, il sera ensépulturé en l’église de Saint-Martin la Place où elle est située, au lieu duquel décès il sera tenu queue processionnellement par le sieur curé, prêtres et chapelains de la paroisse où il sera ensépulturé et à cette fin sera porté par des hommes, pendant laquelle procession et sépulture seront les suffrages ordinaires chantés pour le repos de son âme.
Item que le jour de sa sépulture si la commodité le permet, sinon le lendemain, il soit aussi pour le repos de son âme chanté dans l’église du lieu où il sera ensépulturé un service solennel lequel même jour il sera commencé un quarantain de messes à basse voix aussi dans la même église qui seront dites pendant quarante jours consécutifs et à la fin d’icelle un autre pareil service pendant lesquelles procession, sépulture, services et quarantain de messes sera le luminaire ci-après déclaré allumé lequel luminaire consistera en six flambeaux de cire jaune ou blanche au choix de son exécuteur testamentaire, pesant chacun deux livres, de seize cierges et d’un seau de même cire pesant lesdits cierges chacun une livre et ledit seau trois livres, lesquels cierges seront portés par des pauvres auxquels il sera baillé une aune et demie de serge grise et la somme de quinze sols chacun.
Item veut que pendant vingt ans consécutifs à commencer un an après son dit décès il soit à même jour dudit décès ou de sa sépulture célébré et chanté en l’église où il sera ensépulturé un service de trois grand-messes à diacre et sous-diacre dont il veut et entend que la rétribution et du luminaire qu’il conviendra fournir pendant lesdits services soit prise et dès à présent assignée sur toute ladite maison et domaines dudit lieu de la Poupardière dont il ne pourra être disposé qu’à cette condition.
Item veut qu’il soit distribué aux pauvres de la paroisse où il sera ensépulturé dix septiers de blé moûture mesure dudit Longué dans l’an après son décès pour obliger lesdits pauvres à prier pour le repos de son âme.
Item pour la grande amitié conjugale qu’il a eue et est encore à présent entre dame Claude Nau son épouse et lui et pour les grandes assistances qu’il a reçues d’elle et parce que très bien lui a plû et plait, il lui a par ces présentes donné tout chacun de ses biens meubles et choses réputées meubles et tous ses acquêts et conquêts et à la tierce partie de ses propres en pleine propriété et seigneurie pour elle ses hoirs et ayant cause, si mieux les héritiers dudit seigneur testateur n’aient consenti que ladite dame Nau ait en ladite propriété et seigneurie lesdits meubles et choses réputées meubles et de nature de meubles seulement, et à vieger et par usufruit aussi seulement jouissance de tous lesdits acquêts conquêts et propres dudit seigneur testateur, de quoi lesdits héritiers feront leur déclaration huitaine après son décès ceux à la charge que ladite dame Nau sera tenue des dettes personnelles et mobiliaires dudit seigneur de Saint-Macaire son mari et de l’entière exécution du présent testament, et si ladite dame Nau survit ledit seigneur de Saint-Macaire, elle sera tenue de faire dire le saint service assis sur ledit lieu de la Poupardière pendant lesdits vingt ans, mais si elle décède avant lui et qu’elle ne le survit pas pendant lesdits vingt ans, ledit seigneur testateur entend que ledit service soit nonobstant fait pendant lesdits temps aux frais de ses héritiers au moyen de quoi, il a par ces présentes révoqué tous autres testaments, codicilles et donations qu’il a pu faire avant ce jour qui demeurent nuls et de nul effet.
Et pour son exécuteur testamentaire a élu et choisi Messire Gilles Lefèvre écuyer seigneur de la Guiberdaye y demeurant paroisse dudit Longué lequel il prie de vouloir faire ponctuellement exécuter le présent son testament lui ayant pour cet effet obligé affecté et hypothéqué tous et chacun ses biens qu’il a et aura lors de sondit décès lequel testament après avoir lu et relu audit seigneur testateur a dit être sa volonté et entend qu’il soit entièrement accompli dont nous à sa requête et de son consentement les avons jugé et condamné par le jugement et condamnation de ladite cour, fait en la maison de Gabriel Moriceau marchand au bourg dudit Longué qu’il tient su sieur Allain Nostre Ressart, présent ledit Moriceau, et Messire Louis Bourgeteau prêtre recteur dudit Saint-Macaire y demeurant et Pierre Hervé sergent messire demeurant audit Longué témoins à ce requis et appelés lesquels et ledit seigneur de Saint-Macaire ont signé à dette de faire sceller ces présentes par nous, constaté et entend ledit seigneur testateur que le testament de défunt messire Urbain de Salles chevalier seigneur dudit lieu de Saint-Macaire son père porte son plein et entier effet et qu’il soi exécuté, jugé comme dessus, présents les susdits ainsi signé avec nous en la minute des présentes Urbain de Salles, Bourgeteau curé de Saint-Macaire, G. Moriceau, P. Hervé et plus bas est écrit contrôlé registré au grand volume f° 84 col 1670 par moi soussigné à ce commis à Longué ce deuxième avril 1694, reçu deux livres signé L. Landry. Rapicault, notaire royal.
Nous soussignés avons fait ce qui suit qu’après avoir fait voir et visité l’état en lequel sont les vignes, terres, prés, pâtis et maisons dépendant de la seigneurie de Saint-Macaire par François Menoust, pour moi seigneur de Gencian et de Pierre Guillet vigneron convenu de moi Bineau desquels sommes convenus ensemble pour icelle faire reconnaissance.
Premièrement que le clos de vigne appelé Les Champs Morins contenant 50 boisselées ou environ, que du bout du chemin il y a une boisselée et demie en friche garnie de joncs et épines, les fossés comblés et la haie ruinée, que la vigne par le haut jusqu’à la moitié est aux deux tiers déplantée et une partie des souches mortes et l’autre moitié étant aussi à moitié déplantée et une partie des souches mortes, le fossé comblé et sans haie.
Que la pièce de vigne appelée Pré Guion dans laquelle il y a trois planches qui sont sujettes au quart vers la seigneurie de Saint-Macaire, ladite pièce contenant 25 boisselées, la moitié du côté du clos du Lac sont aux deux tiers déplantées, les souches en partie mortes, la haie par le bout du haut et du côté dudit clos du Lac étant de peu de valeur y ayant de grandes brèches en plusieurs endroits et celle du bout du bas pour ladite moitié est bonne, et le fossé point fait, du côté du Pré Guion la haie est ruinée en plusieurs endroits et les fossés comblés, l’autre moitié de la vigne est à moitié déplantée avec des souches mortes.
Que la pièce de La Pinardière qui est emblavée en froment le long du grand chemin de La Guéritière, il n’y a ni haie ni fossé, que le long du chemin de Bray à aller à la Godefresche, tout autour de la pièce, les fossés ne sont point relevés et la plus grande partie comblée, les haies en partie sans plants, le surplus de vieilles haies.
Que la pièce de terre joignant celle ci-dessus, contenant 5 septrées ou environ, le long du grand chemin la haie a été coupée et les fossés comblés, que du côté des terres de la cure le fossé n’est point relevé et est sans haie, et par le bout de ladite pièce de terre joignant le pré de cette seigneurie il y en a dix pieds de largeur en friche, que le long de ladite pièce du côté de la terre du Doyenné, il y a un fossé qui a été relevé sans avoir déchaintrer au bout duquel il y a comme la valeur de 30 pieds de longueur comblés et sans haie, qu’il a été nouvellement coupé 26 pieds d’ormeaux, que la crête dudit fossé frais qu’il a été coupé depuis peu un saule dans la chaintre de ladite pièce.
Que la pièce du pré qui joint du bout de la terre du Doyenné séparé par le fossé, la haie est vieille, point coupée et le fossé presque comblé, et du côté du chemin à aller à ladite seigneurie, la haie est de peu de valeur et y a des brèches en plusieurs endroits, le fossé comblé, qu’il y a été abattu nouvellement un saule, que dans ledit pré il y a plusieurs buttes épines et taupinières avec plusieurs roulées de charrettes.
Que dans le grand pré du côté du pré de M. de Bussy et au bout du pré des Maunis, la haie est de nulle valeur, et bouchée en plusieurs endroits avec des branches d’arbre plantées, les fossés point faits et qu’il y a autour desdits fossés 2 haies d’épines qu’il faut ôter, que le reste des fossés du côté du Pré Neuf et de Bray sont presque comblés et les haies de peu de valeur, que le fossé du milieu est comblé et sans haie, que les arbres qui sont autour dudit pré ont été émondés depuis peu, que dans ledit pré il y a plusieurs buttes et taupinières et épines qu’il faut ôter.
Que la pièce de terre de l’enclos qui est semée en blé du côté du chemin, les fossés ne sont point faits, ni aucune apparence de haie, ainsi que les 2 bouts et du côté de La Planche à aller de Solbreaux, la haie est de peu de valeur et le fossé à demi comblé, les saules partie morts et partie mal émondés, le reste émondé depuis peu.
Que la pièce de pâtis appelée le Pasty de la Haye, il y en a 10 boisselées remplies de joncs sans fossé et les 3 septrées de terre au-dessus et à côté au bout du bas, il y en a 10 pieds en friche, laquelle pièce est semée en blé.
Que dans la pièce de pré de la cure et y abouttant le long du grand chemin de Bouillé à Argenté, le fossé est relevé et sans haie, que le long du pré de la cure, il y a 10 pieds de ladite terre qui est en friche.
Qu’à la pièce de pré appelée le Pré de La Planche, la haie est de nulle valeur, le fossé comblé qu’il faut épiner et étouper en plusieurs endroits.
Qu’à la pièce de terre au-dessus dudit pré il y a 9 pieds de friche par le bas.
Que la pièce de terre joignant l’Ouche à Thibault, les fossés sont comblés et sans haie et le chaume sur le bout.
Que la pièce du Champ Noir depuis le cimetière remontant à la Cochonnerie, la haie a été coupée et par un bout les fossés point faits, et du côté par le chemin qui monte dudit Saint-Macaire à Doué, il n’y a point de fossé et dans le bout du haut et du côté de la terre du Doyenné, il y a la valeur de 10 pieds qui sont en friche, que le fossé du côté du chemin du Puy à Brignon est comblé, dans lequel sont quantité de brèches et la haie vieille, que du bout du chemin qui conduit de ladite seigneurie à l’église, le fossé est tout comblé et sans haie, qu’il y a la valeur de 6 pieds de largeur de ladite terre qui est en friche, que les chaumes sont les 3/4 sur bout dans ladite pièce qui devront être amassés.
Que la chambre de maison de La Guillonnerie les murs saillie à refaire à 6 pieds de hauteur ainsi que de l’antichambre, le surplus étant lézardé en plusieurs endroits, que le pignon joignant l’antichambre menace ruine ainsi que celui du côté de la cheminée du haut en bas, et ladite cheminée ainsi que les greniers au-dessus n’est qu’à demi-carrelé, que l’antichambre le plancher n’est point planchaié, qu’il faut relever la couverture à la main, le surplus du bâtiment est en vestiges, que le bousillage de la chambre faute de la faire, qu’il n’y a aucune haie ni fossé fait autour de ladite maison jardin et ouches, qu’il n’y a aucune haie, que les arbres qui sont autour ont été émondés.
Que l’ancien jardin du métayer est à présent en cour, les fossés comblés et les arbres émondés.
Que le grand jardin est en friche à l’exception de 18 sillons proche la fuie qui ont été bêchés, qu’il y a plusieurs arbres de poiriers et espaliers et qu’il paraît qu’il en a été arraché plusieurs dont les trous sont comblés, que la haie du côté du chemin depuis la barrière jusqu’au quart qui n’est pas de longueur et bréché de haie morte, le fossé point fait et qui est comblé, que ce qu’il y a d’arbres fruitiers sont taillés et dans lequel jardin il y a un sainfoin, par le bout en haut la haie duquel est bonne et le fossé presque comblé, que du côté du clos de M. de Bussy la haie de buis est morte, le reste de peu de valeur, le fossé point fait, que dans l’allée qui conduit depuis ladite terre jusqu’à ladite haie de buis, il y a quelques ceps de de vigne, qu’autour du côté de la terre de cette seigneurie vers le haut, la haie est de peu de valeur, le fossé point fait, qu’il y a plusieurs brèches sans plant, que du côté du chemin le fossé n’est aussi point fait, que sur le grand chemin le fossé n’est point aussi fait, que le bois taillis et plusieurs arbres et chênes monumentaux qui y sont, sont en bon état.
À l’égard des pailles, il n’y en a point que 2 quintaux et quant aux Monis, il s’en est trouvé jusqu’au nombre de 50 charrettées pas moins et 3 charrettées de pailles égaillées tant dans la cour qu’au devant de la porte et qu’il y a environ 6 charrettées de chaumes vieils sur le lieu.
Arrêté le présent mémoire en double sous nos seings à Saint-Macaire.
Les clés de laquelle maison jusqu’au nombre de 24 moi Gencian ai mis en main du sieur Bineau pour valoir de procès-verbal audit Bineau et sauf à faire faire ci-après le procès-verbal sur la maison principale que ledit sieur Bineau proteste de faire faire incessamment sans préjudice de nos autres droits respectifs ce 19 mars 1700.
Nous soussignés Guy Gencian seigneur de Saint-Macaire et Denis Bineau fermier dudit lieu sommes convenus de ce qui suit. Savoir que moi Denis Bineau reconnaît avoir reçu les réparations tant de couverture de terrasses et autres du fournier [466] depuis sa petite porte qui va à la Maisonneuve jusqu’au bout de la grange à piliers qui aboutit sur la douve, en outre toutes les réparations de couverture, seulement à l’exception du pressoir et d’une petite chambre au bout de l’étable qui est tombée, en outre d’une autre chambre qui menace ruine du côté du jardin.
Plus reconnais le carreau de la salle de la petite chambre sur la cave de la chambre au-dessus de la salle de la chambre sur la cuisine et de la cuisine à l’exception du demi bout de grand bloc en bon état et ensemble le grand grenier dessus la chambre d’en haut aussi bien carrelé dans toutes lesquelles chambres il s’est trouvé 12 panneaux de vitre dans lesquels panneaux il y a manque de 20 losanges, et en outre se charge des clefs conformément au procès-verbal, et au surplus, moi Gencian le décharge de toutes les autres réparations n’en ayant point fait sans que ledit Bineau puisse être tenu des réparations que je n’ai point faites ni au commencement ni à la fin dudit bail, sous nos seings, à Saint-Macaire, ce 15 juin 1711, signé Guy Gencian, Denis Bineau.
Ledit jour, j’ai marchandé à Jean Morillon pour 30 livres de briques dont j’ai laissé l’argent à M. Bineau. Le même jour j’ai marchandé à Pierre Ribot pour 6 livres de répara. [467] tout ce qu’il peut y avoir de couverture dont j’ai laissé l’argent à Monsieur Bineau, plus il doit entretenir le pavillon d’ardoises pour 40 sols.
(grippe pulmonaire ?)
13 fév Marie Jousset 40 ans.
23 fév Anne Toussaint 2 ans
10 mars Marc Thibault 35 ans
13 mars Marie Gallet
13 mars Pierre Joublain 55 ans
16 mars Louis Thiébaut 42 ans
17 mars Louise Bonnin 40 ans
19 mars François Nomballais 17 ans
21 mars François Jousset 1 an
21 mars Louis Printemps étranger 40 ans
21 mars Jean Guitton 45 ans
24 mars Gilbert Trimouillet maître maçon 60 ans
31 mars Mathurine Soyer 40 ans
2 avril Jacques Piau 18 ans
6 avril Pierre Leblanc 33 ans
7 avril Louis Sanzier fermier de St-Mac 38 ans
13 avril Louise Barbier 48 ans
14 avril Marie Billard 81 ans
19 avril Marie Robreau 4 ans
19 avril Louis Guillou 65 ans
24 avril Jeanne Girardeau fille de Jean Girardeau 1 an
24 avril Andrée Roy servante domestique chez Ribreau à Bray 20 ans
29 avril François Lemoine 50 ans
30 avril Marie Trimouillet 40 ans
1er mai Pierre Doc 41 ans
1er mai Jeanne Meunier femme
2 mai Urbaine Maquineau 12 ans
2 mai Madeleine Valton 60 ans
2 mai René Trimouillet 30 ans
2 mai Andrée Barbier fille de 9 ans
4 mai Louise Guillou 68 ans
9 mai Marie Dumont 30 ans
11 mai Marie Drezon 28 ans
12 mai Louise Cochon 3 ans
12 mai Renée Madeleine Gallet fille
15 mai Louis Cruchon 7 ans
17 mai Pierre Dubois 77 ans
22 mai Antoinette Maquineau fille
26 mai Françoise Panneau 62 ans
27 mai Pierre Vannere 42 ans
1er juillet Philippe Piau 15 ans
10 juillet Nicolas Pouponnet 42 ans
Bray est vendu à René Robert Merceron, cultivateur, demeurant à Milly le Meugon. 31 articles composent les « domaines nationaux » dont la désignation suit :
1) La Métayrie de Bray, dont jouit le citoyen Pelletier, commune de Saint-Macaire, consistant en une maison composée de quatre chambresses [468], grenier au dessus, granges, ecuries, pressoir, cellier, toits, cour et jardin, et jardin derrière, le tout contenant vingt deux boissées ou environ.
2) Une pièce de terre, nommée la pièce de derrière la maison contenant cent huit boissées labourables.
3) Un morceau de bois taillis contenant vingt cinq boissées.
4) Un autre morceau de taillis de trente boissées ou environ.
5) Une prairie contenant cent huit boissées.
6) Le taillis nommé le bois de l’étang divisé en deux contenant trente six boissées.
7) Deux pâtis près les bois cy dessus, de quarante huit boissées.
8) un bois appellé La faucherie divisé en deux d’environ trente six boissées.
9) une petite pièce de terre labourable joignant le jardin, de six boissées, tous les articles cy-dessus se tenant.
10) Le pâtis des hayes contenant dix huit boissées labourables.
11) La foucherie contenant soixante six boissées id.
12) Une autre pièce de terre id. appellée La foucherie, contenant dix huit bées, en figure de triangle.
13) une pièce nommée la pièce de devant la maison, et Clos daviau, contenant soixante douze bées.
14) Un morceau de vigne cont. vingt huit boissées joignant vers midi le citn defays à l’orient la Pièce cy dessus.
15) Une pièce de terre labourable, nommée la Pièce à Briand, en figure de hache, contenant trente six boissellées.
16) La pièce appellée la pièce de 40 bées contenant 40 boissellées.
17) La pièce appellée les 18 bées contenant les dix huit bées.
18) La pièce app. les 8 bées cont. huit boissées.
19) une app. la Dent du Chien, de trente boissellées.
20) L’oûche aux Courtilles content quarante boissées.
21) La pièce de La Loge contenant vingt boissées.
22) La pièce de terre id. lab. app. la Vigne ronde de vingt boissées.
23) Le Grand Clos contenant soixante boissées id. labour.
24) Une pièce labourable de soixante boissées.
25) Un morceau id. app. le Village, cont. trois bées.
26) un autre morceau près celuy-cy, id. de trois boissées.
27) une pièce de terre id. située dans les Champs de Saint-maquaire, contenant vingt boisselées.
28) une autre pièce id. lab. contenant huit boissées.
29) une autre id. au dit lieu, de trente six bées.
30) une autre id. au dit lieu de quinze boissées.
31) une pièce id. contenant quarante boissées située a la Butte Champ-noir.
Lesdits biens dépendans cy devant de Luc René Gibot et son épouse émigrés compris sur la liste générale des émigrés dressée en exécution de l’article 16 de la loi du 28 mars 1793 et sur la liste particulière de ce Département du 5 septembre 1792.
Lesdits biens exploités par… cultivateur à…… mais sans bail dont l’existence fût certaine en 1792 et imposé au rôle de la contribution foncière de la commune de Macaire pour l’année 1793 à la somme de trois cent soixante six francs soixante centimes ce qui donne un revenu annuel de quatorze cent soixante six francs quarante centimes et en capital celle de trente deux mille deux cent soixante francs quatre vingt centimes, pour la valeur des bâtiments neuf cent francs, pour prix des arbres enormentaux cinq mille deux francs, total trente huit mille cent soixante deux francs quatre vingt centimes ».
(F. Lebrun : Paroisses et Communes de France : Maine et Loire, RDC, DHGBML).
1720 : 208 feux (Port)
1790 : 660 h. (Lebrun)
1793 : 750
1801 : 661
1806 : 709
1812 : 709 (RDC)
1813 : 709
1815 : 695
1816 : 695
1817 : 695
1818 : 709
1820 : 741 (Lebrun)
1821 : 709 (RDC)
1826 : 728 (Lebrun)
1831 : 693
1836 : 676
1841 : 621
1844 : 700 (Reine)
1846 : 648 (Lebrun)
1851 : 636
1856 : 617 (Lebrun)
1860 : 700 (Reine)
1861 : 609
1866 : 579
1872 : 578
1876 : 588
1881 : 585
1886 : 582
1891 : 572
1893 : 570 (Honoré)
1896 : 568 (Lebrun)
1901 : 603
1906 : 608
1911 : 571
1921 : 511
1926 : 502
1931 : 526
1936 : 513
1946 : 553
1954 : 513
1962 : 485
(en moyenne 4, 717 f l’ha au vu des 68 ha de Bray)
De Charnières – La Grise – 1202, 74 francs (254 ha)
Veuve Louis Defay – St-Mac/Maison-neuve – 423, 39 (89 ha)
René Robert – Bray – 320, 82 (68 ha)
De Terves Charles – Angers – 197, 94 (42 ha)
Hublot Pierre – La Chapelle -185, 13 (39 ha)
Deschamps – La Chapelle – 185, 13 (39 ha)
Louis Abraham – Bouchettes – 156, 83 (33 ha)
Victor Roger – La Planche – 109, 81 (23 ha)
Guéniveau Jean – La Raye – 109, 32 (23 ha)
René Dubois – Douces – 84, 48 (18 ha).
Le 9 novembre 1794, « comparaissent à la maison commune plusieurs citoyens et citoyennes domiciliés de la commune des Cerqueux réfugiés en cette commune à cause de l’invasion des brigands qui a été faite de plusieurs communes à savoir Michel Guillou, garçon cultivateur âgé de 28 ans, réfugié en cette commune depuis 6 mois, François Perreau cultivateur âgé de 52 ans et Jeanne Frappereau sa femme âgée de 58 ans, Renée Perreau sa fille 20 ans réfugiés depuis 6 mois, François Chenal cultivateur 39 ans et Jeanne Guillou 30 ans sa femme et 3 enfants René 11 ans, Jeanne 5 ans et Françoise 13 mois réfugiés depuis 6 mois, Jean Grugel tailleur d’habits 26 ans et sa famille et Jeanne Naillé veuve de Jean Grugel, 65 ans, aussi réfugiés depuis 6 mois, Pierre Beilloit maçon 34 ans et Marianne Junot sa femme 21 ans, Pierre Beilloit 15 mois, aussi réfugiés depuis 6 mois, Jean Mousset cultivateur 33 ans et Marie Sapin son épouse 31 ans et Marie Babin 8 ans, Jean Babin 3 ans, leurs enfants, aussi domiciliés en cette commune depuis 6 mois, Marie Sciennais 60 ans veuve de François Banchereau, Renée Banchereau 25 ans, aussi réfugiés depuis 6 mois, Aimée Bourget 40 ans, fille seule réfugiée depuis 6 mois, Jeanne Defois 32 ans veuve de Pierre Lointier et 2 enfants, Pierre Lointier 7 ans et Jeanne Lointier 4 ans, réfugiés depuis 6 mois, Marie Madeleine Courtois veuve de Jacques Godineau 37 ans et 2 enfants, Marie-Madeleine et Marie 7 ans et 4 ans, réfugiés depuis 6 mois domiciliés de la commune de Nueil sous Passavant, Jean Soleau 15 ans domestique chez la susdite Jeanne Defois, Marie Fouquet domiciliée auparavant à Saint-Paul du Bois, 26 ans, réfugiée en cette commune depuis 7 mois [469]. »
Puis ce sont encore en majorité des réfugiés des Cerqueux à cause de l’invasion que les brigands ont faite de leur commune depuis environ 8 mois savoir Louis Guyard boucher 58 ans et sa femme Jeanne Setton 49 ans, Louis Guyard 20 ans, Marie Guyard 10 ans, réfugiés à Saint-Mac depuis 8 mois, Michel Chalon cultivateur 41 ans et Marie Legeay 28 ans sa femme, réfugiés depuis 8 mois, René Bouet journalier 41 ans et Marie Davy sa femme 32 ans, Marie Bouet 6 ans et René Bouet 2 ans, Loïs Roux journalier 57 ans, réfugié depuis 8 mois, Jacques Bazille journalier 41 ans et Rose Perpère sa femme 30 ans, Rose Bazille 8 ans, depuis 8 mois, Perrine Loiseleur veuve François Rullier 40 ans, Jean Rullier maçon 17 ans, depuis 8 mois, Marie Turpault 5 ans fille de feu Pierre Turpault et de Françoise Laroche 36 ans, Jean Grulier garçon 27 ans, de La Fougereuse charbonnier réfugié le premier prairial (20 mai 94), François Prault 17 ans, Pierre Menest marchand 56 ans et Marie Parillon sa femme 49 ans, François Menest 15 ans, René Menest 10 ans, Alexandre Gautier cultivateur 57 ans de la commune des Champs sur Loire, réfugié depuis 2 mois, François Jousset cultivateur 40 ans et Marie Yvon sa femme 40 ans, Françoise Jousset 10 ans, François Jousset 5 ans, réfugiés depuis 3 mois, Jean Hullin cultivateur 34 ans de Genneton et Perrine Guillet sa femme 35 ans, ici depuis 4 mois, Joseph Grichet marchand épicier 34 ans et Louise Révilleau sa femme 28 ans, François Deroy leur fils 3 ans et 1/2, réfugiés de Cléré, Pierre Foulard cultivateur 29 ans et Andrée Gautier sa femme 33 ans, Pierre Foulard 3 ans, ici depuis 3 mois, Jean Chacé réfugié de la Chapelle Gaudin demeurant chez la citoyenne Grignon depuis le 15 fructidor (3 sept 94), Marie Anne Panneau veuve de Pierre Robreau 61 ans, René Gautreau son fils 31 ans, Paul Gautreau 29 ans, Jean Gautreau son fils 27 ans, Jeanne Gautreau sa nièce 19 ans, « les citoyens et citoyennes dessus » sont domiciliés des Cerqueux et réfugiés depuis 8 mois, Marie Durand veuve de Jean Catroux 60 ans, Marie Catroux sa fille 22 ans, François Gautreau 67 ans et Perrine Poupard sa femme 37 ans, François Gautreau 17 ans, Marie Gautreau 10 ans, Paul Gautreau 9 ans, Jean Gautreau 6 ans, Pierre Gautreau 2 ans ses enfants, Étienne Boucheron 41 ans et Marie Rabin sa femme 36 ans, Louis Boucheron 7 ans, Jean Boucheron 7 mois, ses enfants et Louise Rullier sa nièce 12 ans tous cultivateurs domiciliés des Cerqueux réfugiés depuis 8 mois, Marie Lemoine 15 ans, Perrine Lemoine 10 ans domiciliés de Saint-Paul du Bois, réfugiés ici depuis 8 mois, Pierre Legeay 31 ans et Jeanne Beloin sa femme 28 ans venus de Saint-Paul du Bois, ici depuis 8 mois, René Maurille Pelletier 27 ans de Chalonnes, réfugié ici depuis le 10 ventose dernier (29 février 94), François Errandeau cultivateur 64 ans et Jeanne Doucin sa femme 41 ans, Jeanne Errandeau sa fille 10 ans qui est née commune des Ruisseaux cidevant Saint-Paul du Bois, réfugiés depuis le 28 germinal dernier (18 avril 94), Jacques Morin cultivateur 33 ans et sa femme domiciliés de Genneton, réfugiés ici depuis 8 mois, Marie Rullier 13 ans de Saint-Paul du Bois depuis 8 mois, Marie Massicot, de Nueil, réfugiée le 11 brumaire (premier nov 94), Pierre Madou 43 ans [470] de la commune de Cersay et Catherine Gallard sa femme 40 ans, Marie Madou 14 ans, Victoire Madou 9 ans, François Madou 4 ans, ses enfants, René Legeay 37 ans domicilié de Nueil et Anne Champion sa femme 35 ans, ces deux derniers réfugiés depuis 6 mois, Marie-Rose Paquier veuve Pierre Davy 19 ans de Saint-Paul du Bois, Françoise Davy 13 ans réfugiés depuis 8 mois, Marie Bouquin veuve Pierre Marchand 46 ans, Françoise Marchand sa fille 22 ans d’Argenton le Peuple [471] district de Thouars réfugiés le 16 prairial (4 juin 94) [472].
Les textes qui suivent proviennent d’un recueil de notes (et d’annotations de notes) mélangées, léguées par les curés de Saint-Macaire qui ont succédé à M. Jean-Baptiste Reine, déposé aux Archives de l’Évêché d’Angers. Jean-Baptiste Reine n’a repris la cure de Saint-Macaire, après la révolution, qu’en 1828, soit 37 années après le serment constitutionnel de René Lière.
Toutes les notes manuscrites du curé Reine ont disparu. Heureusement, certaines ont été retranscrites de la main de ses successeurs, notamment par Tranchant. Ce sont elles qui sont rétablies en premier afin de respecter l’ordre chronologique.
Ces textes ne sont pas livrés tels quels, leur orthographe d’origine a parfois été corrigée, mais les erreurs historiques qu’ils contiennent ont été maintenues.
L’ordre des curés intervenant dans ces notes est le suivant :
Jean-Baptiste Reine : 1828-1868 (notes retranscrites par Tranchant)
Edouard Tranchant : 1869-1875
Charles Ollivier : 1875-1887
Auguste Honoré : Janvier 1888-1901
Louis Bédouin : 1901-1908
Victor Babin : 1908-1937
Eugène Aigron : 1937-1946 (fin du recueil)
Philippe Houet : 1946-1961 (annotations en marge)
Nomination de M. Reine à la cure de Saint-Macaire, premier janvier 1828 : Le premier jour du mois de janvier 1828, nous soussigné avons été nommé [473] par Monseigneur l’Évêque d’Angers curé de cette paroisse de Saint-Macaire, arrondissement de Saumur, diocèse d’Angers.
Signé Reine (transcrit par Tranchant)
Renseignements sur l’abbaye de Brignon : Brignon ou l’Absie en Brignon (sedes Brignonis), abbaye de l’ordre de Saint-Benoit, diocèse de Poitiers, était située entre Thouars et Montreuil-Bellay dans un vallon agréable et fertile [474]. Elle fut fondée dans le XIIe siècle [475] sous Guillaume évêque de Poitiers par Giraud seigneur de Montreuil Bellay qui céda aux religieux de l’Absie la forêt de Brignon avec des rentes suffisantes pour ce nouvel établissement [476]. Gallia Christiana t. II, col. 1297.
Il y avait aussi en France une autre abbaye du nom de l’Absie, laquelle eut probablement pour premiers religieux des novices de l’abbaye de Brignon [477]. Voici ce que nous avons trouvé à ce sujet : Absie, ancienne abbaye de France de l’ordre de Saint-Benoit, en Poitou, diocèse de La Rochelle, ci-devant Maillezais. Elle fut fondée l’an 1120 des libéralités de quelques seigneurs poitevins de Parthenay, de Chabot, de Châtaignier, d’Appelvoisin et autres. Un ermite appelé Pierre de Bunt en avait jeté les premiers fondements auparavant et Géraud de Sales établit pour premier abbé un de ses disciples nommé Pierre. Elle était entre Thouars et Fontenay le Comte.
Daviti – Description de la France – Sainte-Marthe…
Signé Reine (Tranchant)
Bénédiction de la chapelle de Brignon : Le treizième jour du mois de janvier 1829 a été bénie par nous curé soussigné avec l’autorisation de Mr l’Évêque en date du 29 novembre dernier, une chapelle sous l’invocation de Saint-Augustin située sur notre paroisse dans l’emplacement de l’église de ND de la Lye [478] en Brignon détruite il y a vingt ans et servant autrefois à une abbaye de bénédictins fort célèbre, fondée au XIIe siècle par Giraud seigneur de Montreuil-Bellay qui céda aux religieux la forêt de Brignon. Cette abbaye de Brignon fut supprimée en 1792.
Reine curé (Tranchant)
Procession à Saint-Francaire : Le sixième jour d’octobre 1832 nous avons fait avec la plus grande partie de nos paroissiens auxquels s’étaient réunies plusieurs personnes des paroisses voisines une procession à la fontaine de Saint-Francaire située sur la paroisse de Cléré pour obtenir du ciel la cessation de la sécheresse qui nous désolait depuis plusieurs mois et nous menaçait d’une stérilité complète.
Reine (Tranchant)
Note sur la sacristie de l’église : Le 25 août 1836 en présence de M. Reine curé était posée et scellée la première pierre de la sacristie. Cette sacristie est reconstruite sur l’emplacement de l’ancienne qui comme l’église datait du VIIIe siècle et fut brûlée au IXe par les normands lors de leurs invasions en France. Ces barbares quittaient en effet quelquefois les berges des fleuves pour s’étendre dans les terres où après les avoir pillées rapportaient des richesses de toutes sortes dans leurs barques. Ces invasions normandes sont autant de tâches pour Charles le Chauve qui crut se débarrasser de ces pillards en consentant à leur payer un tribut honteux. Quelques siècles plus tard, au XIIe qui vit naitre l’architecture ogivale laquelle régna pendant la plus belle partie du moyen-âge et qui dans sa fécondité sans exemple a laissé un nombre prodigieux de chefs-d’œuvre, notre sacristie dont les murs avaient résisté à l’incendie fut reconstruite d’après les règles de l’architecture de cette époque. L’église comme la sacristie fut de même réparée mais quatre siècles après pendant les guerres de religion, la sacristie comme le toit de l’église fut brûlée par les troupes de Coligny et l’église livrée au culte des protestants. Une terrible bataille fut livrée dans la plaine voisine appelée Champ-Noir, de la nature de son sol et qui à cette époque était couverte de nombreuses habitations avoisinant l’église. Le toit actuel de l’église fut réparé sur un plan bien inférieur au premier en 1569 peu avant la célèbre bataille de Moncontour sur Dive. [479]
Reine curé (Tranchant)
Prise de possession de notre nouvelle sacristie 5 août 1838 : Le cinquième jour du mois d’août 1838 nous avons pris possession de notre nouvelle sacristie reconstruite sur les fondements de l’ancienne sacristie incendiée par l’amiral Coligny pendant les guerres auxquelles la religion servait de prétexte en 1569 à la suite d’un combat qui eut lieu dans la plaine voisine appelée champ-noir peu avant la célèbre bataille de Moncontour sur Dive dans le Mirabelais diocèse de Poitiers.
Reine curé (Tranchant)
Placement du grand autel – d’un bénitier – 11 mai 1840 : Le onzième jour de mai 1840 nous curé soussigné après avoir pris le consentement des membres de notre fabrique avons fait placer dans notre église paroissiale à la manière romaine par le sieur Guichard marbrier à Saumur le grand autel en marbre noir puis un bénitier en marbre rouge de Laval à la petite porte du milieu de la nef à l’ouverture au sud vis à vis notre presbytère. Le grand autel a couté cent francs le bénitier dix francs.
Reine curé (Tranchant)
Enlèvement de deux chênes placés sur le sommet de l’éperon S-O de la chapelle de la Sainte Vierge de cette église – 23 mai 1840 : Le vingt-troisième jour de mai 1840 nous soussigné après avoir pris le consentement des membres de notre fabrique avons fait enlever du sommet de l’éperon placé à l’angle S-O de la chapelle de la vierge de cette église deux chênes d’espèces différentes élevés de deux mètres qui devaient leur origine apparemment fort ancienne au transport de deux glands différents effectué par des oiseaux, sur le sommet de cet éperon, lesquels glands se seront développés par la végétation dans les interstices de la maçonnerie. Ces chênes par le développement de leurs racines ayant renversé la plus grande partie de l’éperon qui les portait, nous avons dû en faisant reconstruire ce même éperon consentir à l’enlèvement de ces deux chênes placés à cinq mètres du sol, de la plus belle végétation et égalant par leurs cîmes orgueilleuses la hauteur du toit de notre église, formant une véritable curiosité d’histoire naturelle.
Reine curé (Tranchant)
Visite dans notre église et administration du sacrement de confirmation par Mgr Paysant évêque du diocèse – premier juin 1840 : Le premier jour de juin 1840 à quatre heures de l’après-midi, nous curé soussigné avons eu l’honneur de recevoir dans notre presbytère Mr Louis Robert Paysant qui y a passé la nuit suivante et le lendemain deuxième jour du mois a célébré la messe et a donné la communion à nos petits enfants du catéchisme et leur a administré la confirmation ainsi qu’à un grand nombre de nos paroissiens et paroissiennes qui ont également communié de sa main pontificale.
Reine Curé (Tranchant)
Placement de l’autel Sainte-Emérance dans la chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste – 27 juillet 1841 : Le vingt-septième jour de juillet 1841 avec le consentement des membres du conseil de fabrique de notre église, nous curé soussigné avons fait transporter dans la chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste l’autel dédié à Sainte-Emérance, lequel autel était placé vers le milieu de la nef à gauche en entrant par la grande porte. Nous avons fait placer cet autel de Sainte-Emérance dans la place de celui dédié à Saint-Jean-Baptiste duquel saint nous avons fait placer le portrait vis à vis.
Reine Curé (Tranchant)
Placement de la sainte Table devant le grand autel – cette sainte Table tous frais compris a coûté 104 francs – 23 décembre 1843 : Le vingt-troisième jour de décembre 1843 nous curé soussigné avons fait placer du consentement de notre fabrique une belle sainte Table en fer devant le grand autel du poids de 90 kilog. laquelle sainte Table a été confectionnée et posée [480]<